Olivier Nusse, président d’Universal Music France : « Il faut démocratiser le streaming par abonnement »

Président d’Universal Music France, filiale du premier producteur mondial
de musique, et depuis neuf mois président du syndicat français représentant notamment les majors (Snep), Olivier Nusse déplore que Spotify, Apple Music ou Deezer ne fassent pas mieux connaître le streaming par abonnement en France.

Le streaming musical a beau représenter en 2018 – et pour la première – plus de la moitié (50,1 %) du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en France, soit 300,9 millions d’euros sur
un marché total de 581,3 millions d’euros, et compter 5,5 millions d’abonnés à ce type d’écoute audio, cela ne satisfait pas Olivier Nusse (photo). Président d’Universal Music France depuis plus
de trois ans et, depuis neuf mois, président du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), il estime que les plateformes de streaming – au premier rang desquelles Spotify, Apple Music et Deezer – ne font pas assez en France la pédagogie du streaming par abonnement. « Atteindre 5,5 millions d’abonnés en France en 2018, c’est encourageant : il y en a 1 million de plus en un an. Mais c’est un vrai challenge car c’est à peine 10 % de taux de pénétration [par rapport à la population française et ses 67 millions d’habitants, ndlr]. Certains autres territoires atteignent 20 % à 25 %. Je pose la question : est-ce que l’on a réussi à suffisamment démocratiser cet usage (du streaming musical par abonnement), le faire comprendre, pour qu’il ait une vraie croissance du nombre d’abonnés en France ? », s’est-il demandé lors de la conférence annuelle du Snep, le 14 mars dernier.

Musique en ligne : la rémunération minimale des artistes sur le streaming a du plomb dans l’aile

Depuis six mois qu’il a été signé par les syndicats de producteurs de musique
et ceux des artistes interprètes dans la torpeur d’une nuit d’été, le 7 juillet 2017, l’accord instaurant pour ces derniers une garantie de rémunération minimale pour leurs musiques diffusées en streaming n’est toujours pas appliqué. Ubuesque !

Depuis les accords « Schwartz » du 2 octobre 2015, du nom du médiateur Marc Schwartz (photo) à l’époque, qui instaurent en France le principe d’une garantie de rémunération minimale aux artistes, compositeurs et interprètes sur le streaming, ces derniers n’en bénéficient toujours pas – plus de deux ans et demi après. Cette redevance minimum venait pourtant de faire l’objet d’un accord avec les producteurs de musique dans la nuit du 6 au 7 juillet 2017 – à 4 heures et demie du matin ! – mais il avait aussitôt été dénoncé par plusieurs syndicats d’artistes le trouvant finalement « particulièrement injuste » ou « parfaitement inepte » pour leurs membres musiciens. Formée par le Syndicat national d’artistes musiciens (Snam)/CGT, le Syndicat français des artistes interprètes (SFA)/CGT, le Syndicat national des musiciens (SNM)/FO, et le Syndicat national des artistes chefs d’orchestre professionnels de variétés et arrangeurs (Snacopva)/CFE, cette intersyndicale avait dénoncé les conditions de la signature elle-même et de la réunion où, selon elle, « la négociation ne fut pas réellement loyale ». La loi « Création » de 2016 donnait jusqu’au 7 juillet dernier à la branche professionnelle de la musique enregistrée pour parvenir à un accord collectif (1), faute de quoi l’Etat imposerait par la loi une solution de rémunération des artistes interprètes pour l’exploitation de leurs musiques en streaming.

Les majors de la musique dénoncent plus que jamais le « transfert de valeur » du streaming gratuit

Les trois majors de la musique – Universal Music, Sony Music et Warner Music
– se félicitent de la croissance du streaming par abonnement mais continuent
de dénoncer un « transfert de valeur » vers le streaming gratuit, au profit de YouTube notamment. En attendant le rapport Schwartz…

Alors qu’il s’est entretenu le 7 septembre avec Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Marc Schwartz nous confirme qu’il rendra bien le 30 septembre son rapport final sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) espère, lui, qu’il sera entendu. Son directeur général, Guillaume Leblanc (photo), a encore rappelé – dans l’édito du rapport annuel sur la production musicale publié fin juin – que « la correction du transfert de valeur est plus que jamais nécessaire pour faire en sorte que quelques grands acteurs puissent rémunérer justement la création et cessent enfin de se considérer comme de simples hébergeurs ».

Musique en ligne et rémunération des artistes : l’été sera chaud pour le médiateur Schwartz

Le conseiller maître à la Cour des comptes Marc Schwartz ne sera pas vraiment en vacances cet été. Il doit rendre mi-juillet, à la ministre Fleur Pellerin, son pré-rapport sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Et sa version finale d’ici fin septembre. Pas de consensus en vue, pour l’instant.

Marc Schwartz n’est pas au bout de ses peines.
Il doit soumettre à la ministre de la Culture et de la Communication des propositions sur la répartition de
la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne,
en prévision de la loi « Liberté de création, architecture
et patrimoine » qui devrait commencer à être débattu au Parlement après l’été. Deux ans après le rapport Phéline, qui préconisait une gestion collective obligatoire pour le streaming, le médiateur Schwartz – missionné le 21 mai dernier par Fleur Pellerin – doit tenter l’impossible.

Musique : le streaming dépasse le téléchargement

En fait. Le 30 avril, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté les chiffres du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2014 : – 7,1 % à 100,3 millions d’euros, dont 32,9 millions pour les ventes numériques (+ 6,6 %). Mais le streaming inquiète quand même.

En clair. Les revenus du streaming sur le marché de la musique en ligne bondit (+ 40 % à 16,5 millions d’euros) pour devenir – pour la première fois en France – le premier moyen d’écoute musicale sur Internet : un peu plus de la moitié (50,08 %) des revenus numériques proviennent en effet de ce mode d’écoute de flux audio, bien qu’il représente encore seulement 16,5 % du marché global. « Le streaming est à lui seul le moteur de la croissance des ventes de musique numérique », a souligné Guillaume Leblanc, DG du Snep. L’année 2013 avait amorcé le « fléchissement du téléchargement » (1). Cependant, cette migration des usages du téléchargement vers le streaming préoccupe les producteurs de musique du Snep (2) car la croissance se fait plus en faveur du streaming gratuit financé par la publicité (+ 43,8 %), mais moins rémunérateur pour l’industrie musicale, qu’au profit du streaming par abonnement (+ 38,3 %) aux revenus plus élevés. Bien que la France compte « entre 1,5 et 2 millions d’abonnés » à un service de streaming musical (y compris les abonnements inclus dans un forfait comme Deezer avec Orange), ce segment a de plus en plus de mal à attirer un public habitué à la gratuité.