Déclin des ventes de tablettes iPad mais hausse des contenus et services digitaux : le paradoxe d’Apple ?

Apple a publié le 5 novembre, via le gendarme boursier américain (la SEC), le rapport financier de son année fiscale close le 29 septembre. Edition Multimédi@ y analyse deux tendances opposées mais paradoxales : la baisse des ventes de l’iPad et la hausse de celles des contenus et services en ligne.

Lorsque, en janvier 2010, la marque à pomme a révélé son tout premier iPad, on allait voir ce qu’on allait voir ! La tablette fut présentée – par Steve Jobs à l’époque (photo de gauche) – comme « un appareil révolutionnaire », qui allait être multimédia, communiquant et tactile pour accéder à tous les contenus. Moins de trois ans après la sortie de son premier iPhone, Apple tenait enfin avec son iPad le « puissant ordinateur dans un livre » promis au monde entier par Steve Jobs en 1983.

Loin du pic des ventes de tablettes en 2013
Mais, plus de huit ans après le début de la commercialisation du premier iPad (en avril 2010), force est de constater que le rêve d’Apple – de voir la tablette devenir le grand écran tactile (9,7 pouces/246,3 mm de diagonale) que tout le monde s’approprierait pour accéder au contenus et services en lignes – s’est aujourd’hui évanoui. Au cours
de l’exercice 2017/2018 clos fin septembre, la firme de Cupertino n’a vendu que 43,5 millions d’iPad pour 18,8 milliards de dollars. Ce qui représente, sur un an, une baisse de 0,5 % en volume et de 2,1 % en valeur. La chute est autrement plus douloureuse si l’on compare au pic historique des ventes d’iPad en unités, c’est-à-dire aux 71 millions d’iPad vendus en 2012/2013 pour un chiffre d’affaires record de 31,9 milliards de dollars : – 38,7 % en volume et – 39,9 % en valeur. Ce désamour mondial pour l’iPad n’est pas faute d’avoir eu des tablettes à la pomme plus performantes. Et la sixième génération actuelle, apparue en mars avec le nouvel iPad boosté au processeur hyperpuissant A10 Fusion, ne démérite pas. Hélas, le marché mondial de la tablette n’a pas su s’imposer face au marché de masse des smartphones. Selon les derniers chiffres en date, publiés le 2 novembre par le cabinet d’étude IDC, les ventes mondiales de tablettes continuent de reculer de 8,6 % au troisième trimestre de cette année. Qu’elles soient sous forme d’ardoise (classiques) ou convertibles (détachables), rien n’y fait. Toutes déclinent. Sur ce troisième trimestre 2018, il s’est vendu dans le monde seulement 36,4 millions de tablettes – loin du pic du quatrième trimestre 2013, au cours duquel il s’était vendu un record de 78,6 millions de tablettes. Maigre consolation pour la marque à la pomme : elle est toujours en tête des ventes avec 26,6 % de parts de marché, encore loin devant Samsung (14,6 %), Amazon (12 %), Huawei (8,9 %) ou encore Lenovo (6,3 %). Le glas sonne-t-il pour les tablettes ? La presse fut la première industrie culturelle à miser dès 2010 sur l’iPad, qu’elle voyait comme le moyen de monétiser – « enfin » – ses journaux et leurs articles jusqu’alors livrés un peu trop vite et gratuitement sur Internet à partir des années 2000. L’engouement pour l’iPad fut tel que les éditeurs ne jurèrent un temps que par la tablette pour sortir de l’ornière (1) (*) (**).
Des journaux se sont même créés pour, tels Project de Virgin, premier e-magazine fonctionnant uniquement sur l’iPad, et The Daily de News Corp. Ces titres n’ont pas fait long feu. Les premiers kiosques numériques ont aussi vu dans l’iPad leur terminal. Mais les éditeurs de presse et les médias audiovisuels ont vite déchanté dans leurs relations difficiles avec l’écosystème fermé d’Apple (2). Aujourd’hui, Apple s’en tire à bon compte avec ses iPad, mais sur le dos des consommateurs qui doivent payer plus cher leur tablette à la pomme. Leur prix moyen de vente est en hausse, comme sait si bien le faire la firme de Cupertino pour conforter ses marges.
Le paradoxe est que la tablette devait devenir le point d’entrée privilégié aux contenus multimédias. Or ce ne fut pas le cas. C’est le smartphone qui est devenu le terminal universel dans l’accès à Internet et aux applis mobiles. Si les tablettes n’ont pas tenu les promesses d’Apple, les contenus, eux, continuent leur croissance auprès d’un large public – sur smartphones, phablettes, consoles portables ou encore Smart TV.

Contenus et services : 14 % des revenus d’Apple
Cette tendance se traduit pour Apple par une hausse sans précédent des revenus de contenus et services en ligne – ce que le groupe dirigé par Tim Cook (photo de droite) désigne par « Digital Content and Services » (iTunes, App Store, Mac App Store, TV App Store, Book Store et Apple Music), auxquelles sont rajoutés les revenus d’AppleCare, d’Apple Pay, de licences et autres. Au total, la ligne « Services » des résultats 2017/2018 affiche plus de 37,1 milliards de dollars grâce à un bond de 24% (3). Les contenus et services pèsent maintenant 14 % du chiffre d’affaires total d’Apple (4). Mais c’est encore insuffisant pour que la marque à la pomme diminue sa dépendance à l’iPhone, lequel représente encore 62,7 % de ses ventes mais dont les perspectives de vente sont pour la première fois à la baisse. @

Charles de Laubier

L’Europe pointe les lignes floues pubs-contenus

En fait. Le 9 décembre, l’Observatoire européen de l’audiovisuel – dépendant
du Conseil de l’Europe – a publié un rapport sur « les nouvelles formes de communications commerciales à l’heure de la convergence », où l’on constate que « les lignes séparant contenu réel et publicité sont de plus en plus floues ».

La France compte 1,5 million de téléviseurs « HbbTV »

En fait. Le 11 juin, l’Association pour le développement des services TV évolués
et interactifs (Afdesi) a organisé un atelier sur la norme HbbTV de télévision connectée, avec une présentation de l’ensemble des services audiovisuels l’utilisant et diffusés sur près de la moitié des chaînes de la TNT en France.

Radio des objets

« Good moooooorning Paris ! ». Les ondes vibrent encore de ce cri qui réveille la capitale depuis plus d’un mois. Un salut tonitruant poussé chaque matin par l’un des présentateurs vedette de la nouvelle station Word Radio 1. Une radio d’un nouveau genre : des programmes diffusés en mode tout IP de New York, Shanghai, Sao Paulo, Berlin, Londres et Lagos, pour une audience sans frontières affranchie des limites de la diffusion hertzienne. C’est bien le pari insensé d’une poignée de jeunes passionnés de musiques et de cultures du monde que d’avoir réussi à lancer une radio d’un nouveau ton, s’adressant à des auditeurs avides des nouvelles de la planète. Ils ont su tirer parti des atouts historiques de ce média, en amplifiant sa puissance par l’intégration des nouveaux outils : podcasts, vidéos, réseaux sociaux et métadonnées.

« Au-delà des mobiles et des autoradios, ce sont
nos ampoules, nos vêtements ou nos robots domestiques
qui mettent à volonté ces nouvelles radios à portée de
nos oreilles. »

Cet étonnant succès ne doit pas masquer l’évolution radicale qui a fini par rattraper
le média radio, resté longtemps à l’écart de l’appétit des majors du Net en raison de barrières réglementaires et culturelles plus élevées que l’enjeu financier qu’il représente. A l’instar des autres médias, et peut être mieux encore, la radio s’est adaptée à tous les nouveaux « transistors numériques » : smartphones, tablettes, smart TV, sites web ou encore radios personnalisables, sans oublier les autoradios digitaux. Ce qui a permis de développer l’écoute digitale mobile, tout en ouvrant la voie à de nouveaux espaces de monétisation. Le combat a porté un temps sur les standards qui devait offrir une alternative à la radio tout-IP, comme la fameuse RNT qui fut, en France, à l’origine de tant de rapports et d’études. La radio numérique terrestre y fut finalement lancée laborieusement en juin 2014 sur les villes-test de Marseille, Nice et Paris. Et c’est l’Union européenne de radio-télévision (UER) qui lança à la même époque un projet visant à intégrer dans tous les récepteurs une « europuce » pour permettre d’écouter gratuitement la radio dans n’importe quel pays, avec l’idée de libérer l’industrie de sa dépendance des opérateurs télécoms.
Si la radio n’a pas disparu, elle a éclaté selon des lignes de fracture correspondant aux grandes familles de « stations ».
Les programmes musicaux ont été les plus touchés, tant les modes d’écoute ont été bouleversés par la montée en puissance progressive du streaming (lequel s’est imposé face au support physique puis au téléchargement). De véritables radios en ligne interactives – smart radio – ont progressivement pris le pouvoir : Pandora dépassait les 150 millions d’utilisateurs en 2013 et participa au processus de consolidation commencé dès l’année suivante par le rachat symbolique de KXMZ-FM, petite station hertzienne radio du sud Dakota. Pour de nombreux pays émergents, le streaming s’est très vite taillé la part du lion puisqu’il a représenté dès 2014 près de 50 % du marché
de la musique.
Au Brésil, en Chine, en Inde, au Mexique ou au Vietnam, le smartphone est en effet devenu le terminal de référence pour l’écoute de musique via les grands services de
radio en streaming. Cet engouement a touché tous les pays et permis aux plates-formes internationales, comme Spotify ou Deezer, d’atteindre une taille critique mondiale de plus de 40 millions d’abonnés, indispensable pour un niveau de rentabilité suffisant.
Après les radios musicales, les généralistes ont tenté de réinventer la télévision en transformant leurs émissions de plateaux en talk-show et en demandant à leurs journalistes de réaliser des reportages vidéo. Ces stations multimédias ont peu à
peu été englobées dans des groupes pluri-médias capables de décliner leurs contenus sur tous les formats (écrit, voix et vidéo). Finalement, c’est en capitalisant sur leurs fondamentaux que certaines radios ont pu cultiver avec succès une différence qui fait encore leur succès aujourd’hui : des concepts innovants servis par de grandes voix,
« éditorialisant » des émissions d’information, de sport, de musique, d’humour ou d’histoire, mais désormais accessibles sur une multitude d’objets connectés. Car au-delà des mobiles et des autoradios, ce sont nos ampoules, nos vêtements ou nos robots domestiques, entre autres, qui mettent à volonté ces nouveaux programmes
à portée de nos oreilles. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Voiture connectée.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 »
(http://lc.cx/b2025).

Amazon et Facebook, invités vedettes du Mipcom

En fait. Le 10 octobre s’est achevé à Cannes le 29e Marché international des programmes audiovisuels (Mipcom), organisé sur quatre jours par l’anglo-néerlando-américain Reed Elsevier : 4.623 acheteurs, dont 1.000 du monde digital, et 13.500 visiteurs s’y sont pressés. Amazon et Facebook ont volé la vedette.