Revenus en hausse mais investissements en baisse : les opérateurs télécoms en font-ils assez ?

Les revenus 2022 des opérateurs télécoms en France sont en hausse, à plus de 45,8 milliards d’euros HT (+1,6 %). En revanche, leurs investissements sont en baisse, à 14,6 milliards d’euros (-1,8 %). Ce qui semble paradoxal avant la prochaine fermeture du réseau de cuivre.

Saviez-vous que les opérateurs télécoms en France ont dépassé en 2022 la barre des 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires ? Soit une hausse globale annuelle de 1,6 %, à précisément plus de 45,8 milliards d’euros, selon les calculs de Edition Multimédi@. Ce montant comprend à la fois le marché auprès du client final (plus de 36,7 milliards d’euros) et le marché auprès des opérateurs (plus de 9 milliards d’euros). Tandis que, toujours l’an dernier, les investissements consentis par ces mêmes opérateurs télécoms en France ont reculé de 1,8 %, à 14,6 milliards d’euros (hors achats de fréquences).

Plan France THD et New Deal mobile
C’est à se demander si les « telcos » ne relâchent pas leurs efforts d’investissements dans les déploiements des réseaux très haut débit fixe (fibre) et mobile (4G/5G) qui sont pourtant indispensables à l’aménagement numérique des territoires et à la lutte contre la fracture numérique. D’autant que le plan France Très haut débit, qui aura coûté près de 35 milliards d’euros, dont 65 % pris en charge par le secteur privé, 25 % par les collectivités territoriales et 10 % par l’Etat (1), est dans la dernière ligne droite de son objectif gouvernemental qui est de « généraliser la fibre optique en 2025 » en termes de prises raccordables. Le temps presse d’autant plus que la fibre optique est censée remplacer le réseau de cuivre (les paires de cuivre téléphoniques sur lesquelles passent le haut débit ADSL et le très haut débit VDSL2). Car l’opérateur télécoms historique Orange a déjà annoncé à tous ses concurrents, Bouygues Telecom, Free et SFR en tête, que la fermeture commerciale nationale de ce réseau de cuivre interviendra le 31 janvier 2026, avec la fin du plan de fermeture prévue en 2030. Il y a déjà sept communes où le réseau de cuivre a été définitivement fermé. L’Arcep indique qu’une nouvelle expérimentation d’extinction en zone très dense vient d’être lancée à Vanves (dans les Hauts-de-Seine en région parisienne et dans le centre-ville de Rennes (Ille-et-Vilaine en Bretagne).
Le compte-à-rebours se poursuit. Or, d’après les relevés de l’Arcep au 31 décembre 2022, il restait encore sur tout le territoire 23,2 % des locaux – particuliers et entreprises confondus – à rendre raccordables à la fibre optique comme le sont les 76,8 % (voir tableau ci-dessous) – dont 53,8 % de ces prises FTTH ont trouvé « preneur » au 31 mars dernier, à savoir un peu plus de 19 millions d’abonnés à la fibre de bout en bout sur près de 35,3 millions de fibres optiques raccordables. Les opérateurs télécoms parviendront-ils au « 100 % fibre » avant l’échéance de dans un an et demi ? « Les déploiements vont vite et bien, et surtout en zones rurales. On a quand même des points d’attention dans certaines villes moyennes, comme Les Sablesd’Olonne, La Roche-sur-Yon et d’autres communes qui sont en-dessous de la moyenne nationale. J’invite les opérateurs – en particulier Orange – à poursuivre vraiment les déploiements dans ces zones-là. Puisque les opérateurs ont souscrit des engagements, vis-à-vis du gouvernement, à couvrir ces zones. (…) Orange a choisi à partir de l’année dernière de ralentir ses déploiements de fibre optique dans les zones les plus rurales. Nous l’avons mis en demeure de finir ses déploiements dans ces zones. L’instruction est en cours (2) », a indiqué le 25 mai la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière (photo), sur BFM Business. Le lendemain, l’ancienne députée a fait un déplacement à Marseille et à Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône) pour y constater les retards et dysfonctionnement dans les raccordements à la fibre jusque dans les zones très denses. « Marseille a une couverture globale de 79 % du nombre de locaux, inférieure à la moyenne nationale (91 %). Les opérateurs privés ne déploient pas suffisamment », a-t-elle pointé dans son interview à La Provence parue le jour même. Laure de La Raudière (« LDLR »), qui a fait de la qualité des réseaux fibre une de ses premières priorités, rappelle d’ailleurs régulièrement, et à nouveau le 25 mai dernier, qu’« [elle a] du mal à dire que le plan France Très haut débit est une vraie réussite, étant donné ces problèmes de qualité de service sur les réseaux fibre » (3). Il y a aussi parallèlement la finalisation des engagements de Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR dans le « New Deal mobile » pour atteindre 100 % du territoire en 4G, y compris pour résorber les « zones blanches centres-bourgs » dont il reste encore plus de 4 % à couvrir (4). Sans parler du déploiement de la 5G dans les zones un peu plus denses pour désaturer les réseaux 4G.

Investissements : fixe en recul, mobile en hausse
A l’heure où des retards dans les déploiements des infrastructures numériques et des dysfonctionnements voire des malfaçons dans les raccordements à la fibre préoccupent les élus locaux et leurs administrés, le recul des investissements des opérateurs télécoms semble pour le moins malvenu. Et ce, au moment où la proposition de loi « Assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » (5) a été adoptée à l’unanimité au Sénat le 2 mai et va être débattue à l’Assemblée nationale. Même si ce reflux a été léger l’an dernier (- 1,8 %, à 14,6 milliards d’euros hors achats de fréquences, – 6,4 % avec), il s’avère plus prononcé (- 9,8 %) par rapport à 2020 (avec achats de fréquences), pourtant la première année impactée par la crise sanitaire. D’autant que si les investissements dans les réseaux mobiles (hors redevances pour fréquences mobiles) ont, eux, augmenté de 5,5 %, à 3,8milliards d’euros en 2022, il n’en va pas de même pour les réseaux fixe qui accusent pour leur part une baisse de 4,4 %, à 10,8 milliards d’euros, toujours l’an dernier (voir tableau ci-dessous). L’après-covid 19 n’a donc pas renversé la tendance baissière, bien que légère, les investissements restant « à un niveau élevé » ou « massifs » (dixit LDLR). Alors que dans le même temps, le chiffre d’affaires global des opérateurs télécoms a augmenté en 2022 de 1,6 %, à précisément plus de 45,8 milliards d’euros hors taxes.

Revenus mobiles : hausse de 4,6 % en un an
Le marché de détail (pour le client final) a contribué à ces revenus pour plus de 36,7 milliards d’euros, en hausse de 1,8 % sur un an. Tandis que le marché entre opérateurs (interconnexion, accès et itinérance) a contribué pour sa part à plus de 9 milliards d’euros, en hausse de 0,8 %. La plus grosse source de revenus l’an dernier pour les opérateurs télécoms réside dans les services mobiles aux clients finaux (marché de détail, y compris les recettes MtoM), à hauteur de 14,7 milliards d’euros (+ 4,5 % sur un an), auxquels s’ajoutent les revenus liés à la vente de terminaux mobiles, à hauteur de près de 3,5 milliards d’euros (+ 5,1 %).
Au total, selon les calculs de Edition Multimédi@, le chiffre d’affaires mobile des opérateurs télécoms en France dépasse les 18,2 milliards d’euros en 2022, en belle hausse de 4,6 % sur un an. Quant aux services fixes, cette fois, ils constituent toutes catégories confondues la toute première source de revenu des opérateurs télécoms, à hauteur de plus de 16,5 milliards d’euros en 2022, quasiment stables (- 0,3 %). Le FTTH et la 5G permettent d’ores et déjà aux « telcos » d’accroître leurs revenus fixe et mobile (6). Sans parler du projet des opérateurs de réseaux de faire payer les GAFAM une taxe – une « compensation directe » ou fair share (7) – pour pouvoir utiliser leurs réseaux. Mais là, c’est une tout autre histoire. @

Charles de Laubier

Plus que 33 millions d’utilisateurs mensuels pour le réseau social BeReal : bientôt de la pub ?

Créée en 2020, l’application française BeReal de partage de photos — prises chaque jour à un instant précis avec les deux objectifs du smartphone (avant et arrière pour capturer l’environnement) –est retombée à 33 millions d’utilisateurs par mois, susceptibles d’intéresser de futurs annonceurs.

BeReal, l’application de partage de photos prises en « dual camera » (utilisant les deux objectifs, avant et arrière, du smartphone pour capter l’environnement de l’utilisateur), teste en Grande-Bretagne une nouvelle fonctionnalité baptisée « RealPeople ». Il s’agit d’une timeline (un flux ou fil chronologique) de photos prises sans filtres ni retouches par des personnalités telles que artistes, athlètes, acteurs ou activistes.

Une appli gratuite à monétiser
« Avec RealPeople, nous voulons essayer d’éliminer de la société l’idée que les personnalités publiques vivent dans un univers alternatif et filtré. (…) Tout comme vous, ils partageront de véritables aperçus non filtrés de leur vie quotidienne. », a expliqué BeReal le 1er mai dernier (1). Plus que jamais, BeReal – application créée en 2020 par deux développeurs français, Alexis Barreyat et Kévin Perreau (photo) – ne veut pas être un réseau social comme les autres, mais une sorte d’anti-Instagram voire d’anti-TikTok. Qu’il soit célèbre ou inconnu, l’utilisateur de ce jeune média social est appelé – une fois par jour et en deux minutes après avoir reçu une notification – à prendre une double photo sur le vif, donc plutôt spontanée : la double-photo fait apparaître à la fois l’environnement de l’utilisateur (cliché pris avec l’objectif arrière du smartphone et son selfie (pris en même temps par l’objectif avant).
Mais la start-up parisienne – bientôt licorne avant une éventuelle cotation en Bourse – ne veut pas que l’on se méprenne sur la raison d’être de son tout nouveau fil accessible dans l’onglet Discovery : « Nous espérons avoir un impact positif sur la société. (…) RealPeople n’a pas vocation à influencer, d’amasser des likes ou des commentaires, ou de promouvoir des marques. Vous ne verrez pas des photos photoshoppées parfaites, ni des recommandations de produits, ni des publicités clandestines déguisées en posts ». Est-ce à dire qu’il y aura des publicités bien identifiées dans RealPeople en particulier voire dans BeReal en général ? Contacté par Edition Multimédi@, le cofondateur président Kévin Perreau (27 ans), premier actionnaire de BeReal (30,8 % du capital et 40 % des votes) ne nous a pas répondu. Or la question de la monétisation de BeReal se pose, l’application gratuite ayant vu sa fréquentation atteindre un pic en août 2022, à 73,5 millions d’utilisateurs mensuels selon BusinessofApps, en plein emballement médiatique. Mais depuis, « cycle de la hype » oblige, c’est la désillusion, avant une éventuelle remontée. BeReal est tombé à 47,8 millions d’utilisateurs mensuels (2) en février 2023, puis à 33,3 millions en mars dernier (3). Avec près de 80 millions de téléchargements cumulés en trois ans d’existence (73,1 millions à mars 2023, dont 5,9 millions en France), BeReal a perdu des millions de mobinautes en route, alors que son public est jeune (4). L’audience quotidienne – indicateur très suivi par les annonceurs – a elle aussi chuté en-dessous des 10 millions d’utilisateurs par jour (5), à 6 millions en mars dernier, alors qu’ils étaient 20 millions en octobre 2022. De la publicité est-elle envisageable à ce stade ?
Après trois levées de fonds réalisées entre mai 2021 et mai 2022 pour un total de plus de 100 millions de dollars, dont 60 millions de dollars il y a an selon TechCrunch, la SAS BeReal a été valorisée 600 millions de dollars l’an dernier en pleine apogée. Reste à savoir si la potentielle licorne française les vaut encore aujourd’hui. A cette désaffection, s’ajoute le fait que TikTok avec « TikTok Now » (ByteDance), Instagram (Meta), and Snapchat (Snap) ont depuis copié la fonction « dual camera » qui était la marque de fabrique du petit réseau social français. BeReal a subi le même sort que l’application de réseau social audio Clouhouse, lancée avec succès par la start-up californienne Alpha Exploration Co, mais retombée dans le cycle de la hype après avoir été copiée elle aussi par les géants du Net (6).
BeReal et Clubhouse ont aussi en commun d’avoir eu dans leur premier tour de table financier le fonds d’investissement de Andreessen Horowitz (7). BeReal a en outre obtenu le soutien du britannique Accel Partners, du russe DST Global (enregistré aux Iles Caïmans) ou encore du français Kima Ventures (Xavier Niel). Ces partenaires financiers remettront-ils au pot pour assurer le développement de BeReal et sa monétisation ?

Nouvelles fonctions pour plus d’audience
Dans un post récent, l’équipe de BeReal – indiquant au passage que ses effectifs ont dépassés les 50 employés – prévient que l’été sera chaud en annonces (8). La multiplication de fonctionnalités nouvelles, comme RealChat (messagerie instantanée), RealPeople (attirer des fans), Bonus BeReal (moments authentiques en journée) ou encore BeReal Audio (partager sa musique du moment écoutée sur, pour l’instant, Spotify et Apple Music), vise notamment à accroître son audience quotidienne – le nerf de la guerre. @

Charles de Laubier

Position dominante de Qualcomm: une amende de 1 milliard d’euros annulée peut en cacher une autre

Le Snapdragon Summit, grand-messe annuelle de l’américain Qualcomm, a eu lieu cette année les 15 et 16 novembre en livestream d’Hawaï, loin du tribunal de Luxembourg. Le numéro un mondial des puces pour smartphones reste dans le collimateur de la Commission européenne.

près le tribunal de l’Union européenne au Luxembourg, les cocotiers sous le soleil d’Hawaï pour son Snapdragon Summit… Qualcomm – numéro un mondial des micro-processeurs pour smartphones et tablettes – peut continuer à conforter sa position dominante sur ce marché colossal. La Commission européenne a décidé de ne pas faire appel de l’arrêt annulant le 15 juin 2022 l’amende de 997,4 millions d’euros qu’elle avait infligée en janvier 2018 au fabricant américain de puces pour abus de position dominante, en pratiquant avec Apple des « tarifs d’exclusivité » (1).

« Tarifs d’exclusivité », non tranchés au fond
« La Commission européenne a étudié attentivement l’arrêt du tribunal de l’Union européenne dans l’affaire Qualcomm et a décidé de ne pas saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) », a-t-elle indiqué à Edition Multimédi@, confirmant une information de Reuters datant de fin août (2). Pour autant, un autre recours de Qualcomm contre une deuxième décision de Bruxelles le condamnant à une amende dans l’affaire cette fois des « prix d’éviction » est actuellement instruite par le même tribunal de l’UE. Pour avoir facturé « des prix inférieurs aux coûts dans le but de forcer ses concurrents à quitter le marché », Qualcomm avait écopé le 18 juillet 2019 de 242 millions d’euros d’amende (3) mais le fabricant américain avait demandé en appel d’annuler cette décision. Ce verdict ne devrait pas tarder.
En attendant, l’arrêt de la première affaire – publié au Journal Officiel de l’UE le 15 juillet (4) est un revers majeur pour Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge du Numérique et, depuis novembre 2014, de la Concurrence. L’amende de près de 1 milliard d’euros infligée à Qualcomm en janvier 2018 sanctionnait un abus de position dominante sur le marché mondial des chipsets à la norme LTE (Long Term Evolution), le standard international des 3G et 4G. La sanction représentait 4.9 % du chiffre d’affaires de Qualcomm en 2017.
La firme de San Diego, qui fournit ses puces à Samsung (numéro un mondial des smartphones), Apple, Xiaomi, Huawei, HTC, LG ou ZTE, est toujours en tête de ce marché étendu à la 5G. Il était notamment reproché à Qualcomm d’avoir accordé à Apple des « paiement d’exclusivité » pour que le fabricant d’iPhone et d’iPad ne se fournisse que chez lui en puces, ce que Bruxelles avait considéré comme un « abus de position dominante » à « effets anticoncurrentiels ». La Commission européenne avait même révélé que « Qualcomm avait payé à Apple une somme comprise entre 2 et 3 milliards de dollars » pour obtenir cette exclusivité, de 2011 à 2015 (5). Ce qui aurait dissuadé Apple d’aller voir la concurrence, dont Intel. Ces accords avaient cependant pris fin à la suite du lancement par Apple, le 16 septembre 2016, des iPhone 7 intégrant des chipsets d’Intel.
Le tribunal de Luxembourg a annulé toute la décision de la Commission européenne en raison d’« irrégularités procédurales ayant affecté les droits de la défense de Qualcomm », d’une part, et, d’« illégalité » de l’analyse des effets anticoncurrentiels des « paiements incitatifs » dits d’exclusivité, d’autre part. Et n’aurait pas été pris en compte le fait qu’à l’époque « Apple n’avait pas d’alternative technique aux chipsets LTE de Qualcomm pour [ses] iPhone ». En outre, la Commission européenne n’avait pas fourni de notes et d’informations sur le contenu des réunions et des conférences téléphoniques qu’elle a eues avec les tiers comme Apple ou Nvidia. Ce qui ne respectait pas les droits de la défense de Qualcomm. La Commission européenne indique à Edition Multimédi@ qu’elle a « le devoir de protéger (…) l’identité des tiers qui ont présenté des demandes justifiées de garder l’anonymat en raison du risque de représailles ». Autre reproche : la Commission européenne se limitait à retenir un abus de position dominante sur le seul marché des chipsets LTE, alors que la communication des griefs portait aussi sur des puces UMTS (6).
S’est ainsi achevée cette première procédure antitrust et judicaire de plus de huit ans qui s’est ouverte en août 2014 par l’enquête de la Commission européenne. Et sans que la CJUE n’ait in fine eu son mot à dire en appel sur « tarifs d’exclusivité » aux « effets d’éviction » de la concurrence.

Accord pluriannuel avec Samsung
Après deux années sous tension (pandémie, pénurie de puces et tribunal), la firme de San Diego – dirigée depuis fin juin 2021 par Cristiano Amon (photo) – peut continuer à prospérer sur le marché des smartphones. Avec sa nouvelle puce « Snapdragon 8 Gen 2 », Qualcomm compte bien remporter à nouveau la mise avec Noël. Samsung (7) abandonne sa propre puce Exynos pour le nouveau chipset de Qualcomm pour ses prochains Galaxy (passant de 75 % des S22 à 100% des S23) grâce à un « accord pluriannuel » dont les termes restent bien sûr sous le secret des affaires. @

Charles de Laubier

Le « GPS » européen Galileo bénéficie désormais de la compatibilité de tous les nouveaux smartphones

C’est désormais obligatoire : tous les fabricants de smartphones sont censés depuis le 17 mars 2022 vendre sur le marché unique européen des modèles compatibles avec le système de navigation par satellite européen Galileo. La plupart le sont déjà pour une géolocalisation au mètre près.

Depuis sa mise en service il y a six ans, Galileo est le concurrent des systèmes de navigation par satellite américain GPS (1), russe Glonass (2) ou encore chinois Beidou (3). La constellation d’une trentaine de satellites, dont le déploiement se termine cette année, aura coûté jusqu’à 13 milliards d’euros à l’Union européenne (4). Il a un atout de taille par rapport à ses concurrents : sa précision se fait au mètre près, là où les autres s’en tiennent à quelques mètres. Le « GPS » européen vient de franchir une nouvelle étape : tous les smartphones vendus dans les Vingt-sept doivent désormais être dotés d’une puce « Galileo » (5).

Premier service compatible : le 112
C’est un règlement européen datant du 12 décembre 2018 qui a prévu cette obligation à partir du 17 mars 2022, date de son entrée en application. « Les exigences essentielles énoncées à l’article 3, paragraphe 3, point g), de la directive 2014/53/UE [à savoir que les équipements radioélectriques sont compatibles avec certaines caractéristiques permettant d’accéder aux services d’urgence, ndlr] s’appliquent aux téléphones portables possédant des caractéristiques semblables à celles d’un ordinateur du point de vue de la capacité de traitement et de stockage des données », dit ce règlement. Et de préciser justement que cela passe par des « solutions techniques permettant la réception et le traitement de données (…) provenant de systèmes mondiaux de navigation par satellite compatibles et interopérables au moins avec le système Galileo » (6).
Le premier service qui bénéficiera de cette « Galileocompatibilité » sera le numéro européen d’appel d’urgence, le 112, qui est opérationnel dans la plupart des Etats membres et dans quelques autres pays. Comme la grande majorité (70 %) des appels téléphoniques au 112 (pour joindre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les pompiers, l’assistance médicale ou la police) proviennent de téléphones mobiles, ceux d’entre eux qui sont compatibles avec le signal Galileo seront géolocalisés plus précisément. A savoir au mètre près. Ce qui permet dans ces conditions d’intervenir plus rapidement voire de sauver des vies car chaque seconde compte en cas de détresse et/ou d’accident. D’autant que le nouveau système dit AML (Advanced Mobile Location), qui envoie automatiquement la localisation de l’appelant, devient lui aussi obligatoire dans tous les téléphones mobiles à travers les Vingt-sept. Dix-huit d’entre eux l’ont déjà déployé. Selon l’Etsi (7) qui l’a normalisé en décembre 2019 au niveau international (8), l’AML est un protocole de transport des données – par SMS et/ou https – du smartphone vers le centre d’appel d’urgence, qui fournit l’emplacement exact de l’appelant. « Lorsqu’un appelant compose le 112 à partir de son téléphone intelligent, AML utilise les fonctionnalités intégrées du téléphone et les données de Galileo pour localiser précisément l’appelant et le transmettre à un point final dédié, habituellement un point de réponse de la sécurité publique (PSAP), ce qui rend l’emplacement de l’appelant accessible aux intervenants d’urgence en temps réel », explique l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA (9)). Une journée européenne du 112 (« European 112 Day ») a d’ailleurs été mise en place par l’Union européenne, le 11 février de chaque année, pour promouvoir l’existence et l’utilisation appropriée de ce numéro d’urgence européen.
Pour les utilisateurs, puisque l’AML n’est pas une application, il n’est pas nécessaire de télécharger quoi que ce soit, il suffit de composer le 112. Bien d’autres applications de géolocalisation sont disponibles sur la route, sur l’eau, à bord des trains, dans les avions, à la ferme, … (10), pour les détenteurs de smartphones « Galileo Inside » qui sont au nombre de plus de 2 milliards de téléphones mobiles. Par exemple, à Barcelone en Espagne, un service de partage de vélos électriques appelé AMBici a recourt à Galileo pour faciliter les déplacements d’une flotte de 2.600 vélos électriques et 236 stations d’accueil réparties dans 15 municipalités de l’agglomération catalane. Il sera mis en service par le prestataire de services privé, lequel sera sélectionné en juin prochain dans le cadre d’un appel d’offres public ouvert et doté d’un budget de 60,8 millions d’euros (11).

Marché des « GNSS » : 200 M€ en 2021
D’après le rapport 2022 de l’EUSPA sur les systèmes de navigation GNSS (Global Navigation Satellite System), à savoir Galileo et ses concurrents, le marché mondial pèse environ 199 milliards d’euros en 2021 (terminaux et services), dont un quart pour l’Europe. Selon son directeur général, Rodrigo da Costa (photo), les prévisions tablent sur 492 milliards d’euros d’ici 2031 au rythme de plus de 9,2 % de croissance annuelle en moyenne (12). Plus de 82 % de ces revenus seront générés par des services à valeur ajoutée. @

Charles de Laubier

Le milliardaire Warren Buffett, investisseur influent via Berkshire Hathaway, devient technophile sur le tard

Actuelle 5e fortune mondiale, le milliardaire américain Warren Buffett (91 ans) – à la tête de sa holding d’investissement Berkshire Hathaway – devient de moins en moins réservé sur les technologies numériques. Après être monté à 5,5 % au capital d’Apple, il s’offre 11 % de HP. L’ « Oracle d’Omaha » a changé de regard sur les technos.

(Cinq jours après la publication de cet article dans EM@, Warren Buffet a annoncé le 30 avril détenir 9,5 % du capital d’Activision Blizzard)

Il n’est jamais trop tard pour devenir technophile, surtout lorsque l’on dispose d’une trésorerie de 144 milliards de dollars disponible pour investir. A 91 ans (il aura 92 ans en août prochain), le success-investor Warrent Buffett (photo) vient de faire un pas de géant dans la high-tech en faisant l’acquisition le 6 avril dernier de 11 % du capital du fabricant américain d’ordinateurs et d’imprimantes HP. Au total, son fonds d’investissement Berkshire Hathaway a déboursé 4,2 milliards de dollars pour s’emparer de 121 millions d’actions du groupe d’informatique personnelle issu de la scission en 2015 de Hewlett-Packard (l’autre société HPE, dédiée aux entreprises, n’étant pas concernée par cet investissement). L’action d’HP à la Bourse de New-York a aussitôt fait un bond de près de 15 % du jour au lendemain, avant de s’affaisser puis de reprendre du poil de la bête. Sa capitalisation s’est hissée au-dessus des 40 milliards de dollars (au 21-04-22). Reste que si l’ « Oracle d’Omaha » – surnom donné à Warren Buffett, car très écouté par les investisseurs et en référence à la ville d’Omaha, au Nebraska, où il habite et travaille – a jeté son dévolu sur « HP Inc », c’est qu’il voit de belles plus-values en perspective dans le monde du PC. Et ce, malgré les signes contradictoires sur ce marché mondial – dont le fabricant de Palo Alto est le numéro deux, derrière le chinois Lenovo.

« WB », plus Coca-Cola que high-tech
Lors de l’assemblée générale des actionnaires de son conglomérat Berkshire Hathaway (BH), le 30 avril prochain, le PDG Warren Buffett (« WB ») – fonction qu’une ONG et un fonds ont demandé le 19 avril à ce qu’elle soit ramenée à DG (1) – devra rassurer sur son investissement-surprise. Cinq jours après que le milliardaire soit devenu minoritaire dans HP, le cabinet d’études Gartner publiait un état peu réjouissant du marché mondial des ordinateurs personnels au premier trimestre 2022 : recul de 6,8 % par rapport à la même période de l’an dernier. Mais si l’on met à part le ralentissement des ventes de Chromebook de Google, le marché des PC est en hausse de 3,9 % (2). Ce n’est pas si mal au regard de la plus forte croissance jamais enregistrée depuis des décennies un an auparavant, soit 32 % au premier trimestre 2021 (3). L’« Oracle d’Omaha » a-t-il eu du nez ou risque-t-il d’être déçu par ce fleuron de la technologie, secteur dont il se méfie depuis toujours ? Car Warren Buffett n’a jamais été très « Big Tech ». Il y a dix ans exactement, WB avait déclaré sur CNBC qu’il n’a pas vraiment une opinion sur Facebook et Google parce qu’il est difficile de déterminer leur valeur et comment ils se débrouilleront à l’avenir. « Il est donc beaucoup plus facile pour moi de comprendre ce que Coca-Cola vaut que Google ou Facebook », avait-il dit à l’époque (4). Il se méfie aussi du battage médiatique lors de l’introduction d’entreprises du numérique. Le milliardaire n’a jamais caché qu’il n’investirait pas dans la technologie parce qu’il ne la comprenait pas vraiment.

Ses 5,55 % d’Apple valorisés 161 Mds$
D’où la surprise lorsqu’il révèle en novembre 2011 qu’il a investi progressivement quelque 11 milliards de dollars pour monter à 5,5 % du capital d’IBM, devenant alors l’un de ses plus grands actionnaires. Mais dès que « Big Blue » a rencontré des difficultés, il a commencé en mai 2017 à céder ses parts. « IBM est une grande entreprise solide mais elle a également des concurrents gros et solides », avait-il expliqué en révisant son jugement à la baisse. Son aversion envers les technologies est alors à son comble. Quoique… Après avoir soldé sa participation dans IBM début 2018, non sans faire quelques milliards de plus-value au passage malgré la débâcle de Big Blue, le milliardaire d’Omaha a rapidement renforcé ses positions dans… Apple, dont il détenait déjà des actions depuis 2016. Ce fut un changement de pied pour le success-investor, passant d’un fabricant d’ordinateurs orienté entreprises vers un fabricant de terminaux orienté grand public. IBM et Apple étaient rivaux dans les années 1980, avant de diverger par la suite.
Bien qu’il ne possèderait toujours pas d’iPhone personnellement, la marque à la pomme – son « dauphin géant », comme il dit – est aujourd’hui l’investissement technologique qui lui donne encore toute satisfaction. « Notre participation n’est que de 5,55 %, en hausse par rapport à 5,39 % un an plus tôt. Cette augmentation ressemble à de la petite pomme de terre. Mais considérez que chaque 0,1 % des gains d’Apple en 2021 s’élevait à 100 millions de dollars », s’enthousiasme le groupe BH dans son rapport annuel publié fin février. Et de bien faire comprendre : « Seuls les dividendes d’Apple sont comptabilisés dans les résultats [de] Berkshire – et l’an dernier, Apple nous a versé 785 millions de dollars de ces dividendes. Pourtant, notre “part” des bénéfices d’Apple s’élevait à 5,6 milliards de dollars. Une grande partie de ce que [nous avons] conservé a été utilisé pour racheter des actions d’Apple ». Au 31 décembre 2021, les 5,55 % de BH dans Apple étaient valorisés 161,1 milliards de dollars, alors que ces actions lui ont coûtées 31 milliards de dollars – soit une plus-value potentielle de 420 %. Tandis que Warren Buffett n’a de cesse d’encenser Tim Cook, le « brillant » PDG d’Apple. C’est le meilleur investissement que l’« Oracle d’Omaha » a réalisé parmi les entreprises qu’il ne contrôle pas (y étant actionnaire minoritaire). Viennent ensuite, d’après sa lettre aux actionnaires de BH établie fin février : Bank of America (12,8 % capital, valorisés 45,9 milliards de dollars), American Express (19,9 %, valorisés 24,8 milliards) ou encore The Coca-Cola Company (9,2 %, valorisés 23,6 milliards). Aussi rétif aux technos, WB n’en est pas moins aussi actionnaire minoritaire de l’opérateur télécoms américain Verizon (3.8 %, valorisés 8,2 milliards), le câblo-opérateur Charter Communications (2,2 %, valorisés 2,5 milliards). Et il y a aussi une part de technologie dans le chinois BYD (7,7 %, valorisés 7,7 milliards) et le japonais Mitsubishi (5,5 %, valorisés 2,6 milliards). Comme quoi le « tycoon-vétéran » de l’investissement n’est pas aussi technophobe qu’il le laisserait penser. « Je fais beaucoup d’erreurs », reconnaît l’« Oracle d’Omaha », dont l’associé historique est Charles Munger (98 ans), dit Charlie (photo ci-contre), vice-président milliardaire de BH. Le conglomérat holding, dont le siège social est au Nebraska (à Omaha donc) mais avantageusement domicilié fiscalement dans l’Etat du Delaware, contrôle de nombreuses filiales, à commencer dans des activités d’assurance et de réassurance (5), suivies par une entreprise de transport ferroviaire de marchandises (6) et un groupe de production et distribution d’électricité (7), auxquels s’ajoutent plusieurs unités de fabrication (8), de services ou encore de vente au détail (9). Toutes les filiales consolidées de BH employaient un total de 372.000 personnes dans le monde à la fin 2021 (parmi lesquelles 50.500 dans l’assurance), dont 77 % aux Etats-Unis.

Que va-t-il faire de ses 144 Mds$ de cash ?
Warren Buffett n’est en revanche pas un tycoon des médias, loin de là. C’est tout juste s’il possède WPLG, une chaîne de télévision à Miami en Floride (affiliée au network ABC), acquise en 2014 auprès de la Graham Holdings (ex-Washington Post Company, après que celle-ci ait vendu l’année d’avant le Washington Post au fondateur d’Amazon, Jeff Bezos). BH a par ailleurs possédé le quotidien régional The Buffalo News ainsi que l’éditeur de dizaines de newspapers BH Media Group, avant de revendre ces activités presse en 2020.
A l’international, la seule activité média de WB réside dans Business Wire, société de diffusion de communiqués de presse créée en 1961 et acquise par BH en 2006. Ses contenus (textes et multimédias) sont diffusés dans le monde entier, via son réseau NX, aux journalistes et agences de presse comme l’AFP. Ses deux principaux concurrents sont PR Newswire (groupe Cision) et GlobeNewswire (ex-Prime- Newswire). Une chose est sûre, le success-investor aux 144 milliards de dollars de cash a les moyens de renforcer sa nouvelle technophilie et son penchant médiatique. @

Charles de Laubier