La presse en ligne peut avoir à financer le cinéma !

En fait. Le 9 décembre prochain, se réunit la commission « Enjeux réglemen-taires » du Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste). Seront notamment abordées les conséquences de la décision « New Media Online » rendue par la CJUE le 21 octobre sur les vidéos des sites web de la presse.

En clair. Les sites de presse en ligne, qui recourent de plus en plus à de la vidéo, pourraient être amenés à contribuer au financement de cinéma français ! Cela pourrait être l’une des conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), daté du 21 octobre dernier (1), qui a rend applicable aux éditeurs de presse en ligne la directive européenne sur les services de médias audiovisuels – SMA (2) – de 2010. Cet arrêt « New Media Online », du nom d’une société autrichienne qui édite un journal en ligne (Tiroler Tageszeitung via www.tt.com) et qui proposait un accès à un catalogue de vidéos, fait jurisprudence dans toute l’Europe.

Jook Video profite du Luxembourg, où siège sa maison mère AB Groupe, du Français multimillionnaire Claude Berda

C’est un service de SVOD français et francophone, dont le site Jookvideo.com
est hébergé en France, et qui appartient au groupe AB contrôlé par un Français, Claude Berda, avec TF1 comme actionnaire français. Pourtant, Jook Video échappe comme Netflix à la réglementation audiovisuelle française…

Par Charles de Laubier

Claude Berda

Claude Berda, président d’AB Groupe.

« Je rappelle qu’avant Netflix, il y a un service de SVOD – commercialisé par un certain nombre d’opérateurs – qui ne respecte absolument pas la réglementation française, en particulier les fameux quotas d’exposition », a lancé Marc Tessier, administrateur de Videofutur, le 18 octobre dernier,
lors des Rencontres cinématographiques de Dijon (1), en se gardant bien de citer de nom… »Personne ne s’en ait jamais prévalu. Il existe et il a même des actionnaires de nationalité française, même s’il ne réside pas nécessairement en France. Il faut quand même le dire. Donc, on a un marché qui est poreux », a-t-il poursuivi.
Selon nos informations, il s’agit de Jook Video, le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) que le groupe AB – basé au Luxembourg et contrôlé par le Français multimillionnaire Claude Berda (photo), avec TF1 comme actionnaire minoritaire – a lancé il y a dix-huit mois.

CSA : un régulateur du PAF en quête d’un PAE émergent

En fait. Le 2 octobre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – doté de compétences économiques depuis la loi du 15 novembre 2013 – a organisé
un premier séminaire sur « l’enjeu économique » du secteur confronté au numérique et à de nouveaux entrants dans le PAE (paysage audiovisuel européen).

En clair. Le PAF est mort. Vive le PAE (paysage audiovisuel européen) ! C’est en substance ce qui ressortait tant bien que mal de ce premier séminaire économique
du CSA, lequel s’est lancé le défi de réunir auteurs, producteurs, ayants droits, éditeurs, diffuseurs, distributeurs, annonceurs ou encore équipementiers pour un « dialogue » qui fait défaut jusque-là. Il s’agit surtout de préparer la réforme du cadre réglementaire national d’un audiovisuel encore très franco-français dépassé par la nouvelle donne
du numérique résolument transfrontalière. Et ce, dans un contexte très délicat de crise structurelle. « Le secteur de l’audiovisuel (…) est aujourd’hui confronté à un marché publicitaire sérieusement atteint et à l’arrivée d’acteurs globaux [dont Netflix, Google
ou Amazon, ndlr] dans un environnement numérique riche d’interrogations et de potentialités », a diagnostiqué le président du CSA, Olivier Schrameck, qui a aussitôt placé les enjeux économiques de l’audiovisuel au niveau de l’Europe. « L’adaptation
de la législation européenne est en effet indispensable pour affronter la concurrence internationale. C’est une priorité pour la régulation », a-t-il souligné. Il n’a pas manqué de rappeler qu’il avait été élu en mars dernier – et jusqu’à fin 2015 – président du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) (1), dont la deuxième réunion plénière se tiendra le 21 octobre à Bruxelles et la troisième devrait avoir lieu à Paris début 2015. Une aubaine pour la France qui pourra y faire valoir ses positions et son « exception culturelle ».

La TV connectée, qui n’en finit pas d’émerger en Europe, a-t-elle vraiment un avenir ?

Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), l’offre de Smart TV laisse à désirer. Non seulement les consommateurs des Vingt-huit ne mettent pas la connexion à Internet en tête de leurs critères de choix lors de l’achat, mais en plus ils préfèrent utiliser les autres terminaux pour cela.

Susanne Nikoltchev

Susanne Nikoltchev, directrice de l’OEA.

« Les Smart TV sont-elles réellement smart ? C’est une question qui reste jusqu’à maintenant sans réponse, dans la mesure où les consommateurs ne recherchent pas en premier lieu la connectivité Internet, lorsqu’il décident d’acheter un nouveau téléviseur, les trois principaux critères de choix étant plutôt la taille de l’écran, le prix et la qualité de l’image », constate l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA) dans son étude sur les marchés audiovisuels à la demande dans les Vingt-huit.
Et l’organisme de service public européen, composé de 40 Etats membres et de l’Union européenne, représentée par
la Commission européenne, d’ajouter : « Les consommateurs n’accèdent même pas aux contenus sur leur Smart TV, leur préférant leurs tablettes, leurs box Internet ou leurs ordinateurs comme principaux moyens de consulter en ligne ces contenus ».

Les propositions très françaises du CSA pour soutenir le développement des SMAd

Les SMAd de type VOD ou TVR sont soumis aux obligations applicables à la télévision. A contrario, de grandes plateformes du Net – exclues de cette catégorie – ne sont pas contraintes de respecter ces règles. Ce qui leur procure un avantage concurrentiel considérable. Le CSA propose d’y remédier.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
au gouvernement sur l’application du décret n°2010-1379
aux SMAd (1) a permis d’analyser de façon approfondie
la situation de ce marché et ainsi de mettre en évidence
le faible développement des SMAd en France (2). Le CSA pointe le manque d’attractivité de l’offre actuelle qui résulterait, entre autre, de la mise à disposition tardive de contenus et de leur prix élevé. Autre handicap souligné par
le CSA : le régime juridique des SMAd est bien plus contraignant que celui des acteurs de l’Internet.