Révision de la directive SMA en 2026 : débat lancé

En fait. Les 8 novembre, Olivier Henrard, président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est intervenu aux Rencontres cinématographiques de L’ARP (société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs), au Touquet-Paris-Plage. Les grandes plateformes vidéo font parler d’elles.

En clair. La directive européenne « Services de médias audiovisuels » (SMA) du 14 novembre 2018 entre dans sa dernière ligne droite ; elle doit faire l’objet d’une révision en 2026. Les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE) avaient jusqu’au 19 septembre 2020 pour la transposer. C’est elle qui a élargi la régulation de l’audiovisuel aux plateformes vidéo, y compris celles basées hors d’Europe tels que YouTube, Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney, lesquelles sont depuis soumises à des obligations de protection des publics et de quotas d’œuvres européennes, et, pour certaines, de financement (1).
« Cette faculté consacrée en 2018 a fait la preuve de ses bienfaits. En France, c’est près de 1 milliard d’euros qui ont été investis par les services étrangers de vidéo à la demande par abonnement, en large majorité au profit de la production déléguée indépendante », s’est félicité le 8 novembre Olivier Henrard, président par intérim du CNC (2), lors des 34es Rencontres cinématographiques de L’ARP (3).

La nouvelle super-régulation d’Internet se met en place en Europe, avec l’Arcom en soutien pour la France

Le Digital Services Act (DSA) entre entièrement en application le 17 février 2024 dans les Vingt-sept. L’Arcom devient pour la France le « Coordinateur pour les services numériques » (DSC) et l’un des vingt-sept membres du « Comité européen des services numériques » (EBDS) présidé par la Commission européenne.

Il n’y aura pas de super-régulateur européen d’Internet, mais c’est tout comme. Avec le règlement sur les services numériques, le DSA (Digital Services Act), qui entre pleinement en application le 17 février (1), l’Union européenne (UE) devient la première région du monde à mettre en place une vaste « régulation systémique » de l’Internet. Elle va s’articuler autour du Comité européen des services numériques (EBDS), présidé par la Commission européenne et assisté – pour chacun des vingt-sept Etats membres – d’un Coordinateur pour les services numériques (DSC).
Pour la France, c’est l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui est désignée DSC par la loi « Sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN) dont le vote définitif est attendu en mars (2). « Pour moi, europhile, je crois qu’on a la chance d’être sur un continent pionnier dans la régulation des grands acteurs du numérique. On peut espérer que ce règlement aura un effet de jurisprudence : ce que les plateformes feront sur le continent européen pour se conformer aux obligations du DSA, elles pourront le faire dans d’autres pays », a déclaré le 1er février Roch-Olivier Maistre (photo), président de l’Arcom. « Je suis heureux d’être sur un continent qui tente quelque chose, sans être ni le modèle chinois ni le modèle américain. C’est une tierce-voix qui est conforme à la protection de la liberté et du public », a-t-il ajouté devant l’Association des journalistes médias (AJM), dont il était l’invité.

Un Comité européen et 27 Coordinateurs nationaux
Pour assurer cette nouvelle « super-régulation » du Net dans les Vingt-sept, la Commission européenne et les régulateurs nationaux vont travailler main dans la main. Le Comité européen des services numériques (EBDS (3)), créé à cet effet, est chapeauté par la Commission européenne elle-même et composé de « hauts fonctionnaires » représentant, chacun, le Coordinateur national pour les services numériques (DSC (4)) d’un Etat membre – à savoir l’Arcom pour la France, en liaison avec la Cnil et l’Autorité de la concurrence. « Pour les très grandes plateformes, qui comptent chacune au moins 45 millions d’utilisateurs par mois en moyenne dans l’UE et pour lesquelles le DSA est entré en vigueur le 25 août 2023, c’est la Commission européenne qui jouera un rôle central. Comme elle l’a fait en ouvrant, le 18 décembre 2023, une enquête formelle à l’encontre de X (ex-Twitter) soupçonné d’avoir enfreint le DSA », a expliqué Roch-Olivier Maistre, dont le mandat à la tête de l’Arcom se termine fin janvier 2025.

La France sera l’un des pays les plus impactés par le règlement européen « Liberté des médias »

Le 21 juin dernier, le Conseil de l’Union européenne a approuvé le mandat lui permettant de négocier avec le Parlement européen le projet de règlement sur « la liberté des médias » (EMFA). Ces discussions devraient aboutir avant les prochaines élections du Parlement européen de juin 2024. (Tandis qu’en France, le 13 juillet, l’Elysée a annoncé pour septembre des « Etats généraux de l’information » , dont les conclusions seront livrées à l’été 2024) Le European Media Freedom Act (EMFA), projet de règlement européen sur la liberté des médias, fait couler beaucoup d’encre. Ce futur texte législatif – contraignant pour les Vingt-sept – vise à préserver la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias dans l’Union européenne (UE), ainsi qu’à protéger les journalistes, leurs sources, et les services de médias contre les ingérences politiques dans les rédactions. L’EMFA entend notamment faire la transparence sur la propriété des médias. Financement des médias et leur indépendance C’est un sujet sensible, mais déterminant pour la démocratie. L’objectif des instances européennes est que les négociations autour de ce projet de règlement « Liberté des médias » puissent se conclure « avant les prochaines élections au Parlement européen », lesquelles se tiendront les 6 et 9 juin 2024. Maintenant que le mandat de négociation (1) avec le Parlement européen a été approuvé le 21 juin par les représentants permanents des Etats membres, le Conseil de l’UE – présidé depuis le 1er juillet et pour six mois par le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez (photo) – a donné le coup d’envoi de l’examen du texte. Il concerne la presse et la radio qui n’entraient pas dans le champ de la directive européenne de 2010 sur les services de médias audiovisuels (SMA). Or leur importance transfrontalière est croissante grâce à Internet, aux applications mobiles et aux agrégateurs de contenus d’actualités (Google News, MSN, Yahoo News, …), et en plusieurs langues. Les GAFAM sont des passerelles vers ces médias nationaux, mais aussi des catalyseurs de publicité en ligne. Et – convergence des médias oblige – la presse et la radio en ligne se sont étoffées dans les contenus audiovisuels (vidéo, podcasts, live streaming, …). La désinformation (fake news, manipulations, ingérences, …) est en outre plus facilement propagée par les plateformes numériques et les fournisseurs de contenus. L’article 17 de l’EMFA impose aux très grandes plateformes une « exemption médiatique », à laquelle s’oppose la CCIA représentant les GAFAM (2). Les éditeurs, eux, craignent la censure de leurs contenus par ces géants du Net (3). C’est dans ce contexte que le Conseil de l’UE et le Parlement européen s’emparent de la proposition de règlement EMFA que la Commission européenne avait présentée le 16 septembre 2022 « établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive [SMA] » (4). Le but est d’harmoniser les règlementations nationales sur la presse et la radio en termes de pluralisme des médias, d’indépendance éditoriale ou encore de financement de ces médias par des acteurs privés (industriels, milliardaires, fonds, …) et par les pouvoirs publics (aides d’Etat (5), médias publics, …). Parmi les « obstacles » au marché unique des médias en Europe, le mandat du 21 juin pointe « le manque de coordination entre les mesures et procédures nationales des Etats membres » et « l’insuffisance des outils de coopération réglementaire entre les autorités réglementaires nationales » (Arcom en France, l’ALM en Allemagne, l’AGCOM en Italie, etc.). Ce à quoi s’ajoutent « des mesures nationales discriminatoires ou protectionnistes », qui peuvent pénaliser les éditeurs désireux d’entrer sur de nouveaux marchés. Plus largement, l’EMFA veut que soient respectés par les éditeurs : la liberté des médias, le pluralisme des médias, la diversité culturelle, linguistique et religieuse, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’UE (6). La Hongrie, la Pologne et la Slovénie sont souvent cités comme les premiers pays visés par ce futur règlement, mais la France n’est pas en reste malgré sa loi de 1881 sur « la liberté de la presse » (7). Car l’Hexagone a la particularité unique au monde d’avoir des pans entiers de sa presse détenus par des industriels milliardaires : Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Arnaud Lagardère, Xavier Niel, Daniel Kretinsky, Bernard Arnault, Patrick Drahi, ou encore Rodolphe Saadé. À la suite de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration dans les médias en France (8), une seule proposition de loi sur l’indépendance des médias a été déposée par la députée Paula Forteza en février 2022 mais semble depuis bloquée à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale (9). Lobbies des éditeurs contre un « super-Erga » Au niveau européen, le lobbying des éditeurs de presse – via l’association des quotidiens ENPA et celle des magazines EMMA – est puissant (10). Leur dernière action : une lettre ouverte datée du 27 juin (11) aux législateurs européens s’inquiétant notamment de « l’harmonisation européenne » et de la création d’un Conseil européen des services des médias (EBMS) qui transformera l’actuel Erga (regroupant les « Arcom » nationaux) en « super-Erga » garant de l’indépendance des médias et du respect du futur EMFA. @

Charles de Laubier

La DGMIC change de tête, y compris face aux GAFA

En fait. Le 5 octobre, Florence Philbert a été nommée – sur proposition de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak – directrice de la DGMIC, la direction générale des médias et des industries culturelles. Plus discrètement, Matthieu Couranjou devient « délégué à la régulation des plateformes numériques ». En clair. Florence Philbert succède à Jean-Baptiste Gourdin qui occupait ces fonctions de directeur général des médias et des industries culturelles depuis janvier 2020 (1). La DGMIC est au ministère de la Culture l’épicentre des réformes du gouvernement pour l’audiovisuel, la presse, les services d’information en ligne, le pluralisme des médias, le livre, la musique, la publicité et les activités multimédias, ainsi que pour l’économie culturelle et l’économie numérique. Ses effectifs sont actuellement de près de 150 personnes, regroupées cette année dans l’immeuble des Bons-Enfants (rue Saint-honoré dans le 1er arrondissement de Paris, près de la rue de Valois). Et depuis janvier 2021, la DGMIC a été renforcée avec la création d’une « délégation à la régulation des plateformes numériques ». Jusqu’alors adjoint à cette délégation chargée notamment de se mettre d’accord avec les GAFA, Matthieu Couranjou (ingénieur des mines) est depuis septembre pleinement délégué à la régulation des plateformes numériques (« DRPN »). Il succède ainsi à Laure Durand-Viel, qui fut la première à ce poste stratégique et jusqu’à son départ en mai dernier. C’est elle qui a supervisé pour le gouvernement les négociations du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), les règlements européens qui sont sur le point d’entrer en vigueur dans les Vingt-sept pour respectivement les services et les marchés numériques. Conseillère d’Etat et juriste, Laure Durand-Viel (« LDV ») a contribué à l’activité normative, notamment sur les contenus (« conciliation entre ordre public et liberté d’expression », « promotion de la diversité culturelle et du pluralisme », …). Cette DRPN compte pour l’instant sept personnes – agents, juristes et ingénieurs. Elle « conçoit la politique de régulation des plateformes numériques » pour le gouvernement, « assure une veille technologique » et « analyse l’évolution des modèles économiques (…) et des effets de la transition numérique » sur les médias et les industries culturelles, tout en « apport[ant] son expertise juridique sur ces questions, en lien avec le secrétariat général [du gouvernement] » (2) où LDV vient d’être nommée (3). Florence Philbert arrive à la tête de la DGMIC après « a[voir] notamment œuvré à la transposition des directives Services de médias audiovisuels (SMA), droits d’auteur et droits voisins ». Elle était depuis 2015 DG de l’IFCIC (4). @

Chronologie des médias : en attendant la réforme, l’accord « pro-Canal+ » rebat les cartes

Même si Canal+ a conclu un accord triennal, daté du 2 décembre 2021, avec les organisations professionnelles du cinéma français (200 millions d’euros par an, fenêtre s’ouvrant dès 6 mois), cela ne règle en rien la réforme toujours en cours de la chronologie des médias – bien au contraire.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats