Chronologie des médias : nouvelle réunion pour rien

En fait. Le 21 février, au lieu du 25 janvier, s’est tenue au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) la réunion semestrielle interprofessionnelle sur la chronologie des médias. Mais lors du 11 juillet 2012, le CNC s’en remet aux conclusions de la mission Lescure attendues « d’ici le 31 mars ».

En clair. La vidéo à la demande (VOD) n’en finit pas d’attendre une (r)évolution de
la chronologie des médias qui régente la disponibilité des films à partir de leur sortie.
Le précédent accord remonte au 6 juillet 2009, date d’alignement de la VOD et du DVD
à quatre mois (au lieu de six) après la sortie d’un film. La salle garde en exclusivité la primeur héritée d’avant l’ère numérique. Mais depuis, plus rien ! Même la SVOD (par abonnement) reste reléguée à trente-six mois, malgré un projet d’avenant, resté sans suite, qui prévoit une dérogation à vingtdeux mois pour des films sortis dans moins de
30 salles… Le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), la Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP) ou encore la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) n’ont pourtant eu de cesse de dénoncer cet immobilisme (1) et d’en appeler à des expérimentations. Mais en face, le Bureau de
liaison des organisations du cinéma (Bloc) – soit une quinzaine d’organisations du
cinéma et majoritairement des producteurs (APC, SPI, SRF, …) – s’y oppose. Certains, comme l’Association des producteurs de cinéma (APC), se disent favorables à des expérimentations – mais dans le cadre d’un nouvel accord interprofessionnel… Quant
au Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic), lequel regroupe les salles de cinéma (FNCF), les distributeurs de films (FNDF), des producteurs de cinéma (API), parmi lesquels Pathé, Gaumont, UGC ou encore MK2, ainsi que les industries techniques (Ficam) et les éditeurs de vidéo (SEVN), il n’était pas contre des assouplissements sur les films d’art et d’essai mais il s’est finalement rangé derrière
le Bloc (2). Résultat : tout repose maintenant sur les épaules de Pierre Lescure. « Une refonte radicale de la chronologie des médias constituerait peut-être la meilleure réponse aux attentes des internautes en matière de VOD », avait osé dire la mission Culture Acte-2 dans son bilan d’étape du 6 décembre dernier. Mais en se déjugeant aussitôt : « Plutôt qu’une remise
à plat qui fragiliserait le système de financement du cinéma, le réalisme commande d’envisager des assouplissements et des expérimentations de nature à enclencher
une dynamique favorable au développement de l’offre légale ». La simultanéité ou semi-simultanétité salle-VOD que veut encourager la Commission européenne (3)
n’est pas pour demain en France. @

L’âge d’or du d-Cinema

Ce soir, c’est ciné ! Et pas sur notre home cinéma mural.
Ce n’est pas non plus la bonne vielle sortie familiale pour
voir et partager le dernier blockbuster dans une salle à grand spectacle. Non, ce soir, Festival de Cannes oblige, nous allons assister à la diffusion de deux films de la sélection officielle, projetés simultanément dans une centaine de salles réparties sur la planète. Nous pourrons même participer au choix du film auquel sera attribuée la Palme du public, en votant directement sur nos smartphones. Est-ce tout ? Peu de chose aurait donc fondamentalement changé depuis qu’un Platon imagina une séance pour des spectateurs hypnotisés par des images projetées tout au fond d’une caverne symbolique. Si les spectateurs se retrouvent toujours dans une même salle, comme pour la première projection payante au Grand Café à Paris en 1896, les progrès n’ont cessé d’accompagner ce « Septième Art » devenu également une industrie culturelle puissante.

« L’ère digitale a changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines (concerts, matchs, théâtres, …) »

Cinéma : avoir le choix entre salle et vidéo

L’industrie du Septième Art est dépendante financièrement de la « chronologie des médias ». Grâce aux exclusivités de diffusion (de la salle à la télé, en passant par le DVD et la VOD), les producteurs de films peuvent préfinancer leurs œuvres. Mais le numérique change tout.

Jean-Luc Godard présente hors compétition, au 63e Festival de Cannes, son
« Film Socialisme ». Signe particulier : la sortie en salle de cinéma a lieu le 19 mai et le téléchargement en vidéo à la demande (VOD) est proposé pour 7 euros durant les deux jours précédents ! Cette disponibilité en ligne et en avantpremière s’inscrit en dehors de ce que les professionnels du Septième Art appellent, la « chronologie des médias », laquelle instaure en France un délai obligatoire de quatre mois – voire de trois en cas
de dérogation – entre la projection d’un film dans les salles obscures et sa disponibilité
en VOD ou en DVD, puis à la télévision (1). Et ce, en contrepartie d’une exclusivité d’exploitation, qui permet au cinéma français de se préfinancer auprès de chaque
« fenêtre de diffusion ».

Chronologie des médias : aller plus loin dans la réforme ?

La chronologie des médias a été réaménagée par l’accord du 6 juillet 2009,
afin notamment de favoriser l’offre légale. Face aux modifications des modes
de consommations des films, la question est de savoir s’il faut poursuivre
– et jusqu’où – sa réforme.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

L’apparition de la télévision, divertissement concurrent
mais également nouveau vecteur de diffusion du cinéma,
a été perçue comme une ombre sur la prospérité des
salles obscures (1). La menace s’est renforcée avec
le développement des cassettes VHS.
Les pouvoirs publics français et communautaires ont alors décidé d’intervenir en prévoyant des délais obligatoires entre la délivrance du visa d’exploitation d’un film (visa qui permet sa sortie en salle) et sa diffusion en vidéo ou à la télévision. La chronologie des médias était née.