Cinéma Paradiso

Bien enfoncés dans nos fauteuils, le temps d’aller chercher un pot de pop-corns, nous voici réunis pour savourer un grand moment de cinéma. Nous ne sommes que cinq,
même si la salle est pleine, pour assister à la première diffusion mondiale du dernier opus de l’inépuisable saga Star Wars. En sortie simultanée, comme c’est désormais la règle, dans toutes les grandes salles de cinéma de la planète, comme dans tous les foyers.
C’est, en effet, bien installé chez moi que nous attendons que raisonne l’hymne du fameux générique. Le lancement est digne de la diffusion d’un match de coupe du monde de football, mais il est désormais nécessaire. Pour les producteurs, il s’agit de trouver les moyens de financer ces blockbusters toujours plus chers à produire à l’heure de la 3D sans lunette et des effets spéciaux toujours plus réalistes et immersifs. Avec la banalisation massive de la diffusion vidéo, il était en effet plus que jamais nécessaire de trouver de nouveaux vecteurs de valorisation des nouveaux films. Et, de ce point de vue, la multiplication des lancements simultanés sur tous les écrans, publics et privés, permet de maintenir les revenus tirés de l’exploitation des films – voire de les augmenter.

« En sortie simultanée, comme c’est désormais
la règle, dans toutes les grandes salles de cinéma
de la planète, comme dans tous les foyers. »

Au final, cette évolution n’a fait que renforcer la tendance de fond d’un cinéma à domicile, toujours plus spectaculaire : la fusion de deux marchés différents, la télévision pour tous et le home cinema de quelques-uns. Ces salles de projection privées – qui
en ont fait rêver plus d’un, avec leurs fauteuils de ciné, leurs écrans muraux et leurs catalogues de films longtemps difficiles d’accès – sont désormais devenues grand public. Bien sûr, des équipements de pointe équipent toujours pour quelques-uns les home cinema d’aujourd’hui, toujours aussi surprenants avec leurs fauteuils sur vérin
et leurs systèmes 4D, qui explorent une quatrième dimension en reproduisant les sensations comme le vent dans les cheveux, les températures extérieures ou les odeurs des lieux traversés. Mais, pour le plus grand nombre, l’expérience du cinéma à domicile a vraiment progressé, à tous les niveaux. Sur le plan technique, des écrans toujours  plus fins, plus grands et plus courbes permettent de recevoir des images en ultra HD.
En 4K, dans la plupart des cas, mais aussi, de plus en plus souvent, en 8K, introduite
à l’occasion des jeux Olympiques de 2020 au Japon.
Une qualité d’image époustouflante d’une résolution de 8.000 pixels, quand la HD encore courante en 2015, ne proposait que des résolutions de 720 et 1080 pixels. Pour soutenir une telle évolution technique, les réseaux de distribution ont dû se mettre à niveau en optimisant l’ensemble des moyens disponibles du FTTH, de la 4G et de la
5G émergeante, ainsi que les solutions hybrides tirant le meilleur du fixe et du satellite.
Une évolution indispensable, dans la mesure où les programmes en ultra HD ont rapidement déferlé sur les réseaux sous la pression des grandes plates-formes internationales, comme Netflix ou Google, lesquelles proposèrent très tôt des films et
des séries originales en 4K, pour marquer toujours plus leur différence. Ce nouvel âge d’or du cinéma se caractérise également par une redistribution des cartes, dont les principaux atouts sont tenus par des majors, soit des studios historiques toujours plus puissants, soit ceux créés par des géants du Net, seuls capables de soutenir les investissements colossaux qu’exigent les nouvelles productions. Le système original français a forcément dû se réinventer en favorisant les grandes productions, de plus en plus souvent financées par des consortiums européens, tout en tirant parti du fabuleux potentiel de création des nouvelles technologies. Des pépinières de jeunes talents sont à l’origine d’œuvres originales, certaines réalisées dans les ateliers créés, dès 2014,
à Aubervilliers par Michel Gondry pour faciliter le développement de projets à petits budgets. Cette renaissance du Septième Art illustre parfaitement la prophétie de Martin Scorsese, qui écrivait à sa fille en janvier de la même année : « Pourquoi le futur du cinéma est-il si lumineux ? Parce que, pour la première fois, les films peuvent être faits avec très peu d’argent ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : La radio.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 »
(http://lc.cx/b2025).

Lescure : « 40 ou 50 films à 2,5 mois après la salle »

En fait. Le 14 janvier, Pierre Lescure (68 ans), ancien PDG de Canal+, a été élu futur président du Festival de Cannes par le conseil d’administration de l’Association Française du Festival International du Film, où siège deux représentants de l’Etat, pour succéder à Gilles Jacob le 1er juillet prochain.

Chronologie des médias : la VOD avant la salle !

En fait. Depuis le 10 juillet, le film « Magnifica Presenza » est disponible en France en VOD avant sa sortie en salle prévue le 31 juillet. Cette chronologie des médias
« inversée » est une petite révolution où des négociations interprofessionnelles doivent reprendre pour modifier les fenêtres de diffusion.

Chronologie des médias : nouvelle réunion pour rien

En fait. Le 21 février, au lieu du 25 janvier, s’est tenue au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) la réunion semestrielle interprofessionnelle sur la chronologie des médias. Mais lors du 11 juillet 2012, le CNC s’en remet aux conclusions de la mission Lescure attendues « d’ici le 31 mars ».

L’âge d’or du d-Cinema

Ce soir, c’est ciné ! Et pas sur notre home cinéma mural.
Ce n’est pas non plus la bonne vielle sortie familiale pour
voir et partager le dernier blockbuster dans une salle à grand spectacle. Non, ce soir, Festival de Cannes oblige, nous allons assister à la diffusion de deux films de la sélection officielle, projetés simultanément dans une centaine de salles réparties sur la planète. Nous pourrons même participer au choix du film auquel sera attribuée la Palme du public, en votant directement sur nos smartphones. Est-ce tout ? Peu de chose aurait donc fondamentalement changé depuis qu’un Platon imagina une séance pour des spectateurs hypnotisés par des images projetées tout au fond d’une caverne symbolique. Si les spectateurs se retrouvent toujours dans une même salle, comme pour la première projection payante au Grand Café à Paris en 1896, les progrès n’ont cessé d’accompagner ce « Septième Art » devenu également une industrie culturelle puissante.

« L’ère digitale a changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines (concerts, matchs, théâtres, …) »

Le numérique est ainsi la nouvelle étape, qui, après le parlant, la couleur et le cinémascope, révolutionne et redynamise le cinéma. Mais pour en saisir toute l’ampleur, il est nécessaire de descendre dans les entrailles de cette machine à écrire
le mouvement. En fait, la mutation conduisant au cinéma numérique (digital cinema ou
d-cinema) a été très profonde, touchant l’ensemble des métiers, de la production à la diffusion en salle. Lancée au tournant du siècle, la transition numérique s’est accélérée
en 2010, année où plus de 200 films numériques ont été diffusés sur plus de mille écrans numériques. La France faisait alors la course en tête en Europe, avec un parc de salles déjà numérisées à près de 20 %. Cette première étape, stimulée de manière spectaculaire par le phénomène 3D, a cependant dû, pour se déployer plus largement, prendre en compte la réalité économique de la distribution. Après plus de cent ans de bons et loyaux services, finies les bobines celluloïd faisant le tour des salles, des plus grandes aux plus petites, symboles d’une époque révolue. Un disque dur de 500 grammes suffisait pour loger les 30 kilos des anciennes bobines de 35 millimètres, jusqu’à ce que la distribution par réseaux haut débit, fixe ou satellite, dématérialise tout à fait, après d’autres, la filière du cinéma. Pour faciliter cette transition, chaque pays a mis en place des dispositifs d’accompagnement, souvent différents. Maisles exploitants ont dû supporter de nouveaux investissements dans un réseau de salles diffus, mais dont l’existence est également synonyme de diversité de l’offre sur tout un territoire. Maintenant que la numérisation de la filière est en grande partie effectuée, les spectateurs sont plus intéressés par l’évolution des programmes que par cette mutation des coulisses du cinéma. Ils ont désormais accès à une programmation bien plus riche, avec des films qui changent plus rapidement et des salles qui, dans la même journée, peuvent proposer des œuvres différentes. Mais l’entrée dans l’ère digitale a également changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines. Et c’est d’ailleurs assez savoureux d’assister au retour du spectacle vivant dans les salles, à travers des soirées spéciales consacrées aux retransmissions en direct de concerts, de pièces de théâtre ou d’événements sportifs. Il a bien fallu que la profession s’adapte pour faire face
à la concurrence toujours plus forte des autres médias qui proposent un catalogue infini de films, des plus anciens au plus récents.
C’est également la raison pour laquelle l’industrie cinématographique repousse
sans cesse ses frontières. Un cinéma d’un nouveau genre offre désormais plusieurs productions par an, mêlant jeux vidéo et interactivité, comme le fit en son temps
le précurseur “Last Call”, sorti en 2010, qui proposait au spectateur d’interagir directement sur la narration de l’histoire en conversant via son mobile avec le protagoniste du film. Pendant ce temps, le cinéma holographique est en train de sortir des laboratoires et laisse entrevoir la possibilité prochaine de séances de projection de films en relief, sans écran ! @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Menaces sur l’e-dentité
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et commercial
de l’Idate. Rapport sur le sujet : « Vidéo et Cinéma 3D » par Samuel Ropert.