Chronologie des médias : énième reprise des négos

En fait. Le 23 août, Netflix a confirmé au magazine américain Variety et à L’Express qu’il fermait son bureau parisien. Mais son service de SVOD, lancé
en France il y a deux ans, reste ouvert. La chronologie des médias, elle, est entrée dans un nouveau round de négociations depuis le 22 juin dernier.

En clair. Pas facile de développer un service de vidéo à la demande en France, qu’il soit à l’acte ou par abonnement. La chronologie des médias, dont les règles strictes actuelles sont en vigueur depuis 2009 (une éternité à l’heure d’Internet), est l’un des principaux obstacles – si ce n’est le premier – au décollage de ce marché en mal de croissance. Cette fermeture de Netflix France, dont les activités et les quelque 500.000 abonnés vont relever désormais du quartier général européen de l’américain aux Pays-Bas, est révélatrice d’un malaise.
Cette décision n’est sans doute pas étrangère aux difficultés rencontrées pour faire bouger les lignes en France. La VOD par abonnement (SVOD) ne peut y proposer de nouveaux films que 36 mois après leur sortie dans les salles de cinéma, lesquelles bénéficient en outre d’un monopole de quatre mois avant la VOD à l’acte et la sortie des films en DVD.
C’est dans ce contexte que le CNC a relancé le 22 juin dernier les énièmes négociations pour tenter de faire évoluer la chronologie des médias empêtrée dans statu quo que beaucoup dénoncent. « [Il faut] faire disparaître toute chronologie entre les médias. Aujourd’hui, les films de super-héros sur Canal+ ne font pas d’audience, car les gamins les ont déjà piratés. La loi est anachronique », a lancé fin juin Vincent Maraval, directeur fondateur de Wild Bunch, distributeur et producteur de films ainsi qu’éditeur du service de VOD Filmo TV (1).
La chaîne payante du groupe Vivendi a de son côté tenu à rassurer les professionnels du cinéma français en les réunissant le 4 juillet dernier après des mois d’inquiétude (2) : Canal+ restera leur premier pourvoyeur de fonds du cinéma. En contrepartie, la chaîne cryptée fait pression sur la filière française du Septième Art pour que la chronologie des médias évolue en sa faveur : en réduisant à 8 mois le délai de sa fenêtre de diffusion, actuellement de 10 mois après la sortie des films en salles. Se pose aussi la question du dégel des droits durant les fenêtres des chaînes de télévision, lesquelles détiennent une exclusivité (la VOD devant alors suspendre la commercialisation des films concernés…). Quant aux salles de cinéma, réunies au sein de la FNCF ou de Cinéo (3), elles ne veulent toujours pas entendre parler de réduction de la fenêtre des quatre mois pour la VOD à l’acte. Le CNC réussira-t-il à leur imposer des dérogations à trois mois ? @

Nicolas Seydoux, président de Gaumont, tire la sonnette d’alarme sur le piratage et le droit d’auteur

Nicolas Seydoux, président de Gaumont, société cinématographique qui fête
ses 120 ans, était l’invité le 19 octobre d’un dîner-débat du Club audiovisuel
de Paris (CAVP). La lutte contre le piratage ? « Dix ans de combat, mais dix ans d’échec ! ». La réforme du droit d’auteur ? Une menace pour les films.

C’est dans les salons feutrés du Sénat que Nicolas Seydoux (photo), lequel préside aux destinées de Gaumont depuis quarante ans maintenant, s’est très sérieusement inquiété
pour l’avenir du cinéma français. « La menace est double :
le téléchargement illicite et ce qui se passe à Bruxelles.
En étant très modeste, il y a 15 millions de Français (1) qui téléchargent systématiquement [de façon illégale] ; les femmes jeunes, plutôt les séries, les hommes jeunes et les adolescents, plutôt les blockbusters américains. Concernant Bruxelles, nous osons espérer que la grande réforme de l’audiovisuel [envisagée par la Commission européenne] est largement enterrée et se réduirait à la portabilité [des contenus audiovisuels pour qu’ils soient accessibles par tous ceux qui voyagent ou s’expatrient d’un pays européen à un autre, ndlr] », a-t-il expliqué. Selon lui, les conséquences seraient dramatiques si ces deux menaces se poursuivaient : pour les chaînes de télévision, c’est la perte de recettes de publicités et perte d’une audience « jeune » ; pour les autres, c’est la mort de la vidéo qui représentait plus de 2milliards d’euros il
y a 8 ans et n’en représentera cette année moins de 700 millions d’euros.

Comment le gouvernement veut mettre un terme au statu quo de la chronologie des médias

Malgré la reprise des discussions cet été, les professionnels du cinéma n’arrivent pas à s’entendre pour faire évoluer la chronologie des médias en faveur notamment de la VOD. Les salles gardent leur exclusivité de quatre mois.
Face à ce blocage, le gouvernement commence à s’en mêler.

Richard PatryLa puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF),
qui représente les quelque 5.500 salles de cinéma présentes sur l’Hexagone (gérées par 2.000 établissements), l’a réitéré lors de son 70e congrès le 30 septembre dernier et lors des 10e Rencontres cinématographiques de Dijon le 16 octobre : pas question de toucher
au quatre mois d’exclusivité dont bénéficient les salles de cinéma en France pour la diffusion des nouveaux films.
Au moment où Netflix sort son premier long-métrage « Beasts of No Nation » en simultané salles-VOD, le président du FNCF, Richard Patry (photo), reste intransigeant et inflexible sur ce point (de blocage) : il faut « sanctuariser » la salle et sa fenêtre de diffusion sur les quatre mois après la sortie d’un film, prétextant que « ce délai a déjà reculé d’un tiers en 2009 », faisant référence à l’accord toujours en vigueur du 6 juillet 2009 qui avait ramené cette durée de six à quatre mois.

Neutralité du Net : la décision de la FCC ne répond pas à la question du financement des réseaux

La décision du régulateur américain datée du 26 février sur la « Net Neutrality » est-elle si « historique » ? Pas vraiment, tant sa position est identique depuis des années. Or, ne fallait-il pas au contraire de nouvelles règles pour prendre en compte l’asymétrie des échanges – comme l’envisage l’Europe ?

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Rémy Fekete

« The Interview qui tue » la chronologie des médias !

En fait. Le 31 décembre, Sony Pictures Entertainment a annoncé la disponibilité de son film contesté par la Corée du Nord, « The Interview qui tue ! », sur des plateformes de vidéo à la demande (VOD) ou directement sur Internet, et ce simultanément à sa projection dans des salles de cinéma depuis Noël.

En clair. Sorti simultanément en salles et en VOD, le film « The Interview qui tue ! » n’a pas provoqué l’ire des professionnels du cinéma hollywoodien et d’ailleurs. C’est une première. D’autant plus que cette sortie multi-support est un succès. Le film de Seth Rogen, qui a provoqué la colère de la Corée du Nord (laquelle serait à l’origine de la cyberattaque massive dont Sony Pictures Entertainment a été victime fin novembre), a rencontré son public : au 7 janvier 2015, 36 millions de dollars ont été générés sur les services en ligne et 5 millions de dollars dans les salles de cinéma. Là où d’habitude
ce sont les salles de cinéma qui assurent la grande majorité des recettes d’un nouveau film. Il faut dire que seulement 580 salles obscures aux Etats- Unis ont accepté de le proposer, alors que 3.000 salles étaient prévues initialement au niveau national.