De « Red Rupert » à « Blue Rupert » : l’héritier de gauche devenu magnat de droite

Lorsque son père meurt d’un cancer, il a 21 ans et doit quitter Oxford en Angleterre, où il étudie au Worcester College (université d’Oxford) et où il a développé une sensibilité de gauche (membre au Parti travailliste), avec comme surnom « Red Rupert ». De retour au pays, le jeune Rupert va reprendre en main les affaires de son père Keith Murdoch, qui, proche des conservateurs (1), fut journaliste et patron de presse influent dans les années 1920 (Melbourne Herald, The Register, Adelaide News, The Daily Mail, …).

En 1972, Murdoch tourne casaque
Rupert hérite de la société de presse News Limited dans laquelle son père avait pris une participation au capital trois ans avant sa mort. Y est édité The News qui sera le point de départ fondateur du futur magnat des médias. S’ensuivront des rachats de quotidiens et autres périodiques dans la plupart des grandes métropoles australiennes, dont The Daily Mirror à Sydney. Puis News Limited lance en 1964 The Australian, le premier quotidien national en Australie. En 1972, The Daily Telegraph tombe dans l’escarcelle de Rupert Murdoch. Son empire médiatique est lancé avec succès. C’est durant cette année-là, notamment lors des élections, que le magnat de presse australienne tourne le dos définitivement à ses idées de gauche. Après avoir soutenu le candidat du Parti travailliste du pays, il tourne casaque et devient un supporter du Parti libéral conservateur.
En 1987, The Herald and Weekly Times entre dans la galaxie Murdoch. Parallèlement, à partir de 1969, Rupert Murdoch fera ses emplettes de journaux à Londres (News of the World , The Sun, The Times, The Sunday Times, …), à San Antonio aux Etats-Unis (The San Antonio News) et à New-York (The New York Post). En 1974, l’Australien s’installe à New York et se fait onze ans plus tard naturaliser citoyen américain, abandonnant sa citoyenneté australienne. Et ce, afin de pouvoir posséder un réseau de télévision aux Etats-Unis.
Entre temps, en 1979, le magnat a créé News Corporation qui est la nouvelle maison mère de News Limited puis du studio de cinéma 21st Century Fox lors de son rachat en 1985. Le devenu Américain s’empare alors en 1985 du network de télévisions de Metromedia pour établir les bases de la Fox Broadcasting Company. L’empire Murdoch s’élargit à l’éditeur HarperCollins, au quotidien économique et financier The Wall Street Journal. En Grande-Bretagne, après avoir créé en 1981 la filiale News International basée à Londres et éditrice de ses journaux et tabloïds britanniques, l’ex-« Red Rupert » prend le contrôle l’année suivante de Satellite Television qui devient Sky Channel puis sept ans plus tard un bouquet de chaînes par satellite baptisé Sky Television, formant BSkyB avec son concurrent en 1990. A Hong Kong, Star TV entre dans le giron de News Corp. En 1995, le groupe fonde aux Etats- Unis The Weekly Standard, un magazine néoconservateur (revendu en 2009). En 1996, Fox Entertainment Group lance la chaîne d’information en continu Fox News pour concurrencer CNN (Time Warner). En 2003, une participation est prise dans DirecTV (ex-Hughes Electronics), opérateur de télévision par satellite (revendu par la suite à Liberty Media). En 2005, News Corp rachète Myspace, pionnier des réseaux sociaux, pour 580 millions de dollars, revendu à perte six ans plus tard pour 35 millions seulement. En 2011, Rupert Murdoch investit 30 millions de dollars dans un nouveau quotidien en ligne créé pour l’iPad, The Daily (qu’il arrête moins de deux ans après sur un échec). La même année, éclate le scandale du piratage téléphonique de personnalités – jusqu’au Premier ministre britannique et la famille royale – à des fins de « scoops ». News Corp décide alors de fermer News of the World. Cette même année, à l’été 2011, l’empire News Corp est scindé en deux sociétés : d’un côté les activités de presse et d’édition (nouveau News Corp), de l’autre celles de télévision et de cinéma (21st Century Fox), chacune cotée en Bourse (2). Dans le même temps, l’entité historique News Limited – presque centenaire, toujours basée à Adelaide (Sud de l’Australie) et éditrice aujourd’hui de 140 journaux australiens – est rebaptisée News Corp Australia.

La grève historique du groupe L’Equipe (EPA) illustre la profonde crise chronique de la presse

Les deux semaines de grève qui ont marqué en janvier le vaisseau amiral des Editions Philippe Amaury (EPA), L’Equipe, illustrent la crise profonde qui secoue la presse française, confrontée à la destruction créatrice du numérique et à la pandémie de coronavirus. Internet, planche de salut ?

Le groupe familial Amaury – alias les Editions P Amaury (EPA) – vit la plus grave crise de son histoire, depuis le lancement du Parisien par Emilien Amaury en 1944 puis le rachat de L’Equipe et de France Football en 1965. Depuis le décès de son mari Philippe Amaury en mai 2006, il y a quinze ans, c’est sa veuve Marie-Odile Amaury (photo) de aux destinées de la société anonyme EPA constituée du groupe de presse et de la filiale organisatrice d’événements sportifs.

50 postes supprimés mais 12 créés sur Internet
Le groupe de média familial, qui est totalement indépendant depuis que le groupe Lagardère est sorti en 2013 du capital où il détenait 25 %, a vendu Le Parisien et Aujourd’hui en France à LVMH/Les Echos en mai 2015. Le chiffre d’affaires d’EPA est alors passé d’environ 680 millions d’euros en 2014 à une estimation de 500 millions d’euros aujourd’hui. Marie- Odile Amaury (81 ans) supervise encore EPA, dont elle est toujours présidente du conseil d’administration, mais elle a délégué la direction opérationnelle à ses deux enfants : Aurore Amaury, présidente de la société L’Equipe SAS depuis 2016 et présidente de la régie publicitaire Amaury Média SAS depuis 2018 ; Jean-Etienne Amaury, président d’Amaury Sport Organisation SA (ASO) depuis 2010. Depuis septembre dernier, Jean-Etienne Amaury est directeur général d’EPA et sa soeur Aurore Amaury directrice générale déléguée. Cependant, les héritiers ne sont pas en prise directe avec l’intersyndicale (1) du groupe L’Equipe.
C’est Jean-Louis Pelé, directeur général depuis 2018, qui porte le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), lequel prévoit, sur 350 personnes (le quotidien, le magazine, Vélo Magazine, France Football, …), la suppression d’une cinquantaine de postes, dont la quasi-totalité de journalistes (2). Objectif : faire 5 millions d’euros d’économies pour éviter 6 millions de pertes cette année (3). Les journaux imprimés sont confrontés à une baisse des ventes papier (déjà observée avant la crise sanitaire mais amplifiée par elle) et à la suspension des compétitions sportives (matière première des journaux et de l’organisateur du Tour de France, du Dakar ou du Marathon de Paris). En revanche, une douzaine de postes seront créés sur Internet pour renforcer l’offre digitale et augmenter les abonnements numériques payants qui sont actuellement au nombre de 300.000, tous supports de la « marque L’Equipe » compris, à 450.000 en 2025. Une nouvelle plateforme « télé et vidéo » doit voir le jour cette année sous la houlette de Laurent Prud’homme (ex- Eurosport France), directeur général adjoint depuis le 4 janvier, aux côtés d’Emmanuel Alix, directeur du numérique, et de Jérôme Saporito, directeur de la chaîne L’Equipe TV (1,3 % de part d’audience en 2020, contre 1,4 l’année précédent).
Le quotidien, lui, est en troisième position en termes de diffusion payante (236.286 exemplaires vendus en moyenne par jour l’an dernier), derrière Le Monde (336.593) et Le Figaro (327.374). La baisse sur un an est de 6 %, d’après l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). A y regarder de plus près, la « marque L’Equipe » – comprenant trois supports de presse (L’Equipe, L’Equipe Dimanche, L’Equipe Magazine) et deux supports numériques (L’Equipe.fr et les applis mobiles « E ») – est arrivée à un point de bascule où la diffusion payée des versions numériques est devenue depuis 2019 majoritaire (4). D’après l’ACPM en 2021, cette marque L’Equipe cumule une audience totale – papier et surtout numérique – de plus de 16,5 millions de lecteurs (5). Il faut dire que L’Equipe.fr draine à lui seul environ 7,8 millions de visiteurs chaque semaine, dont 68% sur smartphone ou tablette (6). Les deux applications (sous Android et sous iOS) attirent, elles, environ 2 millions de visiteurs chaque semaine, dont 85 % sur smartphone (7). Ainsi, comme le reste de la presse française et à l’instar des journaux du monde entier, le numérique est une planche de salut face à l’accumulation des crises qui touchent les éditeurs. Si le quotidien L’Equipe est revenu dans les kiosques physiques depuis le 23 janvier, il continue à se diversifier en ligne, notamment dans l’e-sport sur Twitch (26.000 abonnés) ou en partenariat avec Riot Games (championnat de « League of legends »), ainsi qu’en podcasts.

Le plan social de la dernière chance ?
Le papier est en perte de vitesse depuis des années, tendance qui s’accélère avec la crise sanitaire et la chute des recettes publicitaires de l’imprimé. L’information consultation sur le PSE ayant pris fin le 3 février dernier, la direction « Amaury » doit transmettre son plan social à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) pour homologation. « Grève suspendue, le mouvement continue », a prévenu l’intersyndicale. @

Charles de Laubier

Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA) : l’Europe vise une régulation équilibrée du Net

Présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2020, le paquet législatif « DSA & DMA » – visant à réguler Internet en Europe, des réseaux sociaux aux places de marché – relève d’un exercice d’équilibriste entre régulation des écosystèmes et responsabilités. Son adoption est espérée d’ici début 2022.

Par Laura Ziegler, Sandra Tubert et Marion Moine, avocates, BCTG Avocats

Bras de fer en Australie entre presse et GAFAM

En fait. Les 22 janvier, en Australie, s’est tenue la première audience publique devant la commission des lois économiques du Sénat sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques », contre lequel les GAFAM, Twitter, Snap ou encore LinkedIn sont vent debout.

En clair. Dans le bras de fer auquel se livrent – depuis trois ans – les médias australiens et les géants du numérique, tout va se jouer dans les prochains jours en Australie au Parlement à Canberra (capitale du pays). Prochaine audience publique au Sénat australien sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques » : le 1er février. Le gouvernement australien entend obliger les Google, Facebook et autres Twitter à rémunérer les médias dont ils utilisent les actualités – que cela soit via des liens hypertext et/ou des snippets (vignettes affichant le début d’un article, avec photo ou vidéo).
Autrement dit, l’Australie veut faire payer aux GAFAM les liens de la presse sur le Web – n’en déplaise au fondateur du World Wide Web, Tim Berners-Lee, qui y voit là « une atteinte à un principe fondamental du Web » justement. Ce dernier l’a fait savoir le 18 janvier aux sénateurs australiens (1). Google, qui a menacé le 22 janvier de « suspendre » son moteur de recherche en Australie, Facebook et Twitter font partie de la cinquantaine de contributeurs (2). Tout avait commencé par un rapport publié en juin 2019 par l’autorité de la concurrence (ACCC), qui, après dixhuit mois d’enquête, fustigea finalement la position dominante des GAFAM. Le Premier ministre australien, Scott Morrison, avait aussitôt repris à son compte les recommandations de « mesures coercitives si nécessaire » à prendre à l’encontre des géants du Net. Parmi elles : la recommandation n°7 qui prône un « code de conduite » et un « partage de revenus » entre les plateformes et les médias (3), la presse étant confronté à la plus grave crise de son histoire. Le bras de fer se poursuit actuellement au Sénat australien, où la commission des lois économiques doit rendre « au plus tard le 12 février 2021 » son rapport sur le projet de « Code de négociation obligatoire des médias d’information et des plateformes numériques » (4).
D’autres pays observent ce bras de fer, dont la France où des négociations sur les droits voisins entre Google et la presse française – imposées par l’Autorité de la concurrence – ont abouti à de premiers « accords individuels » (5) – sur des « contenus enrichis » et leur rétribution. Mais la FNPS (presse spécialisée) estime que l’accord cadre signé par l’Apig (presse d’information générale) n’est « pas conforme » à la loi « Droit voisin de la presse » du 26 juillet 2019. @

Joe Biden (78 ans), 46e président des Etats-Unis, pourrait être celui qui mettra au pas les GAFA

Donald Trump est mort, vive Joe Biden ! A 78 ans, l’ancien vice-président de Barack Obama (2009-2017) et ancien sénateur du Delaware (1973-2009) a été investi 46e président des Etats-Unis le 20 janvier. Membre du Parti démocrate depuis 1969, Joseph Robinette Biden Junior est attendu au tournant par les Big Tech et la Silicon Valley.

Joe Biden (photo) et Kamala Harris ont donc prêté serment le 20 janvier 2021 en tant que respectivement président et vice-présidente des Etats-Unis. Battu de justesse et ayant eu du mal à admettre sa défaite, Donald Trump a boudé la cérémonie. Maintenant, la fête est finie et le 46e président des Etats-Unis se retrouve avec une pile de dossiers à traiter dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, sa résidence officielle jusqu’en janvier 2025 – son mandat étant de quatre ans, sauf décès ou destitution, renouvelable une fois. Située plutôt en haut de la pile des urgences se trouve la régulation de l’Internet, tant les problèmes se sont accumulés sous l’administration Trump : les enquêtes antitrust lancées à l’encontre des GAFA menacés de démantèlement pour en finir avec les abus de positions dominantes dans l’économie numérique et le e-commerce ; la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par les réseaux sociaux ; l’explosion des contenus controversés voire illicites sur Internet tels que publicités politiques, cyberhaine, cyberviolence ou encore désinformation ; la liste noire d’une dizaine d’entreprises technologiques chinoises devenues indésirables aux yeux de son prédécesseur sur le sol américain ; l’augmentation envisagée des droits de douanes sur des produits provenant des pays, dont la France, instaurant des taxes « GAFA ».

Biden et Trump, bonnet blanc et blanc bonnet ?
Ainsi, Joe Biden hérite d’au moins une demi-douzaine de problématiques digitales qui marqueront son mandat présidentiel. Ce à quoi s’ajoutent d’autres préoccupations des Big Tech depuis l’administration Trump : les décrets limitant les visas américains pour les salariés étrangers diplômés qui souhaiteraient travailler aux Etats-Unis, Silicon Valley comprise ; la neutralité de l’Internet annulée en 2018 par la FCC (1), laquelle décision fut confortée par un jugement mais laissant le dernier mot aux Etats fédérés (2) (*) (**). Plus globalement, le président démocrate est réputé plus favorable au renforcement du pouvoir fédéral, voire à un renforcement des lois antitrust que l’ancien président républicain. Ce dernier aspirait à moins de réglementation. Biden rime avec « plus de concurrence ». Alors que Trump rimait plus avec « positions dominantes ». Mais que l’on ne s’y trompe pas : Biden pourrait faire vis-à-vis des Big Tech dans le « Je t’aime… moi non plus » (3), et même nommer un « Monsieur antitrust » à la Maison-Blanche (4). De nombreuses Big Tech ont d’emblée misé sur le nouveau président en cofinançant ses cérémonies d’investiture, la plupart virtualisée en raison des risques de pandémie et d’émeutes. Le comité d’organisation mentionne comme donateurs : Google (Alphabet), Amazon, Microsoft, Verizon, Comcast (maison mère de NBC Universal), Qualcomm, Uber ou encore Yelp, ainsi que parmi les quelque 5.000 supporteurs Boeing. Mais qui trop embrasse mal étreint…

Antitrust, ePrivacy, data, fake news, …
La nouvelle administration « Biden » a maintenant les coudées franches pour légiférer autour d’Internet et du e-commerce dans la mesure où les démocrates américains ont la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.
Sur le front « antitrust », les GAFA ne s’attendent à aucun revirement politique à leur égard. Les enquêtes lancées l’an dernier par le pouvoir fédéral américain – notamment du ministère de la Justice, ou DoJ (5) – vont se poursuivre sous la houlette de son nouveau ministre, Merrick Garland, dans le but d’essayer de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles des géants du numérique surnommés les « winner-take-all ». Google (Alphabet) répond déjà devant la justice américaine depuis octobre dernier à propos de son moteur de recherche monopolistique (6). Le DoJ pourrait demander aussi des comptes à Apple, contesté pour ses pratiques sur son écosystème App Store, ainsi qu’à Facebook. Le réseau social de Mark Zuckerberg est déjà dans le collimateur du gendarme américain de la concurrence, la FTC (7), laquelle se mord les doigts d’avoir laissé Facebook racheter en 2012 Instagram et en 2014 WhatsApp (8) Les auteurs parlementaires du rapport du groupe spécial antitrust de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants des Etats-Unis, publié le 6 octobre dernier (9), a appelé le Congrès américain à légiférer rapidement, sans attendre des années de procès. Depuis ce pavé dans la mare des GAFA, des Etats américains se sont coalisés pour poursuivre en justice Google et Facebook (10).
Sur le front « ePrivacy », les Etats-Unis ont pris conscience de l’importance de la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par Facebook avec l’affaire retentissante « Cambridge Analytica » qui a valu à la firme de « Zuck » 5milliards de dollars d’amende infligés en juillet 2019 par la FTC. Ce scandale avait porté sur l’utilisation illégale de 50 millions de comptes de Facebook aux Etats-Unis pour influencer en 2016 l’élection présidentielle américaine (11). Joe Biden pourrait s’inspirer du règlement européen sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis mai 2018, pour pousser une loi fédérale de même portée, alors que le « California Consumer Privacy Act » l’est depuis juin de la même année. La vice-présidente des Etats- Unis, Kamala Harris (première femme et première noire à occuper ce poste), pourrait accélérer dans cette voie, elle qui fut sénatrice et procureure de Californie, la Mecque des Big Tech et des start-up. Elle est même proche familialement du directeur juridique d’Uber. Mais Washington et Silicon Valley ne font pas bon ménage sur cette question.
Sur le front « fake news », la question de la régulation de l’Internet se pose d’autant plus que la cyberhaine déversée lors de la dernière campagne présidentielle, suivie des émeutes mortelles des partisans de Donald Trump le 6 janvier au Capitole, a laissé des traces profondes dans l’opinion américaine et internationale.
Les publicités politiques financées, puis interdites, sur les réseaux sociaux et la guerre de la désinformation (fake news) ont porté atteinte aux valeurs démocratiques. Joe Biden a déjà fait savoir qu’il allait réviser la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, lequel accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Mais ce bouclier (12) est aujourd’hui contesté car les médias sociaux ne sont plus seulement hébergeurs. Facebook, Twitter et autres Google ont joué tant bien que mal les « modérateurs », supprimant des contenus qui n’auraient pas dû l’être, ou inversement avec la cyberviolence ou des contenus d’extrême droite ou complotistes.

… Huawei, TikTok, Xiaomi, taxes GAFA
Sur le front « Chine », une dizaine d’entreprises technologiques chinoises – à commencer par Huwei, le numéro un mondial des réseaux 5G, mais aussi ZTE – ont été placées sur une liste noire, accusées sans preuve de cyberespionnage et d’atteinte à la sécurité nationale du pays, le tout sur fond de bras de fer commercial sinoétatsunien. L’été dernier, Donald Trump avait signé des « Executive Order » pour interdire TikTok et WeChat aux Etats-Unis, sauf à être cédées par leur maison mère respectives, ByteDance et Tencent. A six jours de la fin du mandat, l’ancien président Trump a rajouté Xiaomi, devenu troisième fabricant mondial de smartphones devant Apple, à sa liste des chinois indésirables. Joe Biden, lui, enterra-t-il la hache de guerre pour fumer le calumet de la paix avec la Chine ?
Sur le front « taxe GAFA », la taxe que Paris a appliquée en 2019 aux grandes plateformes numériques – d’où son surnom de « taxe GAFA » – avait amené les Etats-Unis à envisager des représailles via une hausse des droits de douanes sur certains produits français. Or le 8 janvier dernier, le gouvernement fédéral américain a suspendu ce projet, le temps d’examiner les taxes GAFA similaires dans une dizaine d’autres pays (Grande-Bretagne, Italie, Inde, …). La future secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, s’est dite le 19 janvier plutôt favorable à une telle taxe pour « percevoir une juste part » des géants du Net. Avec Joe Biden, les Etats-Unis changent de pied. @

Charles de Laubier