Mesures techniques contre le piratage : les ayants droit exigent plus des plateformes

L’Arcom a publié le 25 octobre son rapport 2024 d’« évaluation des mesures techniques d’identification des œuvres et objets protégés mises en œuvre par les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne ». Trois ans après la loi « Antipiratage », les ayants droit ne sont pas satisfaits de ces outils.

La loi du 25 octobre 2021 de « régulation et de protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique », loi dite « Antipiratage » (1), a confié à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) – que préside jusqu’au 2 février 2025 Roch-Olivier Maistre (photo) – une mission d’évaluation de l’efficacité des mesures de protection des œuvres et objets protégés prises par les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne (YouTube, Instagram, Facebook, Snapchat, TikTok, Pinterest, Dailymotion, X/Twitter, …). Et ce, aux termes de l’article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle (CPI).

« Mesures techniques », filtrage et blocage
Les plateformes numériques de partage de contenus protégés par le droit d’auteur et les droits voisins doivent obtenir l’autorisation préalable des titulaires de droits pour les œuvres et objets protégés que leurs internautes utilisateurs téléchargent sur leur service pour les partager. En l’absence d’autorisation, ces fournisseurs de services de partage de contenus – plateformes vidéo telles que YouTube ou réseaux sociaux tels qu’Instagram ou X (ex-Twitter), soit au total 23 services en France, d’après l’Arcom – doivent, afin de ne pas engager leur responsabilité : démontrer avoir fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation préalable auprès des titulaires de droits ; avoir fourni leurs meilleurs efforts pour garantir l’indisponibilité des contenus pour lesquels les titulaires de droit leur ont fourni les informations pertinentes et nécessaires ; avoir agi promptement, dès réception d’une notification, pour bloquer ou retirer le contenu signalé et empêcher son nouveau téléchargement sur son service.
Ce régime spécifique d’autorisation et de responsabilité des plateformes de partage, au regard du droit d’auteur et des droits voisins, découle de la transposition de l’article 17 sur le filtrage des contenus de la directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique » du 17 avril 2019, dite directive « Copyright » (2). (suite)

EarthMeta ouvre la nouvelle génération de métavers face aux pionniers The Sandbox et Decentraland

La société hongkongaise EarthMeta lance son métavers éponyme qui est opérationnel depuis ce 1er décembre 2024, après une prévente de son token $EMT depuis six mois. Alimentée par l’IA, cette terre immersive permet aux utilisateurs de « posséder le monde » en tant que « gouverneur de villes ».

Cofondée par deux Français (photos), Taha Bouarfa (basé à Hong Kong en Chine) et Kawther Ghazal (à Dubaï aux Emirats arabes unis), la société hongkongaise EarthMeta lance son métavers de « nouvelle génération », combinant intelligence artificielle et blockchain. Avec ce monde immersif qui a des airs de Google Earth (1), les utilisateurs peuvent y « acheter les meilleures villes du monde » (Paris, Londres, New-York, Moscou, Pékin, …), les « gouverner », « façonner les économies, échanger des terres et des actifs », tous représentés par NFT (2), ces jetons non-fongibles authentifiés et certifiés sur la blockchain.

IA, blockchain, token et NFT
En l’occurrence, EarthMeta est développé sur la blockchain d’origine indienne Polygon (ex-Matic Network) qui a l’avantage de connecter les réseaux de blockchain compatibles avec le protocole Ethereum (à l’origine de la blockchain du même nom). EarthMeta y a créé sa propre monnaie numérique, le token$EMT qui, après avoir été en prévente depuis le 1er juin, est depuis ce 1er décembre échangeable sur la plateforme (phase de listing ou « cotation ») pour le plus grand nombre d’utilisateurs. Sur la blockchain Polygon, EarthMeta a aussi déposé son contrat intelligent (smart contract) où sont consignés le programme informatique du métavers, les transactions qui y sont faites ou encore la gestion de la propriété et des échanges de biens virtuels.
L’ambition des deux Français est d’aller plus loin que les métavers The Sandbox, pionnier français depuis 2011 du Web3 racheté en 2018 par le hongkongais Animoca Brands (3), et Decentraland, plateforme créée en 2015 par deux Argentins. EarthMeta prévoit de mettre en œuvre une fonctionnalité dite de « chaîne croisée » (cross-chain), permettant une interopérabilité (4) transparente avec d’autres blockchain. « Cette intégration vise à élargir l’accessibilité de la plateforme et à permettre aux utilisateurs de s’engager dans un écosystème plus large d’actifs et de services numériques », promet l’entreprise dans une communication datée du 3 novembre. (suite)

45e président des Etats-Unis, Donald Trump sera le 47e : que devient sa société cotée Trump Media ?

« Votre voix. Votre liberté. » Le slogan du réseau social que Donald Trump a lancé en 2022 sous le nom de Truth Social, après avoir été banni de Twitter et de Facebook, sonne aujourd’hui différemment depuis que l’ancien locataire de la Maison-Blanche a été élu le 6 novembre 47e président des Etats-Unis.

Le 8 novembre, Donald Trump (photo), élu deux jours plus tôt 47e président des Etats-Unis, a lancé sur son réseau social « Truth Social » à propos de rumeurs selon lesquelles il comptait céder sa société cotée Trump Media & Technology Group (TMTG) dont il détient 52,9 % du capital au 30 septembre 2024 : « Je n’ai pas l’intention de vendre ! » (1). Rappelez-vous : il y a trois ans, Donald Trump lançait son propre réseau social Truth Social pour « résister à la tyrannie des géants technologiques » que l’ancien locataire de la MaisonBlanche a accusés de l’avoir « réduit au silence » après les événements du Capitole en 2021.
Pour éditer cette plateforme destinée à être plus qu’un simple site de microblogging, le candidat Républicain à l’élection présidentielle américaine fonde alors sa start-up TMTG et l’enregistre dans l’Etat du Delaware, l’un des premiers paradis fiscaux américains. Slogan de Truth Social, considéré un temps comme un « clone de Twitter » : « Votre voix. Votre liberté. » Le 5 novembre, soit la veille de la victoire présidentielle de Donald Trump, la société cotée TMTG a réaffirmé dans ses résultats du troisième trimestre 2024 que « depuis son lancement, Truth Social a connu une croissance substantielle, passant de zéro à un total d’environ 9 millions d’inscriptions à la mi-février 2024 via iOS, Android et le web ».

Actions « DJT » : 8 mois de turbulences
Selon les relevés de Demandsage et de Searchlogistics, le nombre d’utilisateurs actifs ne dépasserait pas les 2 millions (2), alors que « Trump Media » en revendiquait au printemps dernier 5 millions. Pas de quoi pavoiser pour autant face aux quelque 300 millions d’utilisateurs de X (ex-Twitter) et encore moins par rapport aux plus de 2 milliards de profils sur Facebook. En remportant largement la présidentielle américaine le 6 novembre face à la Démocrate Kamala Harris, Donald Trump a revigoré l’action de TMTG au Nasdaq, où son entreprise est directement cotée depuis mars dernier sous le symbole DJT – ses propres initiales : Donald John Trump. Auparavant, TMTG était en Bourse depuis octobre 2021 mais via une société d’acquisition (3), Digital World Acquisition Corp. (DWAC), avec laquelle TMTG a fusionné. (suite)

Responsabilités sur le Web : ce qui change vraiment avec le règlement sur les services numériques

Même si le DSA a maintenu la « non-responsabilité » des hébergeurs et autres intermédiaires numériques, ce règlement européen sur les services numériques ouvre la voie à une auto-régulation a priori de la part des très grandes plateformes en ligne pour éviter les « risques systémiques ».

Par Anne Cousin, avocate associée, Derriennic Associés

Le règlement sur les services numériques – Digital Services Act (DSA) – du 19 octobre 2022 (1) est applicable à l’ensemble des intermédiaires du numérique depuis février 2024 : fournisseurs d’accès aux contenus, services de cache, moteurs de recherche, hébergeurs, plateformes en ligne. Que faut-il en attendre sur le terrain de la responsabilité de tous ces « fournisseurs de services intermédiaires » en cas de désinformation, cyber harcèlement, diffamation et contenus haineux ? Et ce, « quel que soit leur lieu d’établissement ou leur situation géographique, dans la mesure où ils proposent des services dans l’Union [européenne] ».

Des principes inchangés, parfois chahutés
A l’origine du Web, la question fondamentale fut de distinguer deux acteurs principaux : les éditeurs d’une part, responsables de plein droit des contenus qu’ils créent, et les hébergeurs d’autre part, qui à l’inverse ne doivent, ni même ne peuvent, en répondre. A la veille des années 2000, la bataille en France fut en effet acharnée sur le terrain judiciaire (2) et finalement remportée au Parlement en quelques années – loi « Liberté de communication » et loi « LCEN » (3) – par les tenants de la non-responsabilité des hébergeurs, considérée comme la condition sine qua non du développement des échanges sur Internet. Depuis, le principe a été repris par les lois françaises successives et – bien que la jurisprudence soit parfois hésitante dans son application pratique – la distinction de l’éditeur et de l’hébergeur, et les conséquences qui en découlent, sont fermement maintenue depuis. La régie publicitaire Google Adwords (4), le moteur de recherche Google (5), ou encore la plateforme de partage de vidéos Dailymotion (6) ont ainsi été jugés hébergeurs. Au contraire, ont été considérés comme éditeurs la plateforme Airbnb (7) ou encore le site web de billetterie de manifestations sportives Ticket Bis (8). Le DSA ne revient pas en arrière.

Data Transfer Initiative, cofondée par Google, Apple et Meta, accélère

Depuis que le DMA et le Data Act, sur fond de RGPD, sont entrés en vigueur dans l’Union européenne, les grandes plateformes numériques s’organisent pour mettre en pratique la portabilité des données. Google, Apple et Meta accélèrent dans ce domaine via la Data Transfer Initiative (DTI).

Permettre aux utilisateurs de réaliser des transferts de données simples, rapides et sécurisés, directement entre les services. Telle est la promesse de l’organisation Data Transfer Initiative (DTI), basée à Washington et cofondée en 2018 par trois des GAFAM : Google, Meta et Apple. Ces travaux se sont accélérés avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 du Data Act (DA), le règlement européen sur « l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données » (1), et le 7 mars 2024 du Digital Markets Act (DMA), le règlement sur les marchés numériques (2).

Transférabilité des photos, vidéos et musiques
Que dit le DMA au juste ? « Le contrôleur d’accès [gatekeepers] assure aux utilisateurs finaux et aux tiers autorisés par un utilisateur final, à leur demande et gratuitement, la portabilité effective des données fournies par l’utilisateur final ou générées par l’activité de l’utilisateur final dans le cadre de l’utilisation du service de plateforme essentiel concerné, y compris en fournissant gratuitement des outils facilitant l’exercice effectif de cette portabilité des données, et notamment en octroyant un accès continu et en temps réel à ces données ». Tandis que le DA, lui, consacre le « droit à la portabilité des données » vis-à-vis non seulement des GAFAM (et tout gatekeepers) mais aussi des fournisseurs de services de cloud. La portabilité des données est également prévue par le règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018 (3).
Aussi, sous la pression de l’Union européenne, les travaux de la DTI s’intensifient, comme l’explique Chris Riley (photo), le directeur de cette organisation américaine : « Longtemps considérée comme une question de niche – qualifiée étiquetée comme “un droit obscur des personnes concernées” –, la portabilité des données a pris beaucoup plus d’importance ces dernières années, notamment dans le règlement sur les marchés numériques et celui sur les données. Son impact va au-delà même des contextes de la protection des données et de la concurrence, allant jusqu’à la sécurité en ligne et la gouvernance de l’IA ». Car, toujours dans les Vingt-sept, le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) est à son tour entré en vigueur, depuis le 1er août 2024 (4). La DTI a donc engagé des travaux sur la portabilité de l’IA personnelle, avec la collaboration de la start-up californienne Inflection (5) qui crée une IA personnelle pour tout le monde, baptisée Pi. Le 18 juin dernier, la DTI a partagé – à l’attention du nouveau Parlement européen – sa vison sur la politique de l’UE pour « responsabiliser les gens par la portabilité des données » et à travers cinq priorités : « Mettre en œuvre les lois existantes de manière efficace ; établir la confiance entre les fournisseurs ; promouvoir la neutralité technologique ; investir dans la sensibilisation et l’engagement ; évaluer la transférabilité dans la pratique, et non sur le papier » (6).