Divisée face aux Gafam, la presse française ne favorise pas la transparence sur les droits voisins

Carine Fouteau, nouvelle présidente et directrice de la publication Mediapart, pointe la non transparence de Google sur les sommes dues au titre des droits voisins de la presse. Mais elle s’en prend aussi « aux médias qui ont fait le choix du chacun pour soi en signant des accord individuels ».

C’est le premier coup de gueule de Carine Fouteau (photo), cette journaliste qui a succédé en mars 2024 à Edwy Plenel à la présidence de la Société éditrice de Mediapart. La nouvelle directrice de la publication de Mediapart a dénoncé fin avril « l’opacité des Gafam » en général et « l’absence de transparence » de Google en particulier. Le média d’investigation reproche notamment « les clauses de confidentialité imposées par Google » dans le cadre de l’accord que ce dernier a signé en octobre 2023 avec la Société des droits voisins de la presse (DVP).

L’Autorité de la concurrence a déjà sévi
Ce premier « accord majeur » de la Société DVP avec Google porte sur l’exploitation des contenus de presse par Google Actualités, Google Search et Google Discover sur la période allant d’octobre 2019 à décembre 2022. Le montant total ainsi collecté – pour le compte des 305 éditeurs (dont Edition Multimédi@) et agences de presse membres de cet organisme de gestion collective – n’a pas été divulgué. Et pour cause, Google impose à la Société DVP des clauses de confidentialité qui l’empêche de publier l’enveloppe globale obtenue dans le cadre de cet accord contractuel. La nouvelle patronne de Mediapart (1), dont la société éditrice est membre du conseil d’administration de la Société DVP, pointe ce défaut de transparence. Les sommes correspondantes à cette première période ont été versées en mars aux éditeurs membres, tandis que le média fondé par Edwy Plenel a décidé de ne pas encaisser la « substantielle somme » lui revenant. « La rétribution ne retourne pour autant pas à l’envoyeur (Google) : elle reste en réserve dans l’organisme de gestion collective, en attendant que le voile sur les chiffres soit levé », a précisé Carine Fouteau sur le site d’investigation.

TikTok menacé d’être banni des Etats-Unis et d’Europe, sa maison mère chinoise ByteDance contre-attaque

Alors que Joe Biden aux Etats-Unis et Ursula von der Leyen en Europe rêvent d’évincer de leur marché respectif TikTok, le réseau social des jeunes, sous des prétextes de « sécurité nationale » (le syndrome « Huawei »), sa maison mère chinoise ByteDance compte bien se battre pour obtenir justice.

(le 14 mai 2024, dans le cadre de l’état d’urgence décrété le 15 mai en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre français Gabriel Attal a annoncé l’interdiction de TikTok dans cet archipel franco-kanak d’Océanie, mesure sans précédent pour des raisons, selon le gouvernement, de « terrorisme ») 

Aux Etats-Unis, Joe Biden a signé le 24 avril la loi obligeant le groupe chinois ByteDance de se séparer de sa filiale américaine TikTok « sous 270 jours » (neuf mois), soit d’ici février 2025. Le chinois a saisi le 7 mai la justice pour demander la révision de ce « Ban Act » qu’il juge inconstitutionnelle. Au Congrès américain, la Chambre des représentants et le Sénat avaient adopté cette loi respectivement le 13 mars et le 23 avril. Le président des Etats-Unis avait aussitôt déclaré qu’il signerait cette loi (1).
En Europe, Ursula von der Leyen a déclaré le 29 avril que « n’est pas exclu » le bannissement de TikTok de l’Union européenne. La présidente de la Commission européenne a lancé sa menace de Maastricht lors d’un débat de candidats à l’élection européenne coorganisé par le journal Politico, après qu’un modérateur ait fait référence au sort réservé à TikTok aux Etats-Unis si la firme de Haidian (nord-ouest de Pékin) ne vendait sa filiale américaine. Le réseau social des jeunes férus de vidéos courtes et musicales est donc frappé du syndrome « Huawei » – géant chinois des équipements télécoms déjà mis à l’écart par des pays occidentaux sous les mêmes prétextes de « risque pour la sécurité nationale » (2) et d’accusation sans preuves de « cyber espionnage » (3). Déjà, Washington (depuis décembre 2022) et Bruxelles (depuis février 2023) ont interdit à leurs employés et fonctionnaires d’utiliser TikTok sur leurs smartphones professionnels.

Quel rapport entre le e-commerçant Zalando et trois sites pornos ? Le Digital Services Act !

Les plateformes de e-commerce Zalando et pornographiques Pornhub et Stripchat – mais pas XVideos – ont en commun de contester devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) leur inscription dans la liste des « très grandes plateformes en ligne » dans les Vingt-sept régies par le DSA.

Le e-commerçant allemand Zalando avait été désigné le 25 avril 2023 par la Commision européenne – dans le cadre du Digital Services Act (DSA) – comme « très grande plateformes » ou VLOP (1) dans le jargon bruxellois, aux côtés de Alibaba/AliExpress, Amazon Store, Apple/AppStore, Booking, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wikipedia et YouTube, ainsi que des « très grands moteurs de recherche en ligne » ou VLOSE (2), Bing et Google Search (3). A ce « Big 19 » sont venus s’ajouter le 28 décembre 2023 trois autres VLOP, les plateformes pornographiques Pornhub, Stripchat et XVideos (4).

La Commission européenne devant la CJUE
Chacune de ces vingt-deux plateformes très fréquentées présentent autant de « risque systémique » qu’elles ont l’obligation de gérer pour l’éviter sous peine d’amendes. Mais depuis juin 2023, Zalando demande à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’annulation de la décision de la Commission européenne, celle du 25 avril 2023 listant les dix-neuf géants du Net qui présentent chacun un « risque systémique » et qui sont soumis de ce fait à des obligations renforcées. Et, selon les informations de Edition Multimédi@, la société Aylo Freesites éditrice du site pornographique Pornhub et basée à Chypre – elle-même rachetée il y a un an par le fonds d’investissement québécois Ethical Capital Partners (ECP) –, vient de déposer, le 1er mars 2024, son recours devant la CJUE. Également basée à Chypre, la société Technius – éditrice du site pornographique Stripchat – avait fait de même le 29 février 2024.
Toujours selon nos informations, la société tchèque WGCZ Holding – cofondée par le Français Stéphane Pacaud et éditrice du site pornographique XVideos – ne déposera pas, elle, de recours devant la CJUE. Car le 29 février 2024, le site XVideos a déclaré en ligne avoir environ « 84 millions d’utilisateurs par mois dans l’Union européenne [dont 40 % de visiteurs en sessions incognito, ndlr], soit au-dessus du quota des 45 millions » (5). Depuis l’entrée en vigueur le DSA (6) le 25 août 2023, sont désignés par la Commission européenne comme « très grande plateforme en ligne » ou « très grand moteur de recherche en ligne », les géants du Net qui totalisent au moins 45 millions d’utilisateurs par mois dans l’Union européenne (UE). Ce seuil est équivalent à 10 % de la population totale des Vingt-sept (7). La société Zalando, basée à Berlin en Allemagne et coprésidée par ses cofondateurs Robert Gentz et David Schneider (photos), a été la première « très grande plateforme en ligne » à contester sa désignation comme VLOP. Le 27 juin 2023 (8), le e-commerçant a donc saisi la CJUE pour demander l’annulation de la décision de la Commission européenne. Dans la requête que Edition Multimédi@ a consultée, la société Zalando estime d’abord que « le [DSA] ne lui est pas applicable, ne serait-ce que parce que son service n’est pas un service intermédiaire et, de ce fait, ni un service d’hébergement ni une plateforme en ligne au sens de ce règlement ». Donc, « la condition de la fourniture de contenus tiers n’est pas remplie » puisque « [Zalando] fournit ses propres contenus par l’intermédiaire de la vente de ses articles ».
Et quand bien même « une partie du service devait être qualifiée de “plateforme en ligne’’, cette partie n’atteindrait pas le seuil de 45 millions de destinataires actifs par mois », assure-t-elle, en pointant « des critères erronés » de la Commission européenne. De plus, la société berlinoise considère que « les règles relatives au calcul du seuil sont trop imprécises et enfreignent le principe de précision consacré par le droit de l’[UE] ». Et Zalando d’enfoncer le clou : le calcul du DSA « ne suffit pas, en raison de sa nature juridique et de son libellé lacunaire ». Aussi, « l’imprécision de la méthode de calcul […] viole le principe d’égalité de traitement en prévoyant un seuil global pour l’ensemble des plateformes en ligne, indépendamment des critères fondés sur le risque des services concernés ».

Zalando estime ne pas être « hébergeur »
Autre grief avancé par Zalando pour demander l’annulation de la décision de la Commission européenne à son égard : « L’application du [DSA] constitue une ingérence disproportionnée dans les droits et libertés fondamentaux […] et viole ainsi le principe de proportionnalité », tandis que « la [Commission européenne] n’expose pas, dans sa décision, la raison pour laquelle le service de [Zalando] relève de la notion de “service d’hébergement” […], alors que c’est une condition essentielle pour l’application de […] de ce règlement » (9). Reste à savoir ce que dira dans un premier temps l’avocat général de la CJUE. @

Charles de Laubier

L’année 2024 sera-t-elle plus « intelligente » que les précédentes ? Les acteurs de l’IA y travaillent

Edition Multimédi@ est partenaire média du 3e World AI Cannes Festival (WAICF), rendez-vous mondial consacré à l’intelligence artificielle et organisé du 8 au 10 février 2024 au Palais des festivals de Cannes. L’occasion de faire le point sur quelques forces en présence d’envergue mondiale.

L’intelligence artificielle, c’est désormais le foisonnement permanent sur fond de bataille des LLM (Large Language Model), ces grands modèles de langage utilisés par les agents conversationnels et les IA génératives, capables d’exploiter en temps réel des milliards voire des dizaines de milliards de paramètres. Depuis le 30 novembre 2022, date du lancement fracassant de ChatGPT (1) d’OpenAI, cornaqué par Microsoft (2), le marché mondial de l’IA ne cesse de prendre de l’ampleur. Alors que les questions sur les IA responsables (éthique, biais, droit d’auteur, droit à l’image, …) sont autant de défis à relever. Parmi les derniers prétendants aux premières places de la course à l’intelligence numérique potentiellement utilisable par des milliards d’êtres humains connectés : Mistral AI, Gemini, Anthropic et Llama, en attendant Ferret… d’Apple.

Mistral AI. La start-up française, devenue licorne (non cotée en Bourse mais valorisée près de 2 milliards d’euros), a été fondée en avril 2023 par Arthur Mensch, Guillaume Lample et Timothée Lacroix. Le 10 décembre dernier, elle a annoncé avoir levé 385 millions d’euros auprès d’investisseurs et a ouvert à l’intention des développeurs sa plateforme open source de modèles génératifs « les plus puissants » dans leur version bêta (3). Arthur Mensch, un ancien « scientist » de chez DeepMind, filiale de Google (tandis que les deux autres cofondateurs viennent de Facebook/Meta), a l’ambition de « créer un champion européen à vocation mondiale dans l’intelligence artificielle ». Son modèle d’IA, baptisé « Mixtral 8x7B », a été présenté comme étant six fois plus rapide que le langage Llama 2 70B du groupe Meta qu’il « surpasse » dans « la plupart des benchmarks ». De plus, « il égale ou surpasse GPT 3.5 [d’OpenAI] » (4).

Gemini. C’est le modèle d’IA « le plus grand et le plus performant » que Google a annoncé le 6 décembre dernier dans un post (5) cosigné par Sundar Pichai, PDG de Google et de sa maison mère Alphabet, et par Demis Hassabis, directeur général et cofondateur en 2010 de la start-up DeepMind Technologies que Google a rachetée il y a dix ans (en janvier 2014) pour quelque 628 millions de dollars. Rebaptisée Google DeepMind et filiale d’Alphabet, elle a rendu disponible la version 1.0 de Gemini (6) qui est déployé dans plusieurs produits et plateformes de la firme de Mountain View (où se trouve le QG Googleplex). L’IA générative Bard, que Google a lancée précipitamment il y aura un an le 6 février (7), profite désormais d’« une version affinée de Gemini Pro pour un raisonnement plus avancé » et il s’agit de « la plus grande mise à jour de Bard depuis son lancement ». Gemini est présenté comme un modèle multimodal (texte, images, audio et vidéo).

Anthropic. Fondée en décembre 2020 par d’anciens d’OpenAI, Dario Amodei et sa sœur Daniela Amodei, la startup Anthropic – dont ils sont respectivement directeur général et présidente – est basée à San Francisco (Californie) comme OpenAI. Ils ont été suivis par sept autres de leurs collègues d’OpenAI. Amazon avait annoncé le 25 septembre 2023 l’injection de 4 milliards de dollars dans Anthropic (8), qui avait levé 1,5 milliard de dollars dix-huit mois auparavant auprès d’investisseurs – dont 300 millions de dollars de Google qui a pris 10 % du capital et a promis à la start-up de lui apporter jusqu’à 2 milliards de dollars en plus. Anthropic, qui recourt au cloud AWS d’Amazon, a lancé en mars 2023 son IA générative appelée Claude (9) (claude.ai), dont la version 2 est disponible depuis juillet dernier. Mais avec son futur « Claude-Next », la rival d’OpenAI se positionne déjà pour se mesurer au futur ChatGPT-5 attendu cette année.

Llama. Cela fera un an, le 24 février prochain, que Meta Platforms (ex-Facebook) a lancé « LLaMA » (Large Language Model Meta AI), son grand modèle de langage en open source (10). La firme de Mark Zuckerberg a ensuite annoncé le 18 juillet dernier la version Llama 2 en partenariat avec Microsoft (pour utiliser son cloud Azure), mais en la rendant aussi disponible chez Amazon Web Services (AWS), Hugging Face et d’autres fournisseurs. « Llama 2 est gratuit pour la recherche et l’utilisation commerciale », précise Meta (11). Le géant de Menlo Park (Californie) utilise aussi son IA pour créer de nouvelles fonctions sur ses réseaux sociaux Instagram, Facebook et WhatsApp. Le 7 décembre, il a présenté « Purple Llama », une boîte à outils également en open source pour la sécurité et la confiance en matière d’IA responsable (12). Rappelons que le directeur général de l’intelligence artificielle de Meta est le Français Yann Le Cun, recruté il y a dix ans maintenant (en décembre 2013) et basé à New-York. @

Charles de Laubier

Satellites d’Elon Musk : Starlink veut être partout

En fait. Le 27 novembre, le ministre israélien des Communications a félicité Elon Musk – fondateur de SpaceX et de sa constellation par satellites Starlink – pour des connexions Internet, « y compris dans la bande Gaza » où ce ministre résidait. Globalement, Starlink a pris de l’avance sur OneWeb et Kuiper. En clair. « Elon Musk, je vous félicite d’avoir conclu un accord de principe avec le ministère des Communications sous ma direction. Grâce à cet accord important, les unités satellitaires Starlink ne peuvent être exploitées en Israël qu’avec l’approbation du ministère israélien des Communications, y compris dans la bande de Gaza », a lancé le 27 novembre sur X (exTwitter), Shlomo Karhi, le ministre israélien des Communications (1), qui indique sur son compte X être « résident de la bande de Gaza » (2). Elon Musk, également propriétaire de l’exTwitter, était en visite en Israël ce jour-là non seulement pour s’entretenir avec le président de l’Etat hébreu Isaac Herzog de la lutte contre l’antisémitisme en ligne, mais aussi pour conclure un accord avec le ministère israélien des Communications permettant d’assurer des connexion Internet par satellite dans le pays, bande de Gaza incluse. La plus grande fortune mondiale (3), par ailleurs cofondateur et DG de Tesla, est venu – pendant la trêve dans la guerre entre Israël et le Hamas – avec sa casquette de fondateur PDG de SpaceX qui a créé et exploite Starlink, la plus grande constellation de satellites Internet jamais déployée au monde. Elle compte à ce jour 5.200 satellites en orbite, alors qu’il y en a environ 8.000 opérationnels tout opérateurs de satellites confondus. SpaceX est le premier constructeur mondial de satellites et est en passe de devenir en revenu le premier opérateur de satellites. « Ces méga-constellations rendent un service de couverture numérique des territoires, notamment dans les zones les plus reculées […]. La constellation américaine Starlink est déjà présente. Il y a aussi la constellation européenne OneWeb. Mais d’autres vont arriver, comme Kuiper, la constellation d’Amazon, ou encore des projets chinois », a indiqué Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, dans une interview parue le 20 novembre dans La Tribune (4). De son côté, Orange a lancé le 16 novembre sa nouvelle offre « Satellite Orange » (5) opérée par sa filiale Nordnet qui s’appuie sur l’opérateur de satellite Eutelsat. Le directeur général d’Orange France, Jean-François Fallacher, avait estimé le 12 octobre dernier que « ce fameux 100 % fibre, c’est un rêve », alors que l’objectif de l’atteindre en 2025 semble compromis (6). Ce qui avait eu le don d’agacer l’Arcep. Le satellite vient bousculer le Plan France Très haut débit. @