Internet global : la régulation nationale adaptée ?

En fait. Le 25 mars, Mark Zuckerberg, Sundar Pichai et Jack Dorsey ont été auditionnés par une commission du Congrès des Etats-Unis sur « l’extrémisme et la désinformation » véhiculés par Facebook, Google et Twitter. La régulation de l’Internet global risque de tourner en patchwork réglementaire.

En clair. La pression monte aux Etats-Unis pour que soit réformée la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, lequel accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques – au premier rang desquelles Facebook, Google et Twitter – quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Ce « bouclier » du CDA, qui ressemble à la responsabilité limitée garantie aux hébergeurs en Europe par la directive « Ecommerce » de 2000, est plus que jamais contesté jusqu’à Washington. Car les médias sociaux ne sont plus seulement hébergeurs mais aussi des modérateurs, lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes éditeurs. Joe Biden a déjà fait savoir (1) qu’il allait réviser cette section 230. Ni Mark Zuckerberg, ni Sundar Pichai, ni Jack Dorsey – respectivement PDG de Facebook, Google et Twitter – ne s’opposent à une nouvelle régulation du Net.
Mais le paradoxe est que ces patrons de plateformes numériques mondiales – sans frontières – raisonnent devant la commission de l’énergie et du commerce du Congrès des Etats- Unis (2) comme s’ils n’étaient présents qu’aux Etats-Unis. Ce paradoxe sous-tend le fait que les régulateurs nationaux – américains, européens (français inclus) et d’ailleurs – cherchent à encadrer des médias sociaux dont l’emprise n’est pas nationale mais mondiale. Lorsque Mark Zuckerberg appelle, dans une déposition écrite (3) la veille de son audition, à plus de responsabilité des plateformes numériques, il s’adresse aux législateurs américains, pas à leurs homologues européens, pas plus qu’aux législateurs du reste du monde. De son côté, l’Union européenne (UE) est en train de revoir la responsabilité de ces géants du Net, d’envergure internationale donc, avec deux textes législatives – le DSA (4) et le DMA (5) – en cours d’examen au sein du Conseil de l’UE et des instance préparatoires.
Etant entendu que ce futur cadre du marché unique numérique ne s’appliquera qu’aux Vingt-sept, mais pas au-delà. Il en va de même de la directive européenne de 2018 sur les services de médias audiovisuels, dite SMA (6). Censée être transposée par les Etats membres de l’UE à septembre 2020, elle étend la régulation audiovisuelle aux plateformes de streaming (médias sociaux compris). Chaque région du monde, voire chaque pays, entend réguler les géants du Net – à l’instar de la future Arcom en France –, au risque de se retrouver avec un patchwork réglementaire inefficace face à ces acteurs globaux. @

Sécurité numérique : le Premier ministre plus que jamais en première ligne

Le Premier ministre est le régulateur de la sécurité numérique nationale. Le Conseil constitutionnel a confirmé en février dernier l’étendue de ses prérogatives et des garanties nécessaires en la matière. L’affaire « SolarWinds » appelle de telles garanties du côté des fournisseurs d’informatique en nuage.

Par Christophe Clarenc (photo), avocat, cabinet DTMV & Associés

La « transition numérique » de l’économie et des entreprises s’accompagne d’une démultiplication pandémique des violations et compromissions de sécurité des systèmes d’information (1), avec un flot continu de « fuites » massives de données, une industrialisation (à l’état de l’art) de l’exploitation des « failles » de sécurité, et une explosion des cyberattaques critiques.

Brexit : entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, les données personnelles sont entre deux eaux

Le RGPD sur la protection des données personnelles en Europe reste applicable à leurs transferts vers le Royaume-Uni jusqu’au 1er juillet 2021. Mais, depuis le début de l’année, la « Cnil » britannique ne peut plus être « chef de file ». En tout cas, il faut anticiper avec ce « pays tiers ».

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA a vingt ans et veut étendre son influence

Méconnu du grand public, le CSPLA conseille – depuis l’année 2000 – le ministère de la Culture, dont il dépend, sur le droit d’auteur et les droits voisins à l’ère du numérique. Cette instance consultative atteint cette année les 100 membres et veut se faire entendre en Europe. Sa séance plénière du 15 décembre est la 40e !

Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), présidé depuis deux ans par Olivier Japiot (photo), veut passer à la vitesse supérieure et étendre son influence, y compris au niveau européen. Evoluant dans l’ombre de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la Culture, avec laquelle il occupe les locaux de l’immeuble des Bons enfants, rue Saint-Honoré à Paris (1), cette instance consultative sur le droit d’auteur et les droits voisins à l’ère de l’Internet entend donner un coup de projecteur sur ses travaux et rapports qui sont publiés à un rythme soutenu. Rien que pour sa prochaine séance plénière, la 40e, qui se tient ce 15 décembre, sont présentés pas moins de quatre rapports : celui sur les outils de reconnaissance des contenus et des œuvres sur Internet, au regard de la transposition de la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique ; celui sur l’exception au droit d’auteur pour les fouilles de textes et de données, ou text and data mining, à des fins de recherche scientifique voire d’intelligence artificielle ; celui sur le contrat de commande rémunérant en droit d’auteur le temps de travail lié à l’activité créatrice des artistes auteurs ; celui enfin sur la preuve de l’originalité de l’oeuvre pour que celle-ci puisse bénéficier de la protection légale pendant la durée de son « monopole ».

Rémunérer les internautes – pour l’utilisation de leurs données personnelles – fait son chemin

Si c’est gratuit, c’est vous le produit ! Mais les internautes ne sont plus dupes : leurs données personnelles sont « l’or noir du XXIe siècle » et ils comptent bien se faire rémunérer pour leur exploitation ou pour visualiser de la publicité. Les start-up de la monétisation des données se multiplient.

La start-up française Tadata va avoir deux ans en fin d’année. Cet été, la Cnil (1) a clôturé l’enquête qu’elle avait lancée au printemps à son encontre après avoir été « alertée » par l’Internet Society France (Isoc France) en février dernier. Cette association qui représente les internautes dans les instances de la gouvernance de l’Internet en France et dans le monde, a décrété un postulat : les données personnelles procèdent d’un droit fondamental et, à ce titre, elles ne peuvent être vendues ou faire l’objet d’une monétisation.