Les éditeurs craignent de « perdre» leurs clients

En fait. Le 23 novembre, s’est tenue la 26e assemblée générale du Groupement
des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste). Son président, Philippe Jannet – PDG du Monde Interactif – constate que les promesses des tablettes
et de la TV connectée s’accompagnent aussi de « complexités nouvelles ».

En clair. Les quelque 120 membres du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), né avec le Minitel (1) en 1987, vont de plus en plus « au-delà des frontières du web et des mobiles ». Les nouveaux supports comme les tablettes et surtout les téléviseurs connectés « sont riches de promesses mais aussi de complexités nouvelles, tant législatives qu’économiques », a souligné Philippe Jannet, qui préside le Geste depuis 11 ans (2). Le métier d’éditeur est devenu « anxiogène ». Un besoin de clarification de la réglementation et de la régulation se fait pressant, au moment où la mission « TV connectée » rend son rapport. « A nouveau, nous allons être confrontés aux difficiles contours juridiques de supports mêlant plusieurs droits différents – notamment la télévision. Qui est responsable : le CSA ? Les opérateurs [l’Arcep] ? Les fabricants ? … », s’est inquiété Philippe Jannet. Lors d’une table-ronde, le directeur des nouveaux médias du groupe Le Figaro, Bertrand Gié (3), a abondé dans ce sens : « Faire les recommandations des éditeurs est devenu assez compliqué car à qui s’adresser ?
Avec la TV connectée, nous sommes à la croisée des chemins. Est-ce qu’elle relève des télécoms, d’Internet (IP), du CSA ? L’accord entre TF1 et Samsung, est-ce de l’audiovisuel ? ». Quant à Eric Scherer, directeur des nouveaux médias chez France Télévisions, il a mis en garde : « La TV connectée pourrait être plus disruptive que la musique ou la presse en ligne » (lire ci-dessous). Autre préoccupation : celle du risque
de « désintermédiation » des éditeurs vis-à-vis de leur lecteurs, téléspectateurs, auditeurs ou utilisateurs. « Nous allons aussi être confrontés à la multiplication des intermédiaires (fabricants, opérateurs, agrégateurs), nous éloignant de nos clients et soucieux de nous imposer leurs propres règles économiques », a prévenu le président du Geste. Apple, Amazon et Google sont cités en exemple. Les éditeurs reprochent par exemple à la marque à la pomme son refus de leur communiquer les données clients et de leur imposer sa grille tarifaire (EM@37, p. 7). L’un des objectifs pour 2012 va donc être de « préserver notre relation à nos utilisateurs » et d’avoir des « relations clarifiées avec les différents opérateurs techniques », de la tablette au cloud computing, en passant par les réseaux sociaux et les télévisions connectées. @

FTTH ou VDSL2 : des opérateurs s’interrogent encore

En fait. Le 27 septembre, le FTTH Council Europe a divulgué – lors du Broadband World Forum – les chiffres de la fibre jusqu’à domicile ou immeuble au 30 juin : dans les Vingt-sept, il n’y a que 4,1 millions d’abonnés sur les 23,4 millions de raccordements déployés – soit un taux d’adhésion de 17,5 %.

En clair. Mettre en fibre les Vingt-sept nécessiterait un total de 300 milliards d’euros
selon le cabinet McKinsey. Pour quel retour sur investissement ? Les chiffres de l’Idate (1) présentés par le FTTH Council Europe ont de quoi faire réfléchir les opérateurs télécoms : sur les 23,4 millions de « prises » FTTH ou FTTB (2) déployées dans l’Union européenne à fin juin, seules 17,5 % ont fait l’objet d’un abonnement. En France, par exemple, l’étude montre que 5,7 millions de foyers peuvent être raccordés à la fibre optique mais seulement 556.000 sont abonnés. Taux de transformation : 9,6 %, soit moitié moins que la moyenne européenne ! La France se situe ainsi en avant-dernière position des Vingt-sept, suivie de l’Italie, même si le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne ne figurent pas dans le classement du FTTH Council, qui ne prend en compte que les pays ayant au moins 200.000 abonnés. Et encore, la France s’en tire
à bon compte grâce à Numericable (3). Sans le câbloopérateur, il n’y a que 155.000 abonnés FTTH/FTTB à fin juin… Face à ce retard chronique de l’Europe, la boucle locale de cuivre, elle, n’a pas encore dit son dernier mot. « Les opérateurs télécoms s’interrogent encore sur l’opportunité d’investir dans le FTTH. Certains comme Belgacom ont choisi le VDSL2 », indique Roland Montagne, consultant à l’Idate. Cette nouvelle technologie moins coûteuse offre sur la paire de cuivre téléphonique jusqu’à 100 Mbits/s, voire plus. Soit autant que la fibre ! Belgacom mais aussi Telekom Austria font appel à Alcatel-Lucent, qui a lancé le 22 septembre le VDSL2 dit vectoriel (4).
Or, ironie de l’histoire, l’équipementier télécom est cofondateur du FTTH Council Europe.
Il précise d’ailleurs que le VDSL2 est « en combinaison avec la fibre optique », alors que cette technologie pourrait très bien être déployée sur la sous-boucle locale de France Télécom qui s’interroge encore. Mais selon une circulaire de François Fillon aux préfets, datée du 16 août (lire EM@41, p. 5), le VDSL ne devra pas concurrencer la fibre… @

Avec DVB-T2 et Mpeg4, la TNT pourrait résister au Net

En fait. Le 12 septembre, Michel Boyon, le président du CSA a rendu public
son rapport sur « l’avenir de la télévision numérique terrestre [TNT] », remis
le 9 septembre au Premier ministre – lequel l’avait missionné le 20 mai dernier.
Il plaide pour passer au DVB-T2, en même temps que Mpeg4.

En clair. Sans que cela soit dit explicitement dans le rapport du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le passage rapide et simultané de la TNT vers deux nouvelles normes – Mpeg4 (compression) et le DVB-T2 (diffusion) – permettrait aux chaînes françaises – historiques en tête – de mieux résister à l’arrivée prochaine de grands acteurs de l’Internet. Le spectre de Google TV, Apple TV, de Hulu ou encore Netflix, plane sur le PAF(1), bien que Michel Boyon n’évoque que brièvement la TV connectée, la télévision de rattrapage(2) et la vidéo à la demande. Si la norme HbbTV
est par Michel Boyon comme « un premier garde-fou, voire une première réponse »
des chaînes françaises pour garder le contrôle de la TV connectée face aux acteurs de l’Internet ou aux fabricants de téléviseurs connectables, le DVB-T2 et le Mpeg4
pourraient leur donner de l’avance, notamment en haute définition (HD). Et ce, avant
que la concurrence de la « désintermédiation » ne soit frontale.
Le problème est que ni TF1 ni M6, qui souffrent déjà de la TNT gratuite en termes d’audience et de publicité (érosions), ne souhaitent l’arrivée de nouvelles chaînes. Ces chaînes privées historiques ont donc de quoi être satisfaites du rapport Boyon, lequel suggère au gouvernement de passer tout de suite au DVB-T2 pour les multiplex R7 et R8 (huit chaînes supplémentaires) qui vont faire l’objet d’appels à candidatures. Car entre la décision de passer à une la norme DVB-T2, combinée avec le Mpeg4 pour « optimiser les fréquences » (3), et la date de disponibilité des équipements (adaptateurs ou téléviseurs), il peut s’écouler 12 à 18 mois. Autrement dit, des groupes comme NextRadioTV ou NRJ
– désireux de lancer de nouvelles chaînes – ne pourront adresser pendant cette période que les téléspectateurs de l’ADSL, du satellite et des réseaux câblés, soit 45 % seulement de la population française. Ce serait cher payer pour ce double investissement. Le rapport Boyon préconise en effet de « coupler les deux normes » Mpeg4 et DVB-T2 en vue de basculer la TNT : « Il est proposé d’assurer la meilleure articulation entre, d’une part, la généralisation du Mpeg4 et l’arrêt du Mpeg2, envisageables à compter de 2015 ou 2016, et, d’autre part, la mise en service du DVB-T2 ». Le Mpeg4 permettra à un multiplex de transporter dix chaînes en définition standard au lieu de six en Mpeg2. Le DVB-T2, lui, diffusera quatre chaînes par multiplex en HD au lieu de trois. @

L’Hadopi survivra-t-elle à l’élection présidentielle ?

En fait. Le 6 septembre, Martine Aubry – candidate socialiste à l’élection présidentielle – a réaffirmé son opposition à la loi Hadopi que le PS entend abroger. Devant quelques journalistes, la candidate aux primaires propose à la place de « prélever de 1 à 2 euros euros sur l’abonnement mensuel à Internet pour financer les droits d’auteur ».

En clair. Les jours sont comptés pour la loi Hadopi qui a institué la Haute autorité pour
la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Du moins si l’on en croit Martine Aubry. « Cette mesure a amené à opposer les jeunes au monde de la culture.
Au lieu d’interdire, on travaille sur l’idée de prélever 1 à 2 euros sur l’abonnement mensuel à Internet pour financer les droits d’auteur, ainsi que l’aide à la création », a-t-elle déclaré. « Hadopi sera abrogée et les échanges sur Internet seront dépénalisés », a-t-elle ajouté. L’autorité administrative de la réponse graduée serait supprimée au profit d’une Commission nationale des libertés numérique issue d’un élargissement
des compétences de la Cnil (1). L’ex premier secrétaire du PS fait de l’abrogation de l’Hadopi est un de ses chevaux de bataille. Le 22 juin, elle déclarait sur « Rue89 » :
« L’abandon de la loi Hadopi, coûteuse et à contretemps, me paraît donc aller de soi. Voilà pourquoi nous sommes décidés à l’abroger ». Et le 17 juillet sur « Europe 1 » :
« J’ai toujours été contre l’Hadopi [mais] extrêmement attachée au droit d’auteur. (…) Nous proposons une contribution de l’ordre de 2 euros […] qui sera payée en même temps que l’abonnement à Internet ». Martine Aubry n’est cependant par la première
à tirer à boulets rouges sur l’Hadopi. Rappelons que Jacques Attali qualifiait l’Hadopi
de « loi scandaleuse et ridicule » (mars 2009) et déclarait « On a une guerre de retard » (août 2009). Même Nicolas Sarkozy, dont il est le conseiller, avait fait un aveu le 27 avril dernier devant le CNN (2) : « Je prends (…) ma part de l’erreur » ! Et récemment (le 30 août), le journaliste Christophe Hondelatte lançait : « La loi Hadopi est un leurre. » !
Dans le programme du PS pour 2012, l’Hadopi est bien dans le collimateur : « Il sera
de notre responsabilité d’inventer les nouveaux modèles démocratiques de l’économie de la culture et de l’information qui ne passent [pas] par Hadopi » (3). Quand à la contribution de 1 à 2 euros par mois sur les abonnements Internet, elle avait déjà été exposée (à 2 euros) le 17 juillet par Martine Aubry. Aujourd’hui, elle précise : « Ce prélèvement concernerait d’abord la musique. Les industries du cinéma et du livre
sont très différentes et, financièrement, souffrent moins du téléchargement illégal ».
A 2 euros, cette licence globale rapporterait 600 millions d’euros par an. @

Pourquoi Netflix pourrait être tenté par la France

En fait. Le 26 août est parue au « Journal Officiel » l’ordonnance de transposition du Paquet télécom qu’Eric Besson – ministre en charge notamment de l’Economie numérique – avait présentée en Conseil des ministres le 24 août,
ainsi que le rapport correspondant au Président de la république.

En clair. Ne cherchez pas « neutralité des réseaux » et encore moins « neutralité d’Internet » dans le texte de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom : ce principe n’y apparaît pas explicitement. Certes, le texte soumis ce 24 août au président de la République Nicolas Sarkozy mentionne bien dans ses motifs deux objectifs :
« garantir la neutralité des réseaux » et « promouvoir la neutralité des réseaux », mais l’ordonnance elle-même ne repend pas ces termes. En fait, il faudra désormais s’en remettre aux opérateurs télécoms, dont les obligations sont accrues, et à l’Arcep, dont les pouvoirs sont renforcés. Pour les internautes et les mobinautes, l’article 3 complète le Code des postes et des communications électroniques pour que « [le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep] veillent (…) à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». S’il n’est pas satisfait, le consommateur pourra faire jouer la concurrence en changeant d’opérateur télécoms ou de fournisseur d’accès
à Internet (FAI). Encore faut-il que ces derniers informent correctement leurs abonnés. C’est ce que prévoit l’article 33 de l’ordonnance. Sur les treize informations que doivent donner les fournisseurs aux consommateurs « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », quatre touchent de près ou de loin la neutralité du Net : niveau de qualité, procédures pour mesurer et orienter le trafic, restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation (ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis), mesure afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité (1). Cela suppose qu’en amont le gouvernement et le régulateur « veillent à l’exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus (…) », et « fixent des obligations en matière d’accès » et fassent respecter le « principe de non discrimination ». Pour y parvenir, l’Arcep « peut [c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligée, ndlr] fixer des exigences minimales de qualité de service » (article 16) et « peut également être saisie des différends portant sur (…) les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne [tels que Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, etc, ndlr] » (article 17). Les rapports de force peuvent commencer, comme dans la plainte récente de Cogent contre Orange. @