Internet des objets : la régulation face à la révolution ubiquitaire

Internet est en train de se propager à des milliards d’objets, en plus des presque
2,5 milliards d’humains qui y ont accès à ce jour. Mais cette réalité augmentée
– hyper-connectée – ne va pas sans présenter de risques pour les libertés fondamentales. La question d’une régulation se pose.

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Qui a fait référence à Internet des objets en parlant de “la première vraie révolution technologique du XXIe siècle” ? Jean-Luc Beylat, président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France. Plus prosaïquement, il s’agit d’un « réseau de réseaux qui permet, via des systèmes d’identification électronique normalisés et unifiés, et des dispositifs mobiles sans fil, d’identifier directement et sans ambiguïté des entités numériques et des objets physiques, et ainsi de pouvoir récupérer, stocker, transférer et traiter, sans discontinuité entre les mondes physiques et virtuels, les données s’y rattachant » (1).

CSA : Olivier Schrameck veut des pouvoirs sur le Net

En fait. Le 14 février, le nouveau président du CSA, Olivier Schrameck, a été reçu par le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani. Le 11 février, il s’est entretenu avec la ministre Fleur Pellerin (PME, Innovation et Economie numérique). En plus de la télé et de la radio, il veut réguler Internet.

En clair. Les deux entretiens successifs du nouveau président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), avec respectivement la ministre en charge de l’Economie numérique et le président de l’Arcep, montrent que le régulateur de l’audiovisuel est décidé à élargir son territoire à Internet. En prévision de la future nouvelle loi audiovisuelle, Olivier Schrameck plaide en faveur d’un élargissement des compétences du CSA. « Il lui faut
[au CSA] se porter plus nettement encore vers les nouveaux secteurs de la communication audiovisuelle, des services de vidéo à la demande et d’Internet (1). (…)
Je connais la sensibilité des acteurs de l’Internet qui redoutent que l’on bride leur liberté (…). L’intérêt du public, c’est la mise en place de moyens de contrôle aussi souples qu’effectifs. Je suis pour une régulation des médias Internet tout à fait différente des
média traditionnels », a-t-il pu redire à la ministre de l’Economie numérique, pour reprendre ce qu’il a déclaré aux « Echos » le 31 janvier. Auditionné à l’Assemblée nationale le
23 janvier, celui qui a été nommé par François Hollande avait déjà prévenu : « Nous évoluons vers de nouvelles formes de régulation, à l’heure où le téléspectateur se fait internaute par l’usage croissance de la télévision connectée. Mais où pour sa part, l’internaute est déjà téléspectateur, notamment aux moyens d’offres de services multiples. (…) Il faut absolument que nos schémas traditionnels de régulation s’adaptent à ce problème. Il ne s’agit pas de décalquer sur Internet le mode de régulation que nous connaissons. Mais attention, vous ne trouverez pas en moi un apôtre de la dérégulation ». Le successeur de Michel Boyon a en outre évoqué la « co-régulation », la « labellisation » et des « normes de référence qui ont vocation à être librement observées ». Il voit en tout cas plusieurs « sujets communs » entre le CSA et l’Arcep, « tels que la télévision sur ADSL, la télévision connectée, la neutralité d’Internet, la gestion du spectre des fréquences ».
Mais il se révèle très critique concernant le groupe de travail commun Arcep-CSA qui
« est tombé quasiment en déshérence » ! Et d’ajouter : « Je ne crois pas qu’il soit bon de séparer les problèmes économiques et techniques d’une part, culturel et sociétal d’autre part. Je pense que la coopération a vocation à se renforcer grandement » (2). @

RNT payante : Naïve et Oui FM présents sur « ON »

En fait. Le 13 février, Edition Multimédi@ a pu obtenir l’information selon laquelle
le producteur de musique Naïve – créé par Patrick Zelnik – sera présent dans
le bouquet de RNT payants d’Onde numérique qui édite notamment Musicaa,
un service multi-thématique musical. Par ailleurs, Oui FM y sera aussi.

En clair. Pourquoi s’attarder sur deux des nombreux partenaires que compte déjà
la société toulousaine Onde numérique pour son futur bouquet de radio numérique terrestre (RNT) payant « ON » ? Car Naïve Records et Oui FM illustrent les deux
types de services audios qui seront proposés dans un an par cette offre de RNT payante sans précédent en France. « Nous lancerons le service en mars 2014 pour
une réception à domicile via ADSL et Wifi, puis sur smartphone et tablettes en 3G/4G, pour ensuite le proposer dans les véhicules en juillet 2014. Et ce, pour un tarif légèrement supérieur à 5 euros par mois à domicile et d’un peu plus de 10 euros par mois en voiture (ou moins si l’on est déjà abonné chez soi) », nous indique Franz Cantarano. Présenté comme un CanalSat de la radio, Onde numérique n’exclut pas une introduction en Bourse pour lever des capitaux et vise à terme 4 millions d’abonnés
– en s’inspirant de SiriusXM et ses 23,9 millions d’abonnés aux Etats-Unis.
Si Naïve n’apparaît pas dans les noms des partenaires qui sont listés dans la décision
du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) daté du 15 janvier et publiée au J.O. du
26 janvier, c’est que le label de Patrick Zelnik fait partie de la dizaine de fournisseurs du
« service multithématique musical » Musicaa édité par Onde numérique. S’y trouvent aussi RTL, NRJ Trace ou encore FG Radio. C’est ainsi le seul producteur de musique
à se lancer dans la RNT payante. Patrick Zelnik a créé Naïve Records en 1997, après avoir été président du Snep (1) de 1990 à 1992, puis de 1994 à 1997. Il fut aussi coauteur, avec notamment Jacques Toubon, du fameux rapport Création et Internet remis en janvier 2010 avec 22 propositions (2), dont la carte Musique en ligne qui fut un échec (3).
Quant à la radio Oui FM, elle sera présente non pas dans Musicaa mais en tant que « Oui 2 » sur le bouquet ON comme le seront aussi Europe 1, BFM, Euronews ou encore FIP. Or Oui FM est membre du conseil d’administration du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti), lequel est farouchement hostile au lancement de « ce monopole de la RNT payante » et ulcéré du retard pris par le lancement de la RNT gratuite et pour tous (lire ci-dessous). « Cela ne remet pas en question notre présence au sein du Sirti », nous a assuré Emmanuel Rials, DG d’Arthur World Radio, société éditrice de Oui FM et de Oui Télé. @

Le regret de Boyon : le lancement de la RNT retardé

En fait. Le 23 janvier fut le dernier jour pour Michel Boyon à la présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il avait été nommé en janvier 2007 et
pour six ans par Jacques Chirac, alors président de la République. Le 10 janvier,
il exprimait le regret de ne pas avoir lancé la RNT.

En clair. Entre la fin de mandat du président du CSA, Michel Boyon, et la fin également de celui de Rachid Arhab, membre du collège en charge notamment de la radio numérique, la radio numérique terrestre (RNT) est-elle encore compromise pour cette année 2013 ?
« J’ai l’insatisfaction de ne pas avoir convaincu qu’il fallait mettre en place la RNT, un sujet qui n’est pas mort », a expliqué Michel Boyon lors de sa toute dernière conférence de presse. C’est un de ses regrets (1). Il y a de quoi : la RNT n’a toujours pas été lancée, bien que le CSA ait publié le 2 octobre 2012 la nouvelle liste des 176 candidats sélectionnés sur Paris, Marseille et Nice (après un nouvel appel à candidatures) et délivré le 15 janvier dernier 106 autorisations. La RNT avait été promise pour fin 2008… Nicolas Sarkozy, alors président de la République, et Michel Boyon l’avaient annoncée en 2009 « pour Noël » sur ces trois premières villes. Mais la crise économique et la baisse des recettes publicitaires ont contrarié les ambitions des réseaux de radios vivant de recettes publicitaires.
Le Bureau de la radio – regroupant RTL, NRJ, Europe 1 et NextRadioTV (RMC et BFM Business) – avait alors demandé en 2010 un moratoire de 18 mois. Mais c’était sans compter la détermination du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) et du Syndicat national des radios libres (SNRL), qui n’ont eu de cesse d’exiger le lancement rapide de la RNT en France. Après quatre ans de valse-hésitation, le CSA – pressé par le Conseil d’Etat sur une saisine du Sirti (2) – a décidé
de relancer la RNT à Paris, Marseille et Nice et même de l’élargir à 20 autres grandes agglomérations d’ici à avril… 2013.
Autant dire que l’engagement de Michel Boyon, devant le Conseil d’Etat n’est pas prêt d’être respecté. A moins que le nouveau président du CSA, Olivier Schrameck, en fasse une priorité. Malgré le faux bond de l’Etat qui a décidé, le 6 septembre dernier, de ne
pas demander au CSA l’attribution de fréquences RNT pour Radio France et RFI sur
les zones de Paris, Nice et Marseille, pour cause de « surcoûts significatifs pour les radios publiques », les radios indépendantes croient plus jamais à la RNT. Mais les grands réseaux de radios persistent à ne pas croire en l’avenir de la RNT, lui préférant plutôt la radio sur IP, notamment sur les réseaux très haut débit 4G et fibre (3). @

L’année 2013 s’annonce à risque pour Jean-René Fourtou, président de Vivendi

J-107 avant l’assemblée générale de Vivendi qui se tiendra le 30 avril prochain. Jean-René Fourtou va jouer son va-tout en prenant le risque démanteler le groupe de médias et de télécoms pour le recentrer sur les contenus. Ce qui déclenchera une restructuration du secteur des télécoms en France.

JRFQuinze ans après avoir adopté le nom de Vivendi, le groupe issu de la Compagnie Générale des Eaux s’apprête à changer radicalement de stratégie sous la houlette de son président du conseil de surveillance Jean- René Fourtou (notre photo). Ce polytechnicien, qui aura 74 ans à la fin du printemps prochain, semble vouloir reproduire avec Vivendi ce qu’il a réussi à faire avec Rhône Poulenc. Il y a quinze ans, il filialisait l’activité chimie sous le nom de Rhodia et fusionnait Rhône Poulenc avec Hoechst pour donner naissance au géant des laboratoires pharmaceutiques, Aventis, racheté par la suite par Sanofi.
Mais après avoir séparé la chimie (confrontée alors à la crise du textile) et la pharmacie est-ce un gage de réussite en voulant aujourd’hui céder les télécoms (confrontées à la crise des réseaux) pour miser sur les médias ? Il ne reste plus à Jean-René Fourtou qu’une centaine de jours de réflexion, avant l’AG du 30 avril où il devra mettre cartes sur table, pour arrêter sa nouvelle stratégie et en mesurer les conséquences pour son groupe coté et l’ensemble du marché français des télécoms. Près d’un an après le lancement de cette réflexion stratégique et plus de six mois après l’éviction de Jean-Bernard Lévy, alors président du directoire de Vivendi (lequel était opposé à la scission ou au démantèlement du groupe), Jean-René Fourtou n’a toujours pas présenté son nouveau plan stratégique.
Il faudra attendre cette AG pour enfin voir se dessiner le vrai visage du futur Vivendi.