Le livre numérique est soluble dans le marché des géants de l’édition, de plus en plus oligopolistique

Alors que le 39e Salon du livre de Paris se tient du 15 au 18 mars, le marché français de l’édition n’a jamais été aussi concentré entre les mains de quelques « conglomérats » du livre. De cette situation oligopolistique, le livre numérique peine plus que jamais à émerger.

L’année 2018 a été marquée par la consolidation accrue du marché français de l’édition de livres. Il y a d’abord l’intégration entre les groupes Média Participations et La Martinière, qui se hissent ensemble à la troisième place des groupes d’édition français derrière Hachette Livre (contrôlé par Lagardère) et Editis (jusqu’alors propriété de Planeta). Il y a ensuite le rachat justement d’Editis à Planeta par le groupe Vivendi, qui s’offre ainsi cette deuxième place du marché français du livre.

Les Etats et la régulation des GAFAM : le paradoxal retour à la souveraineté nationale

Dès le début du XXe siècle avec la Standard Oil, puis avec les conglomérats
de l’électricité, du rail ou des télécoms, et récemment de l’agro-alimentaire
ou de l’industrie pharmaceutique, les lois antitrust américaines ont préservé
la concurrence en démantelant des groupes surpuissants. Et sur Internet ?

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Indulgence des autorités de la concurrence ou inadaptation de la régulation de la concurrence à l’ère numérique, les GAFAM ont été laissés libres de poursuivre leur croissance interne et l’acquisition de leurs concurrents (1) pour devenir non seulement les « géants du numérique », mais surtout des concurrents significatifs dans tous les domaines d’activité : régie publicitaire, secteur bancaire
et financier, et vente de tous biens et services.

CSA : les dernières réflexions d’Olivier Schrameck

En fait. Le 24 janvier, Olivier Schrameck a cédé sa place de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à Roch-Olivier Maistre, désigné le 18 janvier par Emmanuel Macron. Le 17 janvier, Olivier Schrameck a dressé « un bilan tourné vers l’avenir » de ses six ans de mandat.

En clair. « Ma plus grande satisfaction est incontestablement une satisfaction européenne. Il est rare d’entendre dire cela en ces temps troublés. Et pourtant… »,
a commencé Olivier Schrameck, président sortant du CSA, lors de la présentation le
17 janvier de son bilan (1). Et de faire un aveu sur la nouvelle directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) qui, datée du 14 décembre 2018, a été promulguée au JOUE (2) du 28 novembre dernier (3) : « Qui aurait imaginé que l’avant-projet de la directive révisée (SMA), qui date du 25 mai 2016, soit – deux ans et demi après mon arrivée – définitivement adoptée le 6 novembre (dernière assemblée de l’ERGA (4) l’an dernier) et publiée le 28 novembre, et qu’elle ait comporté l’extension
de la régulation aux réseaux sociaux et aux plateformes numériques ? … Personne ! Et je vous dirais très franchement : moi non plus ! Donc je considère que c’est un résultat in-es-péré ». Le gendarme de l’audiovisuel voir ainsi son pouvoir étendu aux YouTube, Facebook et autres Snapchat, désormais tenus aussi de protéger les mineurs contre les contenus préjudiciables, les citoyens européens contre la haine et les propos racistes, ainsi que d’interdire l’incitation à la violence et au terrorisme (lire EM@ 201,
p. 6). Autre réflexion d’Olivier Schrameck : « Le CSA n’a pas suffisamment de pouvoir économique », pointant l’absence de pouvoir d’astreinte, l’opposabilité excessive du secret des affaires ou encore la non transmission de tous les documents de contrôle
de l’administration. Pour que l’action du CSA ne soit plus limitée, il souhaite donc que ses pouvoirs d’intervention se fassent sur le mode du « droit souple ». « Le législateur
a montré la voie avec la loi du 15 novembre 2013 [qui a doté le CSA de quelques pouvoirs économiques, ndlr]. Mais nous souhaitons que soit ouverte – entre toutes les parties prenantes de l’audiovisuel – la voie de la conciliation, de bons offices, de la médiation », a-t-il plaidé. Retenons aussi cette interrogation d’Olivier Schrameck :
« Est-il normal que le CSA soit complètement absent des discussions sur la chronologie des médias ? Nous n’avons même pas le droit à un tabouret pour observer le cours des discussions ! Alors que la chronologie des médias est essentielle pour la vie de l’audiovisuel ». Enfin, il préfère parler de « rapprochement » des régulateurs (CSA,
Cnil, Arcep, Hadopi, …) plutôt que de fusion. @

Cinéma et VOD : la nouvelle chronologie des médias fait l’impasse sur le day-and-date et le e-cinéma

Déjà, en juillet 2009, la chronologie des médias faisait comme si Internet et le piratage en ligne n’existaient pas. Il en va encore aujourd’hui, dix ans après, depuis le nouvel accord très conservateur signé en décembre 2018 au détriment de la VOD et de la SVOD. Pire : le cinéma français ignore la simultanéité salles-VOD (day-and-date) mais aussi sur la sortie directement en VOD (e-cinéma).

La nouvelle chronologie des médias du cinéma français fait l’impasse sur deux modes de diffusion encore tabous en France, malgré leur intérêt potentiel pour les producteurs de films qui le souhaiteraient. Pour le day-and-date (ou D&D), à savoir la sortie simultanée des nouveaux films en salles et en VOD, il n’en est plus question en France depuis les tentatives du producteur et distributeur Wild Bunch avec l’ARP en 2014 à travers les projets Tide et Spide, avec l’aide du programme Media (Creative Europe) de la Commission européenne. Car la puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui réunit la plupart des exploitants de salles obscures sous la présidence inflexible de Richard Patry (photo), fait partie de ceux qui bloquent toute idée de simultanéité salles-VOD en France.
Or pour qu’il y ait des expérimentations D&D, cela supposerait un accord interprofessionnel plus qu’improbable – déjà que la filière du 7e Art français a déjà eu du mal à accoucher d’une nouvelle chronologie des médias. Pour autant, la Commission européenne continue de soutenir les initiatives de D&D malgré « des difficultés juridiques et des résistances » – comme l’avait confirmé à Edition Multimédi@ le cabinet de la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel.

User-Generated Video (UGV) : la directive SMA ne doit pas tuer ni la liberté d’expression ni la créativité

La nouvelle directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) vient
d’être promulguée au JOUE du 28 novembre. Mais, afin d’épargner la liberté d’expression et la créativité, la Commission européenne consulte encore en
vue de publier « le plus rapidement possible » des « lignes directrices ».

Le 14 novembre, les présidents respectifs du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne ont signé la nouvelle directive concernant « la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché ». Cette directive dite SMA (services de médias audiovisuels), qui fut définitivement adoptée le 6 novembre,
a été publiée le 28 novembre au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE). Ce texte communautaire – en français ici (1) – doit maintenant être obligatoirement transposé par les Etats membres « au plus tard le 19 septembre 2020 ».