Les réformes de France Télévisions et Radio France passent par la diffusion numérique moins coûteuse

L’audiovisuel public – France Télévisions et Radio France en tête – n’a plus vocation à être diffusé uniquement sur respectivement la TNT et la FM. L’Etat actionnaire pousse les deux groupes à aller plus sur Internet et les mobiles, pour faire des économies et en même temps conquérir la nouvelle génération.

C’est une priorité fixée par le gouvernement à Delphine Ernotte (photo) et à Sibyle Veil, présidentes respectivement de France Télévisions et de Radio France : que les deux groupes emblématiques de l’audiovisuel public, situés de part et d’autre
de la Seine à Paris, aillent trouver sur Internet les indispensables économies budgétaires, tout en allant à la conquête des jeunes téléspectateurs et auditeurs issus de la génération « Digital Native » ou « Millennials ».

Explicabilité des algorithmes : à quel niveau faut-il mettre le curseur de la régulation ?

Le néologisme « explicabilité » prend de l’ampleur à l’heure des algorithmes
et de l’intelligence artificielle. En Europe, France comprise, la loi exige déjà qu’ils doivent être explicables dans un souci de transparence et de responsabilisation. La question est de savoir s’il faut encore plus réguler.

Par Winston Maxwell* et David Bounie**, Telecom Paris, Institut polytechnique de Paris

lL’« explicabilité » est devenue un principe incontournable de la future bonne régulation des algorithmes. L’explicabilité figure dans les recommandations que l’OCDE (1) a adoptées le 22 mai (2)
sur l’intelligence artificielle (IA), dans
la communication de la Commission européenne du 8 avril (3), dans le rapport du groupe d’experts correspondant (4),
et dans le rapport Villani (5). Garante de plus de transparence, l’explicabilité des algorithmes n’est pas un concept nouveau.

GAFAM : plutôt que le démantèlement, le dégroupage

En fait. Le 5 juin, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, est intervenu
sur France Culture dans l’émission « La méthode scientifique ». Il reconnaît
« l’immense échec des politiques publiques » vis-à-vis des GAFAM dont il prône maintenant le « dégroupage » – plutôt que le démantèlement – en s’inspirant des télécoms.

En clair. « S’il faut démanteler les Big Tech, c’est démanteler de l’intérieur pour aider des alternatives à se développer, a préconisé le président de l’Arcep sur France Culture le 5 juin. En 20 ans dans les télécoms, on a forcé France Télécom – qui était le monopole – à faire le dégroupage de son réseau téléphonique, à l’ouvrir moyennant paiement (ce n’est pas gratuit), et selon des conditions techniques et tarifaires pour que des nouveaux acteurs puissent utiliser ce réseau ». La question est pour lui moins celle du démantèlement des GAFAM – qu’il appelait de ses vœux en 2017 (lire EM@179, p. 4) – que celle de leur « dégroupage ». Le dégroupage de la « boucle locale » de France Télécom (les derniers kilomètres du réseau téléphonique), fut décidé il y a 20 ans (1).
« Aujourd’hui, il y a de grandes réussites : Free, SFR, Bouygues Telecom, se félicite Sébastien Soriano. On a réussi à créer un écosystème d’une grande variété qui permet aux citoyens de bénéficier du choix. Dans le numérique, il faut mettre en place la même logique que dans les télécoms. Visà- vis des Big Tech, il faut passer à une régulation préventive : l’autorité anti-trust européen devrait pouvoir intervenir a priori – sans attendre de constater des infractions – en imposant à ces grands acteurs des obligations d’ouverture ». Pour le président de l’Arcep, il faut ainsi trouver la manière d’ouvrir les GAFAM, d’ouvrir leurs données et de leur imposer des interfaces afin de permettre à de nouveaux acteurs de se développer dans ces écosystèmes – comme furent créées il y a deux décennies les conditions de l’entrée d’opérateurs alternatifs sur le marché des télécoms jusqu’alors en situation de monopole. Et Sébastien Soriano de faire son mea-culpa : « Il faut reconnaître l’immense échec des politiques publiques, qui sont censées faire en sorte que les marchés soient concurrentiels et qu’il n’y ait pas d’abus de position dominante. Ayant été moi-même à l’Autorité de la concurrence [de 2001 à 2004, puis de 2009 à 2012, ndlr], c’est un échec auquel je m’associe. Nous avons sous-estimé ces effets de réseau (2). (…) Nous avons été trop confiants vis-à-vis du numérique, en nous disant qu’il ne fallait pas brider ni trop réguler l’innovation. C’est cet état d’esprit qui nous a guidée dans cette impasse. La situation est particulièrement dramatique ». Reste à porter l’idée du dégroupage des GAFAM au niveau européen. @

Contenus toxiques : la régulation des réseaux sociaux devra être a minima européenne, voire mondiale

La commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale s’est réunie le
21 mai pour examiner la proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet. Le texte sera débattu à partir du 19 juin à l’Assemblée nationale. Mais la rencontre entre Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, le 17 mai, avait des allures de négociation.

La pression monte autour de la députée Laetitia Avia (photo), la rapporteure de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet, mais aussi sur les réseaux sociaux eux-mêmes.
Le texte, qui fut déposé le 20 mars à l’Assemblée nationale à l’initiative du gouvernement et du président de la République, doit être débattu à partir du 19 juin prochain au Parlement. Il s’inspire de la loi allemande de 2017, appelée « NetzDG« , en imposant aux Facebook, YouTube, Twitter et autres Snapchat, de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification tout contenu haineux.

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells