Future Arcom : audiovisuel, Internet et anti-piratage

En fait. Le 7 avril, le projet de loi (donc du gouvernement) pour « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique » devrait être présenté en conseil des ministres. Il prévoit notamment de fusionner le CSA et l’Hadopi pour donner naissance à l’Arcom aux pouvoirs très élargis.

En clair. Le Sénat a d’ores et déjà bloqué dans son ordre du jour une « semaine réservée par priorité au gouvernement », dont les après-midi et soirées des 18 et 19 mai prochains pour examiner le projet de loi du gouvernement sur « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Ce texte, issu du ministère de la Culture de Roselyne Bachelot, reprend la plupart des dispositions du titre II « Adaptation de la régulation de la communication audiovisuelle » de l’ancien projet de loi du 5 décembre 2019 « relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ». Ce dernier fut préparé par son prédécesseur Franck Riester, mais abandonné l’an dernier en raison de l’état d’urgence sanitaire. Ce volet remis sur les rails, il s’agit comme il y a près de deux ans (1) de fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Et « à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur Internet ». Le gouvernement, répond ainsi aux exigences des industries culturelles pour lutter contre le piratage en ligne d’œuvres protégées. Le 22 mars dernier, le CSA a rendu – une douzaine de jours après avoir été saisi par le gouvernement – son « avis favorable assorti d’un certain nombre d’observations » sur le projet de loi.
Au-delà des nombreux pouvoirs que la future Arcom se voit dotée – protection des œuvres jusque sur Internet, sensibilisation du public contre le piratage, promotion de l’offre légale, régulation et veille sur les mesures techniques de protection et d’identification des œuvres protégées, ou encore mission de conciliation entre les acteurs audiovisuels et/ou acteurs du numérique en cas de litige –, l’article 9 du projet de loi lui attribue un pouvoir d’enquête par ses agents assermentés. L’Arcom pourra en outre échanger des informations avec l’Autorité de la concurrence « sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle » (article 11). L’Arcom devient aussi « le régulateur des plateformes en ligne » (dixit le CSA), avec notamment des pouvoirs de mise en demeure et de sanction (2), en cas de manquement d’un Netflix ou d’un Amazon Prime Video à ses obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique. @

La presse française est de plus en plus digitale et dépendante de Google, mais plus du tout solidaire

62,7 millions d’euros : c’est ce que s’est engagé à verser Google à 121 journaux français membres de l’Apig qui a cosigné cet accord-cadre, dont 86,8 % étalés sur trois ans et le solde pour « mettre fin à tout litige » sur cette période. Deux syndicats d’éditeurs – le Spiil et la FNPS – s’insurgent.

Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) a dénoncé le 8 février les accords « opaques, inéquitables et nuisibles », créant même « une dangereuse distorsion de concurrence » au sein de la presse français, signés par quelques journaux avec Google. Dès le 21 janvier, la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) dénonçait, elle, l’accord-cadre annoncé ce jour-là entre le géant du Net et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) qui « acte de facto la position illégale de Google ».

Le CSA est prêt à être le régulateur du Net français

En fait. Le 17 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a annoncé une nouvelle direction, la 9e de son organisation : direction des plateformes en ligne, « chargée de la régulation “systémique” des plateformes ayant une activité d’intermédiation en ligne ». Un pas de plus vers la régulation d’Internet en France.

En clair. YouTube ou Dailymotion côté plateformes de partage vidéo, Facebook ou Twitter côté réseaux sociaux, Google ou Bing (Microsoft) côté moteurs de recherche, Google Play et App Store (Apple) côté agrégateurs et magasins d’applications, tous sont parmi les « plateformes d’intermédiation » visées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). « Ces services ont en effet l’obligation de mettre en œuvre des outils et des moyens afin de répondre aux grands objectifs de politique publique en matière de lutte contre les contenus illicites et préjudiciables et de protection du public », justifie le régulateur français de l’audiovisuel. La neuvième direction nouvellement créée par le CSA – direction des plateformes en ligne – est un pas de plus vers un rôle de gendarme de l’Internet en France. Sans attendre l’aboutissement de la procédure législative en cours du Digital Services Act (DSA) au niveau du Parlement européen, le CSA s’organise pour répondre à deux nouveaux champs d’intervention sur le Web et les applications mobiles : la lutte contre les fake news (les infox), conformément à la loi 22 décembre 2018 « contre la manipulation de l’information » (1) ; la lutte contre la cyberhaine, conformément à la loi du 24 juin 2020 « contre les contenus haineux sur Internet » (2). Quoique cette dernière – la loi « Avia » – avait été réduite à portion congrue par le Conseil constitutionnel, et le pouvoir de contrôle et de sanction pécuniaire du CSA, en la matière, jugé inconstitutionnel (article 7 annulé) comme la quasi-totalité des dispositions alors envisagées. Le régulateur de l’audiovisuel est finalement cantonné à assurer le secrétariat d’un « Observatoire de la haine en ligne » (article 16 rescapé) prenant en compte « la diversité des publics, notamment les mineurs ». Cet observatoire a été mis en place en juillet dernier, tandis qu’un nouveau service d’alerte est accessible au grand public pour se plaindre d’un « programme » (3). Par ailleurs, un « Comité d’experts sur la désinformation en ligne » a été par mis en place en décembre. Mais le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » (ex-« contre les séparatismes »), qui sera examiné au Sénat à partir du 30 mars, pourrait accroître les pouvoirs du CSA. Quant au futur DSA européen, il devrait lui aussi renforcer l’arsenal des gendarmes de l’audiovisuel… et du numérique des Vingt-sept, réunis au sein de l’Erga (4) à Bruxelles. @

Streaming : le Centre national de la musique (CNM) bute sur « une boîte noire »

En fait. Les 3 février, le président du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay, a été auditionné au Sénat par la commission de la culture. Il est revenu sur le rapport qu’il a publié le 27 janvier sur la répartition des revenus des plateformes de streaming musical. Ses travaux ont buté sur « une boîte noire ».

En clair. En menant cette étude d’impact du passage possible du mode actuel dit « market centric » (1) à un autre mode dit « user centric » (2) pour la répartition des revenus générés par les écoutes de la musique en streaming, le Centre national de la musique (CNM) a buté sur « une boîte noire ». C’est ce que son président Jean-Philippe Thiellay (photo) a reconnu devant les sénateurs lors de son audition le 3 février : « Il y a énormément de questions que l’on n’a pas pu explorer en raison de l’anonymisation des données et au fait que les données s’arrêtent aux distributeurs, même pas aux labels et encore moins à l’artiste. Il y a des questions qu’il faut continuer à explorer : la transparence des données, les algorithmes, les recommandations sur les playlists, les compositions des playlists, … Pour nous, c’est une boîte noire », a-t-il dit. Par ailleurs, la fraude des « fermes à clics » maximise automatiquement l’écoute de certains artistes.

Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA) : l’Europe vise une régulation équilibrée du Net

Présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2020, le paquet législatif « DSA & DMA » – visant à réguler Internet en Europe, des réseaux sociaux aux places de marché – relève d’un exercice d’équilibriste entre régulation des écosystèmes et responsabilités. Son adoption est espérée d’ici début 2022.

Par Laura Ziegler, Sandra Tubert et Marion Moine, avocates, BCTG Avocats