La réforme de l’audiovisuel public est devenue le « marronnier » de la macronie, … et l’arlésienne ?

Rachida Dati, la cinquième ministre de la Culture de l’hyperprésident Macron, s’est emparée du marronnier de la macronie : la réforme de l’audiovisuel public. « Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces », a-t-elle lancé lors de ses vœux 2024.

Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions), Sibyle Veil (présidente de Radio France), Marie-Christine Saragosse (présidente de France Médias Monde) et Laurent Vallet (président de l’Institut national de l’audiovisuel) sont sur le qui-vive, depuis que Rachida Dati est ministre de la Culture. Car le plus gros dossier de la locataire de la rue de Valois est la réforme de l’audiovisuel public qu’Emmanuel Macron (photo) promet depuis début 2017 : « Nous rapprocherons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité », avait assuré le candidat d’alors, devenu le 8e président de la République française (1).

Holding « France Médias », le retour ?
Rachida Dati, cinquième (2) ministre de la Culture de l’hyperprésident, a repris le flambeau de cette réforme de l’audiovisuel devenue le « marronnier » de la macronie. « Je partage avec le président de la République la conviction que nous avons besoin d’un audiovisuel public puissant […]. Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces. C’est pourquoi je souhaite encourager et même accélérer les coopérations entre sociétés […]. C’est aussi à cette condition que nous pourrons obtenir un financement pérenne dédié », a-t-elle prévenu le 29 janvier lors de ses vœux aux acteurs culturels. Car c’est une affaire de gros sous : la redevance audiovisuelle a été payée pour la dernière fois en 2021 par les Français (3,2 milliards d’euros collectés) ; elle a été remplacée par une fraction de la TVA fléchée vers l’audiovisuel public (4 milliards d’euros en 2024).
Mais ce dispositif fiscal ne peut aller au-delà de 2025, ce qui nécessite de voter une loi organique dès cette année, alors que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) se terminent cette année et que les nouveaux en phase de négociation prévoient plus de synergies entre les groupes audiovisuels publics. Avant la fin de son second et dernier quinquennat, qui se terminera le 13 mai 2027, Emmanuel Macron va-t-il remettre sur les rails la création de la holding « France Médias » ? Attaché à son « en même temps », le chef de l’Etat – lequel Etat français est actionnaire unique de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et de l’INA – a changé d’avis entre son premier quinquennat et son second. Le locataire de l’Elysée avait fait sienne ((3) l’idée d’une holding France Médias proposée pour la première fois, en septembre 2015, par les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport parlementaire « sur le financement de l’audiovisuel public » (4). Mais la crise sanitaire a fait changer d’avis le président de la République, « la grande réforme » de l’audiovisuel étant sacrifiée en juin 2020 sur l’autel du plan de relance face à « l’urgence économique » (5). Depuis, le Sénat, lui, n’a pas abandonné son idée de holding : en avril 2023, le sénateur centriste Laurent Lafon remettait au goût du jour France Médias. « Cette structure légère et stratégique constituera une étape avant une fusion des différentes entités », précisait le sénateur (LR) JeanRaymond Hugonet, le rapporteur (6) de sa proposition de loi de « réforme de l’audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle » (7). Celle-ci fut adoptée par le Sénat en juin (première lecture), est toujours en stand-by à l’Assemblée nationale (en commission des affaires culturelles), et n’attend plus qu’un débat avec… Rachida Dati. Autant sa prédécesseure Rima Abdul-Malak s’était alignée sur Emmanuel Macron pour dire non à France Médias, « une usine à gaz » (8), autant la transfuge de la droite pourrait convaincre le chef de l’Etat de franchir le Rubicon.
Sur France Inter le 31 janvier, la nouvelle ministre de la Culture a dit vouloir « faire cette réforme et vite », en la justifiant : « Si vous voulez le préserver [l’audiovisuel public], dans un monde qui est en bouleversement technologique immense, il faut rassembler les forces. [Une BBC à la française], lorsque je n’étais pas ministre de la Culture, c’était mon idée, c’était ma conviction. Il faut rassembler les forces. Il faut un pôle [audiovisuel public] puissant. Il peut y avoir des fusions, des coopérations, des synergies positives, c’est ça auquel il faut penser » (9).

Du PJL de 2019 à la PPL de 2023
De son côté, Roch-Olivier Maistre, invité de l’Association des journalistes médias (AJM) le 1er février, a rappelé que le CSA qu’il présidait (avant de présider l’Arcom) avait rendu en novembre 2019 au gouvernement « un avis plutôt favorable » sur le projet de loi (PJL) « Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle » (abandonné ensuite). A la page 20 de cet avis (10), le CSA « considère que cette société [France Médias] doit assurer un rôle de pilotage stratégique sans interférer avec la gestion opérationnelle quotidienne des filiales ». C’est dans cet esprit qu’est faite la proposition de loi (PPL) « Lafon » de « réforme de l’audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle ». @

Charles de Laubier

France Médias, la holding de l’audiovisuel public voulue par Macron, est finalement écartée par… Macron

C’est à n’y rien comprendre dans la (grande) réforme audiovisuelle voulue par Emmanuel Macron, adepte du « en même temps ». Dès 2017, il promettait de regrouper les médias publics sous une même holding. Le Parlement propose depuis 2015 de l’appeler France Médias. L’Elysée ne veut plus en entendre parler. La holding France Médias verra-t-elle le jour ? Le « en même temps » a encore frappé, cette fois dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public tant promise depuis plus de six ans par Emmanuel Macron. La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak (photo), a fait savoir sur le 6 septembre dernier sur Franceinfo, qu’elle était – avec l’Elysée et sans doute Matignon – contre « un grand Big Bang organisationnel et une usine à gaz qui créerait une superstructure qui s’appellerait une holding, et qui complexifierait la hiérarchie et les prises de décisions ». Le chef de l’Etat – lequel Etat est actionnaire unique de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et de l’INA – a changé d’avis entre le premier quinquennat et le second. Emmanuel Macron n’avait-il pas promis dès le début de 2017, lors de la campagne présidentielle, de « rapproch[er] les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public » ? Elu 8e président de la Ve République le 7 mai de la même année (1), le nouveau locataire de l’Elysée reprend même à son compte l’idée de créer la holding « France Médias » proposée il y a maintenant huit ans jour pour jour, le 29 septembre 2015, par les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport parlementaire qui fera date (2). Lorsque Macron avait repris l’idée « France Médias » du Sénat Lorsque l’idée de France Médias est lancée par le Sénat, dans le but de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein de cette nouvelle entité et de favoriser les mutualisations et l’innovation, « en particulier dans le champ du numérique », Emmanuel Macron n’est encore que ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (il le sera d’août 2014 à août 2016). Une fois à l’Elysée, il s’attèlera alors à la « grande réforme » de son quinquennat, celle de l’audiovisuel, avec en ligne de mire la création d’une « BBC à la française ». Deux ministres de la Culture – Françoise Nyssen et surtout Franck Riester – s’épuiseront sur le projet de loi « Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle », dans lequel le gouvernement prévoyait bien noir sur blanc – dès décembre 2019 – la création de la holding France Médias dont le nom est alors repris par l’Elysée (3). Budget : 4 milliards d’euros pour 2024 Mais c’était sans compter la crise sanitaire. La « grande réforme » de l’audiovisuel est sacrifiée le 8 juin 2020 sur l’autel du plan de relance, lors d’une réunion entre l’Elysée, Matignon (Edouard Philippe) et la rue de Valois, décision entérinée ensuite par Bercy (Bruno Le Maire) face à l’urgence économique. Le projet de France Médias cher au Sénat et à… Emmanuel Macron est abandonné par ce dernier (4). Pour autant, la chambre haute n’a jamais abandonné son idée de France Médias – contrairement au chef de l’Etat. Le 21 avril dernier, le sénateur Laurent Lafon (photo ci-contre) a déposé une proposition de loi « Réforme de l’audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle », en remettant au goût du jour la holding France Médias. « Cette structure légère et stratégique constituera une étape avant une fusion des différentes entités » que sont France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA (5), mais pas Arte France ni TV5 Monde. Le texte prévoit que la holding de l’audiovisuel public sera créée au 1er janvier 2024 et que les présidents actuels – respectivement Delphine Ernotte, Sibyle Veil, Marie-Christine Saragosse et Laurent Vallet – deviendront directeurs généraux jusqu’au 1er janvier 2025. Le texte a été adopté en première lecture au Sénat le 13 juin et se retrouve maintenant entre les mains de l’Assemblée nationale (6). Or Rima Abdul-Malak (« RAM ») vient d’opposer une fin de non-revoir à la proposition, soit d’une fusion soit d’une holding pour regrouper les forces de l’audiovisuel public : « Sur le principe, j’entends l’enjeu qu’il y a dernière. Parce que je pense que les chaînes de l’audiovisuel public [chaînes de télévision et stations radio, ndlr] seront plus fortes en se rapprochant. Mais tout ne passe pas par des rapprochements »… Donc, pas de « grand Big Bang » ni d’« usine à gaz » (7). Autrement dit, dans le langage macronien : pas de France Médias. Ce revirement d’Emmanuel Macron, d’un quinquennat à l’autre, interpelle. Et la position du gouvernement exprimée par RAM intervient au moment où celle-ci attend d’ici « fin septembre » les derniers arbitrages du gouvernement – et de l’Elysée – sur le budget 2024, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour l’an prochain, qui sera débattu cet automne. La tâche s’annonce particulièrement ardue au moment où le déficit public atteindrait 165 milliards d’euros en 2023 et où la fin du « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron dans l’après-crise sanitaire, sur fond de crise énergétique et d’inflation galopante, est de mise. Pour l’heure, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a désigné le 5 juillet dernier les rapporteurs pour avis sur le PLF 2024, dont la députée Fabienne Colboc – du parti présidentiel Renaissance (ex-En Marche) – sur le volet « Avances de l’audiovisuel public ». La redevance audiovisuelle, qui a été payée pour la dernière fois en novembre 2021 par les Français (pour un total de 3,2 milliards d’euros), a été supprimée pour être remplacée par une fraction de la TVA consacrée à l’audiovisuel public. Pour 2023, l’Etat a alloué à l’audiovisuel public 3,8 milliards d’euros. Et en 2024 ? « Nous sommes dans la dernière phase de négociation de budget », a répondu RAM sur Franceinfo. D’après le rapport remis en juillet dernier par le ministère délégué chargé des Comptes publics (alors encore Gabriel Attal) au Parlement pour y présenter les « plafonds de dépenses » pour le PLF 2024, Edition Multimédi@ constate que les dépenses de l’Etat au titre des « Avances à l’audiovisuel public » sont prévues à 4 milliards d’euros (8). C’est la première fois que ce plafond pourrait être atteint. S’il y avait la holding France Médias, l’Etat n’aurait eu à négocier qu’un seul COM, comprenez un seul contrat d’objectifs et de moyens, comme le soulignait en 2015 le rapport Leleux-Gattolin qui tablait sur un lancement de France Médias au… 1er janvier 2020. Au lieu de cela, l’Etat actionnaire doit encore aujourd’hui composer avec pas moins de cinq COM : un pour France Télévisions, un pour Radio France, un pour France Médias Monde, un pour l’INA et un pour Arte France. « J’ai proposé et obtenu que l’on puisse avoir un contrat d’objectifs et de moyens sur cinq ans au lieu de trois précédemment, pour donner plus de visibilité », a cependant indiqué RAM. Mais cela fait tout de même encore cinq COM. Les prochains COM porteront donc sur 2024-2028 et les derniers arbitrages budgétaires interviendront d’ici fin septembre. 5 COM : « Pas de stratégie globale cohérente » Dans son rapport remis le 7 juin dernier au Sénat, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, dans le cadre de la proposition de loi « Réforme de l’audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle », le sénateur Jean-Raymond Hugonet le dit clairement : « La négociation de contrats d’objectifs et de moyens distincts entre l’Etat et chaque société ne permet pas de définir une stratégie globale cohérente ». Et cette accumulation de COM « n’a pas permis de développer véritablement des actions transversales » (9). Le rapporteur propose même de remplacer les COM par des « conventions stratégiques pluriannuelles » (CSP) sur cinq années. @

Charles de Laubier

Les GAFAM appelés à financer l’audiovisuel public

En fait. Le 6 juin, à l’Assemblée nationale, la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public » a présenté son rapport, qui préconise notamment de « compenser à l’euro près la suppression de la publicité après 20 heures » par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques ». En clair. C’est à huis-clos le 6 juin que les députés JeanJacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance) ont présenté – et soumis au vote de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale – le rapport de la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public ». Le sujet est sensible et fait l’objet d’une passe d’armes entre le public (France Télévisions) et le privé (TF1, M6, Canal+, …). Si la majorité relative présidentielle d’Emmanuel Macron semble avoir déjà acté la fin de la publicité après 20 heures – et jusqu’à 6 heures du matin – sur les chaînes publiques (y compris le parrainage), il lui reste à « compenser à l’euro près » ce manque à gagner pour France Télévisions par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques » (TSN). C’est une l’une des trente propositions présentées dans le rapport « Gaultier-Bataillon », non publié à ce stade, en vue d’être reprises dans une proposition de loi organique (c’est-à-dire portant sur le fonctionnement des pouvoirs publics) portée par les deux députés. Surnommée « taxe GAFA », la TSN a été instaurée par la France – premier pays européens (suivis d’autres comme l’Espagne ou le Royaume-Uni) à l’avoir fait – par la loi du 24 juillet 2019. Depuis cinq ans maintenant, l’Etat français prélève 3 % sur le chiffre d’affaires – et non sur les bénéfices comme le prévoit au niveau mondial l’OCDE (1) – généré par les géants du numérique dont les revenus mondiaux dépassent les 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France » (2). Qui l’eût cru : Google/YouTube, Meta/Facebook, Amazon/Prive Video, Apple/AppleTV+ ou encore Microsoft/MSN pourraient contribuer au financement de l’audiovisuel public français ! A l’origine, faire payer aux GAFAM la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public n’est pas une idée d’Emmanuel Macron – bien qu’envisagée dans ce que devait être la grande réforme de son premier quinquennat (la réforme de l’audiovisuel) – mais de Nicolas Sarkozy (3). En 2016, les plateformes vidéo telles que YouTube s’étaient déjà insurgées, avec les opérateurs télécoms, contre la taxe « Copé » appelée aussi TOCE (4), en vigueur depuis mars 2009 et au profit de France Télévisions jusqu’en 2018. Depuis 2019, elle alimente le budget général de l’Etat. @  

Radio France tourne la page de la redevance et se mue en média social, mais conserve sa PDG

Sibyle Veil avait pris ses fonctions de présidente directrice générale de Radio France le 16 avril 2018. Elle a été reconduite pour cinq autres années à compter du 16 avril 2023. La « Maison ronde » devrait poursuive sa mue en média social mais sans compter sur la redevance audiovisuelle. Rendez-vous compte : il y aura 90 ans cette année que la redevance a été créée en France par une loi budgétaire datée du 31 mai 1933, laquelle instaurait une redevance destinée à financer la radiodiffusion et assise sur les postes de radio. Elle fut ensuite étendue à la télévision en 1948, qui fut depuis lors le poste de référence. L’année 2023 marque une rupture historique puisque les médias publics, dont Radio France, ne peuvent plus compter sur la manne de cette « contribution à l’audiovisuel public » jusqu’alors payée par près de 23 millions de foyers. Budget 2023 : 623,4 millions d’euros Les 138 euros en métropole et les 88 euros en outremer ont rapporté – et pour la dernière fois en 2022 (1) – 3,2 milliards d’euros l’an dernier. Comme pour ses homologues de l’audiovisuel public, la PDG de Radio France, Sibyle Veil (photo), devra faire cette année – et les suivantes – sans la redevance mais avec un budget issu d’une partie de la TVA. Ainsi en avait décidé la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (2). L’an dernier, Radio France avait bénéficié de plus de 591,4 millions d’euros d’« avances » de la part de l’Etat. Pour cette année, comme le prévoit la loi de finances 2023, Radio France touchera plus de 623,4 millions d’euros. Cela représente une hausse budgétaire de 5,4 %. Cette même loi de finances 2023 liste des objectifs aux acteurs de l’audiovisuel public : pour Radio France, il s’agit notamment de : « proposer une offre radiophonique de service public, axée sur la culture, dans un univers de média global » ; « s’adresser au public le plus large dans un environnement numérique » ; « assurer la maîtrise de la masse salariale, optimiser la gestion et être une entreprise de média exemplaire » (3). C’est dans ce contexte financier et stratégique que Sibyle Veil achève son premier mandat de cinq ans à la tête de Radio France, avant d’entamer un second « quinquennat » à compter du 16 avril prochain. Cette reconduction a été décidée le 19 décembre par l’Arcom (4) qui « a fait le choix de la poursuite des transformations engagées ces dernières années, dont les résultats en termes d’audience, de développements numériques et d’accès à la culture témoignent de la capacité d’adaptation de [Radio France] à son environnement et aux attentes des publics ». Dans sa décision publiée au Journal Officiel le 21 décembre dernier (5), le régulateur souligne les «mutations profondes du média radio », notamment dans « l’audio numérique ». Sibyle Veil a su convaincre les membres de la Tour Mirabeau lors de son audition le 19 décembre, aussitôt suivie d’une séance plénière du collège la nommant pour un nouveau mandat au détriment des deux autres candidats : Maïa Wirgin (6) et Florent Chatain (7). « A compter de 2023, il nous faudra définir une nouvelle feuille de route pour Radio France dans le cadre qui sera donné par le prochain contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2024 à 2028, avait expliqué la PDG candidate à sa succession. […] D’ici 2028, de nouveaux acteurs, de nouvelles technologies que nous ne connaissons pas auront émergé. L’intelligence artificielle va certainement s’accélérer, créer de nouvelles opportunités, mais aussi demander une plus grande capacité d’adaptation. L’Internet des objets va gagner notre quotidien et amplifier le mouvement vers une connexion permanente ». Radio France est en outre confronté à la baisse continue de la consommation des médias traditionnels qui n’épargne ni la radio, ni la télévision, ni la presse. La consommation média est de plus en plus fragmentée. Mais la radio publique a, selon Sibyle Veil, un rôle à jouer par rapport à Internet : « Les algorithmes et les réseaux sociaux créent un effet de gravitation autour de silos d’informations cloisonnés entre eux, attirant des personnes partageant des points de vue similaires. […] Cette évolution va rendre à l’avenir encore plus indispensable l’objectif d’universalité qui a sous-tendu la création du service public […] sans avoir à viser des cibles commerciales », assure-t-elle dans son projet stratégique d’une quarantaine de pages remis à l’Arcom dès octobre (8). Radio France entend aussi inspirer confiance face à la défiance envers les médias sur fond d’« infobésité ». FM, DAB+, IP : hybridation audio Pour autant, Radio France va devoir « se préparer à une accélération de la délinéarisation de la radio dans les prochaines années », même si l’écoute en direct pourrait rester majoritaire pour ce média. « Le “temps 2” de notre transformation est à engager pour devenir pleinement un média audio hybridant le flux et le stock, le direct et le temps long en donnant plusieurs vies à nos créations. […] Cette dualité va peser pendant les prochaines années sur notre entreprise », a prévenu la PDG de la « Maison de la radio et de la musique ». Et ce dans un contexte d’hyper concurrence de l’audio : podcasts, livres audio, fictions audio, documentaires sonores, … @

Charles de Laubier

Fin de la redevance : sonne-t-elle le glas de la TV ?

En fait. Le 19 juillet, le ministre délégué des Comptes publics, Gabriel Attal, a indiqué sur France info « regarder [la] piste » de parlementaires proposant l’affectation d’une partie de la TVA à l’audiovisuel public pour remplacer la redevance. La suppression de celle-ci illustre surtout le recul de la télé. En clair. Le numérique aura eu raison de la redevance audiovisuelle. Son assiette est assise pour sa quasi-totalité sur les foyers détenteurs d’au moins un téléviseur, tandis que des professionnels la paient mais dans une proportion infinitésimale. Sur l’année 2022, la dernière a priori où elle sera appliquée, la contribution à l’audiovisuel public (CAP) rapportera quelque 3,2 milliards d’euros : 96,4 % réglés par les particuliers (à raison de 138 euros par foyers) et 3,6 % par des professionnels. La prise en compte du seul téléviseur – déclaré par son détenteur – pour déclencher son assujettissement relevait déjà d’une anomalie historique, puisque cette CAP financement non seulement la télévision public (France Télévisions pour une grosse part, Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde), mais aussi Radio France et l’Ina (1) qui n’éditent pas de chaînes de télévision. De plus, les ressources de la redevance audiovisuelle voient leur assiette s’éroder en raison de la diminution du taux d’équipement des ménages en téléviseur : ce taux est passé d’environ 98 % il y a quelques années à 90,9 % fin 2021, selon Médiamétrie pour l’Arcom (2). Ce taux est à comparer à celui des ordinateurs (relativement stable à 85,8 %) et aux smartphones (en croissance à 79,7 %), bien loin des tablettes (en recul à 46,3 %). Ces autres équipements que le téléviseur ont, au fil des années, rendu obsolète la règle du téléviseur pour le calcul de la redevance audiovisuelle. Etendre son assiette aux ordinateurs, smartphones et tablettes a fait l’objet de débats récurrents depuis douze ans (3). Quant au téléviseur lui-même, il est regardé de plus en plus mais pour d’autres contenus audiovisuels que les chaînes de télévision, et a fortiori que les chaînes publiques financées par la CAP. En effet, la télévision ne sert plus seulement à regarder la télévision : sur l’année 2021, les chaînes n’occupent plus que 75 % du petit écran, le quart restant étant consacré à 16 % à de la vidéo sur Internet comme sur YouTube (4) et à 9% à de la vidéo à la demande par abonnement ou SVOD (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, etc.). En conséquence, même si les Français regardent plus de 4h30 par jour leur écran TV, ils y regardent de moins en moins les chaînes – tant publiques que privées. Continuer à faire payer la redevance pour des chaînes publiques que les foyers regardent de moins en moins, cela devenait difficile à justifier pour un gouvernement. @