L’affiliation publicitaire croît, notamment grâce à la presse pratiquant le « content-to-commerce »

Les articles de presse publicitaires sont de plus en plus nombreux sur les sites de presse en ligne (Le Figaro, Le Parisien, Le Point, 20 Minutes, Ouest-France, …) grâce aux liens d’affiliation. C’est une pratique éditoriale de vente en ligne en plein boom. Les journaux prennent des airs de boutiques.

Cette pratique marketing de plus en plus courante, qui consiste pour un éditeur de site web – presse en ligne en tête – de publier des articles qui promeuvent – en échange d’une commission perçue par lui sur les ventes générées par son intermédiaire – des produits ou des services. Lorsque le lecteur de cet article de presse – sans forcément d’ailleurs savoir qu’il s’agit d’un contenu éditorial de type publirédactionnel pour telle ou telle marque – clique sur le lien d’affiliation et va jusqu’à acheter le bien (souvent en promotion alléchante), le journal perçoit des royalties commerciales.

Près de 4 % du marché de l’e-pub
En France, de nombreux médias – et parmi les grands titres de presse (Le Figaro, Le Parisien, Le Point, 20 Minutes, Ouest-France, Le Monde, …) ou de l’audiovisuel (Europe 1, …) – se sont entichés de cette nouvelle forme de publicité éditoriale, quitte à rependre à l’identique l’habillage des articles écrits par leur rédaction de journalistes. A ceci près qu’il est parfois indiqué dans les articles d’affiliation la mention, par exemple, « La rédaction du Figaro n’a pas participé à la réalisation de cet article » ou « La rédaction du Parisien n’a pas participé à la réalisation de cet article ».
Les médias ne sont pas les seuls à pratiquer l’affiliation publicitaire, mais ils sont en première ligne étant donné leurs fortes audiences susceptibles de générer du « CPA ». Ce « coût par action » (Cost Per Action) est à l’affiliation ce que le « coût pour mille » (Cost Per Thousand) est au nombre de 1.000 « impressions » (affichages) d’une publicité mise en ligne, ou au « coût par clic » (Cost Per Click) lorsque le lecteur va cliquer sur une annonce publicitaire. Les prestataires d’affiliation se sont multipliés ces dernières années, notamment en France où l’on en compte de nombreux tels que : Awin, CJ Affiliate, Companeo, Effinity, Kwanko, Rakuten, TimeOne, Tradedoubler ou encore Tradetracker.

Google News : articles de presse et de pub ensemble

En fait. Le 10 avril dernier, Edition Multimédi@ consacrait dans son n°297 (p. 3) un article sur les « communiqués de presse » (entreprises ou gouvernement) diffusés sur Google Actualités parmi les articles des médias. Cette fois, nous nous penchons sur des articles promotionnels présentés par ces mêmes médias. En clair. Ils sont de plus en plus nombreux sur Google Actualités : ce sont les articles promotionnels ou sponsorisés (articles publicitaires) publiés sous la marque de certains médias, et non des moindres (Le Figaro, Le Parisien, 20 Minutes, Ouest-France, Europe 1, Le Point, 01net, etc.), sans que rien ou presque ne les distingue des articles publiés par les rédactions de journalistes de ces mêmes médias. Comme les autres actualités journalistiques, ces publirédactionnels présentés comme les autres actualités font eux aussi l’objet de « couverture complète de cet événement » – révélant de ce fait une véritable campagne publicitaire qui ne dit pas son nom. Celle-ci peut porter sur la promotion publicitaire d’un robot-tondeuse (1), d’un smartphone (2), d’un vélo électrique (3), d’un forfait mobile (4), ou encore d’une paire de baskets (5). Ainsi, plusieurs marques de médias publient sous des formes plus ou moins différentes ces mêmes articles promotionnels – sans que ce caractère publicitaire ne soit précisé. Rien ne dit non plus que le média en question touche une rémunération lorsque le lecteur clique sur un lien sponsorisé inséré dans l’article. C’est après avoir lu la première partie de l’article en question que peut apparaître la mention suivante : « La rédaction du Parisien n’a pas participé à la réalisation de cet article ». Pourtant, dans cet exemple, tout laisse à croire – le logo du Parisien et la mise en forme rédactionnelle identique à celle du journal en ligne – que cet article a été écrit par et pour le quotidien du groupe Le Parisien-Les Echos (LVMH). Ces mêmes médias classent ces articles sous des « rubriques » qui leur sont propres et ressemblent aux autres rubriques de leur publication : « Le Figaro Services », « Ouest-France Shopping », « Europe 1 l’équipe Shopping », « 20 Minutes Article d’opinion/Guide d’achat/Bon plan » ou encore « Le Point Services ». Cela peut aussi concerner une « Vente flash ». Ouest-France, par exemple, indique que sa rubrique « Shopping » est « animée par nos experts sport » mais en ajoutant plus bas que « la rédaction n’a pas participé à sa réalisation ». C’est parfois à s’y méprendre puisque ni le caractère sponsorisé ou promotionnel n’est clairement indiqué. Pourtant, les règles de « Google Actualités » semblent claires : « Tout sponsoring (…) doit être clairement indiqué aux lecteurs » (6). Contacté, Google France va répondre à nos interrogations. @

Des éditeurs de médias redoutent l’indépendance

En fait. Le 12 septembre, les associations européennes respectivement des quotidiens (ENPA) et des magazines (EMMA) ont tiré à boulets rouges sur le projet de règlement sur la liberté des médias – le European Media Freedom Act (EMFA) – qu’a examiné le 13 la Commission européenne. Quid du cas de la France ? En clair. « Nous appelons la Commission européenne à ne pas adopter la proposition de l’European Media Freedom Act (EMFA) lors de sa prochaine réunion [qui s’est tenue le lendemain 13 septembre, ndlr], car (…) le projet est un “Media Unfreedom Act”, un affront aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et de la démocratie », ont dénoncé le 12 septembre les associations européennes respectivement des journaux ENPA (1) et des magazines EMMA (2). Elles s’inquiètent du « contrôle plus étroit » envisagé par les régulateurs nationaux ou par le futur « Conseil européen des services des médias » – European Board for Media Services (EBMS) qui transformera l’actuel Erga (3), groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, dont fait partie en France l’Arcom (ex-CSA). Le « super-Erga » aux compétences élargies, y compris à la presse, aura son secrétariat assuré par la Commission européenne dont il dépend. « Il n’est pas acceptable et très problématique que, dans une proposition visant à protéger la liberté des médias, la Commission européenne révèle des projets visant à de factopasser outre le principe de la liberté éditoriale des éditeurs », s’insurgent l’ENPA et l’EMMA. C’est l’article 6 du projet de règlement qui constitue un point de blocage pour leurs éditeurs membres : ils devront notamment rendre public « le nom de leurs propriétaires directs ou indirects détenant des actions leur permettant d’exercer une influence sur l’exploitation et la prise de décisions stratégiques », tout en garantissant l’indépendance de leurs journalistes et en divulguant tout conflit d’intérêt entre la rédaction et le propriétaire du journal. Si la Hongrie, la Pologne ou encore la Slovénie sont souvent citées comme les premiers pays visés par ce règlement, la France, elle, a la particularité unique en Europe et au monde d’avoir de nombreux groupes de presse détenus par des industriels et milliardaires : Les Echos-Le Parisien par Bernard Arnault, Canal+-CNews-Prisma Media par Vincent Bolloré, Europe 1-le JDD-Paris Match par Arnaud Lagardère, Le Monde-L’Obs par Xavier Niel et Matthieu Pigasse, BFMTV-RMC par Patrick Drahi, etc. Suite à la commission d’enquête du Sénat sur la concentration dans les médias en France (4), deux propositions de loi sur l’indépendance des médias sont sur les rails : celle de la députée Paula Forteza et celle à venir du sénateur David Assouline. @

Le groupe Reworld Media reste le mal-aimé de la presse française, mais il résiste à la crise et devient rentable

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a bien reçu le rapport « sur les conditions d’accès aux aides à la presse et notamment celles relatives à la composition des rédactions » – mission qu’elle avait exigée fin décembre en pleine crise « Science & Vie » chez Reworld Media. Ce groupe accélère sa « disruption digitale ».

(Le lendemain de la publication de cet article, soit le 20 avril, le ministère de la Culture a annoncé une concertation sur « le renforcement de l’exigence du traitement journalistique pour l’accès aux aides à la presse »).