Réforme audiovisuelle à l’heure du Net : la France ne peut passer à côté d’un changement de paradigme

La loi « Liberté de la communication » de 1986 – 30 ans ! – est devenue obsolète depuis la mondialisation de l’audiovisuel induite par Internet. Sa réforme reste timorée. La ligne Maginot du PAF (paysage audiovisuel français) peine à laisser place à un cadre ambitieux pour conquérir le PAM (mondial).

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Près d’un an après que la Commission européenne ait « jeté
les bases de l’avenir numérique de l’Europe » (1) en initiant la création d’un marché numérique européen, les parlementaires français envisagent une réforme du secteur audiovisuel. Cette révision du cadre légal intervient dans un contexte de crise des médias traditionnels : Canal+ affiche une perte de 264 millions d’euros en 2015 contre 21 millions en 2012 ; TF1 semble se diriger sous la barre des 20 % de part d’audience (2) ; M6 a refranchi à la baisse celle des 10%; les bouquets satellitaires ne parviennent que péniblement à remplir leurs canaux en raison de la diffusion des chaînes sur Internet ; les radios subissent aussi une baisse d’audience sans précédent.

Défaut de consentement préalable des internautes avant tout cookie : la Cnilmet en demeure et va sanctionner

La Cnil multiplie ses contrôles auprès des sites web, régies publicitaires et réseaux sociaux pour épingler ceux – une cinquantaine d’éditeurs à ce jour –
qui déposent des cookies sans en informer les internautes ni recueillir leur consentement préalable. Après les mises en demeure, les sanctions financières vont tomber.

Selon nos informations, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’apprête pour la première fois à sanctionner des éditeurs de sites web, de presse en ligne et de réseaux sociaux, ainsi que des régies de publicité sur Internet, pour non respect de la législation sur les cookies. Sa prochaine formation restreinte composée de six membres et seule habilitée à prononcer des sanctions se réunira le 21 avril prochain. Les condamnations financières peuvent atteindre un montant maximum de 150.000 euros, et, en cas de récidive, portées jusqu’à 300.000 euros (1).
Certaines sanctions pourraient être rendues publiques si elles étaient assorties de l’obligation d’insérer la condamnation dans des journaux et sur le site web incriminé
– et ce, aux frais de l’éditeur sanctionné. L’autorité reproche aux éditeurs Internet de
ne pas recueillir le consentement préalable de chaque internaute ou mobinaute avant de déposer sur son ordinateur ou son mobile un cookie ou un traceur. Après plus de 500 contrôles sur place et/ou en ligne menés depuis la fin du troisième trimestre 2014 auprès des éditeurs de services et de presse en ligne, et malgré quelque 50 mises
en demeure notifiées depuis juin 2015, les premières sanctions vont tomber. « Des échanges ont été organisés avec les éditeurs de site de presse et se poursuivent encore actuellement », nous a répondu une porte-parole de la Cnil que préside Isabelle Falque-Pierrotin (photo).

LeGuide.com plombe le digital de Lagardère Active

En fait. Le 8 mars, Lagardère a présenté ses résultats 2015 : bénéfice net de 74 millions d’euros (+80 %), pour un chiffre d’affaires stable (+ 0,3 %) à 7,1 milliards d’euros. Lagardère Active, branche médias du groupe, cherche à améliorer coûte que coûte sa rentabilité. LeGuide.com, lui, a plombé le numérique.

En clair. Lagardère Active, l’une des quatre branches du groupe Lagardère, dédiée celle-ci aux médias, poursuit non sans mal sa stratégie de « rééquilibrage » ou de
« recentrage » (c’est selon) de son portefeuille d’activités vers l’audiovisuel – principalement grâce aux acquisitions de Gulli en novembre 2014 et de Boomerang TV en mai 2015. Ce qui permet à cette branche – où l’on retrouve Europe 1 engagé dans un rapprochement avec Le JDD (1) pour 2017 – d’afficher un chiffre d’affaires stable de 962 millions d’euros. Mais sa rentabilité reste insuffisante (2) et sa croissance n’est pas au rendez-vous : à périmètre constant, les revenus « médias » sont en recul de – 5,8 %. Les acquisitions permettent donc de faire bonne figure (+ 0,5 %). « La contraction de l’activité provient principalement de la baisse de la presse magazine (- 3,9 %) et d’un effet de comparaison défavorable pour les activités TV (- 8,9 %) avec de moindres livraisons de productions internationales chez Lagardère Studios », avait expliqué en février le groupe d’Arnaud Lagardère. La diffusion des magazines enregistre un recul de – 5,3 % : un plan de départs volontaires est lancé (220 postes en 2016), tandis que Télé 7 Jours, Ici Paris, France Dimanche et Public sont à vendre depuis l’an dernier – seuls Elle, Paris Match et Le JDD étant « sanctuarisés ».
Quant aux revenus des activités numériques, ils sont en chute (libre ?) de – 19,5 %. C’est LeGuide.com, le comparateur de prix acquis mi-2012 (3), qui plombe la croissance numérique, laquelle serait sans lui de + 4,9 % ! pour expliquer cette déconvenue, le groupe a déjà déploré l’an dernier que les changements d’algorithme
de Google – lui-même éditeur de Google Shopping – avait fait reculer la place de tous les comparateurs d’achats dans les résultats de recherche du numéro un des moteurs. LeGuide.com a même été radié de la Bourse en septembre dernier, le groupe Lagardère détenant maintenant la quasi-totalité du capital de cette filiale qui a été dépréciée l’an dernier à 35 millions d’euros. Lagardère, membre cofondateur de la coalition Open Internet Project (OIP) contre Google, était même prêt à demander à ce dernier des dommages et intérêts conséquents avant d’y renoncer, préférant signer avec lui en octobre dernier un « partenariat stratégique de long terme » (4)… Créé en 1998, LeGuide.com n’en reste pas moins un boulet pour Lagardère. @

Licence légale étendue aux webradios : bras de fer

En fait. Le 12 janvier, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) faisait un point en présence de son président Pascal Nègre (Universal Music).
A l’instar du Snep (majors de la musique) et de l’UPFI/SPPF (producteurs indépendants), elle fustige l’extension de la licence légale aux webradios.

En clair. Ce n’est pas gagné pour les milliers de webradios en France : les producteurs de musique – majors (Universal Music/EMI, Sony Music, Warner Music) et indépendants – sont vent debout contre l’extension de la licence légale aux webradios. A travers leurs organisations professionnelles (Snep/SCPP pour les majors et UPFI/SPPF pour les indépendants), ils accusent le gouvernement d’être passé en
force en faisant adopter le 29 septembre 2015 à l’Assemblée nationale un amendement prévoyant – à l’article 6 bis du projet de loi « Liberté de création » – d’appliquer aux radios sur Internet la même « rémunération équitable » que pour les radios de la
bande FM.

Première bascule symbolique en vue dans la publicité : Internet va dépasser la télévision

Pour la première fois en France, 2016 devrait être l’année du début du basculement de la publicité des médias traditionnels vers les médias numériques. Après la télévision qui sera ainsi dépassée par Internet, d’autre médias suivront les années suivantes. En attendant, l’année 2015 fait grise mine avec un recul de -1,5 %. La presse va passer sous la barre des 2,5 milliards d’euros.

Thomas Jamet« Dans l’hypothèse où la contribution d’Internet serait identique au second semestre à celle du premier semestre (elle avait apporté 1,4 point de croissance à l’ensemble du marché), le marché publicitaire total serait en baisse de -1,5 % », a prévenu l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), à l’occasion de la présentation fin novembre de ses derniers chiffres sur la publicité en France. Cette association interprofessionnelle (annonceurs, agences, médias, institut d’études) a même revu à la baisse sa prévision annuelle 2015 par rapport au -1 % qu’elle avait prévu initialement et présentée en septembre dernier.