Publicité TV segmentée : 2021 sera l’année du décollage, si les téléspectateurs le veulent bien

Depuis début janvier, TF1 propose aux annonceurs ses offres de publicité ciblée grâce à un partenariat avec l’opérateur Orange. Ce dernier est aussi allié à France Télévisions, tandis que Bouygues Telecom accompagne Canal+. Reste à savoir si les téléspectateurs donneront leur consentement.

La publicité ciblée sur le petit écran fait son apparition en France, soit près de six mois après la publication du décret « Télévision segmentée » autorisant « la possibilité pour les services de télévision de ne pas proposer sur leur zone de service les mêmes messages publicitaires à l’ensemble des téléspectateurs mais au contraire de diffuser des messages publicitaires mieux adaptés aux zones de diffusion et aux téléspectateurs » (1).

La télé dans le monde de la data et du tracking
Cet assouplissement au régime de publicité télévisée était demandé depuis longtemps par les éditeurs de chaînes, qui y voient notamment le moyen de concurrencer les plateformes numériques – GAFAM en tête – rompues à la publicité ciblée et à l’exploitation de la data plus ou moins personnelle. Cela suppose que le téléspectateur, doté d’une « box » ou d’un téléviseur connecté, donne son consentement préalable avant de recevoir ces publicités dites segmentées ou adressées (addressable TV, en anglais). Cela suppose aussi que les chaînes de télévision et les opérateurs télécoms se soient mis d’accord auparavant pour se partager les recettes publicitaires qui découleront de cette nouvelle monétisation de l’audience. « La publicité segmentée permet de proposer aux téléspectateurs des publicités plus affinitaires sur les chaînes linéaires. Désormais, les annonceurs pourront associer la qualité et la puissance des contenus des chaînes du groupe TF1 à la précision et la granularité du ciblage digital pour adresser aux abonnés de la TV d’Orange des publicités adaptées, dans le respect de la réglementation des données personnelles », explique la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues.
De son côté, la filiale télécoms de ce même groupe, Bouygues Telecom, avait annoncé en novembre dernier avoir passé un accord similaire avec M6 pour la publicité segmentée sur la télévision linaire. Il faisait suite à deux autres accords signés par ce même opérateur télécoms avec Canal+ (octobre) et France Télévisions (juillet). Le groupe audiovisuel public a également noué un partenariat avec Orange (juillet), qui s’est concrétisé en novembre dernier par la diffusion des premières publicités segmentées. Les opérateurs télécoms et les régies de publicité TV se sont mis d’accord sur un « cadre technique de mise en œuvre progressive de la publicité segmentée », avec des restrictions (2) pour la période de janvier à août 2021, afin de tester les capacités des réseaux et le fonctionnement des algorithmes d’adserving en situation réelle. « Les limites actuelles seront levées progressivement, à partir de septembre 2021, pour permettre le développement d’un nouveau marché », nous indique Isabelle Vignon (photo), déléguée générale du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV). Les huit régies publicitaires audiovisuelles qui le composent (TF1 Pub, M6 Publicité, France TV Publicité, Canal+ Brand Solutions, Next Média Solutions, Amaury Média, BeIn Régie et ViacomCBS) estiment que le potentiel des foyers adressables avec ce type de publicité ciblée est de 63 % des foyers équipés en télévision, dont 59 % de foyers équipés de « box ».
A la différence de la publicité TV dite « broadcast » (3), la publicité TV dite « segmentée » consiste à diffuser des spots différents selon les segments du public présents à cet instant sur le flux de la chaîne. « La publicité TV linéaire devient pleinement digitale, permettant d’exposer exclusivement des segments bien déterminés de téléspectateurs. L’adserving des publicités se fait alors via les “box” TV ou directement sur un téléviseur Smart TV (connecté à Internet) », explique le SNPTV dans son guide publié en octobre dernier (4). Pour ce faire, des marqueurs de type « SCTE-35 » (5) sont insérés dans les flux de programmes des éditeurs de télévision qui signalent aux « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) l’arrivée d’un écran publicitaire. Ces derniers ont auparavant récupéré et vérifié techniquement les fichiers numériques sources (audio et vidéo) des spots publicitaires pour permettre leur diffusion lors d’une substitution à l’écran. Cette substitution des spots via les « box » est assurée par le prestataire dit CDN (6) de l’opérateur télécoms, qui se charge d’adresser les spots de remplacement vers les « box » pour diffusion.

Comportements des téléspectateurs géolocalisés
Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free transmettent via leurs « box » à TF1, M6, France Télévisions, Canal+ ou BFM TV les « informations de ciblage », à savoir les caractéristiques de ciblage des foyers connectés sur la chaîne : données socio-démographiques, de géolocalisation, ou comportementales. C’est l’adserver de l’éditeur TV qui décide des substitutions de spots sur les « box » en précisant quels spots devront être substitués. Une fois les spots diffusés, les informations de suivi (tracking) sont remontées à l’adserver de la régie publicitaire de la chaîne. @

Charles de Laubier

Fréquences 5G : en plus des 2,7 milliards d’euros, les opérateurs verseront 1 % de leur chiffre d’affaires

Les lauréats Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile, qui peuvent utiliser leurs fréquences 5G depuis le 18 novembre, verseront entre 2020 et 2034 une « redevance fixe » totale de plus de 2,7 milliards d’euros à l’Etat. Mais aussi « redevance variable » de 1 % de leurs revenus mobiles, dont ceux de la publicité et des contenus.

Au total, les quatre lauréats des premières fréquences 5G en France – bande des 3,4 à 3,8 Ghz dite « bande coeur », en attendant cette des 26 Ghz dite « bande pionnière » – devront verser à l’Etat une redevance fixe de précisément 2.789.096.245 euros. Celle-ci est exigible en plusieurs parts entre 2020 et 2034. Mais ce n’est pas tout : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile verseront en plus chaque année une redevance variable égale à 1 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces fréquences, comme c’est le cas sur les fréquences 3G et 4G.

Taxe de 1 % des revenus 5G durant 15 ans
C’est Orange qui paiera la redevance fixe la plus élevée, à savoir 854 millions d’euros. Vient ensuite SFR (groupe Altice) avec 728 millions d’euros. Free Mobile arrive en troisième position avec 605 millions d’euros. Bouygues Telecom ferme le ban avec 602 millions d’euros à débourser. Ce qui fait, pour ces fréquences 5G, un total de redevance fixe supérieur à 2,7 milliards d’euros. Mais ce n’est pas un record en France. A titre de comparaison : les fréquences 4G dans les bandes 800 Mhz et 2.6 Ghz avaient rapporté 3,6 milliards d’euros en 2012, et les 700 Mhz avaient rapporté 2,98 milliards en 2015 (1).
L’Etat français, dont le chef actuel est Emmanuel Macron (photo), est loin d’empocher les quelque 6,5 milliards d’euros obtenus par l’Allemagne de ses enchères 5G, certes avec plus de fréquences mises en vente. L’Italie a aussi récolté la même somme record.
Pour s’acquitter de leur redevance fixe d’ici à 2034 pour leurs fréquences 5G dans la bande 3,4-3,8 Ghz, les quatre opérateurs mobiles français doivent débourser trois fois, conformément à un décret « Redevances » (2). L’autorisation d’utilisation des fréquences attribuée en 2020 porte sur l’exploitation d’un réseau mobile en France métropolitaine pendant une durée initiale de quinze ans. La redevance pour chaque opérateur mobile se décompose en deux parts fixes et une part variable.
La première part fixe correspond au montant déterminé par le résultat de la phase d’attribution des blocs de 50 Mhz dans la bande 3,5 Ghz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre. Ainsi, chacun des quatre opérateurs mobiles doit s’acquitter de la même somme, à savoir 350 millions d’euros payables « en quinze parts égales sur quinze ans ».
La deuxième part fixe correspond, elle, au montant déterminé par le résultat des enchères principales et de positionnement dans le cadre de l’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences. Orange devra s’acquitter de 504 millions d’euros, SFR de 378 millions d’euros, Bouygues Telecom de 252 millions d’euros et Free Mobile de 252 millions d’euros. Ces sommes-là sont exigibles « en quatre parts égales sur quatre ans ». A noter que Free Mobile est le seul à payer 3 millions d’euros supplémentaires (3 096 245 euros) à l’issue de « l’enchère de positionnement » pour permettre de positionner les fréquences de chacun des lauréats (3). Orange, SFR et Bouygues Telecom, eux, ne paient rien.
La part variable, quant à elle, est versée annuellement et correspond à une taxe de 1% du montant total du chiffre d’affaires annuel réalisé avec les fréquences 5G. Un acompte provisionnel est versé avant le 30 juin de l’année en cours – en l’occurrence d’ici le 30 juin 2021. Le décret « Redevances » précise que ce « chiffre d’affaires » sur lequel sera prélevé ce 1 % ne comprend pas les revenus de la vente de terminaux.
Cette taxe porte en revanche sur les recettes d’exploitation (hors taxes) « réalisées grâce à l’utilisation des fréquences allouées » : recettes de fourniture de service téléphonique et de transport de données aux clients directs et indirects, et celles réalisées par les entreprises dont l’opérateur détient le contrôle ou qui sont contrôlées par une société détenant également le contrôle de l’opérateur, ainsi que les recettes liées à l’interconnexion (à l’exclusion des appels issus d’un autre réseau mobile titulaire d’une autorisation en France), et celles issues des clients en itinérance sur le réseau de l’opérateur.

Pub, contenus ou services mis à contribution
Entrent enfin en ligne de compte les recettes perçues par l’opérateur sur les services ou les prestations fournis à des tiers en rapport avec les services précédents, « en particulier les prestations publicitaires, de référencement ou la perception de commissions dans le cadre du commerce électronique ». Sont aussi pris en compte les revenus tirés des mises en service et des raccordements au réseau, et ceux liés à « la vente de services (y compris la fourniture de contenus) dans le cadre d’une transaction vocale ou de données » – étant même précisé que « les reversements aux fournisseurs de services sont déduits de ces recettes ». Et même « éventuellement tout nouveau service utilisant les fréquences considérées ». @

Charles de Laubier

La presse dans le monde vit la plus grave crise de son histoire, tandis que le papier tente de résister

La fin de la presse papier est un mythe savamment entretenu depuis deux décennies par des études plus ou moins pessimistes. Mais la profonde crise des journaux, exacerbée par le coronavirus, poussent certains éditeurs vers le « tout-numérique », mais avec des recettes publicitaires en moins.

« La consommation de journaux imprimés a diminué à mesure que le confinement compromet la distribution physique, ce qui accélère presque certainement la transition vers un avenir entièrement numérique », prédit le rapport 2020 de Reuters Institute sur l’information numérique, paru juste avant l’été. Et de constater : « Au cours des neuf dernières années, nos données ont montré que les actualités en ligne dépassaient la télévision comme source d’information la plus fréquemment utilisée dans de nombreux pays. Dans le même temps, les journaux imprimés ont continué à décliner tandis que les médias sociaux se sont stabilisés après une forte hausse ».

Futurologues au chevet de la presse
Le papier n’est plus en odeur de sainteté dans le monde de la presse. Imprimer des journaux n’a jamais été aussi coûteux et les distribuer encore plus difficile. Le coronavirus et son confinement exacerbent une crise de la presse qui était déjà chronique depuis près de deux décennies. La chute des recettes publicitaires, qui ne date pas d’hier, s’est accélérée de façon vertigineuse avec les conséquences du confinement imposé au printemps dans la majeure partie du monde. Les annonceurs ont fui les journaux imprimés qui ne pouvaient pas être distribués dans les kiosques physiques, fermés environ trois mois pour cause de crise sanitaire. En France, la faillite de l’ancien groupe de distribution de presse Presstalis – devenu France Messagerie en juillet dernier après avoir été placé en redressement judiciaire et liquidé en régions – a aggravé la situation. Jamais la presse n’a traversé une telle catastrophe industrielle, depuis la Seconde-Guerre mondiale.
La fin de la presse papier est dans tous les esprits, au point de donner a priori raison aux Cassandres d’hier. Car l’annonce de la fin de la presse de Gutenberg a commencé avec l’arrivée de la presse sur Internet à partir du milieu des années 1990, au cours desquelles il était question de cannibalisation du papier par les sites web (1). Les plus pessimistes prédisaient la disparition des journaux papier, tôt ou tard. Le futurologue australien Ross Dawson (photo) tablait, en octobre 2010, sur la disparition des journaux papier selon un calendrier mondial très précis appelé « Newspaper Extinction Timeline » (2) : à partir de 2017 aux Etats-Unis, à partir de 2019 au Royaume- Uni et en Islande, à partir de 2020 au Canada et en Norvège, puis dans de nombreux pays à partir de l’année 2040. Un documentaire diffusé en mai 2011 sur Canal+ et intitulé «La presse au pied du Net », mentionne cette disparition du papier « à partir de 2017 ». Et en octobre 2011, Francis Gurry, le directeur général de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) interprète ces prédictions en affirmant que les journaux papier auront disparus en 2040. Selon Ross Dawson, la disparition des journaux imprimés en France interviendra à partir de 2029, en même temps qu’Israël, la Malaisie et la Croatie (voir graphique page suivante). En 2017, année supposée de l’extinction progressive des journaux papier aux Etats-Unis, le futurologue a publié une mise au point où il reconnaît s’être trompé sur cette date. « Ma prévision selon laquelle les informations (publiées) sur papier deviendraient “non pertinentes” (définies comme étant inférieures à 2,5% des recettes publicitaires totales) aux Etats-Unis en 2017 était certainement erronée, comme on me l’a dit de façon explicite ». Pour autant, il estime qu’il est désormais très difficile d’obtenir de bonnes données sur l’état de l’industrie de la presse américaine car la Newspaper Association of America (devenue la News Media Alliance) ne livre plus de chiffres régulièrement. « De plus, pointe Ross Dawson, de nombreuses entreprises de presse à l’échelle mondiale ont été extrêmement opaques dans leurs rapports financiers, ce qui rend très difficile l’évaluation de l’état de leurs journaux par rapport à leurs propriétés numériques. En particulier, la grande majorité des chiffres disponibles sur la “circulation des journaux” comprennent à la fois les éditions imprimées et numériques, de sorte que nous ne savons pratiquement rien de l’état des journaux sur papier » (3). De son côté, le professeur américain Vin Crosbie, expert en nouveaux médias (4), avait affirmé en 2010 que plus de la moitié des 1.400 quotidiens américains auraient disparu dans les dix prochaines années. Tandis qu’en France, Bernard Poulet – journaliste et essayiste – avait publié en 2009 « La fin des journaux et l’avenir de l’information », (éditions Le Débat, Gallimard).

Vers une presse 100 % digitale ?
En 2011, le président du New York Times, Arthur Sulzberger (alors PDG du groupe), assurait lors d’un e-G8 à Paris que « la presse papier ne va pas disparaître ». Presque dix ans plus tard, la presse n’a effectivement pas disparue mais elle est très mal en point. Durant le confinement, des éditeurs de journaux ont suspendu leur impression papier lorsqu’il ne l’ont pas supprimée. L’effondrement du chiffre d’affaires publicitaire, lequel finance le papier, a eu des conséquences immédiates sur les effectifs. « Alors que certaines publications font état d’une croissance des abonnements numériques, certains éditeurs affirment que les revenus publicitaires ont chuté de près de 50 % et que de nombreux journaux ont réduit ou cessé d’imprimer des copies physiques et mis à pied du personnel », relève Reuters Institute dans son « Digital News Report 2020 ».

Suppression d’emplois et fermetures
En Australie, le groupe News Corporation de Rupert Murdoch a suspendu la production d’une soixantaine de journaux, tandis qu’au Royaume-Uni des analystes avertissaient que près d’un tiers des journalistes dans les médias pourraient perdre leur emploi en raison de la pandémie. « Tout cela met davantage l’accent sur les modèles de paiement en ligne des lecteurs – y compris l’abonnement, l’adhésion, les dons et les micro paiements – et sur la question de la confiance qui les sous-tend », poursuit Reuters Institute.
En Scandinavie, la perturbation causée par le covid-19 frappe plus durement les éditeurs d’informations locales, étant donné leur dépendance à l’égard de la publicité imprimée et numérique. Au Danemark, en Suède et dans d’autres pays, le gouvernement est intervenu pour accorder des subventions et des allégements à court terme au secteur. « Sans plus de soutien, d’autres fermetures et compressions semblent inévitables », prévient Reuters Institute. Aux Etats- Unis, le Poynter Institute for Media Studies – école de journalisme et organisme de recherche – fait état depuis le début de la crise de dizaines de journaux qui ont dû fermer ou ont été rachetés par d’autres éditeurs locaux. La presse américaine n’est pas au bout de ses peines en 2020, après avoir supprimé la moitié de ses emplois entre 2008 et 2019 si l’on en croit le Pew Research Center. Aux Philippines, le Press Institute (PPI) a indiqué que 10 de ses 70 journaux membres ont été contraints de fermer à cause de la pandémie. Au Royaume-Uni, le quotidien The Guardian prévoit 180 suppressions d’emplois, l’hebdomadaire The Economist moitié moins.
En France, La Marseillaise illustre les déboires de la presse face à la crise du secteur, accrue par le confinement : la société Les Fédérés qui édite ce quotidien régional a été placée en liquidation judiciaire le 13 juillet dernier. Son concurrent La Provence – dont Bernard Tapie est l’actionnaire majoritaire – a finalement renoncé mi-août à s’en emparer avec d’aide financière du fondateur de Free et milliardaire Xavier Niel via sa holding personnelle NJJ Presse. L’opposition à ce projet de rachat jugé hostile était telle que le duo Tapie- Niel a préféré jeter l’éponge. Lui aussi déjà déficitaire avant le covid-19, le quotidien Le Parisien – propriété avec Les Echos de Bernard Arnault (PDG de LVMH) – va devoir supprimer des emplois. Idem pour Paris-Normandie, quotidien régional repris par le groupe belge Rossel. Des vaisseaux-amiraux comme The New York Times ou Le Monde bénéficient de l’engouement pour leurs éditions numériques, au point de voir le centre de gravité de leur chiffre d’affaires pour le premier (5) ou de leur lectorat pour le second (6) basculer dans le digital. Le papier continue de se replier. Tandis que les relations se tendent entre les éditeurs et les GAFA, comme l’illustre aux Etats-Unis le courrier envoyé le 20 août (7) par la Digital Content Next (DCN) à Apple. @

Charles de Laubier

Le «Earned Media» dilue le papier dans le digital

En fait. Le 1er juillet, Kantar, société internationale d’études et de conseils médias et marketing, a publié un rapport sur le « Earned Media » qui démontre que les annonceurs peuvent pousser leurs marques dans les médias – notamment sur les réseaux sociaux – sans forcément investir dans de la publicité.

En clair. « Dans le monde des médias, la crise du covid-19 a révélé un incroyable paradoxe : alors que pour la première fois de l’histoire, l’information digitale a atteint des audiences record sur tous les continents, parallèlement les investissements publicitaires se sont effondrés touchant de plein fouet un secteur déjà fortement mis à mal, a relevé le 1er juillet Christophe Dickès, directeur des projets stratégiques à la division médias de Kantar. Pourtant, dès les premiers jours de la crise, les Etats ont placé la presse dans la liste des biens essentiels ». Ce paradoxe se retrouve aussi dans le fait que, pendant la crise sanitaire, 81 % des Français ont augmenté leur consommation d’au moins un média et 52 % de plus de quatre médias. « Alors que la confiance à l’égard des médias mais aussi l’intérêt porté à l’actualité s’effritaient avec le temps, la crise du covid-19 a littéralement redonné un nouvel élan aux médias mainstream», a-t-il ainsi constaté. Mais Kantar, qui n’est plus une filiale du géant publicitaire mondial WPP (1), démontre dans un rapport publié le 1er juillet que les annonceurs misent de plus en plus sur le « Earned Media ». Il s’agit de la visibilité et de la « réputation » qu’obtient une entreprise sur les réseaux sociaux, les chaînes vidéo, les blogs, les influenceurs en ligne ou encore les commentaires des internautes, ainsi qu’en étant cité dans des articles des journalistes. C’est l’effet de halo que favorisent notamment le buzz et la viralité sur Internet. En creux, le paradoxe que démontre ce rapport instructif d’une quarantaine de pages (2) est que les annonceurs peuvent obtenir gratuitement ou à peu de frais une publicité indirectes en ligne sans acquérir d’espaces publicitaires payants dans les médias en général et les journaux en particulier selon le modèle opposé du « Paid Media ».
« Le Earned Media renforce la confiance et permet aux marques ou organisations de bénéficier du crédit des médias qu’elles utilisent », résume Kantar. Les médias traditionnels et surtout la presse en crise veulent s’inscrire dans cette tendance multi-canaux. Le papier n’est plus le coeur de la presse. Ce n’est pas un hasard si, le 24 juin, Kantar, Médiamétrie et le CESP (3) ont aidé l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) à lancer OneNext en France, une nouvelle mesure d’audience « sur tous les supports et en plaçant le digital au centre » (4) – présentée comme « une première mondiale ». @

De quelle ampleur sera la catastrophe publicitaire ?

En fait. C’est mi-mai que l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), Kantar et France Pub publient leur Baromètre unifié du marché publicitaire et de la communication (Bump) pour le 1er trimestre. Les résultats ne seront pas bons et laisseront présager une annus horribilis, tous médias confondus.

En clair. « Il est encore un peu tôt pour modifier nos prévisions annuelles… Nous pensons que nous serons probablement autour de – 30 % sur le 1er semestre 2020, une hypothèse un peu plus optimiste que celle diffusée mi-avril … Pour l’annuelle, cela dépendra de la dynamique de la reprise », a indiqué à Edition Multimédi@ Hélène Chartier, directrice générale du Syndicat des régies Internet (SRI).
Le 14 avril dernier, ses 38 adhérents – parmi lesquels Google, Facebook, TF1 Pub, FranceTV Publicité, Le Monde Publicité (M Publicité-RégieObs) ou encore Verizon Media (ex-Oath) – avaient constaté « une baisse drastique des revenus publicitaires digitaux : de l’ordre de – 40 % pour le seul mois de mars, avec des prévisions allant jusqu’à – 80 % pour avril et une estimation d’impact sur le marché du display de – 20 à – 30 % pour l’ensemble de l’année 2020 ». Cette chute annoncée de la seule publicité digitale – pourtant habituel amortisseur avec ses croissances annuelles à un ou deux chiffres par rapport à la publicité sur les médias classiques souvent, eux, en déclin (dont la presse) – ne laisse rien augurer de bon pour le marché global de la publicité en France. S’il n’y avait pas eu la crise sanitaire, les recettes publicitaires dans leur ensemble – télévision, presse, radio, cinéma, imprimés et Internet – auraient progressé cette année d’environ 1 %, contre 1,5 % en 2019. Bref, 2020 devait être en « léger ralentissement » avec notamment « une progression un peu plus limitée des médias numériques ». C’était du moins ce que prévoyait (1) l’Irep (2) avant la fermeture des lieux publics le 14 mars et la promulgation de la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire.
Près de deux mois de confinement après, sur fond de récession économique, la question n’est plus de savoir s’il y aura une catastrophe publicitaire mais de quelle ampleur sera-t-elle. Surtout que la date du 11 mai, à partir de laquelle le déconfinement des Français et des entreprises sera progressif, ne marquera pas le retour à la normal du marché publicitaire – loin de là. Mi-mai, l’Irep, Kantar et France Pub publient les résultats publicitaires du premier trimestre 2020 dans le cadre de leur baromètre « Bump » (3). Ils donneront un aperçu de la catastrophe annoncée : – 20 %, – 30 %, – 50 % voire plus ? Puisque l’on vous dit que 2020 est une annus horribilis.@