La télévision numérique terrestre (TNT) en France reste dominée par les groupes privés TF1 et M6

La TNT présente encore la meilleure alternative en France face aux plateformes globales de SVOD. Problème : les groupes privés TF1 et M6 – dont les autorisations arrivent à échéance en mai 2023 – sont toujours en position dominante. L’appel à candidature lancé par l’Arcom va les bousculer.

Les groupes TF1 et M6 ne possèdent pas seulement les chaînes éponymes historiques (TF1 et M6) mais aussi bien d’autres chaînes gratuites de la TNT : TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI, soit au total cinq chaînes du côté de la filiale du groupe Bouygues ; M6, W9, 6ter et Gulli, soit également cinq chaînes du côté de la filiale de RTL Group du groupe Bertelsmann. Et encore, si l’on considère les chaînes payantes de la TNT, il y a Paris Première au sein du groupe M6.

TF1 et M6 = 40 % des chaînes gratuites
Ensemble, les groupes TF1 et M6 – qui ont finalement abandonné mi-septembre 2022 leur projet de fusion (1) – cumulent dix chaînes gratuites de la TNT. Cela représente tout de même 40 % des 25 chaînes gratuites de la TNT (voir tableau ci-dessous). Mais leur position dominante – si l’on considère ce « duopole » potentiel – est surtout le fait de leur chaîne « vaisseau amiral » que sont les chaînes TF1 et M6. « Chaînes historiques lancées à l’ère de la télévision analogique, TF1 et M6 sont les deux principaux services privés en clair de la TNT. Ils se caractérisent en particulier par leur capacité à fédérer une large audience, leurs parts de marché publicitaire, la diversité des programmes qu’ils diffusent, leur contribution au renouvellement de l’offre et le poids de leurs investissements en production. Ces services bénéficient d’une exposition avantageuse aux numéros 1 et 6 dans le plan de numérotation des chaînes de la TNT », résume l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dans son étude d’impact publiée le 17 novembre dernier (2). Ce sont justement les autorisations accordées aux sociétés Télévision Française 1 (filiale de Bouygues) et Métropole Télévision (filiale de RTL Group/Bertelsmann) pour ces chaînes gratuites TF1 et M6 qui arrivent à échéance le 5 mai 2023. L’Arcom, qui n’avait pas vu d’un très bon oeil le projet de fusion TF1-M6 en raison « des effets notables (…) sur les marchés publicitaires, de l’édition et de la distribution, ainsi que (…) de l’acquisition de programmes » (3), veut saisir cette opportunité pour redynamiser la TNT en perte de vitesse. Aussi, c’est la toute première fois que les chaînes historiques vont devoir répondre à un appel à candidatures pour les fréquences gratuites qu’elles détiennent jusque-là – et non pas se contenter d’une procédure simplifiée de nouvellement d’autorisation sur les fréquences gratuites respectives (ces fameuses ressources radioélectriques).
C’est une petite révolution dans le PAF – paysage audiovisuel français. « Ni la consultation publique, ni l’étude d’impact ne font apparaître que la situation économique actuelle du marché de la TNT gratuite s’oppose au lancement d’un appel à candidatures pour autoriser deux chaînes nationales gratuites et financées par la publicité », en a conclu l’Arcom présidée par Roch-Olivier Maistre (photo). Le régulateur de l’audiovisuel a même estimé que « compte tenu de la place de TF1 et M6 sur le marché (en termes de publicité, d’audience et de programmes notamment), l’absence de lancement de l’appel à candidatures serait dommageable pour le marché et pour le téléspectateur qui verrait l’offre mise à sa disposition se réduire ».
L’appel à candidatures – susceptible d’ouvrir la TNT à un nouvel entrant – a été lancé par l’Arcom le 7 décembre (4) et jusqu’au 23 janvier 2023 (aactnt@arcom.fr). Cela pourrait revigorer la concurrence entre les chaînes gratuites, bousculer les « rentes » de situations ou toute autre position dominante du « duopole » TF1-M6. D’autant que l’attribution des ressources rendues disponibles, à partir du 6 mai 2023 précisément, intervient au moment où la consommation de la télévision est en baisse et l’audience des téléspectateurs vieillissante. « La durée d’écoute individuelle (DEI) de la télévision a atteint un pic en 2012 (3h50), avant d’entamer une baisse, qui s’est accélérée en 2018 et 2019 » (la hausse durant la crise sanitaire n’ayant été que conjoncturelle). Le groupe TF1 a perdu 5,8 points de part d’audience entre 2007 et 2021, toutes chaînes confondues, dont les chaînes gratuites rachetées NT1 (devenue TFX) et HD1 (devenue TF1 Séries Films) ou lancées TMC (ex-Télé Monte-Carlo) qui ont limité la casse. De même, le groupe M6 a réussi à maintenir une part d’audience stable sur l’ensemble de la période grâce aux lancements de W9 et de 6ter, et à l’acquisition de Gulli. Pour autant, les chaînes TF1 et M6, avec leur part d’audience respective de 19,7 % et de 9,1 %, s’arrogent à eux deux près de 30 % de l’audience TV nationale (voir tableau ci-contre), voire 40 % avec toutes leurs chaînes.

NJJ Médias (Niel) veut jouer les trouble-fête
Les deux groupes privés dominants de la TNT pratiquent chacun la « circulation de leurs programmes » entre leurs différentes antennes respectives, ce qui contribue à leur « position importante » sur la TNT gratuite. Mais les téléspectateurs ont vieilli. « La durée d’écoute des plus de 50 ans est globalement en hausse depuis 2010 ». La moyenne d’âge de TF1 est montée à 55 ans, tandis que celle de M6 est aussi en augmentation à 49 ans. L’époque de la « ménagère de moins de 50 ans » est révolue mais la catégorie d’âge reste. Le constat est sans appel : « L’offre des services de la TNT subit depuis plusieurs années une érosion de ses audiences et un vieillissement des téléspectateurs. Ce problème d’attractivité s’accompagne d’une fragmentation des services liée à l’élargissement de l’offre TNT permis par le passage à la diffusion numérique ». Cela n’a pas empêché les groupes privés TF1 et M6 à maintenir des « positions d’importance » (dixit) au regard du reste de l’offre TNT. Le jeune public, lui, est plus attiré par les réseaux sociaux et les plateformes de SVOD que par les chaînes de la TNT.
C’est un fait à l’ère des « adolécrans » (5). « L’arrivée à échéance des autorisations des services TF1 et M6 intervient dans un contexte plus large de bouleversements majeurs du secteur audiovisuel, tant en termes d’offre que d’usages, qui trouvent notamment leur origine dans les innovations technologiques induites par la révolution numérique. Ces évolutions, qui se traduisent par une concurrence accrue sur le marché, en particulier de la part d’acteurs internationaux, sont de nature à impacter la place occupée par les acteurs locaux de la TNT dans cette offre audiovisuelle élargie », souligne l’étude d’impact de l’Arcom. Reste à savoir si NJJ Médias (NJJ Holding), présidé par le milliardaire Xavier Niel – candidat malheureux à deux reprises au rachat de M6 – répondra – à temps (6) – à l’appel à candidatures pour une nouvelle chaîne de télévision gratuite sur la TNT après avoir manifesté le 28 novembre auprès de l’Arcom (7) son intérêt. @

Charles de Laubier

 

Warner Bros. Discovery veut lancer plus tôt que prévu sa méga-plateforme de streaming « HBO Discovery »

Le calendrier s’accélère pour le géant des médias Warner Bros. Discovery (WBD), né en avril. Sa plateforme de streaming vidéo, combinant HBO Max et Discovery+, sera lancée plus tôt : au printemps 2023 aux Etats-Unis, au lieu de l’été, puis en Europe en 2024 – dont la France où son partenaire OCS est en vente.

Avec bientôt 100 millions d’abonnés cumulés non seulement à la chaîne payante HBO (Cinemax compris) mais aussi aux deux plateformes de streaming HBO Max et Discovery+, contre 94,9 millions au 30 septembre dernier, Warner Bros. Discovery (WBD) se sent pousser des ailes. La croissance des abonnements se poursuit, le troisième trimestre ayant gagné 2,8 millions de clients supplémentaires.
Cela tombe bien pour le nouveau géant américain des médias et du divertissement car le temps presse : ses chaînes de télévision traditionnelles – HBO, CNN ou TBS du côté de l’ex-WarnerMedia, et Eurosport, Discovery Channel ou MotorTrend du côté de l’ex-Discovery – sont confrontées à la fois au phénomène du cord-cutting (bien connu aux Etats-Unis lorsque les abonnés aux chaînes câblées résilient leur contrat au profit de l’accès direct par Internet aux plateformes audiovisuelles) et à la baisse des recettes publicitaires sur ces mêmes networks (à savoir les télévisions par câble d’ampleur nationale) où elles ont été en recul de 11 % sur un an au troisième trimestre. Et ce, « principalement en raison de la baisse de l’auditoire de nos émissions de divertissement et d’actualité ». Pour le groupe dirigé par David Zaslav (photo), il y a donc urgence à lancer sa méga-plateforme de streaming combinant HBO Max et Discovery+, dont le nouveau nom reste encore à trouver : HBO Discovery ? Warner Discovery ? WBD+ ?

Hausse du cord-cutting et baisse de la pub
Il s’agit aussi de ne pas se faire trop distancer par les trois locomotives de la SVOD mondiale : Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, avec leurs respectivement 223 millions, 200 millions et 164,2 millions d’abonnés. David Zaslav a confirmé il y a un moins devant des analyses, lors de la présentation des résultats de WBD au troisième trimestre, que la nouvelle plateforme de streaming « HBO Discovery », sera disponible aux Etats-Unis dès le printemps 2023, et non l’été suivant comme il l’avait initialement annoncé. Pour l’Europe, c’est plus compliqué avec les accords d’exclusivité de HBO en cours avec Sky (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, …) et avec OCS (France) : il faudra attendre 2024 pour la nouvelle plateforme – à moins qu’un coup d’accélérateur ne soit donné là aussi. La diffusion exclusive par OCS des contenus de HBO, dont « Game of Thrones », arrive à échéance en fin d’année.

France : fini l’exclusivité d’OCS
De plus, OCS est mis en vente par son principal actionnaire Orange (66,33 % du capital) qui discute avec Canal+ (33,33 %) intéressé par le rachat de ce bouquet de chaînes payantes assorti de son studio de cinéma au catalogue de films et séries bien fourni (1). WBD a examiné le dossier, selon Le Film Français (2). Le groupe a aussi signé en France avec Amazon Prime Video, selon Variety (3). Le fait que la plateforme « HBO Discovery » ne pourra être lancée globalement, à cause de ces restrictions géographiques, constitue un handicap.
L’ex-filiale de contenus audiovisuels et cinématographiques de l’opérateur télécoms AT&T et son compatriote Discovery fondent leur plateforme de streaming en une seule dans le cadre de leur mégafusion aux multiples synergies technologiques, marketing et numériques. En attendant, les résultats du troisième trimestre ont été en dessous des attentes des analystes financiers : les pertes se sont creusées (- 2,3 milliards sur le troisième trimestre), dues à la fusion et aux restructurations. Et le plus difficile reste à venir : WBD a augmenté ses objectifs d’économies d’ici à 2024 de 3 à 3,5 milliards de dollars. Depuis le début de la fusion en avril 2022 (4) et jusqu’à la fin de cette année, 750 millions d’euros d’économies auront été réalisées. Et les plus grosses réductions de coûts sont prévues pour l’année prochain, à hauteur de plus de 2,7 milliards de dollars. « Il reste encore des décisions difficiles à prendre mais nécessaires », a prévenu David Zaslav. Selon le Wall Street Journal, il y a déjà eu en sept mois plus de 1.000 licenciements chez WBD, notamment dans les studios de cinéma et les chaînes de télévision. Et cette réduction de la masse salariale se poursuit. Globalement, la dette de WBD dépasse les 50 milliards de dollars au 30 septembre 2022 et le groupe dispose de 2,5milliards de dollars de trésorerie.
Les chaînes de télévision – les networks (plus de 50 % du chiffre d’affaires global de WBD) – enregistrent une baisse de leurs revenus, de 8 % au cours du troisième trimestre et même de 11% pour la publicité, «principalement en raison de la baisse de l’audience des émissions de divertissement et d’actualité ».
• Les studios de cinéma – à Hollywood et à Londres (plus de 30 % du chiffre d’affaires global de WBD) – voient leurs revenus diminuer, de 5 % au troisième trimestre, « principalement en raison de la baisse des dépenses de divertissement dans les foyers et de la diminution des sorties en salle (à cause du covid-19) ». Et les revenus tirés des licences de télévision ont aussi diminué, « principalement en raison de la diminution du nombre de nouvelles sorties en salle, ce qui a réduit la disponibilité de titres sur les fenêtres payantes des chaînes ».
L’activité Direct-to-Consumer – regroupant les abonnements à HBO, HBO Max (dont Cinemax) et à Discovery+ (soit 20 % du chiffre d’affaires global de WBD) – affiche une baisse de ses revenus, de 6 % au troisième trimestre. Et ce, malgré une augmentation du nombre total cumulé d’abonnés, à 94,9 millions (+ 2,8 millions d’abonnés en un trimestre), et un doublement des recettes publicitaires sur ce segment «Dto- C ». Mais les revenus de distribution ont, eux, diminué de 6 %, « principalement en raison de l’expiration d’Amazon Channels en septembre 2021 ». Autre signe de faiblesse : l’ARPU globale du « D-to-C » a légèrement reculé au troisième trimestre (7,52 dollars) par rapport au deuxième trimestre (7,66 dollars). Dans ce contexte de transition et d’incertitudes, David Zaslav fonde de grands espoirs sur la future plateforme « WDB+ » pour redynamiser le chiffre d’affaires du groupe. Le streaming devient aussi stratégique que la salle. Le catalogue de titres fait l’objet d’un toilettage de fond en comble, par le retrait sur HBO Max de dizaines d’émissions non stratégiques et par la mise en avant des franchises que détient Warner Bros. telles que « Superman », « Harry Potter » ou encore « Batman » issues de son emblématique filiale DC Comics. Le PDG de WBD a aussi confirmé que la nouvelle plateforme proposera deux offres d’abonnement : une sans publicités et une autre moins chère avec un peu de publicités. Mais les tarifs ne sont pas encore fixés. Cependant, le Français Jean-Briac Perrette (photo cicontre), dit JB, ancien directeur du streaming et de l’international chez Discovery et nouveau PDG « Global Streaming & Games » de WBD, a indiqué que l’abonnement de HBO Max – 14,99 dollars par mois – n’avait pas augmenté depuis son lancement en mai 2020. Netflix a ouvert la voie de l’AVOD (5) en lançant début novembre dans une douzaine de pays, dont la France, sa formule d’abonnement low cost (à partir de 5,99 euros par mois) avec publicités avant et pendant les programmes (6). Disney+ va suivre le mouvement dès le 8 décembre à partir de 7,99 dollars par mois (7).

130 millions d’abonnés en 2025 ?
David Zaslav a en outre indiqué qu’une offre gratuite financée par la publicité était aussi en cours de développement pour y diffuser aussi des contenus de Warner Bros. et de Discovery. La bataille du streaming ne fait que commencer et cela aura un coût important pour WBD, à l’heure où justement les autres plateformes de SVOD réduisent leurs dépenses. Le cabinet d’études Digital TV Research indique à Edition Multimédi@ qu’il prévoit 48 millions d’abonnés d’ici fin 2023 à la future plateforme « HBO Discovery » et 58 millions d’ici fin 2024. Pour son ensemble D-to-C, WBD vise 130 millions d’abonnés en 2025. @

Charles de Laubier

Pour pallier la disparition des cookies, la publicité contextuelle cherche à s’imposer dans le monde

La fin prochaine des cookies, et autres traceurs publicitaire intrusifs sur les terminaux des internautes pris pour cibles, a ouvert la voie à la publicité contextuelle. C’est aussi une alternative à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs. Des adtech comme Seedtag relèvent le défi.

« La publicité contextuelle est une technique publicitaire qui vise à diffuser sur un support (web, télévision) des publicités choisies en fonction du contexte dans lequel le contenu publicitaire est inséré », définit la Cnil sur son site web (1). Avantage : le ciblage contextuel ne nécessite pas d’avoir des informations sur la personne regardant la publicité, ni de collecter des données personnelles la concernant. Bref, c’est l’arme anti-cookie et anti-data par excellence. Des adtech comme l’espagnole Seedtag s’en sont fait une spécialité, devançant notamment le champion français des cookies, Criteo (2), qui tente de pivoter dans le contextuel.

Seedtag, « n°1 mondial » du contextuel
La start-up Seedtag, fondée en 2014 par deux anciens de chez Google, Jorge Poyatos (photo de gauche) et Albert Nieto (photo de droite), a créé une intelligence artificielle contextuelle – baptisée Liz – qui permet aux annonceurs de « toucher les consommateurs en fonction de leurs intérêts sans utiliser aucune donnée personnelle ». Ayant son siège social à Madrid, cette licorne en puissance se déploie à l’international, tant en Europe qu’aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Fin juillet, elle a annoncé avoir levé 250 millions d’euros auprès du fonds américain Advent International. Celui-ci rejoint d’autres investisseurs institutionnels déjà présents dans Seedtag, à savoir Oakley Capital, Adara Ventures et All Iron Ventures. Objectif : « Faire évoluer le secteur de la publicité digitale à plus grande échelle », notamment outre-Atlantique.
Seedtag se revendique déjà comme étant « le numéro un en Europe et en Amérique Latine dans la publicité contextuelle ». S’étant d’abord développé dans la publicité intégrée au sein des images illustrant des articles (in-image advertising), Seedtag a ensuite élargi son offre à la vidéo (outstream) et aux bannières (display). Pour se hisser à la première place de ce marché dynamique, la start-up madrilène rachète certains de ses concurrents : la société italienne AtomikAd est tombée dans son escarcelle en novembre 2020, suivie de l’allemand Recognified en février 2021, puis du français KMTX en juillet 2022. En plus de son IA contextuelle, Liz, Seedtag ajoute ainsi des cordes à son arc pour mieux cibler les internautes sans recourir aux cookies ni exploiter leurs données, ni les suivre à la trace dans leurs navigations sur le Web. Ses outils alternatifs vont du placement in-content jusqu’à l’automatisation des performances marketing (apprentissage automatique). « En diffusant des publicités dans le contenu, nous tirons pleinement parti de l’attention des utilisateurs : selon l’eye-tracking [oculométrie en français, à savoir le suivi des mouvements des yeux sur un écran, ndlr] les publicités intégrées au contenu captent l’attention plus rapidement et la retiennent plus longtemps ».
Cette optimisation du ciblage publicitaire cookie-free est obtenue par la « lecture » approfondie des contenus des pages pour obtenir le meilleur résultat pour l’annonceur. De grandes marques telles que Microsoft, LG, Heineken, Nestlé, Renault, Unilever, Levi’s, Forbes, Marie-Claire, Vanity Fair ou encore Sky Sport font partie du portefeuille de clients de Seedtag. Par exemple, la filiale française dirigée par Clarisse Madern a renouvelé en début d’année des partenariats avec des éditeurs tels que CMI (Elle, Marianne, Télé 7 jours, …), Prisma Media (Capital, Gala, Geo, …), Lagardère Publicité News et Reworld Media.
En mai dernier, avec l’appui d’une étude de l’institut marketing Nielsen réalité auprès de 1.800 consommateurs au Royaume-Uni, Seedtag a démontré que le ciblage contextuel était bien plus accepté que le ciblage utilisant leurs données personnelles : « Les consommateurs étaient 2,5 fois plus intéressés par la publicité contextuelle que lorsqu’il la publicité n’est pas ciblée. De plus, les résultats ont montré que les personnes qui ont vu des publicités contextuelles étaient 32 % plus susceptibles de passer l’action après avoir vu la publicité. Les consommateurs ciblés en fonction du contexte se sont sentis 40 % plus enthousiastes à l’égard de la catégorie [du message publicitaire] que ceux ciblés sur le plan démographique et 28 % plus enthousiastes que ceux ciblés uniquement en raison de leur intérêt dans la catégorie » (3).

Les navigateurs deviennent cookieless
En début d’année, dans le cadre de ses tests pour sa solution alternative « Privacy Sandbox », Google avait annoncé la fin des cookies tiers sur son navigateur Chrome d’ici à fin 2023 (4), au lieu de 2022 initialement prévu. Alors qu’Apple avec Safari et Mozilla avec Firefox sont déjà cookieless (5), la filiale d’Alphabet a dû prolonger les tests : « Nous avons maintenant l’intention de commencer à éliminer progressivement les cookies tiers dans Chrome dans la seconde moitié de l’année 2024 », a-t-elle indiqué le 27 juillet dernier (6). @

Charles de Laubier

Pourquoi le fantôme de Snap fait trembler Internet

En fait. Le 23 mai, la société Snap – dirigée par son cofondateur Evan Spiegel – a émis un avertissement sur ses prévisions de résultats pour le second trimestre 2022. Depuis, le cours de Bourse du réseau social au fantôme a chuté de près de 45 % (1). C’est un vrai coup de semonce pour tout l’écosystème publicitaire.

En clair. « Depuis que nous avons publié nos objectifs le 21 avril 2022, l’environnement macroéconomique s’est détérioré davantage et plus rapidement que prévu. Par conséquent, nous pensons qu’il est probable que nous fassions état d’un chiffre d’affaires et d’un EBITDA ajusté inférieurs à l’extrémité inférieure de notre fourchette de prévisions pour le deuxième trimestre 2022 ».
Par cet avertissement enregistré par le gendarme de la Bourse américain, la SEC, et publié le 23 mai (2), l’éditeur de la plateforme Snapchat a jeté un froid et entraîné avec lui à la baisse d’autres entreprises cotées de réseaux sociaux et/ou leur maison mère (Twitter, Pinterest, Meta/Facebook, Alphabet/ YouTube, …), mais aussi des entreprises de publicité également cotées (Publicis, WPP, Omnicom, Interpublic Group, …).
Cette alerte laconique porte sur le chiffre d’affaires et la marge brute d’exploitation du deuxième trimestre en cours, dont les résultats seront publiés courant juillet. Comme l’essentiel des revenus de la société Snap provient pour l’essentiel de la publicité, ces quelques lignes ont sonnées comme coup de semonce pour toutes les plateformes numériques vivant de la publicité sur Internet et pour tous les acteurs de ce marché publicitaire très sensible aux conjonctures économiques. Snap est l’archétype de cette dépendance à la publicité en ligne : rien que sur son premier trimestre 2022, son chiffre d’affaires – essentiellement publicitaire – a franchi pour la première fois la barre du 1 milliard de dollars, soit un bond de 38 % sur un an (contre 769,6 millions de dollars au premier trimestre de l’année précédente).
Deux offres publicitaires principales sont proposées par le réseau social au fantôme, qui revendique 332 millions d’utilisateurs en moyenne par jour dans le monde, dont 75 % de Millennials et de GenZ : Snap Ads (3) et AR Ads (4). La publicité dite AR (Augmented Reality) propose aux annonceurs et partenaires des « filtres » sponsorisés (sponsored filters) et des « lentilles » sponsorisées (sponsored lenses). Mais l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la guerre en Ukraine a fait revenir tout l’écosystème de la virtualité à la réalité. Aux difficultés économiques, s’ajoutent la fin des cookies pour le ciblage chez Apple et Google, d’une part, et le fléau persistant de la fraude publicitaire (5), d’autre part. @

Le groupe Reworld Media reste le mal-aimé de la presse française, mais il résiste à la crise et devient rentable

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a bien reçu le rapport « sur les conditions d’accès aux aides à la presse et notamment celles relatives à la composition des rédactions » – mission qu’elle avait exigée fin décembre en pleine crise « Science & Vie » chez Reworld Media. Ce groupe accélère sa « disruption digitale ».

(Le lendemain de la publication de cet article, soit le 20 avril, le ministère de la Culture a annoncé une concertation sur « le renforcement de l’exigence du traitement journalistique pour l’accès aux aides à la presse »).