La TV connectée se met à mesurer l’audience en live

En fait. Le 11 septembre, l’IFA, grand-messe de l’électronique grand public (240.000 visiteurs), a fermé ses portes à Berlin après huit jours d’exposition, d’annonces
et de conférences. Si les montres connectées ont volé la vedette aux téléviseurs connectés, ces derniers n’ont pas dit leur dernier mot.

En clair. Les montres connectées ont volé la vedette aux téléviseurs connectés. Mais si les premières arrivent à peine sur le marché, avec parfois une image de gadgets qui leur colle à la peau, les seconds sont apparus il y a maintenant plus de trois ans et proposent de plus en plus de services en ligne. L’un d’entre eux pourrait bouleverser la mesure d’audience de la télévision traditionnelle que l’on connaît actuellement sous la forme de panels composés de quelques milliers d’individus représentatifs de la population (1).
Ainsi, LG Electronics a profité de l’IFA pour présenter un modèle de TV connectée doté d’une technologie numérique de reconnaissance automatique de contenus audiovisuels de type ACR (Automatic Content Recognition). Elle permet de suivre à la trace les programmes visualisés en direct à l’écran ou enregistrés, pour en mesurer l’audience
à des fins publicitaires et pour améliorer dans le même temps l’expérience des téléspectateurs avec des publicités dynamiques plus ciblées et des services interactifs
de Social TV plus nombreux. Pour cela, LG est le premier fabricant de téléviseurs à avoir adopté la technologie ACR de la société américaine Cognitive Network. Sa technologie pourrait bouleverser la manière dont l’audience TV est mesurée aujourd’hui, en fournissant directement aux chaînes de télévision, mais aussi aux producteurs de contenus audiovisuels et éditeurs d’applications, voire aux annonceurs eux-mêmes, les données
de visualisation recueillies « à la source » et stockées dans un cloud. Cognitive Network
a indiqué que Samsung et Vizio étaient à leur tour intéressés par son dispositif numérique de mesure d’audience, qui pourrait permettre aux fabricants de télévision d’augmenter leurs marges grâce à de nouvelles recettes publicitaires. La technique de reconnaissance des contenus vidéo (fingerprinting) est également proposée par une autre société californienne, Gracenote, qui équipe des Smart TV de Sony, dont elle est une filiale (2).
La montée des fabricants de téléviseurs connectés dans la chaîne de valeur des services et contenus audiovisuels illustre leur volonté de s’imposer progressivement à l’échelon mondial (avec une large audience internationale à terme), face aux chaînes de télévision historiquement nationales (limitées de fait en nombre de téléspectateurs). Le marché de la publicité TV est à la veille d’un chambardement. @

Publicité : fin de la prime au leader

Finalement, la bonne nouvelle pour la télé, c’est qu’elle a su s’adapter à Internet sans connaître tout à fait le sort, parfois fatal, de la plupart des autres contenus numériques. Ce super média qu’est la télévision bénéficiait d’une armure protectrice connue sous le nom de « prime au leader »,
cette différence constatée entre la part d’audience des chaînes leaders et leur part du marché de la publicité TV
en valeur, laquelle lui est souvent très supérieure. C’est ainsi que la puissance médiatique des chaînes historiques leur a longtemps permis de pratiquer des tarifs supérieurs à ceux des outsiders et de générer des revenus plus importants comparativement à leur audience ou au volume de publicité qu’ils diffusaient. Ainsi, en France, la chaîne TF1, qui enregistrait une part d’audience moyenne de 23 % sur l’année 2012 (en forte baisse par rapport aux années précédentes), captait 42 % du marché de la publicité TV en valeur. De la même façon, ITV, la première chaîne privée au Royaume-Uni en termes d’audience, captait 43 % du marché publicitaire en valeur pour une part d’audience de seulement 16 %.

« Si la pub TV a fait la preuve de son efficacité,
c’est sa notion même qui a perdu de son sens.
Les spots sont désormais distribués en même
temps en live ou en catch up. »

Lesechos.fr ne sont pas rentables avec la pub seule

En fait. Le 8 avril, l’OJD – l’Office de justification de la diffusion, qui fête ses 50 ans cette année – a publié sa treizième newsletter professionnelle avec une interview de Francis Morel, PDG du groupe Les Echos, lequel est entré au comité de direction de l’OJD en remplacement de Nicolas Beytout.

En clair. « Les journaux doivent apprendre à dépendre moins de la publicité et plus de la diffusion payante. La crise actuelle aura au moins cette vertu de le rappeler. Ce qui a une valeur se paie et c’est dans cet esprit que nous avons développé le paywall [partie à péage lancée sur lesechos.fr en novembre 2012] et augmenté le prix de vente [de l’édition papier passé de 1,70 à 1,90 euro en janvier 2013] », explique Francis Morel,
à la tête des Echos depuis octobre 2011. Mais pour le successeur de Nicolas Beytout,
« le vrai prix des Echos devrait être 2 euros » et n’exclut pas une nouvelle hausse tarifaire à partir de 2014. Les Echos sont déjà le quotidien le plus cher de la presse française, ce que justifie Francis Morel par le fait que ce n’est pas un quotidien généraliste. Celui qui est par ailleurs vice-président de l’Association IPG (information
de politique générale), signataire de l’accord avec Google, confirme ainsi implicitement la fin des velléités du journal à devenir un quotidien d’information politique général. Comme avait tenté de le transformer Nicolas Beytout, lequel lancera « mi-mai » son quotidien bimédia web-papier d’« actualité politique, économique et internationale » : L’Opinion (1). « Partout dans le monde, les quotidiens économiques et financiers sont vendus plus cher que les quotidiens généralistes », souligne Francis Morel.
En mettant un terme au presque tout-gratuit sur lesechos.fr (2), le quotidien du groupe LVMH est passé au presque tout-payant en novembre dernier. Avec le risque de voir la presse à péage faire baisser son audience. « Nous avions quelques interrogations sur les conséquences du paywall sur l’audience. Finalement, l’audience globale du site a continué à progresser et les abonnement payants sont en hausse », affirme Francis Morel. Paywall rime d’ailleurs avec freemium : au-delà de quinze articles par mois,
voire cinq supplémentaires après enregistrement, Lesechos.fr deviennent payants moyennant 20 euros par mois (soit 240 euros par an). « Le poids du numérique est actuellement de l’ordre de 13 %. Le plan stratégique prévoit de dépasser les 20-25 % dans trois ans », précise-t-il. Mais le développement des abonnements présente un
« handicap » : celui de la TVA à 19,6 %, contre 2,10 % pour l’édition papier. « C’est une telle absurdité que le dossier évoluera sûrement. Quand, je l’ignore ». @

Audience télé : TF1 adopte la « stratégie du rebond »

En fait. Le 18 mars, Nonce Paolini, PDG du groupe TF1, était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Face à 2013 qui s’annonce en recul
(- 3 % en chiffre d’affaires), il mise sur une « stratégie du rebond » entre les réseaux sociaux et l’antenne pour maintenir l’audience de la chaîne.

En clair. « Nous nous inscrivons dans la stratégie du rebond, où l’antenne renvoie vers les réseaux sociaux et les réseaux sociaux renvoient vers l’antenne, comme le fait The Voice », a expliqué Nonce Paolini, patron de TF1. Le nouveau show musical de la chaîne, lancé il y a un an (1), constitue pour lui un exemple à suivre en termes de combinaison antenne-digital pour maintenir, voire augmenter, l’audience de l’année. « Il y a désormais un engagement du public avec Twitter ou bien MyTF1 Connect. Par exemple, jouer le coach de The Voice permet ce rebond », a-t-il précisé. Cette fonctionnalité interactive fait partie de MyTF1 Connect, une rubrique en ligne lancée en février dernier pour permettre aux télénautes d’interagir avec l’antenne et l’émission en cours de diffusion. MyTF1 Connect propose ainsi une sélection de tweets en lien avec le programme, des contenus supplémentaires synchronisés avec le live (coulisses, bonus vidéo, jeux, …). La fonctionnalité Instant Replay permet, en outre, de sélectionner une séquence au choix puis de la diffuser sur les réseaux sociaux par un simple clic. « The Voice et le numérique, via les réseaux sociaux, le replay vidéo ou encore le spectacle vivant (2) permettent aussi des revenus complémentaires », s’est félicité Nonce Paolini. Les annonceurs, qui veulent cibler les « femmes de moins de 50 ans responsables des achats » (The Voice ayant 47 % de part d’audience), ont en effet trois possibilités : être présents dans la promotion du jeu, devenir partenaires d’Instant Replay, ou passer par Ad’Connect (publicité synchronisée sur second écran).
La plupart des fonctionnalités de MyTF1 Connect seront généralisées à tous les programmes, dont les divertissements, le sport et l’information. Nonce Paolini espère que cette « stratégie du rebond » profitera, dès 2013, à l’ensemble de la chaîne. L’interactivité accrue avec l’antenne et MyTF1 devrait contribuer encore cette année à la forte croissance du chiffre d’affaires de e-TF1, qui a fait un bond de près de 20 % l’an dernier
à 101,2 millions d’euros pour un résultat opérationnel de 18,3 millions d’euros.
Par ailleurs, interrogé par EM@ en marge de son intervention, Nonce Paolini nous a indiqué qu’« il n’y avait, hélas, pas de discussion avec M6 et Canal+ » sur l’idée d’une plateforme commune de SVOD et de replay, pour contrer l’arrivée prochaine des Amazon et Netflix. @

SFR Régie : près de 25 millions d’euros en 2012

En fait. Le 15 mars, la régie publicitaire de SFR – dédiée aux mobiles (smartphones et tablettes), le web étant sous-traité à Lagardère – a présenté son 4e Observatoire de l’Internet mobile étendu cette année aux écrans connectés : 17 % des personnes ont trois écrans en 2012, elles seront 25 % en 2013.

En clair. La « duplication d’usage entre les écrans » est une nouvelle tendance qui va s’accentuer cette année : d’ici à fin 2013, un quart des utilisateurs vont en effet jongler avec leurs trois écrans que sont l’ordinateur, le smartphone et la tablette. C’est ce qui ressort de l’étude réalisée en décembre (1) par SFR Régie (Vivendi) et GroupM Interaction (WPP). Cet usage « multi-screen » va bousculer le monde de la publicité jusqu’alors organisé en silos. « Les marques ne pourront plus communiquer comme avant. Il faut revoir les médiaplannings et les organisations pour articuler les différents écrans. En agences ou chez les annonceurs, il va falloir travailler dans les mêmes bureaux, partager les mêmes budgets, se mettre autour de la même table », prévient Patricia Lévy, directrice générale de la régie publicitaire de SFR. En marge de sa présentation, elle n’a par ailleurs pas exclu que la publicité des sites web et portails de SFR – confiée en exclusivité à Lagardère Publicité depuis le 1er janvier 2011 – ne soit
« à l’avenir » rapatriée en interne pour jouer la complémentarité entre les écrans. Car pour l’heure, SFR Régie est dédié à la publicité sur mobile – smartphones et tablettes. « Nous ne sommes pas loin des 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012 », nous a confié Patricia Lévy. Afin de « maximiser les rebonds », éditeurs et annonceurs vont devoir être présents sur tous les écrans. « C’est la fin de l’écran unique, et l’utilisation d’un ‘’second écran’’ devant la télévision est un phénomène massif. C’est en effet le cas pour 60 % des ‘’multiscreeners’’ », explique Raphaël Pivert, directeur de recherche chez GroupM Interaction. Cela suppose synchronisation, watermarking ou encore capture d’image.
Les indicateurs-clés de performance, que les professionnels de la publicité appellent KPI (Key Performance Indicators), vont eux aussi devoir changer. Ainsi, le monde de la publicité en ligne doit passer d’une logique d’« audience » à une logique d’« attention ». En attendant de mesurer les intentions d’achat, la satisfaction ou l’intérêt pour les marques, Médiamétrie va accompagner cette « transversalité des écrans » avec l’« Internet global » (2) : dès ce mois-ci vont apparaîtrent les premiers résultats consolidés de l’audience Internet sur ordinateurs et smartphones puis, dans un second temps, sur tablettes voire à terme sur TV connectées. @