Virginie Courtieu, YouTube France : « Nous offrons de nouvelles sources de revenus en vidéo »

La directrice des partenariats de YouTube en France estime positif l’entraînement suscité par les 13 chaînes françaises exclusives lancées il y a deux ans. Elle répond aussi sur Netflix, la VOD, la musique – dont la prochaine offre par abonnement – ou encore la radio filmée. La publicité est au cœur de l’écosystème.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Que sont devenues les 13 chaînes originales françaises qui ont signé en octobre 2012 avec YouTube une exclusivité sur trois 3 ans, assortie d’un revenu garanti (MG) la première année ? Mis à part Studio Bagel racheté en mars dernier par Canal+ et à la bonne audience de X-Treme Video, la plupart font une audience décevante. Est-ce un échec pour YouTube en France ?
Virginie Courtieu-Peyraud :
Notre objectif avec ce programme de chaînes originales était de catalyser l’arrivée de contenus originaux
sur la plateforme. Le pari est largement réussi lorsque l’on observe que de nombreux partenaires ont depuis décidé de lancer eux-mêmes, sans contribution de YouTube, leurs propres chaînes originales, comme par exemple Golden Moustache, Euronews Knowledge, ou les chaînes de Endemol Beyond.
Ces chaînes originales ont aussi permis de fidéliser une audience toujours plus large
et engagée (1) : nous observons que le temps passé sur YouTube par les Français augmente de plus de 30 % chaque année. Enfin, les annonceurs et investisseurs sont eux aussi aujourd’hui beaucoup plus engagés sur la plateforme.

Les adblockers grippent les « rouages » de l’édition et de la publicité numériques

Le « rouage » était au Moyen-Âge une redevance payée en fonction des
places occupées dans les foires. Un peu comme le sont aujourd’hui certains adblockers… En Allemagne, des éditeurs ont saisi la justice contre ces bloqueurs de pubs. En France, la pédagogie sera-t-elle suffisamment payante ?

Par Inès Veyne et Etienne Drouard (photo), K&L Gates Avocats

Les internautes qui ne veulent pas voir s’afficher de publicités
sur Internet peuvent ajouter à leur logiciel de navigation un filtre bloquant les contenus publicitaires, ou « adblocker ». Or, les modèles économiques des éditeurs de services en ligne reposent en grande partie sur le financement par la publicité des contenus publiés gratuitement auprès des internautes. Le taux de blocage de ces logiciels « anti-pub » – pouvant aller de 15 % à 60 % de l’inventaires publicitaires selon les sites web – remet aujourd’hui
en cause les modèles économiques des éditeurs de services en ligne.

Cloud TV everywhere

Les nuages, c’est bien connu, ne se préoccupent que rarement des frontières. Les nuages informatiques,
comme les nuages radioactifs en leur temps, ont une fâcheuse tendance à se jouer des contrôles et des barrières dérisoires que tentent de dresser des administrations dépassées par ces phénomènes atmosphériques. Pas plus que l’invasion des magnétoscopes japonais n’avait pu être arrêtée – lorsqu’en 1982 Laurent Fabius, alors Premier ministre, promulgua un arrêté pour contraindre les importateurs à ne plus dédouaner leurs magnétoscopes dans les ports mais au centre de la France, à Poitiers –, l’évolution des nouvelles formes de diffusion de la télévision ne put être stoppée. Edifier des lignes Maginot mobilise inutilement une énergie précieuse, lorsqu’on en a tant besoin pour la nécessaire modernisation des activités audiovisuelles françaises et européennes.
On connaissait pourtant le point de départ, notre télé traditionnelle, et le point d’arrivée, une consommation de vidéo aujourd’hui banalisée sur tous nos terminaux en tout lieu
et à tout moment. Entre les deux, plus de dix ans de mutation que certains ont vécue comme un véritable chaos. Avant que le Cloud TV ne s’impose, de multiples solutions ont été proposées. Les boîtiers de type media gateways ont d’abord permis aux opérateurs, comme Free ou Sky TV, de proposer des terminaux qui, bien qu’onéreux, permettaient de répondre aux nouveaux usages : interface enrichie, VOD, PVR, hybridation IP, distribution multi-terminaux, … D’autres, comme le pionnier américain des magnétoscopes numériques Tivo ou l’opérateur satellite SES, proposaient des boîtiers avec des fonctionnalités de déport de lieu de consommation TV ou de multiécrans. Ils furent ensuite intégrés aux media gateways.

« Les usages ‘TV everywhere’ bénéficient maintenant
de la puissance du Big Data pour personnaliser
la télé et la publicité. »

Pub : le mobile atteint 10 % des dépenses digitales

En fait. Le 8 juillet, le Syndicat des régies Internet (SRI) a publié la 12e édition
de son Observatoire de l’e-pub en France, sur la base d’une étude réalisée par PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec l’Udecam (agences médias) : 1,440 milliard d’euros au 1er semestre 2014 (+ 3 % sur un an), dont 10 % mobile.

En clair. La monétisation publicitaire de l’Internet mobile accélère enfin sérieusement en France pour s’approcher du taux de 10 % des dépenses e-pub au premier semestre 2014, soit 136 millions d’euros sur le total de 1,440 milliard d’euros que pèse le marché français de la publicité digitale sur la même période. Les dépenses publicitaires mobiles, en croissance de 61 % sur un an, se répartissent entre le search mobile pour 80 millions d’euros et le display pour 56 millions. Ce sont deux boosters pour le mobile, avec de forts taux de croissance, à savoir respectivement de 58 % et 69 %. Si l’on isole ce dernier segment, le display sur smartphones domine encore largement (44 millions d’euros) par rapport au display sur tablettes (12 millions d’euros).
Mais le marché de la publicité sur mobile (smartphones et tablettes) reste toujours
« sous investi » par rapport à la Grande-Bretagne (1). « Les dépenses sur mobile sont en hausse [+ 4 points à 10 %, ndlr] mais les audiences mobiles progressent sur un rythme plus soutenu [+ 7 points à 36 %] », souligne l’étude de PwC pour le SRI. Selon Médiamétrie, 36 % de l’audience Internet s’est faite sur mobile et le temps passé sur smartphones et tablettes augmente, y compris en mode « mobile-to-store » (avec interactions « in-store » ou « click & collect », et conversion des ventes en magasins). La montée en puissance des emails en mode responsive design (c’est-à-dire des emailings utilisant des messages électroniques adaptatifs comme peuvent l’être de
plus en plus de sites web) devrait aussi contribuer à la croissance des usages mobiles.

Lagardère : acquisitions en vue pour être plus digital

En fait. Le 28 mai, Lagardère a tenu son « Investor Day » pour présenter les perspectives de croissance du groupe désormais recentré sur les médias, qui table sur plus de 3 % par an d’ici à 2018. Des « acquisitions ciblées » sont envisagées, notamment dans le numérique qui pèse aujourd’hui 10,4 % des revenus.

En clair. Arnaud Lagardère veut plus que jamais se renforcer dans le numérique qui ne génère pour l’instant que 10,4 % du chiffre d’affaires du groupe de médias. Et la montée
en charge du digital, pourtant le fer de lance de la nouvelle stratégie « pure media » du fils de feu Jean-Luc (EM@77), est plus lente que prévu. Car, il y a cinq ans, le numérique représentait 7% des revenus (1) et le groupe tablait déjà sur 10 % pour… 2010. Mais tout vient à point à qui sait attendre ! Le gérant commandité du groupe (2), lequel pèse 7,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013 (en baisse de 2,1 % sur un an) pour un bénéficie net de 1,3 milliard en forte hausse (grâce à la cession d’EADS), n’a cette fois pas donné d’objectif dans le numérique. Non seulement la croissance digitale sera organique mais aussi externe par « acquisitions ciblées ». Dans son introduction aux investisseurs, Arnaud Lagardère a précisé que son groupe disposait de 2,1 milliards pour du développement interne et de 3,7 milliards d’euros de cash pour des acquisitions. Des sites web et des applications mobiles font partie des cibles numériques potentielles, Lagardère ayant acquis par le passé Newsweb, Doctissimo, LeGuide, BilletReduc ou encore DBDS/Tv-replay.fr.