Alphabet aurait franchi en 2017 la barre des 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires

Alors que la maison mère Alphabet entérine en janvier la démission de Eric Schmidt de sa présidence et s’apprête à fêter en septembre les 20 ans de Google, son chiffre d’affaires 2017 – qu’elle dévoilera le 1er février – devrait dépasser les 100 milliards de dollars et son résultat net les 20 milliards.

Depuis la création il y a 20 ans de la startup Google, par Larry Page et Sergey Brin, le conglomérat Alphabet qu’est devenu aujourd’hui l’entreprise a passé un cap symbolique en 2017 : le chiffre d’affaire de la firme de Mountain View, consolidé au niveau de la holding Alphabet depuis plus de deux ans maintenant (1), aurait franchi sur l’exercice de l’an dernier la barre des 100 milliards de dollars. C’est ce que devrait confirmer Larry Page (photo), directeur général d’Alphabet, lors de la présentation des résultats financiers annuels le 1er février. En franchissant ce seuil symbolique de chiffre d’affaires annuel l’an dernier, Alphabet affiche encore une croissance insolente d’au moins 10 % sur un an. Certes, c’est deux fois moins que les 20 % de croissance du chiffre d’affaires enregistrés en 2016 (90,2 milliards de dollars) par rapport à l’année antérieure, mais cela reste une progression honorable à deux chiffres.

Google reste la vache à lait
Mieux : le bénéfice net d’Alphabet aurait franchi en 2017, et pour la première fois, une autre barre symbolique, celle des 20 milliards de dollars – contre 19,4 milliards de résultat net en 2016. Un troisième seuil symbolique a également été franchi l’an dernier : le cash disponible a dépassé depuis fin septembre les 100 milliards de dollars (contre 86,3 milliards à fin 2016). L’année 2017 aura donc été, comme les années passées, faste pour Alphabet qui tire encore plus de… 98 % de ses revenus de sa filiale Google, laquelle aurait donc généré à elle seule en 2017 plus de 98 milliards de dollars provenant de ses activités moteur de recherche Google, plateforme vidéo YouTube, Android, Chrome, Google Play, Google Maps ou encore Google Cloud. Alphabet, qui emploie plus de 70.000 personnes dans le monde, reste cependant très dépendant des recettes publicitaires qui pèsent encore plus de 80 % des revenus globaux du groupe. Quant aux « autres paris » (other bets), que chapeaute Alphabet et non plus Google, ils continuent de générer des revenus embryonnaires issus principalement de la vente de services Internet et TV via le réseau de fibre aux Etats-Unis (Google Fiber et Access), des objets et services connectés dans la maison (Nest) et des licences et la R&D dans les sciences de la vie et de l’esanté (Verily (2)). Alphabet mise aussi sur d’autres projets prometteurs ou incertains tels que les recherches sur la longévité de la vie (Calico), la voiture autonome et connectée (Waymo) ou des projets financés par ses fonds GV (ex-Google Ventures) et CapitalG ou encore X Development (3). L’année 2017 aura aussi permis à l’action Alphabet (4) de bondir d’environ 30 % en un an à plus de 1.000 dollars, pour une capitalisation boursière totale de 768,5 milliards de dollars au 11 janvier 2018. Ce qui rapproche un peu plus la firme de Mountain View de la firme
de Cupertino, à savoir Apple aux 886 milliards de dollars de capitalisation boursière. Google et Apple visent tous les deux les 1.000 milliards de dollars en Bourse ! Peu
de temps après son introduction de Google en Bourse en 2004, l’agence Reuters a rapporté le récit d’un ancien employé du géant du Net racontant que lorsque Eric Schmidt, alors PDG de Google, avait expliqué que l’objectif avec Larry Page et Sergey Brin était de « créer une société à 100 milliards de dollars » (selon le propos de Sergey Brin prononcé le 28 février 2006), un salarié lui avait demandé : « Vous voulez dire à 100 milliards de capitalisation boursière ou à 100 milliards de chiffre d‘affaires ? ».
Eric Schmidt lui avait alors répondu : « A vous de choisir ! ». Si cet objectif en Bourse
a bien été atteint dès fin 2005, il aura fallu attendre treize ans pour que celui du chiffre d’affaires à 100 milliards le soit à son tour. C’est dans ce contexte d’euphorie financière que Eric Schmidt quitte, courant janvier, ses fonctions de président exécutif d’Alphabet (5) pour devenir conseiller technique « sur la science et la technologie » après 17 ans passés au service du géant du Net. Il sera remplacé par un président non exécutif cette fois – comme chez Apple ou Microsoft.

Zones de turbulence fiscale
Le retrait de Eric Schmidt sonne comme une reprise en main d’Alphabet par le Russo-américain Sergey Brin (président) et l’Américain Larry page (directeur général),
à l’heure où le groupe fait l’objet de redressement fiscaux dans plusieurs pays.
Selon l’agence Bloomberg, qui a mentionné le 2 janvier dernier des documents réglementaires néerlandais, la maison mère de Google a transféré 15,9 milliards d’euros en 2016 des Pays-Bas vers une société écran aux Bermudes. Grâce au
« Double Irish » et au « Dutch Sandwich », Alphabet a ainsi évité de payer plusieurs milliards d’euros d’impôts (6). Et aux Etats-Unis, la firme de Mountain View n’a pas encore payé d’impôt sur les 60,7 milliards de dollars qu’elle détient « outre-mer ». @

Charles de Laubier

Faux clics, bots, affichages litigieux, violation des données « perso », … : la pub sur le Netest en péril

Rien ne va plus dans le monde de la publicité en ligne. Entre les affichages des annonces sur des contenus illégaux, les clics automatiques via des réseaux de robots, l’atteinte aux données personnelles, ou encore le côté intrusif des bannières et vidéos, publicitaires et médias sont sur le qui-vive.

L’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (APCM) et le Centre d’étude des supports de publicité (CESP) se sont vu confier en début d’année la rédaction d’un « référentiel » pour un label de qualité de la publicité numérique baptisé « Digital Ad Trust », dont ils sont les « tiers labellisateurs ». L’initiative est française et fait suite à un appel d’offres qu’avait lancé en 2016 le Syndicat des régies Internet (SRI) et l’Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam).

Premières labellisations : mars 2018
D’autres organisations professionnelles – l’Union des annonceurs (UDA), l’Autorité
de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) et l’Interactive Advertising Bureau (IAB) – se
sont ralliées à ce projet qui va se concrétiser en janvier 2018. Les candidatures sont ouvertes depuis le 13 décembre dernier et les éditeurs peuvent demander la certification de leur(s) site(s) web par e-mail (labeldat@acpm.fr).« Le référentiel sur lequel repose le label Digital Ad Trust a été finalisé avec l’interprofession (1). On peut espérer la première vague de labellisations avant la fin du premier trimestre 2018 », indique à Edition Multimédi@ Jean-Paul Dietsch (photo), directeur des nouveaux médias à l’ACPM (ex-OJD+Audipresse) et par ailleurs président depuis juillet dernier de la branche européenne de la Fédération Internationale de bureaux d’audit de certification (IFABC Europe (2)). Toute l’industrie de la publicité en ligne est à pied d’œuvre sur ce projet qui consiste à décerner aux sites web dans leurs versions fixe et mobile – et par la suite les applications mobile – ce label BtoB Digital Ad Trust fondé sur un indicateur composite couvrant cinq grandes dimensions-clé : la brand safety, la visibilité, la fraude, l’expérience utilisateur (le fameux UX pour User Experience) comme l’encombrement publicitaire, et le respect des données personnelles de l’internaute. Cette labellisation, dont l’ACPM et le CESP sont les « tiers certificateurs », comporte douze critères, dont cinq obligatoires pour neuf nécessaires (voir tableau page suivante) si un éditeur veut obtenir ce label Digital Ad Trust. Il s’agit surtout de restaurer la confiance mise à mal des annonceurs lorsqu’ils achètent des espaces publicitaires – de plus en plus automatiquement via la publicité programmatique – sur les médias numériques. Par exemple, la brand safety consiste à éviter qu’une marque se retrouve sous forme de publicité dans des contenus illégaux tels que les sites web faisant l’apologie du terrorisme, les forums incitant à la haine raciale, les commentaires à connotation pédophile ou encore des contenus à caractère homophobe ou sexiste (3). La mise en place de ce label de la publicité en ligne a pris du retard par rapport au calendrier initial qui prévoyait de « démarrer les premières certifications avant l’été 2017 » (dixit Valérie Morrisson, directrice générale du CESP, en janvier dernier), Et Jean-Paul Dietsch à l’ACPM de poursuivre : « Les premières attributions de label arriveront trois mois après l’ouverture des candidatures, les labellisations se faisant alors par vagues successives de trois mois. Le label couvrira l’inventaire publicitaires display et vidéo des sites fixe et mobile dans un premier temps ».
Les sites web peuvent d’ores et déjà se porter candidats à la labellisation. Pour cela, avec l’aide éventuelle de prestataires de mesure certifiés de type MRC (pour le Media Rating Council), l’éditeur devra remplir deux documents : un bulletin d’adhésion (BA) et une déclaration sur l’honneur (DSH). Les candidatures et la facturation seront prises en charge par l’ACPM (4). Les annonceurs, les régie et les agences conseil pourront alors se fier aux sites web fixe et mobile qui arboreront le logo rectangulaire « ACPM-CESP Digital Ad Trust » (voir cicontre). « Le label sera fondé sur des contrôles techniques et déontologiques et permettra aux régies de qualifier valoriser les contenus et contextes publicitaires selon les bonnes pratiques validées par l’interprofession. De leur côté, les annonceurs et leurs agences publicitaires disposeront, en toute transparence, d’engagements clairs et labellisés pour s’assurer de la qualité de diffusion des campagnes », expliquent l’ACPM et le CESP.

Confiance des internautes et des annonceurs
Cette initiative s’inscrit dans une tendance de fond autour de la publicité dite
« responsable » afin de mieux répondre aux attentes des internautes en termes de confort de navigation (formats/intrusivité, temps de chargement des pages, …) et de respect de leurs données personnelles. Il s’agit aussi de mieux qualifier et valoriser les contenus, la contextualisation, l’expérience utilisateur (l’UX étant perçu comme le Graal du Net), la data, ou encore la valeur des marques des éditeurs. In fine, le label Digital Ad Trust espère répondre aux exigences des annonceurs en termes de qualité de la publicité digitale. La labellisation se fera site web par site web, toutes les pages des domaines Internet concernés pouvant être contrôlées ainsi que les formats, les emplacements publicitaires et les modes d’achat – hors IPTV (les « box » des FAI, ndlr) et univers applicatifs.

Vers une harmonisation européenne ?
L’ACPM, qui a présenté le dispositif aux membres du Geste le 8 novembre dernier, indique aussi que « pour les dimensions “brand safety”, “visibilité” et “fraude”, seules des mesures effectuées par des tiers accrédités par le MRC ou dans le cadre de l’EVCF (European Viewability Certification Framework) seront prises en compte » (5). Cette certification européenne prouve que l’« interprofession » de la publicité en ligne sur le Vieux Continent est capable de s’organiser et d’harmoniser ses pratiques. Si l’initiative « Digital Ad Trust » est une spécificité française, comme le sont les bonnes pratiques édictées en Grande- Bretagne par le JicWeb et l’ABC (Audit Bureau of Circulations), ou encore ce que font en Allemagne l’Agof, l’OWM et le BVDW, il y a parallèlement une volonté d’agir à l’échelon européen. Mais comme tous les « ABC » (alias les « OJD ») ne sont pas au même niveau d’avancement sur le numérique, l’approche n’est donc pas (encore) globale. « L’IAB Europe travaille sur des standards paneuropéens depuis quelques mois, mais cela semble compliqué de mettre tout le monde d’accord autour de la table. Nous sommes en contact avec eux et je leur ai proposé l’aide des “OJD” pour faire appliquer leur référentiel le moment venu, car l’IAB ne souhaite que définir des guidelines et ensuite ce seront à des certificateurs locaux pays par pays de les mettre en pratique », nous explique Jean-Paul Dietsch, qui indique en outre être en discussion avec de nombreux autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou encore le Brésil. Néanmoins, le label EVCF que souhaite développer l’IAB Europe ne se penchera que sur la problématique « visibilité », alors que le Digital Ad Trust français traite, lui, cinq piliers (brand safety, visibilité, fraude, UX, données personnelles). « Nous serons tout à fait à même de prendre en compte les recommandations de EVCF et de les inclure le moment venu dans le label Digital Ad Trust au niveau du référentiel “visibilité” », poursuit-il. La certification. EVCF a été lancée en août 2017 à Bruxelles par l’European Viewability Steering Group (EVSG), lequel fut créé fin 2015 à l’initiative de l’IAB Europe, de la European Association of Communications Agencies (EACA) et de la World Federation of Advertisers (WFA)
« afin d’appliquer des standards européens uniformes et équitables dans la mesure de la visibilité de la publicité numérique » (6). L’identification des auditeurs à travers les différents pays est sur le point d’être lancée fin 2017 via un « Request for Proposals » (RFP).
Par ailleurs, la WFA (fédération mondiale des annonceurs) est aussi préoccupée par
les réseaux de « bots » (ou robots virtuels en réseau, dits botnets) qui génèrent automatique des clics frauduleux sans aucune intervention humaine et encore moins
de « cible publicitaire » humaine devant l’écran. Selon le directeur général de la WFA, Stephan Loerke, cette fraude représenterait de 10 % à 30 % des clics observés sur les publicités en ligne ! « Si l’on ne fait rien, la fraude publicitaire digitale pourrait être en 2025 la deuxième source de revenus des activités criminelles dans le monde après le trafic de drogue », a-t-il mis en garde, lors d’une intervention à Paris le 8 novembre dernier. La WFA chiffre même à au moins 50 milliards de dollars la fraude publicitaire potentielle en ligne cette année-là. Il y a urgence. @

Charles de Laubier

Pourquoi la télévision va devenir le nouvel eldorado de la publicité programmatique et ciblée

La publicité de masse à la télévision ne rapporte plus autant, en raison de la baisse de la consommation linéaire. La concurrence du Net et de sa publicité programmatique pousse les chaînes vers la publicité « adressée » ou « ciblée ». Encore faut-il que la réglementation évolue.

BFM Paris, la première chaîne d’information locale du groupe Altice lancée il y a près d’un an maintenant (le 7 novembre 2016)
à la place de BFM Business Paris, expérimente-t-elle bien la
« publicité adressée » depuis l’été dernier, comme l’avait annoncé Alain Weill (photo), directeur général d’Altice Média et de SFR Media, le 10 février dernier devant l’Association des journalistes médias (AJM) ? Début octobre, Edition Multimédi@ a demandé à ce dernier ce qu’il en était : « Oui, les expérimentations ont lieu chez SFR. Il s’agit uniquement de localisation de la publicité avec deux annonceurs partenaires : Monoprix et Nissan. Ce sont essentiellement des tests techniques »,
nous a répondu Alain Weill.

19,1 milliards d’euros en 2021 (Idate)
Le groupe du milliardaire Patrick Drahi veut ainsi être un pionner en France de la publicité ciblée à la télévision. Pour ne pas se faire « googlelisées » ni « facebookées », comme d’autres ont été « ubérisés », les chaînes veulent cibler les spots publicitaires de leurs annonceurs grâce à une meilleure connaissance des téléspectateurs et au recours de la publicité dite « programmatique » – cette technique de mise aux enchères des espaces publicitaires et l’achat en temps réel des annonces. La publicité de masse va laisser place à la publicité ciblée à l’écran. C’est la promesse de la « télévision adressable » selon le profil du public en face. « En simplifiant, ceux qui ont des chiens auront des publicités pour Canigou et ceux qui ont des chats des publicités pour Ronron », avait expliqué, pince sans rire, Alain Weill devant l’AJM. Et d’ajouter : « Nous allons appliquer à un média classique le modèle de la publicité numérique. C’est une révolution qui se prépare, un enjeu considérable ». Ce à quoi Michel Combes, directeur général d’Altice, maison mère de l’opérateur télécoms SFR dont il est le PDG, avait abondé : « Les annonceurs sont prêts à payer un peu plus cher pour passer des pubs différentes selon les foyers, sur lesquels nous disposons de beaucoup de données,
via nos “box”. Par exemple, un constructeur automobile pourra proposer une voiture différente, ou le groupe SFR lui-même proposer des offres différentes selon que le foyer est ou non déjà abonné ». Après BFM Paris, Altice prépare le lancement de BFM Toulouse après avoir investi dans TV Sud.

Le marché mondial de ce que l’institut d’études Idate DigiWorld désigne globalement par « TV programmatique » devrait tutoyer les 20 milliards d’euros en 2021 (à 19,1 milliards précisément), contre à peine 2 milliards cette année. « Face à la baisse de la consommation de TV linéaire et à la concurrence d’Internet à la fois en temps passé et en capacité à attirer les investissements publicitaires des annonceurs, le secteur de la télévision cherche à se réinventer pour redevenir plus attractif et continuer de bénéficier de la manne publicitaire », explique Florence Le Borgne, responsable à l’Idate des questions sur la télévision. Mais en France, le marché de la publicité ciblée à la télévision reste inexistant car interdite par la réglementation. L’article 13 du décret
daté du 27 mars 1992 sur la publicité télévisée stipule en effet que « les messages publicitaires doivent être diffusés simultanément dans l’ensemble de la zone de
service » (1). Des éditeurs de chaînes comme Altice veulent une évolution de cette réglementation. « Pour l’instant la législation française n’autorise les publicités adressées que sur les chaînes locales, mais elle devrait évoluer courant 2017 », espère Michel Combes. Patrick Drahi, le patron franco-israélien du groupe Altice, entend s’inspirer de ce que fait le réseau de chaînes newyorkaises d’informations régionales News 12 Network qu’il acquis il y a deux ans à l’occasion du rachat du câblo-opérateur américain Cablevision. News 12 Network, qui est présent par défaut sur 5,5 millions de « box », compte aujourd’hui sept chaînes locales d’actualités et 5 chaînes dédiées à la circulation et à la météo, ainsi qu’un site web News12.com, deux chaînes d’informations locales à la demande (News 12 Interactive et Optimum TV), et l’application News 12 to Go pour smartphones et tablettes. Altice a observé aussi ce qu’a expérimenté il y a un an maintenant TF1 Publicité en matière de publicités adressées « plus pertinentes, géolocalisées, et plus variées » sur son service de télévision de rattrapage MyTF1 et sur des abonnés via leur « box ». Deux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avaient
été mis à contribution : Orange et Bouygues Telecom.

Géo-ciblage sur IPTV et replay
TF1 expérimente ainsi « le ciblage géographique de la publicité sur IPTV sur un panel de clients Internet ayant donné explicitement leur consentement », d’une part, et
« l’apport de couverture grâce au replaymenée sur un panel de testeurs volontaires
qui n’ont pas ou peu été exposés à une publicité sur la TV linéaire », d’autre part.
Par exemple, des publicités ciblées de La Poste ou d’Orange ont été vues cet été sur MyTF1. En Suisse romande également, TF1 expérimente actuellement de la publicité ciblée en partenariat avec l’opérateur télécoms Swisscom, lequel diffuse depuis le 21 septembre dernier des publicités en fonction du lieu d’habitation de ses abonnés répartis en sept régions. « Le début du spot TV de Facchinetti et BMW [dont le premier est concessionnaire, ndlr] a été le même pour tout le monde. Mais vers la fin de la publicité se sont affichées des informations sur des journées portes ouvertes dans des garages. Et le téléspectateur a vu la ville du garage le plus proche en fonction de l’une des sept zones de Suisse romande où il habite, une première en Suisse », a rapporté le quotidien helvétique Le Temps.

Réglementation et protection des données
Swisscom avait préalablement demandé à chacun de ses abonnés de l’autoriser ou pas à exploiter leurs données personnelles à des fins de publicités ciblées – sans les transmettre à des sociétés tierces – et en les renvoyant son site web pour soit laisser le bouton « Annonces spécifiques aux groupes cibles » activé par défaut, soit désactiver cette option selon un mode « opt-out ». « Ni la chaîne TV (TF1 en l’occurrence) ni l’annonceur (Facchinetti et BMW) ni Admeira (la régie publicitaire) ne reçoivent, ni n’ont accès de quelque manière que ce soit, aux données des clients Swisscom TV. Pour mémoire, l’opérateur (télécoms) détient, aux côtés de la SSR (2) et de Ringier – copropriétaire du Temps – un tiers du capital d’Admeira. Celle-ci est également la régie du Temps », précise le journal. En France, M6 et France Télévisions ont déjà fait savoir qu’ils expérimenteraient à leur tour cette année. Ces avancées de la publicité adressée à la télévision soulèvent de nombreuses questions quant à la réglementation applicable. Faut-il revoir la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication et lever le verrou de la publicité ciblée ? Altice et sa chaîne BFM Paris et sa future chaîne BFM Toulouse table sur la petite ouverture offerte par l’article 13 déjà cité du décret de 1992 qui dit ceci : « [L’interdiction de la publicité ciblée] ne s’applique pas aux éditeurs de services qui comptent au nombre de leurs obligations la programmation d’émissions à caractère régional, pour cette programmation ». La convention signée par BFM Paris avec le CSA – convention de 2012 avec l’ex-BFM Business Paris et ses avenants successifs dont celui du 17 mai dernier – ne dit mot sur la publicité adressée ou ciblée. Alors que l’autorisation TNT de BFM Paris va être renouvelée, il est seulement indiqué dans l’actuelle convention que « BFM Paris est un service de télévision à vocation locale diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en haute définition dans la zone Ile-de-France, pour une population recensée supérieure à 10 millions d’habitants » et que « ce service fait l’objet d’une reprise intégrale et simultanée par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA ». Est-ce à dire que la voie de la TV programmatique est libre pour Altice à Paris voire au-delà sur les réseaux autres que l’hertzien ? Quoi qu’il en soit, la question de l’exploitation des données des téléspectateurs et des télénautes se pose comme l’avait expliqué en mars la Cnil à Edition Multimédi@ : « Si l’interdiction existante était levée, se poserait la question de
la protection des données personnelles des télé-spectateurs. L’utilisation des données issues des “box” (composition du foyer, âge, etc.) pour pouvoir cibler les publicités qui leur seront adressées ne pose pas de problè-me en soi, tant qu’elle est envisagée au regard de la loi “Informatique et libertés” et de ses principes, dont l’informa-tion, le consentement, la durée de conservation des données ou la sécurité, etc. » (3). La publicité ciblée a déjà ses détracteurs tels que Serge Tisseron, psychiatre et membre de l’Académie des technologies, qui a publié le 26 septembre sur Huffingtonpost.fr une tribune intitulée, « Les publicités ciblées, c’est la bêtise assurée, interdisons-les ! », tout en appelant la Cnil et le CSA à se saisir du problème. « Or après les publicités ciblées, pourquoi la télévision ne proposerait-elle pas aussi des films, des reportages, voire même des magazines d’informations ciblés ? Avec le risque de condamner chaque spectateur à tourner en rond dans ce qu’il connaît de ses goûts et ce qu’il ignore de ses a priori », s’est-il en outre inquiété. A méditer. @

Charles de Laubier

Oath, la nouvelle filiale média et publicité en ligne de Verizon, veut séduire le monde et l’Europe

Face aux géants Google et Facebook qui s’arrogent plus de la moitié du marché mondial de la publicité digitale, Verizon a prêté « serment » en créant Oath, un nouveau géant global de média numérique. Mais pour se faire une place à côté des GAFA, encore faut-il convaincre jusqu’en Europe.

Oath ! Quésaco ? Oath est la nouvelle société créée au sein du groupe Verizon pour regrouper une cinquantaine de médias numériques dont Yahoo, AOL, HuffPost, Tumblr, Makers, Build Studios, les portails Sport, Finance et Mail de Yahoo (1). Cette nouvelle filiale du géant des télécoms américain Verizon vient de faire officiellement ses premiers pas en Europe en étant présent à la Dmexco de Cologne en Allemagne, le salon international dédié au marketing digital et à l’industrie des médias qui s’est tenu les
13 et 14 septembre derniers.

Une audience de 1 milliard de personnes
Oath y a notamment dépêché John DeVine, le bras droit de Tim(othy) Armstrong (photo), lequel est devenu directeur général d’Oath en tant qu’ancien patron d’AOL
où il avait été recruté en 2009 alors qu’il était chez Google. Chief Revenue Officer d’Oath, John DeVine était accompagné de Tim Mahlman qui dirige les plateformes programmatiques Ad Tech de la nouvelle filiale issue de Yahoo et d’AOL, ainsi que de l’Australien David Shing auto-proclamé « Digital Prophet » depuis son entrée chez AOL il y a dix ans. John DeVine est notamment intervenu lors du débat intitulé « Diriger une marque dans un monde d’individus », où il était question de la publicité des marques dans un monde jusqu’alors dominé par les spots de télévision aux prix élevés pour atteindre des millions de personnes.
Mais les temps changent au moment où les consommateurs sont plus individuels, hyperconnectés et surchargés ; ces derniers cherchent des connexions plus pertinentes et ayant plus de sens pour leurs vies. Le marketing des marques suppose donc maintenant une approche culturelle mais aussi technologique, avec une bonne connaissance des outils et plateformes numériques désormais utilisés ainsi qu’une compréhension des smart data conjugués à la créativité pour finalement réussir à obtenir « l’engagement » de l’utilisateur. C’est dans cet objectif que Oath veut s’imposer comme plateforme médiatique et publicitaire en Europe comme dans le reste du monde. Avec son offre publicitaire, la force de frappe se veut mondiale, avec des solutions technologiques et programmatiques proposées par les sociétés One by AOL (lancée en 2015) et BrightRoll (acquise par Yahoo en 2014), aussi bien en mobile, vidéo ou search qu’en native advertising (contenu en ligne sponsorisé d’apparence éditoriale). Au total, la filiale de contenus et de publicités revendique pas moins de 1 milliard de visiteurs sur l’ensemble du globe. « Nous construisons l’avenir de marques qui utilisent la puissance technologique, du contenu éprouvé et la différenciation par la data. Nous avons des marques grand public qui dominent dans l’information, le sport, la finance, la technologie, le divertissement et le style de vie, couplées avec nos plateformes technologiques publicitaires leaders du marché », s’était félicité Tim Armstrong le 13 juin dernier. Oath, filiale que le groupe Verizon a en effet officialisée juste avant l’été, s’appuie sur les actifs d’AOL et de Yahoo, mais pas seulement. Oath comprend aussi Tumblr, la plateforme de mini-blogs acquis par Yahoo plus de 1 milliard de dollars en 2013 mais dépréciée depuis, ainsi que les médias en ligne HuffPost (2), TechCrunch et Engadget acquis par cette fois AOL entre 2009 et 2015.
Rappelons que Verizon a racheté Yahoo il y a un an pour 5 milliards de dollars, après s’être emparé d’AOL un an auparavant pour 4,4 milliards de dollars (3) (*) (**). « Nous sommes à une étape décisive dans la croissance mondiale nécessaire pour notre groupe de médias numériques. Les actifs combinés de Verizon et de Oath – de la réalité virtuelle à l’intelligence artificielle, de la 5G à l’Internet des objets, des contenus issus de partenariat à des productions originales – vont créer de nouvelles façons de capter des audiences à travers le globe », a expliqué Marni Walden, vice-présidente
« Media and Telematics » de Verizon, dont dépend désormais Oath. La nouvelle filiale intègre en outre Verizon Digital Media Services, qui propose une plateforme média de bout en bout pour concevoir, diffuser et monétiser les contenus en ligne (sites web, services streaming vidéo en OTT, applications mobile, …) partout dans le monde, grâce à une centaine de points de présence sur cinq continents.

Un futur GAFA en puissance ?
« Take The Oath » signifie en anglais : « Prêter serment ». Le 3 avril 2017, Tim Armstrong avait confirmé le nouveau nom de la filiale dans un tweet quelque peu télégraphique : « Billion+ Consumers, 20+ Brands, Unstoppable Team. #TakeTheOath. Summer 2017 ». Le serment d’Oath consiste à s’attacher la confiance des annonceurs du monde entier en promettant la transparence publicitaire pour que son activité puisse prospérer. Puis, qui sait, un jour peut-être, le « O » de Oath pourra être accolé aux quatre autres lettres de GAFA… @

Charles de Laubier

Le centre de gravité du New York Times bascule dans le numérique, le quotidien papier passant au second plan

Le New York Times accélère sa mutation numérique. Maintenant que le quotidien new-yorkais compte plus d’abonnés en ligne – 2 millions – qu’il n’en a jamais eus sur le papier, le groupe – bientôt dirigé par Arthur Gregg Sulzberger – va pour la première fois cette année réaliser la moitié de son chiffre d’affaires avec le digital.