Fiscalité numérique : le débat devra vite s’internationaliser s’il ne veut pas s’enliser

Le 12 juillet, le gouvernement lançait une mission sur la fiscalité numérique.
Le 19 juillet, le sénateur Philippe Marini déposait une proposition de loi visant à taxer l’e-pub et l’e-commerce. Ces initiatives sont-elles à la hauteur des attentes contradictoires des uns et des autres ?

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Les acteurs français du numérique, en particulier les opérateurs
de réseaux télécoms, attendent depuis longtemps une plus grande équité fiscale, et donc concurrentielle, face aux prestataires de la société de l’information. Ces derniers – appelés GAFA (Google/YouTube, Apple, Facebook, Amazon, …) – sont, de surcroît, le plus souvent des acteurs internationaux établis à l’étranger et échappant en tout ou partie à la fiscalité française.
Il reste cependant à craindre que la création de nouvelles taxes
ne résolve aucunement le problème du privilège fiscal dont ils bénéficieraient.

Les cookies sont-ils mortels ?

L’actualité bruisse à nouveau de vives discussions sur le statut des cookies, ces fichiers textes de faible taille (4 Ko environ) transmis par les serveurs pour être mémorisés par le navigateur de l’internaute. Des abus auraient été signalés faisant état d’une nouvelle génération de cookies visant à les détourner de leur fonction initiale. Comme en 2011, année où apparurent des « bittersweet cookies » (cookies doux-amers), il s’agit pour leurs développeurs de proposer, plus ou moins furtivement, des cookies permettant d’identifier l’utilisateur de manière persistante. Des cookies de plus en plus dévoreurs de données, cela pose en effet la question de leur nature même et plus largement du droit des internautes à contrôler la diffusion et la conservation de leurs traces sur le Net. Les cookies sont aussi vieux que l’Internet : ils étaient déjà utilisés
en informatique, sous le terme de « magic cookies », avant que deux ingénieurs de Netscape n’aient l’idée de les intégrer, dès 1994, dans le pionnier des navigateurs.
A l’époque, les cookies visaient très simplement à savoir si les visiteurs de Netscape étaient déjà venus auparavant. Puis, cette modeste innovation fut promise à un grand destin. A la base de services en ligne indispensables, les cookies sont de plus en plus souvent vécus comme intrusifs. Or nous nous passerions difficilement de ces discrets serviteurs, lesquels simplifient notre vie sur la Toile. Pour la gestion de nos sessions,
il est en effet bien plus rapide de ne pas avoir à s’identifier à chaque retour sur les mêmes sites. Ce petit « mouchard » enregistre également nos préférences et la configuration de notre ordinateur. Les services apportés en termes de personnalisation sont en revanche plus ambiguës, telles les publicités vues, pour lesquelles la présence du cookie permet de ne pas proposer indéfiniment la même bannière à l’internaute.

« Consentement préalable (opt-in) : l’édifice, encore
fragile, de la pub en ligne – au sommet duquel trône Google – en fut ébranlé, mais la profession s’y résigna ».

NRJ peine à monétiser le numérique, hormis Google

En fait. Le 3 septembre, le groupe NRJ a annoncé le renforcement de son
« partenariat stratégique » avec Google dans la publicité en ligne géolocalisée.
Cet accord a été initialement conclu entre NRJ Global Régions et le géant du
Web en mai 2009 : une première à l’époque pour le programme Google Adwords.

En clair. Alors qu’il peine encore à monétiser pleinement ses propres nouveaux médias, le groupe NRJ roule plus que jamais pour le géant du Web et son Google Adwords.
En effet, de l’aveu même de Jean-Paul Baudecroux, PDG du groupe audiovisuel, « le numérique ne représente que 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, mais nous allons progressivement mieux le monétiser » (1). C’est très peu au regard des 377,5 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2011. Ce n’est pas faute d’investir dans les webradios et les applications sur smartphones et tablettes. Le lancement de la première application mobile de NRJ remonte à décembre 2008. « Nous avons maintenant plus
de 150 webradios sur les quatre marques que sont NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire
& Chansons. Elles se développent bien. Cependant, la “radio premium” – c’est-à-dire
le simulcast de la FM (2) – reste évidemment archi-dominant », nous a expliqué Jean-Paul Baudecroux dans une interview à Edition Multimédi@ en avril (3). Mais le slogan
« NRJ on air, on line, on demand [« on mobile ! », dit même son PDG]» a ses limites. En effet, la première radio de France qu’est devenue NRJ en juillet ne propose pas de catch up radio (via des podcasts) comme le font les radios généralistes. Et ce, en raison de problèmes de droits d’auteur sur les œuvres musicales. Cela ne l’empêche pas d’être la 1re marque radio sur mobile, selon l’OJD. En revanche, la chaîne NRJ 12 sur la TNT a son offre de TV de rattrapage (NRJ Replay) – y compris chez tous les fabricants de téléviseurs connectés. Et depuis janvier, le groupe est présent sur le réseau social Facebook avec des applications. « Tous ces nouveaux médias (…), pour l’instant, sont à perte. On est encore loin d’être à l’équilibre pour les webradios qui coûtent très cher (…). On vise quand même un équilibre financier à un horizon de trois ou quatre ans », nous avait-il indiqué.
Le renouvellement de l’accord « stratégique » avec Google, conclu il y a plus de trois ans (en mai 2009), arrive à point. NRJ Global Régions, la régie publicitaire des radios locales du groupe, est chargée de commercialiser « une offre de gestion complète de campagnes Google Adwords auprès de ses 10.000 annonceurs locaux ». Il s’agit notamment des liens commerciaux affichés dans les pages de résultats de recherche de Google et sur les sites partenaires de Google. @

Cyril Zimmermann, PDG de Hi-Media : « Taxer tous les acteurs du Net sans distinction risque d’être peu efficace »

Alors que le groupe Hi-Media – régie Internet européenne et opérateur de e-paiement – a présenté le 30 août ses résultats semestriels, son PDG fondateur, Cyril Zimmermann, répond à EM@ sur le développement de ses activités et le ralentissement du marché publicitaire online, ainsi que sur la fiscalité numérique en vue.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Il y a un an exactement, vous décidiez de ne pas céder votre activité micro-paiement en ligne (Allopass et Hipay). Avec le recul, était-ce la bonne décision sur un marché dominé par iTunes ou Paypal et l’abandon de One Pass par Google ? Comment évolue cette activité ?
Cyril Zimmermann :
Nous n’avions pas à l’esprit de céder notre activité de paiement en ligne, mais nous avions reçu des marques d’intérêt quant au rachat de celle-ci par des tiers. Et pour respecter notre devoir fiduciaire, nous avons examiné toutes les options. Mais cela ne correspondait en rien à une volonté de la société de céder ce pôle. D’ailleurs, la décision de continuer notre stratégie de développement autour de deux plateformes de monétisation de l’audience (publicité et paiement) a été prise unanimement par tous les membres de notre conseil d’administration, où siègent nos principaux actionnaires. L’activité évolue très bien, avec une forte croissance des volumes de transaction et de nombreux nouveaux contrats signés – notamment avec le Leparisien.fr, Lequipe.fr et le GIE ePresse. Nous travaillons également sur l’extension de notre offre vers le paiement par carte bancaire, en plus du micro-paiement (Allopass) et du porte-monnaie électronique (Hipay).

La publicité en ligne est menacée par les règles anti-cookies et la fiscalité numérique

Alors que le marché français de la publicité en ligne enregistre un ralentissement de sa croissance au 1er semestre 2012 et que ses prévisions pour l’ensemble de l’année sont revues à la baisse, son avenir s’assombrit avec la protection des données personnelles et la fiscalité numérique.

Par Charles de Laubier

Selon les prévisions du Syndicat
des régies Internet (SRI), le marché français de la publicité en ligne n’atteindra pas en 2012 les 8 %
de croissance qu’il espérait il y a
six mois. Cela devrait être finalement 6 %, pour atteindre 2,726 milliards d’euros d’investissements publicitaires sur Internet. Ce taux
de croissance est presque la moitié des 11 % de croissance entre 2010 et 2011 (voir tableau ci-contre). La conjoncture économique (1) y est pour beaucoup. « Le digital n’échappe pas au tassement voire au gel des budgets chez certains annonceurs », constate le SRI (2) pour le 1er semestre.