Tournant judiciaire aux Etats-Unis en faveur du droit d’auteur d’artistes contre des IA génératives

Dans la torpeur de l’été, le juge d’un tribunal de Californie a donné raison à des artistes qui ont porté plainte contre des IA génératives – Stable Diffusion de Stability AI en tête – qui utilisent leurs images sans autorisation et au mépris du copyright. Ce jugement constitue une étape majeure.

C’est une première victoire des artistes aux Etats-Unis contre les IA génératives qui utilisent des milliards d’images pour répondre aux requêtes de millions d’internautes dans le monde. Le juge fédéral américain William Orrick (photo), officiant au tribunal du district nord de la Californie, a décidé le 12 août 2024 que les plaintes des artistes – contre les sociétés Stability AI (avec son IA générative Stable Diffusion), Midjourney (avec son IA générative du même nom), Runway AI (IA génératives multimédias à l’aide de DreamUp) et DeviantArt (réseau social de créatifs) – étaient recevables.

Stability, Midjourney, Runway, DeviantArt
Dans son ordonnance de 33 pages (1), le juge Orrick reconnaît qu’il y a violation du droit d’auteur et de marques déposées dès lors que les IA génératives ont été construites – lors de leur entraînement – sur des milliards d’images protégées et sans l’autorisation de leurs auteurs et artistes. La plainte examinée a été déposée l’an dernier et se focalise sur la grande base de données LAION – Large-scale Artificial Intelligence Open Network (2) – qui a été constituée à partir de 5 milliards d’images, lesquels auraient été récupérées sur Internet et exploitées par Stability AI, Midjourney, Runway AI et DeviantArt.
Les artistes à l’origine de la plainte affirment que « l’ensemble des données “LAION-5B” contient seulement des URL d’images d’entraînement, et non pas les images réelles d’entraînement ». Par conséquent, affirment-ils, « quiconque souhaite utiliser LAION-5B pour former son propre modèle d’apprentissage automatique doit d’abord acquérir des copies des images de formation réelles à partir de ses URL en utilisant l’ensemble de données ‘’img2dataset’’ ou un autre outil similaire ».

Les enjeux du droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle (IA) : entre exceptions et interprétations

La propriété intellectuelle est entrée dans une zone de turbulences provoquées par les IA génératives. L’utilisation d’œuvres reste soumise à l’autorisation des auteurs, mais le droit d’auteur est limité dans certains cas comme la fouille de textes et de données. L’AI Act sera à interpréter.

Par Jade Griffaton et Emma Hanoun, avocates, DJS Avocats*

La récente législation européenne sur l’intelligence artificielle (IA) – l’AI Act dans sa dernière version de compromis final datée du 26 janvier 2024 (1) (*) (**) – adopte une définition flexible de « système d’IA », désigné comme « un système basé sur des machines conçues pour fonctionner avec différents niveaux d’autonomie et d’adaptabilité après leur déploiement et qui, à partir des données qu’il reçoit, génère des résultats tels que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions pouvant influencer des environnements physiques ou virtuels » (2).

Exception de « fouille de textes et de données »
La question de la relation entre le droit de la propriété littéraire et artistique et l’IA est une préoccupation ancienne. Lors de la phase d’entraînement, le système d’IA reçoit des données. A ce stade, se pose la question de l’intégration de contenus protégés par le droit d’auteur aux fins du développement du système. Lors de la phase de génération, le système d’IA génère des résultats, voire des créations, à la demande de l’humain. Se pose alors la question de l’encadrement juridique de ces créations générées, en tout ou partie, par un système d’IA. Ces problématiques juridiques actuelles doivent être envisagées à la lumière des nouveaux textes destinés à réguler le domaine de l’IA, et notamment la récente proposition de règlement européen sur l’IA, et la proposition de loi française visant à encadrer l’utilisation de l’IA par le droit d’auteur (3).
De nouveaux contours de la possibilité d’utiliser des œuvres pour entraîner l’IA ? Les systèmes d’IA ont besoin, au stade de leur apprentissage et développement, d’avoir accès à de grands volumes de textes, images, vidéos et autres données. Ces contenus sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur. L’objectif principal du règlement IA, dévoilé en 2021 par la Commission européenne, consiste à réguler les systèmes d’IA introduits sur le marché européen, en adoptant une approche axée sur les risques et en assurant un niveau élevé de protection des droits fondamentaux, de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement.

De l’image détournée par l’IA aux deepfakes vidéo, la protection du droit à l’image en prend un coup

La manipulation d’images par l’intelligence artificielle, poussée jusqu’aux hypertrucages vidéo (deepfakes), n’épargne potentiellement personne. Angèle, Scarlett Johansson, Volodymyr Zelensky et bien autres en font les frais. Reste à savoir si le droit à l’image sera garanti par l’AI Act européen.

Par Véronique Dahan, avocate associée, et Jérémie Leroy-Ringuet, avocat, Joffe & Associés*

L’intelligence artificielle (IA) représente un défi désormais bien connu en matière de droit d’auteur (1). Mais de nouveaux enjeux se dessinent également en termes de droit à l’image, un des composants du droit au respect de la vie privée. Voyons ce qu’il en est sur ce point, à l’aube de l’adoption de l’AI Act (2). Malgré une entrée tardive dans le droit positif français (3), le droit au respect de la vie privée est un pilier des droits de la personnalité. Le droit à l’image, qui protège le droit de s’opposer à sa reproduction par des tiers (4) en fait également partie.

L’image inclut le physique et la voix
Parmi les composantes de l’image figurent non seulement l’aspect physique mais aussi, notamment, la voix. Le tribunal de grande instance de Paris avait ainsi considéré, en 1982, lors d’un procès relatif à des enregistrements de Maria Callas, que « la voix est un attribut de la personnalité, une sorte d’image sonore dont la diffusion sans autorisation expresse et spéciale est fautive ». Or, de même que les outils de l’IA utilisent des œuvres protégées et s’exposent à des risques de contrefaçon, leur utilisation peut consister à reproduire l’image ou la voix de personnes existantes ou décédées, par exemple en réalisant la fausse interview d’une personne défunte ou en faisant tenir à une personnalité politique un discours à l’encontre des opinions qu’elle défend. Ces usages sont-ils licites ?
Quels sont les droits des personnes concernées ? Les exemples ne manquent pas. A l’été 2023, un beatmaker (compositeur de rythmiques) nancéen, nommé Lnkhey, a remixé au moyen de l’IA une chanson des rappeurs Heuss l’Enfoiré et Gazo avec la voix de la chanteuse Angèle, dont les œuvres sont bien évidemment très éloignées de celles de ces rappeurs. Le remix (5) a eu un succès tel qu’Angèle l’a elle-même repris en public lors de la Fête de l’Humanité en septembre 2023.

Protection de la création (piratage et cession) : avancées et enjeux du projet de loi audiovisuel

Alors que la directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (DAVDSI) a vingt ans jour pour jour, la France est engagée dans une réforme de la protection de la création cinématographique et audiovisuelle française.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

La légalité de l’hyperlien pointant vers un contenu piraté est jugée d’après les circonstances

Dans un arrêt rendu le 8 septembre 2016 (affaire « GS Media »), la CJUE estime que lorsqu’un hyperlien renvoie vers un site Internet d’œuvres piratées, cela ne signifie pas automatiquement qu’il s’agit d’un acte de communication au public. Question d’équilibre…

Fabrice Lorvo, avocat associé, FTPA.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur l’importante question de savoir si le fait
de placer sur un site Internet un lien hypertexte (ou
« hyperlien ») vers des œuvres protégées, librement disponibles mais sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur sur un autre site Internet, constitue ou pas une
« communication au public » au sens de la directive européenne « DADVSI » (1).