Les enjeux du droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle (IA) : entre exceptions et interprétations

La propriété intellectuelle est entrée dans une zone de turbulences provoquées par les IA génératives. L’utilisation d’œuvres reste soumise à l’autorisation des auteurs, mais le droit d’auteur est limité dans certains cas comme la fouille de textes et de données. L’AI Act sera à interpréter.

Par Jade Griffaton et Emma Hanoun, avocates, DJS Avocats*

La récente législation européenne sur l’intelligence artificielle (IA) – l’AI Act dans sa dernière version de compromis final datée du 26 janvier 2024 (1) (*) (**) – adopte une définition flexible de « système d’IA », désigné comme « un système basé sur des machines conçues pour fonctionner avec différents niveaux d’autonomie et d’adaptabilité après leur déploiement et qui, à partir des données qu’il reçoit, génère des résultats tels que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions pouvant influencer des environnements physiques ou virtuels » (2).

Exception de « fouille de textes et de données »
La question de la relation entre le droit de la propriété littéraire et artistique et l’IA est une préoccupation ancienne. Lors de la phase d’entraînement, le système d’IA reçoit des données. A ce stade, se pose la question de l’intégration de contenus protégés par le droit d’auteur aux fins du développement du système. Lors de la phase de génération, le système d’IA génère des résultats, voire des créations, à la demande de l’humain. Se pose alors la question de l’encadrement juridique de ces créations générées, en tout ou partie, par un système d’IA. Ces problématiques juridiques actuelles doivent être envisagées à la lumière des nouveaux textes destinés à réguler le domaine de l’IA, et notamment la récente proposition de règlement européen sur l’IA, et la proposition de loi française visant à encadrer l’utilisation de l’IA par le droit d’auteur (3).
De nouveaux contours de la possibilité d’utiliser des œuvres pour entraîner l’IA ? Les systèmes d’IA ont besoin, au stade de leur apprentissage et développement, d’avoir accès à de grands volumes de textes, images, vidéos et autres données. Ces contenus sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur. L’objectif principal du règlement IA, dévoilé en 2021 par la Commission européenne, consiste à réguler les systèmes d’IA introduits sur le marché européen, en adoptant une approche axée sur les risques et en assurant un niveau élevé de protection des droits fondamentaux, de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement. Ainsi, l’AI Act n’a pas vocation à traiter les questions relatives au droit d’auteur. Et pourtant, il n’ignore pas totalement leur importance en présence d’un système d’IA. A ce propos, le règlement renvoie à une exception – au principe d’obtention d’une autorisation de l’auteur pour toute utilisation de son œuvre – issue du droit de l’Union européenne (UE), celle de la fouille de textes et de données (text and data mining ou TDM). Cette exception – non spécifique aux systèmes d’IA – permet, semble-t-il, de justifier juridiquement l’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur en dispensant les opérateurs d’IA d’obtenir l’autorisation des auteurs qui ne se sont pas opposés expressément. Elle n’est pas nouvelle. C’est la directive européenne « Droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » de 2019 (4) qui a voulu rendre obligatoire pour les Etats membres de prévoir une exception aux droits de reproduction d’une œuvre et d’extraction d’une base de données, à des fins d’utilisation de technologies de fouille de textes et de données – technologies qui permettent une analyse informatique automatisée de textes, sons, images ou données sous forme numérique, en grande quantité, en vue d’acquérir de nouvelles connaissances. En y faisant ce renvoi, la proposition de règlement confirme, semble-t-il, que cette exception s’applique aux systèmes d’IA mais n’apporte aucune nouveauté en la matière. La proposition de loi française – dont l’objet même est, contrairement à la proposition européenne, d’encadrer l’IA par le droit d’auteur – envisage d’incorporer dans le code de propriété intellectuelle (CPI), au sein de l’article L.131-3, un alinéa prévoyant que l’intégration d’œuvres protégées par le droit d’auteur dans le système d’IA est soumise « à une autorisation par les auteurs ». Une telle formulation – « L’intégration par un logiciel d’intelligence artificielle d’œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur dans son système et a fortiori leur exploitation est soumise aux dispositions générales du présent code et donc à autorisation des auteurs ou ayants droit » (5) – pourrait recevoir diverses interprétations.

Question de l’« autorisation des auteurs »
L’intégration des œuvres dans un système d’IA est un nouveau mode d’exploitation que la proposition semble avoir voulu prendre en compte. Doit-on comprendre que l’intégration dans une IA est une forme de reproduction de l’œuvre à laquelle s’applique, comme pour toutes formes de reproduction, l’exception de fouilles de textes et de données ? Dans ce cas, le régime actuel est inchangé : donc, les développeurs d’IA peuvent encore intégrer des œuvres à la phase d’entraînement, sauf opposition des auteurs. Doit-on plutôt comprendre que cette formulation veut rompre avec le régime actuel en consacrant expressément une exigence d’obtention d’autorisation de auteurs en écartant l’exception de fouilles de textes et de données ? Dans ce cas, le nombre d’œuvres pouvant être intégrées dans les systèmes d’IA serait réduit à celles dont une autorisation a été donnée, et non celles ne faisant pas l’objet d’opposition. La première interprétation semble la plus appropriée, notamment eu égard à la formulation de l’alinéa précisant que « [l’intégration] est soumise aux dispositions générales du présent code et donc à autorisation des auteurs », et à sa place dans le CPI (6).

Pays de « common law » et pays de « civil law »
Nouvelle exigence de transparence lorsque des œuvres sont utilisées par l’IA. La proposition AI Act, bien qu’elle n’ait pas vocation à traiter de la question du droit d’auteur, exige des fournisseurs de systèmes d’IA une certaine transparence lorsque des contenus protégés par un droit d’auteur ont été utilisés au stade du développement dudit système. En effet, le texte contraint les fournisseurs de modèles d’IA à finalité générale (« general purpose IA models ») à mettre en place une politique pour respecter le droit d’auteur de l’UE, et à rendre public un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour entraîner le modèle d’IA à finalité générale (7). La mise en place de la politique aurait pour objectif d’identifier et respecter les réservations de droits – ou oppositions – au titre de l’exception de fouilles de textes et de données.
La publication du résumé suffisamment détaillé devrait se faire à partir d’un modèle publié par l’Office de l’intelligence artificiel (OIA, ou AI Office), organe instauré par la proposition de législation. Il aurait pour objet – sans être techniquement détaillé – « par exemple d’énumérer les principales collections ou ensembles de données qui ont servi à la formation du modèle, tels que les grandes bases de données privées ou publiques ou les archives de données, et en fournissant une explication narrative sur les autres sources de données utilisées » (8). De telles exigences en termes de transparence témoignent de la prise en compte des exigences posées par le droit d’auteur. D’autant que le règlement IA prévoit que les obligations de transparences ne s’appliquent pas aux fournisseurs de systèmes d’IA rendant accessibles au public, sous licence libre ou ouverte, les modèles d’IA (9) sauf celles liées au droit d’auteur. Sortir les exigences de transparence liées au droit d’auteur de l’exception générale témoigne encore de leur importance.
Vers une remise en cause de la non-« protégeabilité » des créations issues d’un système d’IA ? Alors que les pays de « common law » comme le Royaume Uni et les Etats-Unis admettent la « protégeabilité » des œuvres générées par des machines (10) – notamment parce que l’œuvre est placée au centre et les auteurs obtiennent une protection indirecte à travers la protection directe de la propriété créée –, les pays de « civil law » ont tendance à refuser qu’une œuvre au sens juridique du terme puisse être créée par une machine dès lors que la protection est attachée directement à la personne de l’auteur. Traditionnellement, l’originalité s’entend en droit français et européen de l’empreinte de la personnalité de l’auteur en manifestant ses choix libres et créatifs (11). Une telle conception exclut a priori toute originalité d’une œuvre conçue par une IA du fait du défaut de personnalité de l’IA. Si, le règlement IA ne traite pas de la question de la « protégeabilité » des « créations » générées par l’IA, la proposition de loi française, a contrario, tente de plonger au cœur du sujet. Elle envisage d’intégrer au sein de l’article L.321-2 du CPI le cas précis d’une « œuvre créée par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe » (12). Par cette disposition, le droit français semble admettre qu’une œuvre puisse être créée par une machine, et non un être humain. Dans ce cas, la proposition de loi désigne comme titulaires des droits, non pas les personnes ayant développé le système ou ayant commandé la création à la machine, mais les auteurs des œuvres intégrées au système d’IA lors de la phase d’entraînement.
L’œuvre serait-elle alors empreinte de la personnalité des auteurs des œuvres premières ayant servi à entraîner le système d’IA ? Ces auteurs seraient à la fois titulaires de droits sur leur œuvre première – sans difficulté – et de droits sur les œuvres générées par l’IA lorsque leur œuvre première aurait été exploitée au stade de développement de l’IA. La problématique qui se pose d’emblée en pratique est celle de la multitude de titulaires d’une œuvre générée par un système d’IA. La proposition de loi envisage alors que les droits soient gérés par des organismes de gestion collective (comme la Scam ou la Sacem) qui percevront la rémunération ou une taxation versée par la société qui exploite le système d’IA lorsque l’œuvre est engendrée par l’intégration d’œuvres dont l’origine ne peut être déterminée. La proposition de loi exige aussi que soit apposée la mention « Œuvre générée par IA » et inséré le nom des auteurs des œuvres premières.

Protection des œuvres générées par l’IA
En revanche, la protection accordée aux œuvres générées par l’IA ne semble pas aussi complète que celle accordée aux œuvres « classiques » : la proposition de loi française ne traite pas plus du droit moral ni des autres droits patrimoniaux que de celui de la rémunération juste et équitable des auteurs. Peut-être que cela s’explique par l’ambition de la proposition de loi « Encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur » de garantir une rémunération juste et équitable de l’exploitation des œuvres et de garantir une traçabilité des auteurs et artistes. Il reste à voir comment seront appréhendées en pratique de telles évolutions juridiques. @

* Article écrit avec la collaboration
de Camille Rodriguez, DJS Avocats

De l’image détournée par l’IA aux deepfakes vidéo, la protection du droit à l’image en prend un coup

La manipulation d’images par l’intelligence artificielle, poussée jusqu’aux hypertrucages vidéo (deepfakes), n’épargne potentiellement personne. Angèle, Scarlett Johansson, Volodymyr Zelensky et bien autres en font les frais. Reste à savoir si le droit à l’image sera garanti par l’AI Act européen.

Par Véronique Dahan, avocate associée, et Jérémie Leroy-Ringuet, avocat, Joffe & Associés*

L’intelligence artificielle (IA) représente un défi désormais bien connu en matière de droit d’auteur (1). Mais de nouveaux enjeux se dessinent également en termes de droit à l’image, un des composants du droit au respect de la vie privée. Voyons ce qu’il en est sur ce point, à l’aube de l’adoption de l’AI Act (2). Malgré une entrée tardive dans le droit positif français (3), le droit au respect de la vie privée est un pilier des droits de la personnalité. Le droit à l’image, qui protège le droit de s’opposer à sa reproduction par des tiers (4) en fait également partie.

L’image inclut le physique et la voix
Parmi les composantes de l’image figurent non seulement l’aspect physique mais aussi, notamment, la voix. Le tribunal de grande instance de Paris avait ainsi considéré, en 1982, lors d’un procès relatif à des enregistrements de Maria Callas, que « la voix est un attribut de la personnalité, une sorte d’image sonore dont la diffusion sans autorisation expresse et spéciale est fautive ». Or, de même que les outils de l’IA utilisent des œuvres protégées et s’exposent à des risques de contrefaçon, leur utilisation peut consister à reproduire l’image ou la voix de personnes existantes ou décédées, par exemple en réalisant la fausse interview d’une personne défunte ou en faisant tenir à une personnalité politique un discours à l’encontre des opinions qu’elle défend. Ces usages sont-ils licites ?
Quels sont les droits des personnes concernées ? Les exemples ne manquent pas. A l’été 2023, un beatmaker (compositeur de rythmiques) nancéen, nommé Lnkhey, a remixé au moyen de l’IA une chanson des rappeurs Heuss l’Enfoiré et Gazo avec la voix de la chanteuse Angèle, dont les œuvres sont bien évidemment très éloignées de celles de ces rappeurs. Le remix (5) a eu un succès tel qu’Angèle l’a elle-même repris en public lors de la Fête de l’Humanité en septembre 2023. La même année, l’éditeur d’une application (Lisa AI) a utilisé la voix de l’actrice Scarlett Johansson dans un spot publicitaire. La publicité précisait avoir été créée par un procédé d’intelligence artificielle. Scarlett Johansson a annoncé avoir porté plainte. Le même type de mésaventure est arrivé, entre autres, à Tom Hanks et Bruce Willis. D’autres images ont aussi fait le tour du monde : celles du Pape François en doudoune blanche, d’Emmanuel Macron manifestant dans les rues de Paris, ou de Barack Obama et Angela Merkel construisant un château de sable ou tendrement enlacés à la plage. Les images de nombreuses stars de cinéma ont même été réutilisées en mars 2023 dans des vidéos à caractère pornographique diffusées sur les réseaux sociaux pour la promotion de Face Mega, un logiciel de « deepfakes », ces « hypertrucages » vidéo. Une autre vidéo diffusée sur la chaîne d’informations Ukraine 24 a montré Volodymyr Zelensky tenant un discours en faveur de la reddition du pays.
Ces différents exemples sont intéressants à rapprocher car ils montrent que l’usage de l’image d’une personnalité peut : être totalement inoffensif, voire relever de la liberté d’expression ; être approuvés implicitement ou explicitement par la « victime » ; ou porter une atteinte grave à la victime, voire présenter un danger pour la démocratie. Les photographies de Barack Obama et d’Angela Merkel sont humoristiques et ne portent aucun tort aux intéressés. Elles pourraient relever de la parodie ou de la satire légitime appliquées à des dirigeants politiques, dès lors que les images sont clairement identifiées comme ayant été créées par IA. La reprise par Angèle elle-même, en concert, de la chanson créée avec sa voix et sans son autorisation peut faire penser qu’elle aurait avalisé a posteriori cette atteinte à ses droits. Mais les propos qu’elle a tenus par ailleurs dénotent une certaine gêne et une pression pesant sur elle : « Et pourquoi je ne ferais pas ce que les gens me demandent depuis des semaines ? » ; « Je sais pas quoi penser de l’intelligence artificielle. J’trouve que c’est une dinguerie mais en même temps j’ai peur pour mon métier » (6). Il est en tout cas significatif qu’elle ait préféré « surfer » sur le succès du remix plutôt que de faire valoir judiciairement une atteinte à son droit à l’image, comme le droit français lui en donne la possibilité.

En cas d’avantage économique indu
C’est une attitude différente qu’a choisie Scarlett Johansson. La violation de son image par la reprise de sa voix dans un cadre commercial, et non artistique, est en effet moins « excusable » dans la mesure où les célébrités monnayent fréquemment l’utilisation de leur image et de leur voix par des marques, et sont en droit de refuser d’être associées à tel ou tel annonceur, même de manière rémunérée. Utiliser la voix de Scarlett Johansson sans autorisation n’est motivé par aucune prétention artistique ou satirique, mais par la volonté de profiter de sa notoriété pour en tirer un avantage économique indu. Le droit français offre, bien sûr, des fondements (articles 9 et 1240 du code civil) pour faire sanctionner ce type d’atteinte.

Code pénal durci contre les deepfakes ?
La France dispose également, depuis 1994, d’un texte qui condamne d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende « le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention » (article 226-8 du code pénal). Pour que ce texte couvre mieux les deepfakes, il a fait l’objet d’un amendement du gouvernement adopté au Sénat (7) et modifié par un autre amendement toujours discuté à l’Assemblée nationale (8) dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (9). Le projet prévoit qu’« est assimilé à l’infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et représentant l’image ou les paroles d’une personne, sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un contenu généré algorithmiquement ou s’il n’en est pas expressément fait mention » (10). Une circonstance aggravante serait caractérisée lorsque le contenu deepfake est publié sur les réseaux sociaux (ou tout service de communication en ligne) : en ce cas, les peines pourraient être portées à deux ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.
A aussi été proposée l’introduction d’un nouvel article 226- 8-1 dans le code pénal, permettant la condamnation de la diffusion non consentie d’un hypertrucage à caractère sexuel, assortie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende (article 5 ter du projet de loi). Quid cette fois de l’image « ressuscitée » de personnes décédées ? L’émission de télévision « L’Hôtel du Temps » diffusée sur France 3 a « ressuscité » différentes personnalités (Dalida, François Mitterrand ou encore Lady Di) grâce à des procédés d’IA tels que Face Retriever et Voice Cloning. Ces « résurrections » ont suscité de vifs débats : la personne dont on reproduit l’image et la voix aurait-elle réellement tenu ces propos ? Les héritiers disposent-ils de recours et d’un droit de regard sur les réponses de leurs ascendants ? Les archives utilisées aux fins de création de deepfakes sont-elles toutes utilisées légalement ? Une « démocratisation » de cette pratique semble se dessiner. Lors de sa conférence « re:Mars » (11) du 22 juin 2022, Amazon avait annoncé une nouvelle fonctionnalité d’IA dont serait dotée son logiciel Alexa, à savoir la capacité de reproduire la parole d’un défunt, à partir d’un très court extrait d’enregistrement de sa voix, ce qui pourrait aider les personnes survivantes à faire leur deuil. Mais dans le cas d’un usage non sollicité par les survivants, le fondement de l’article 9 du code civil n’est pas disponible car les droits de la personnalité sont intransmissibles aux héritiers. Ces derniers ne pourraient guère que se prévaloir d’un préjudice personnel résultant de l’atteinte à la mémoire d’un défunt. Par exemple, l’utilisation de l’image du défunt ne doit pas porter atteinte à la vie privée de ses héritiers.
Que prévoit alors le projet d’AI Act européen pour protéger les droits de la personnalité ? En avril 2021, la Commission européenne a proposé d’encadrer l’IA juridiquement. Ce n’est que le 9 décembre 2023 que les institutions européennes se sont accordées provisoirement sur un premier texte. Ce texte prévoit notamment une quasiinterdiction de pratiques présentant un « risque inacceptable », notamment en matière de droit à l’image et de protection des données personnelles : extractions non ciblées d’images faciales sur Internet à des fins de création de bases de données de reconnaissance faciale, systèmes de reconnaissance des émotions sur le lieu de travail ou d’études, ou encore systèmes de catégorisation biométrique. Le projet prévoit également que « les utilisateurs d’un système d’IA, qui génère ou manipule des images ou des contenus audio ou vidéo présentant une ressemblance avec des personnes, des objets, des lieux ou d’autres entités ou événements existants et pouvant être perçus à tort comme authentiques ou véridiques (“hypertrucage”), précisent que les contenus ont été générés ou manipulés artificiellement » (article 52). La difficulté est que le processus législatif ne progresse pas aussi rapidement que les outils d’IA et qu’il existe un risque d’obsolescence avant même l’adoption du texte final. D’autre part, la négociation a révélé des tensions non dissipées entre Etats membres.

Emmanuel Macron veut assouplir l’AI Act
Ainsi, Emmanuel Macron a plaidé lundi 11 décembre 2023, lors du premier bilan du plan d’investissement France 2030, en faveur d’une accélération de l’innovation, en affirmant que l’« on peut décider de réguler beaucoup plus vite et plus fort, mais on régulera ce qu’on n’inventera pas ». La France, dont la position consistant à faire primer l’innovation sur le droit d’auteur et sur la protection des droits humains est inhabituelle, est allée jusqu’à considérer que le projet sur lequel les institutions européennes se sont accordées n’était pas définitif et pourrait encore être amendé dans le sens de moins de régulation (12). @

* Article rédigé avec l’aide de Bérénice Leg.

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Dans un arrêt rendu le 8 septembre 2016 (affaire « GS Media »), la CJUE estime que lorsqu’un hyperlien renvoie vers un site Internet d’œuvres piratées, cela ne signifie pas automatiquement qu’il s’agit d’un acte de communication au public. Question d’équilibre…

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