Lutte contre le piratage : la Cour de justice de l’Union européenne devra dire si l’ACTA est illégal

Initiative des pays développés considérant insuffisants les minima imposés par l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) inquiète jusqu’à la Commission européenne.
A la justice d’arbitrer entre pour et contre.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Signé le 26 janvier dernier par l’Union Européenne et vingt-deux de ses Etats membres, dont la France (1), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) est en discussion depuis 2007 et peine aujourd’hui à se voir ratifier par un nombre suffisant de pays pour pouvoir entrer en vigueur. Une mobilisation sans précédent de la société civile
(16 000 personnes défilaient notamment contre le traité
le 11 février à Munich) et la récente annonce par la Commission européenne de son intention de soumettre
le traité à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – pour vérifier sa conformité aux droits fondamentaux européens (2) – ont porté un sérieux coup d’arrêt
à la progression de ce texte.

Les projets de loi SOPA et PIPA suspendus font encore frémir les acteurs du Web

Alors que les votes des projets de loi américains SOPA et PIPA de lutte contre le piratage sur Internet restent toujours incertains – depuis leur report mi-janvier, suite à une levée de bouclier des acteurs du Web –, l’inquiétude envers ces deux textes controversés demeurent.

Par Christophe Clarenc, avocat associé (photo), et Véronique Dahan, avocat Counsel, August & Debouzy

Les internautes ont encore en mémoire les derniers événements
qui ont suivi l’introduction des propositions de loi SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect Intellectual Property Act). Il y a eu la lettre du 15 novembre 2011, signée par plusieurs acteurs du Web – tels que Google, Facebook, Yahoo, eBay, Twitter, LinkeInd, AOL, etc – et transmise aux membres du Congrès américain, qui préconisait d’autres méthodes pour lutter contre les sites Internet dits « voyous ».

Bernard Miyet, Sacem : « Les perceptions de droits sur Internet ont plus que doublé en 2011 »

Alors que se tient à Cannes le Midem, marché international du disque et de l’édition musicale, le président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Bernard Miyet, dresse un premier bilan-perspective après plus de dix ans de mandat.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Après plus de dix ans à la tête de la Sacem, votre mandat s’achève d’ici l’assemblée générale du 19 juin au plus tard : quel bilan faites-vous de toute votre action, notamment face au numérique ? Que vous reste-t-il à accomplir, notamment via à vis de l’Europe : procès « Cisac », licences multiterritoriales, marché unique en ligne, … ?
Bernard Miyet :
La Sacem a rapidement pris la mesure de l’impact de la diffusion numérique pour la filière musicale, qu’il s’agisse des conséquences potentielles du piratage, de la nécessité de favoriser le développement des sites légaux ou
de l’exigence de modernisation de ses propres outils informatiques. Elle a dès le début négocié des accords avec les services de musique sur Internet, dont le nombre est aujourd’hui supérieur à 1.600, dont un contrat de licence paneuropéenne avec iTunes renouvelé jusqu’à présent depuis juin 2004. Cela ne signifie pas que le choc des cultures n’a pas été parfois frontal, dans la mesure où les acteurs du numérique connaissaient souvent très mal le droit d’auteur. Notre première tâche est toujours pédagogique pour leur faire comprendre et accepter la légitimité du droit d’auteur aussi bien que son respect. Il n’est pas surprenant que cela prenne du temps dans cet univers de diffusion bouleversé et instable. Sur le plan européen, nous attendons toujours la définition d’une politique claire et cohérente. Une directive sur la gestion collective est en gestation (1). Il faut espérer qu’elle permette de régler les difficultés résultant de la complexité induite – pour les utilisateurs comme pour les sociétés de gestion – par la fragmentation des répertoires, laquelle rend par exemple impossible pour une plateforme de musique en ligne l’obtention, auprès d’une seule société de gestion, de l’ensemble des droits mondiaux.

Pourquoi le « cloud computing » est un sérieux défi pour les industries culturelles

La mission Informatique en nuage, lancée par le ministère de la Culture et de la Communication (CSPLA), doit rendre en mars son rapport sur les droits d’auteur
et leur rémunération face aux nouveaux usages en ligne et à distance. Mais le défi dépasse les frontières nationales.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

* Christiane
Féral-Schuhl est bâtonnier du barreau de Paris depuis janvier 2012.

Le cloud computing est un système informatique de stockage sur des serveurs à distance, ce qui permet aux utilisateurs d’accéder à leurs données, de manière sécurisée, quel que soit le lieu dans lequel ils se trouvent. Ce « nuage informatique » présente un certain nombre d’avantages et permet notamment de s’adapter aux besoins évolutifs du client qui paiera uniquement pour ce qu’il utilise.

Culture digitale : dichotomie entre Europe et Etats

En fait. Le 19 novembre, Neelie Kroes – vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique – s’est exprimée dans un débat
sur la propriété intellectuelle au Forum d’Avignon, qui réunissait en même temps
le Sommet culturel G8-G20 sur « la création à l’ère du numérique ».

En clair. Ces 4e Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias
– organisées par le Forum d’Avignon, dirigé par d’anciens de la DDM (devenue DGMIC) et lié au ministère de la Culture et de la Communication – ont montré l’obsolescence des frontières culturelles dans un monde numérisé. « L’espace sans frontières d’Internet ne se satisfait pas d’approches purement nationales qui, même convergentes, restent trop fragmentées, et se heurtent à des comportements de ‘’paradis numériques’’ non coopératifs », a expliqué Frédéric Mitterrand. Pourtant,
les débats à Avignon se sont souvent focalisés sur le renforcement des politiques nationales pour lutter contre le piratage.
Nicolas Sarkozy s’y est exprimé pour annoncer l’élargissement aux sites de streaming de la loi Hadopi (lire p. 1 et 2), laquelle n’intervient pour l’heure que sur les réseaux peer-to-peer. Pour cela, la France devrait promulguer une troisième loi Hadopi :
« Certains d’entre vous se sont inquiétés lorsque j’ai dit que j’étais prêt à Hadopi 3.
(…) Si la technologie nous permet une nouvelle évolution, et bien on adaptera la législation », a lancé le chef de l’Etat français. Ce qui n’est pas forcément du goût
de la Commission européenne qui doit présenter au printemps 2012 une révision de
la directive sur la propriété intellectuelle (1) avec gestion collective des doits sur le Net et licences multi-territoriales. Neelie Kroes, chargée de l’Agenda numérique, a constaté que « le débat tourne autour du renforcement du copyright », alors que « ce n’est pas toute l’histoire ». Et la vice-président de la Commission européenne d’interroger l’aréopage culturel réuni devant elle : « Est-ce que le système actuel de copyright est
le bon moyen, et le seul, pour atteindre nos objectifs ? Pas vraiment, je le crains.
Nous devons continuer à combattre le piratage, mais le renforcement législatif [legal enforceability] est devenu de plus en plus difficile ».
Et d’ajouter : « Nous avons besoin de flexibilité dans le système, pas d’une camisole
de force d’un modèle seul ». Elle encourage la création d’un « répertoire global » des œuvres et remarque que le Cloud computing remet en question de système des licences.
« Je vois comment certains en Europe voient avec horreur l’arrivée de Netflix ou l’expansion de iTunes. Mais nous ne devons pas être paralysés par la peur », a prévenu Neelie Kroes. @