Droits d’auteur : limitations et exceptions sur le Net ?

En fait. Le 6 juin, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) – 3 millions d’ayants droits – a tenu son AG annuelle.
Parmi les inquiétudes : les limitations et les exceptions aux droits d’auteur envisagées par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi).

En clair. « Du fait de la mise au point de nouvelles technologies et de l’utilisation de plus en plus répandue de l’Internet dans le monde, on a considéré qu’il importait d’effectuer un rééquilibrage entre les intérêts des diverses parties prenantes [à savoir entre les ayants droits et les utilisateurs des œuvres protégées, ndlr]». C’est en ces termes que l’Ompi introduit les travaux qu’elle intensifie au sein de son Comité permanent du droit d’auteur
et des droits connexes, ou SCCR (1), créé il y a plus de quinze ans.
La Cisac, qui représente 227 sociétés de gestion collective – dont la Sacem – dans
le monde (lire EM@93, p. 7), a cosigné le mois dernier avec 17 autres organisations internationales d’ayants droits une lettre datée du 7 mai dernier à José Manuel Barroso,
le président de la Commission européenne, et au commissaire Michel Barnier, ainsi qu’à la présidence de l’Union européenne. Avec l’IFPI et l’ICMP (musique), la MPA et la FIAPF (cinéma), la FEP (maisons d’éditions) ou encore l’IVF (vidéo), la Cisac demande aux instances communautaires « que le mandat du SCCR de l’Ompi soit clarifié avant la poursuite des travaux concernant les limitations et les exceptions aux droits d’auteur ». Les organisations d’ayants droits, dont l’IFRRO, s’inquiètent particulièrement de la tournure qu’a prise, à leurs yeux, la vingt-septième session du SCCR qui s’est tenue à Genève du 28 avril au 2 mai derniers. Les limitations et exceptions aux droits d’auteur à l’ère numérique ont été discutées pour les bibliothèques et les services d’archives, ainsi que pour les établissements d’enseignement et de recherche, et pour les personnes handicapées. Il s’agit notamment pour l’Ompi de « permettre aux bibliothèques et aux services d’archives de conserver les informations élaborées et diffusées sous une forme numérique et (…) de donner accès à ces informations. ». La question se pose aussi pour les établissements d’enseignement et de recherche, sachant que la Convention de Berne autorise déjà l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur à des fins de citation et d’enseignement.
Les ayants droits sont d’autant plus inquiets que la Commission européenne a mené jusqu’au 5 mars une consultation en vue de réviser la directive « DADVSI » (2) et d’envisager plus d’exceptions aux droits d’auteur dans le monde numérique, ainsi
qu’une réforme… de la copie privée. @

Eric Walter, Hadopi : « On ne peut plus légiférer en 2014 contre le piratage comme on l’a fait en 2009 »

La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) aura 5 ans le 12 juin. « Si c’était à refaire aujourd’hui, le texte serait sans doute différent » nous dit son secrétaire général, qui dresse un bilan
« largement positif » avec le piratage « stabilisé ». Le nombre de 100 dossiers transmis à la justice est atteint.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Eric WalterEdition Multimédi@ : La loi Hadopi du 12 juin 2009, instaurant
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, a 5 ans dans quelques jours. Quel bilan faites-vous de ce texte de loi très controversé ? Si c’était à refaire, faudrait-il l’adopter en l’état ?
Eric Walter :
Je n’ai pas à faire le bilan du texte. C’est une responsabilité qui appartient au législateur.
En revanche, nous pouvons dresser un bilan de la mise en oeuvre.
Il est largement positif, au delà des controverses qui, pour beaucoup, se nourrissent d’approximations voire souvent d’erreurs.
Le téléchargement illicite est désormais stabilisé. Nous ne nous en attribuons pas tout
le mérite, mais que l’existence même d’Hadopi et les débats qui l’ont entourée y aient contribué me semble une évidence difficile à contredire.

Atteinte aux droits d’auteurs : un FAI peut bloquer un site web, comme bon lui semble

Dans un arrêt du 27 mars 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) donne aux juridictions nationales les moyens de mieux combattre les atteintes
en ligne aux droits d’auteurs et aux droits voisins. Mais elle a dû trouver un compromis avec les libertés d’entreprendre et d’information.

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Rémy FeketePour la première fois, la CJUE autorise les injonctions adressées aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) leur ordonnant de bloquer l’accès aux sites proposant des contenus illicites, tout en rappelant les limites posées par le principe du « juste équilibre » entre les différents droits de l’Union européenne (UE).
Le principe ne peut qu’être salué même si sa mise en oeuvre est lourde de préoccupations.

Michel Barnier, commissaire européen : « Le droit d’auteur doit s’adapter à Internet »

L’année 2014 sera décisive pour la Commission européenne en matière d’adaptation du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur et des Services, fait le point sur les réformes législatives en cours.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Michel BarnierEdition Multimédi@ : Le Parlement européen a adopté, en séance plénière le 4 février 2014, la nouvelle directive Gestion collective. En quoi va-telle améliorer l’offre de la musique en ligne en Europe ?
Michel Barnier :
Les ventes de musique en ligne en Europe sont passées de 200 millions d’euros en 2004 à 1,2 milliard en 2012.
Ce secteur évolue donc très vite. Notre cadre juridique doit aussi s’adapter pour vivre avec son temps, celui du marché intérieur et d’Internet. Un domaine où il était nécessaire d’agir est la gestion collective que nous avons voulue simplifier et rendre plus transparente.
Il existe plus de 100 sociétés de gestion collective en Europe qui jouent un rôle primordial. Certaines d’entre elles ont eu du mal à s’adapter aux contraintes de la gestion de droits pour l’exploitation en ligne ou transfrontières. La directive européenne prévoit des règles qui faciliteront la concession de licences multi-territoriales et l’agrégation des répertoires de plusieurs sociétés de gestion.
Cela veut dire concrètement que les prestataires de services sur Internet pourront obtenir plus facilement les licences nécessaires à la diffusion de musique en ligne provenant de toute l’Union européenne, et même d’au-delà. Les consommateurs, eux, auront accès à un répertoire plus grand. Ils connaissent aujourd’hui souvent Deezer ou Spotify, mais d’autres entreprises, des PME par exemple, bénéficieront aussi de ces règles pour développer leur offre ou de nouveaux services numériques.

Jean-Noël Tronc (Sacem) veut que la Cisac devienne une force de combat face aux acteurs du Net

Le directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) va engager dès 2014 au niveau mondial un « combat » face à Google, Amazon ou encore Apple pour défendre – avec toutes les industries
de la création – l’exception culturelle et la taxe pour copie privée.

Par Charles de Laubier

Jean-Noël Tronc-EM@A la tête de la Sacem depuis juin 2012, Jean-Noël Tronc (photo) part en croisade pour défendre au niveau mondial l’exception culturelle et la rémunération pour copie privée.
Pour cela, il va s’appuyer sur la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), laquelle représente 227 sociétés de gestion collective – dont la Sacem – réparties dans 120 pays et gère les droits de 3 millions d’artistes dans le monde pour un montant total annuel de perceptions de plus de 7,5 milliards d’euros (dont 4,5 milliards rien qu’en Europe).