… mais la lutte contre le piratage refait polémique

En fait. Le 1er juin, à la suite de l’adoption par la Commission des Affaires juridiques du Parlement européen du rapport Gallo sur le Renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur, l’eurodéputée Françoise Castex (PS) s’est insurgée contre la répression.

En clair. Françoise Castex n’y va pas par quatre chemins pour s’en prendre à « la droite [qui] refuse de faire évoluer le droit face au nouvel environnement numérique
et n’a d’autre solution que de préconiser la sanction généralisée des usagers ». Pire selon elle, « en assimilant le partage de fichier à des fins non commerciales à de la contrefaçon et à du vol, Marielle Gallo et la droite européenne poussent, à l’instar d’ACTA (1), à la criminalisation de millions d’internautes par ailleurs consommateurs
de musique et de films ». L’eurodéputée de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen regrette que « la droite » – entendez le Groupe
du parti populaire européen (démocrates- Chrétiens) et les libéraux rejoints par les centristes européens (Alde) – « ait rejeté notre proposition de demander à la Commission européenne d’étudier la possibilité d’une régulation positive du partage
de fichier assortie d’un soutien aux nouveaux modèles économiques de financement
et de distribution pour les créateurs ».
Et de conclure : « La droite n’a rien trouvé de mieux à faire que de se concentrer sur
la question du peer-to-peer pour valider la riposte graduée à l’échelle européenne ».
En d’autres terme, Françoise Castex estime que le rapport Gallo est « soutenu par les autorités françaises » et « préconise une logique répressive contre le partage de fichier en ligne et ce faisant recentre l’Europe sur une ligne pro-Hadopi ». Dans une tribune parue le 25 mai dernier dans Libération, cette même eurodéputée avait cosigné avec
sa consœur Catherine Trautmann – ancienne ministre de la Culture en France – un plaidoyer pour « rompre avec une logique purement répressive » qui porte atteinte aux « droits les plus fondamentaux des utilisateurs », tout en appelant à « repenser la propriété intellectuelle » (2). En France, certains s’insurgent comme le porte-parole de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann : « Le rapport Gallo montre à quel point
le lobbyisme de quelques industries anachroniques au Parlement européen peut être puissant. (…) Cette influence doit être contrebalancée pour les prochaines batailles :
la discussion à venir sur l’accord ACTA, les discussions sur les nouvelles sanctions pénales avec la résurrection future de la directive IPRED2 [Intellectual Property Rights Directive, ndlr], etc ». Le commissaire européen chargé du Marché intérieur, le Français Michel Barnier, prépare en effet une seconde édition de la directive communautaire sur les droits de propriété intellectuelle. @

Lutte contre les pirates du Net : musique et cinéma ont déposé quatre dossiers « TMG » auprès de la CNIL

Quatre organismes de la musique et du cinéma, réunis en « consortium » (Alpa, SCPP, Sacem et SPPF), demandent à la CNIL, laquelle a deux mois pour leur répondre, des autorisations d’utiliser les « radars » de TMG pour tenter de prendre des internautes en flagrant délit de piratage des oeuvres.

Nicolas Seydoux, président de l’Alpa

Anti-piratage : l’ACTA n’est pas si « mystérieux »

En fait. Le 25 février, la direction Commerce de la Commission européenne a annoncé qu’elle organisera le 22 mars prochain une réunion pour informer et consulter les parties intéressées par la négociation sur un accord commercial
« plurilatéral » anti-contrefaçon (ACTA) pour protéger la propriété intellectuelle.

En clair. Les négociations que mènent plusieurs pays dans le monde en vue d’aboutir
en 2010 à l’Accord commercial anticontrefaçon (ACAC) – plus connu sous le sigle ACTA (1) – ne sont pas aussi obscures qu’il n’y paraît. L’objectif est clairement d’instaurer une « coopération internationale » et de mettre en oeuvre des moyens pour « combattre les violations » de droits de la propriété intellectuelle, y compris sur Internet avec – selon un des documents de travail – des remèdes demandés aux fournisseurs d’accès à Internet ». L’Association européenne de ces derniers, l’EuroISPA (2), s’en
est inquiétée le 24 février dernier, de même que l’ETNO (3) le 25 janvier pour les opérateurs télécoms historiques. Dans moins d’un mois – du 12 au 16 avril 2010 en Nouvelle Zélande – se tiendra le huitième « round » de ces discussions entre pas moins de 37 pays, si l’on compte les Vingt-sept européens. La dernière des sept réunions précédentes s’est tenue fin janvier au Mexique avec des représentants de l’Union européenne. Les participants se sont engagés à « parvenir à un accord d’ici
la fin de l’année ». Le 24 février, la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet a pourtant qualifié de « mystérieux » ce projet de traité multilatéral.
« On a posé à ce sujet la question à Neelie Kroes. Mais la Commission européenne est mal à l’aise, car il y a des points de vue variés entre les pays », a-t-elle juste dit. Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a aussi dénoncé, dès le
22 février, le « manque de transparence ». Alors que la France présidait l’Union européenne, Paris a déjà accueilli une réunion de l’ACTA ! C’était du 15 au 18 décembre 2008 avec la participation de sa collègue Anne-Marie Idrac, secrétaire
d’Etat chargée du Commerce extérieur. Et ce, en plein débat sur le projet de loi Hadopi…  Il s’agit de « créer un cadre réglementaire moderne et fort, qui prenne en compte le vol de la propriété intellectuelle dans l’économie globale, y compris l’augmentation des médias de stockage numérique qui facilitent la copie ». Le Japon et
les Etats-Unis ont lancé cette idée dès 2006. D’autres pays les ont rapidement rejoint :
le Canada, la Suisse et… l’Union européenne. Puis, les négociations proprement dites ont débuté en juin 2008 avec un cercle élargi à l’Australie, au Mexico, au Maroc, à la Nouvelle Zélande, à la Corée du Sud et à Singapour. @

Faute de décrets, l’Hadopi reste sans autorité

En fait. La mise en place de l’Hadopi – la haute autorité « antipiratage » –
tarde  à s’organiser faute de décrets. L’envoi des premiers e-mails de
« recommandations » aux internautes pris en flagrant délit de violation
de la propriété intellectuelle de musiques ou de films pourrait être repoussé
au printemps 2010.

En clair. Les industries culturelles sont inquiètes et les opérateurs télécoms s’impatientent. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a bien trouvé depuis novembre ses locaux dans le quartier de Montparnasse à Paris (1.100 mètres carrés rue du Texel), mais elle n’est toujours pas opérationnelle. Dotée d’un budget de 5,3 millions d’euros par an par la loi de finances pour 2010, elle devait entrer en fonction dans la foulée des promulgations des lois
« Hadopi 1 » (le 13 juin) et « Hadopi 2 » (le 29 octobre), aussitôt les décrets publiés… Et les premiers e-mails d’avertissement aux internautes soupçonnés de téléchargements illicites devaient partir en décembre. Certains ont même estimé à 50.000 le nombre d’e-mails à envoyer chaque jour, alors que le ministère de la Culture table sur 50.000 procédures par an.
Or, les décrets « Hadopi » se font encore attendre. Ils devaient être soumis au Conseil d’Etat avant d’être signés par le Premier ministre. Le décret sur le traitement automatisé des données concernant les internautes doit encore obtenir l’aval de la Cnil (1) qui,
selon « La Tribune » du 23 décembre, demande à voir aussi le décret sur la procédure
de sanction avant de rendre son avis. Les opérateurs télécoms – dont les cahiers des charges doivent être modifiés à l’aune de la « riposte graduée » – ne savent toujours pas qui va financer la procédure technique et administrative de sanction des pirates du Net. Selon un rapport du Conseil général des technologies de l’information (CGTI), réalisé en 2008 à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, les seuls coûts afférents à la mise en oeuvre des sanctions représentent « un montant minimal de plus de 70 millions d’euros » sur trois ans (2009-2012). « Selon les opérateurs télécoms, ces coûts sont en réalité plutôt de l’ordre de 100 millions d’euros, ce montant ne comprenant pas les coûts correspondant aux demandes d’identification des internautes et aux investissements nécessaires à l’industrialisation de ces mécanismes », avait expliqué en septembre dernier la Fédération française des télécoms (FFT). Les premiers messages de mise en garde (au nombre de 2 avant coupure de l’accès Internet) ne devraient pas être envoyés avant le printemps prochain. A défaut de décrets, les noms des membres composant l’Hadopi – dont le président devrait être Jean Musitelli, actuel président de l’ARMT (2) – ne sont plus qu’un secret de Polichinelle sur Internet… @