Youboox fête ses 10 ans de lecture en streaming et envisage une nouvelle levée de fonds en fin d’année

Cofondée le 22 juillet 2011 par Hélène Mérillon, la société Youboox – éditrice de la plateforme de lecture en streaming par abonnement lancée en mars 2012 – se développe en révolutionnant le monde du livre. Le « Netflix de l’écrit », mais aussi du livre audio, affirme être rentable et envisage une troisième levée de fonds.

« Notre modèle économique n’a pas changé depuis la création de la société, mais nous avons développé nos offres via plusieurs canaux de distribution : d’abord en nous appuyant sur de grand partenaires B2B comme les opérateurs télécoms SFR et Free [ainsi qu’Orange Belgique et Orange Tunisie, ndlr], les groupes hôteliers comme Accor, ou des compagnies aériennes comme Air France, puis en accélérant nos investissements marketing digitaux en B2C », indique à Edition Multimédi@ Hélène Mérillon (photo), présidente de Youboox. Aujourd’hui, avec un catalogue disponible en streaming illimité de 400.000 contenus provenant de 1.500 éditeurs (ebooks, livres audios, bandes dessinées, quotidiens, magazines, guides de voyages, guides pratiques, …), Youboox revendique 2,5 millions d’utilisateurs francophones partout dans le monde. Avec une gratuité sur les trente premiers jours (1), les deux offres d’abonnement mensuel (l’une classique à 7,99 euros mais restreinte aux ebooks et aux BD, et l’autre à 11,99 euros avec livres audio et presse compris) ont séduit à ce jour plus d’un demi-million d’abonnés payants. Pour le prix d’un livre de poche, le lecteur peut s’offrir « un buffet littéraire à volonté » (dixit Orange Belgique) et un kiosque à journaux illimité.

Barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaire
« Nous connaissons une croissance à deux chiffres sur le chiffre d’affaires “abonnement” depuis trois ans et nous sommes rentables depuis deux ans », nous assure Hélène Mérillon, qui ne dévoile cependant pas les montants financiers. Selon nos estimations, Youboox a franchi en 2020 – et pour la première fois – la barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et ce, comparé à l’année 2017 dont les résultats sont les derniers connus, à savoir 8,6 millions d’euros de ventes et 470.000 euros de perte nette. Elle nous indique néanmoins que « la société – toujours indépendante (fondateurs et management étant majoritaires) – n’a pas de besoin immédiat de financement, mais une prochaine levée de fonds sera envisagée, probablement d’ici la fin d’année, pour accompagner la croissance compte tenu du développement du marché ». La société Youboox, créée le 22 juillet 2011 avant de lancer la première plateforme de streaming d’ebooks en France en mars 2012, avait procédé à deux premières levées de fonds : une première en 2013 pour 1,1 million d’euros, auprès d’Editions Atlas notamment, et une seconde en 2016 pour 1million d’euros auprès de NCI, Paeonia et IronCapital. Elle bénéficie en outre du soutien de la région Ile-de-France et de Bpifrance.

Approche disruptive pour le monde de l’édition
L’approche disruptive de la lecture en streaming par abonnement bouscule depuis une décennie maintenant le monde du livre, notamment en France où l’édition numérique peine à générer 263,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, pesant ainsi moins de 10 % du marché français du livre (2). Mais ce dernier est dans son ensemble en recul de 2,3 % par rapport à l’année précédente, alors que le marché des ebooks progresse de 13,5 % sur la même période (3). L’appétence pour la lecture en ligne (avec possibilité de poursuivre hors connexion) grandit et le potentiel de la e-lecture est énorme : plus d’un Français sur quatre (26 %) a déjà lu un livre numérique, soit un total de 13,8 millions de electeurs – en progression de 1 million de e-lecteur sur un an (4). Youboox s’est en plus diversifié, il y a deux ans maintenant, dans le livre audio. Depuis un an, son forfait mensuel Youboox One de livres et BD pour 9,99 euros intègre aussi un livre audio par mois. Sur ce segment de l’écoute, la demande est forte aussi puisque près d’un Français sur cinq (19 %) a déjà écouté un livre audio, soit tout de même 9,9 millions de « lecteurs » audiophiles. Ces chiffres d’audience de ce nouveau e-lectorat en France proviennent du 11e « baromètre des livres imprimés, numériques et audio », publié en avril dernier par le Syndicat national de l’édition (SNE) avec les sociétés d’auteurs Sofia et SGDL.
Sur la base d’une enquête réalisée par Médiamétrie, cette étude révèle que « toujours plus de lecteurs sont intéressés par un abonnement pour leurs usages numériques » en matière de lecture : 37 % des Français interrogés (+5 points sur un an) et 42 % pour les livres audio numériques (+9 points). C’est ce principe de l’abonnement à un catalogue d’ouvrages en ligne qui font entrer les maisons d’édition dans un nouveau paradigme, qu’elles redoutent plus qu’elles ne sollicitent. Sur ces plateformes de streaming, que cela soit Youboox ou d’autres comme Youscribe, Scribd ou encore Kindle Unlimited d’Amazon en position dominante, les livres ne sont pas vendus mais loués. Après avoir craint au départ une destruction de valeurs et une violation du prix unique du livre, lequel donne depuis 40 ans cette année le pouvoir aux éditeurs de fixer seuls le tarif de leurs titres, le monde du livre traditionnel a dû s’y faire. « Notre offre est conforme à la loi du prix unique du livre et l’équilibre entre le prix du service et le coût des contenus est respecté depuis toujours », assure Hélène Mérillon. En effet, après la promulgation de la loi du 26 mai 2011 instaurant le prix du livre numérique, toutes les offres d’abonnement avec accès illimité se sont mises en conformité avec ce sacro-saint principe de l’anti-dumping sur les prix des livres hérité de la loi « Lang ». « Le prix unique du livre s’applique aux abonnements comme aux livres vendus à l’unité et permet à des acteurs locaux indépendants comme les libraires ou Youboox de se développer et de proposer aux lecteurs des solutions alternatives aux grandes plateformes mondiales, durables et respectueuses de la chaîne du livre », se félicite Hélène Mérillon. Certes, le marché du livre numérique dans le monde est largement tiré par la firme fondée par Jeff Bezos – pionnier des ebooks avec ses liseuses Kindle –, mais cela n’a pas empêché des avantgardistes français comme Youboox d’exister. Le « Netflix de l’écrit et du livre audio » n’a donc pas fini de se développer et sa notoriété de grandir auprès du grand public francophone (300 millions de locuteurs). La crise sanitaire et ses confinements ont contribué à booster voire à faire exploser l’« ebookisation » de la lecture, tandis que l’érosion des ventes de livres papier permet de sauver des forêts et à protéger l’environnement. Pour les maisons d’édition, c’est « faire contre mauvaise fortune bon cœur »… La société d’Hélène Mérillon constate que les confinements ont fait progresser la lecture numérique de plus de 40 % en Amériques du Nord et du Sud, suivies par l’Afrique du Nord avec plus de 20 % ou encore l’Asie-Pacifique avec près de 15 %. Youboox étend sa bibliothèque numérique partout où les francophones sont nombreux. En France, au-delà de son site web, de ses applications mobiles, de ses accords avec SFR, Free ou des tiers (Accord, Air France, …), Youboox a profité du dernier déconfinement en mai pour proposer aux restaurants et bars qui ont réouverts de donner accès à leurs clients – en Wifi et sans téléchargement d’application – à son catalogue en streaming en salle ou en terrasse (évitant notamment que le tenancier ne fasse circuler le journal du jour avec les risques sanitaires).

5 % des revenus réinvestis dans des contenus
Youboox avait aussi lancé trois mois plus tôt un « pass » pour les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme, en misant sur le « sans contact » (hygiénique) et le « sans papier » (écologique). Sur le Pass Culture, dans sa nouvelle version lancée le 21 mai dernier par Emmanuel Macron pour un crédit offert de 300 euros au lieu de 500 euros auparavant, un jeune de 18 ans peut bénéficier de « trois mois de lectures en illimité chez Youboox ». Par ailleurs, pour soutenir les auteurs de bandes dessinées (plus de 5.000 étant déjà disponibles en streaming), Youboox s’est associé de novembre dernier à novembre prochain à la plateforme de financement participatif Ulule pour aider six nouveaux projets de BD (5). Et pour la bonne cause, 5% des revenus annuels de Youboox sont par ailleurs réinvestis « dans la production de contenus en partenariat avec le tissu local », selon les pays francophones desservies par la plateforme de lecture en streaming. @

Charles de Laubier

Le Médiateur du livre est contraint d’adapter les lois sur le prix du livre aux usages numériques

Créé il y a plus de trois ans, le « Médiateur du livre » a livré le 1er avril son premier rapport d’activité. Sa présidente Laurence Engel, qui n’ira pas au bout
de son mandat fixé à septembre 2017 (car nommée à la tête de la BnF), quitte
une autorité en plein brainstorming.

La loi n°81-766 du 10 août 1981, dite loi « Lang » sur le prix
du livre, la loi n°2011-590 du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique, la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 sur la consommation qui a modifié les deux lois précédentes…
Tel est l’arsenal législatif français du prix du livre. Ces lois,
dont le fondement remonte à il y a 35 ans, sont obsolètes !

Du soft law pour colmater les lois
Les développements des nouveaux usages numériques, que cela soit les offres d’abonnement, les ventes en ligne ou encore le marché de l’occasion, bousculent le droit régissant toute une filière du livre qui ne s’y attendait pas vraiment. A la demande express des maisons d’édition et des libraires, l’autorité administrative indépendante
« Médiateur du livre » a été instituée il y a maintenant trois ans pour préserver les acquis de l’ancien monde. Mais la pression du numérique est tellement forte que cette AAI (1) s’est aussitôt muée en une sorte de « législateur indépendant » contraint de fixer de nouvelle règles pour endiguer le tsunami numérique. « C’est ainsi un nouveau vademecum des lois sur le prix du livre qui se construit, en concertation avec les acteurs de la filière », peut-on lire dans le premier rapport (2) élaboré par Laurence Engel (photo), juste avant de troquer sa casquette de Médiatrice du livre par celle de présidente de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Le Médiateur du livre doit non seulement faire des rappels aux lois sur le prix unique du livre imprimé ou numérique (sa vocation première), mais il se retrouve aussi à édicter de nouvelles règles que ces lois n’avaient pas prévues. A défaut de légiférer à nouveau, au risque d’être aussitôt dépassé une nouvelle fois par les pratiques en ligne, le parti pris a été de prolonger le droit par de nouvelles mesures adoptées avec la profession du livre pour ne pas rester dans le statu quo. « Le débat engagé autour de l’émergence de formules d’abonnement dans le secteur du livre a ainsi abouti au rappel des principes posés par la loi mais aussi à leur (ré)incarnation dans les pratiques actuelles. Régulation ne signifie donc pas sclérose, mais elle protège de la brutalité des évolutions qui, sans elle, accentuent le risque de destruction de valeur », est-il expliqué. Ainsi, cette AAI en appelle à la soft law qui permettrait de réguler ou de laisser s’autoréguler un secteur en édictant de nouvelles règles sans avoir à légiférer à nouveau en fonction des évolutions technologiques. « Sans doute cette fonction [de médiateur] est-elle née justement à
ce moment de l’histoire des lois sur le prix du livre où le besoin de régulation appelait
à en assurer la continuation par d’autres moyens : non pas une refonte du droit dur, susceptible de se briser au contact de pratiques en constante mutation, mais un mode d’intervention souple », justifie-t-on. Mais ce « droit souple », dont la notion est apparue dans le droit international à partir des années 1930, est justement constitué de règles non obligatoires, non contraignantes, ce qui n’est pas sans créer de l’insécurité juridique comme l’avait relevé le Conseil d’Etat en 2006. Il faut aussi boucher les vides juridiques. « Le ministère de la Culture et de la Communication prévoit de procéder à l’actualisation de “Prix du livre, mode d’emploi”, un vade-mecum relatif à l’application
de la législation sur le prix. Il serait opportun d’intégrer à ce document les recommandations émises dans le cadre de l’activité de médiation », préconise le Médiateur du livre. Reste que le numérique aura toujours un temps d’avance sur le législateur.
A peine les plateformes numérique d’abonnement à des catalogues de livres sont-elles rentrées dans le rang (3) – à savoir que les maisons d’édition fixent elles-mêmes, comme le prévoit la loi, le prix des livres numériques sur Kindle Unlimited d’Amazon, Youboox, Youscribe, Iznéo de Media Participations, Cyberlibris ou encore StoryPlayR – que se profilent déjà d’autres colmatages à faire. D’autant que le Médiateur du livre est aussitôt saisi par le Syndicat national de l’édition (SNE), le Syndicat de la librairie française (SLF) et/ou le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels (SDLC) dès que
la filière du livre croit déceler une infraction. Il en irait ainsi du marché de l’occasion du livre qui se développe grâce au numérique.

Marketplace et marché d’occasion
« Des risques de confusion, voire de contournement de la loi, exist[er]aient, tenant à la promiscuité entre un marché du livre neuf soumis au régime de prix fixe et un marché du livre d’occasion dont les prix sont libres ». Il en irait aussi des plateformes en ligne dites « marketplace » de mise en relation entre acheteurs et vendeurs : Amazon, Chapitre.com, GibertJoseph, La Fnac, Leslibraires.fr, PriceMinister, etc. Après concertation avec ces acteurs, une charte de bonnes conduites devrait être trouvée. @

Charles de Laubier

Marie-Pierre Sangouard, Amazon France : « L’accueil de Kindle Unlimited a été très positif »

Directrice des contenus Kindle d’Amazon France depuis 2011, après avoir été directrice du livre à la Fnac, Marie-Pierre Sangouard nous répond à l’occasion du Salon du livre de Paris sur l’auto-édition, le livre numérique, la TVA, le format AZW, ainsi que sur le lancement d’Amazon Publishing en France.

La médiatrice du livre doit dire vite si l’accès illimité par abonnement à des ebooks est illégal ou pas en France

En mai 2014, elle démissionnait de la direction du cabinet de la ministre de la Culture et de la Communication. Son compagnon Aquilino Morelle, lui, quittait l’Elysée sur fond de scandale. Laurence Engel revient au devant de la scène culturelle pour dire – en tant que médiatrice du livre – si Amazon est hors-la-loi.

Rapport « Albanel » : le livre (numérique) ne devra pas (trop) concurrencer le livre (papier)

Le rapport de Christine Albanel, intitulé « Pour un livre numérique créateur de valeurs » et remis le 15 avril au Premier ministre, propose notamment l’extension
au livre numérique « homothétique » de la loi Lang sur le prix unique avec un encadrement de ce prix.