Les quotidiens papier doivent changer face au Web

En fait. Le 21 mai, le goupe Bolloré a annoncé le lancement « à la rentrée » de son quotidien généraliste « haut de gamme à valeur ajoutée », au tarif de 50 centimes d’euro et à 300.000 exemplaires. Malgré la crise publicitaire et capitalistique de la presse, les journaux papier ont encore de l’avenir.

En clair. La presse écrite craignait déjà en 2000 d’être cannibalisée par ses propres sites web (1). Dix ans plus tard, elle n’a pas encore vraiment pris conscience qu’elle l’est par la force de frappe du Web. « Les lecteurs continueront d’acheter des journaux s’ils trouvent des contenus qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs », a dit déclaré très justement Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média. Pour le groupe de Vincent Bolloré, qui édite une dizaine de quotidiens gratuits dans différentes agglomérations (dont Direct Matin et Direct Soir sur Paris) pour un tirage total de bientôt 850.000 exemplaires chaque jour, la presse payante n’est pas condamnée. Mais à condition de se différencier non seulement par rapport au Web qui est devenu imbattable dans la divulgation d’« informations factuelles » (sites, moteurs, blogs, twitts, réseaux sociaux, …), mais aussi par rapport à la presse payante en place. En effet, malgré la multitude de flux numériques permanents – déversant l’actualité immédiate sans attendre et sans contrainte de bouclage comme pour Google News (2) – sur les millions de terminaux des internautes et des mobinautes (3), les quotidiens papier (newspapers) continuent essentiellement encore de traiter l’actualité la veille pour une publication le lendemain.
Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien ou encore Les Echos et La Tribune vendent ainsi à « J+1 » les informations de la veille à un prix supérieur à 1 euros le plus souvent. Ce retard disqualifiant et ce prix prohibitif contribuent, malgré des efforts vers plus de valeur ajoutée, à l’érosion de leur diffusion payante et de leurs abonnements, tendance qui s’ajoute à celle de la chute des recettes publicitaires. Entre les sites web et les quotidiens historiques, sans parler des agences de presse (AFP, Reuters, AP, etc) qui diffusent de plus en plus leurs dépêches « gratuitement » directement auprès des internautes et mobinautes, la fenêtre de tir de Bolloré Média pour son « journal d’analyses plutôt que de nouvelles » (dixit Vincent Bolloré en mars dernier) est mince mais inédite dans la presse française. Selon Jean-Christophe Thiery, il s’agit d’un
« quotidien qui prend le temps d’expliquer l’actualité ». Pas de factuel et peu de photos. L’initiative ambitieuse de Bolloré met en exergue les difficultés qu’ont les journaux déjà en place à se remettre en question et à trouver un nouveau modèle économique face au numérique. @

Presse en ligne versus kiosques à journaux

En fait. Le 15 mars, la directrice générale de « La Tribune », Valérie Descamps,
a indiqué à l’AFP que le quotidien économique racheté en février 2008 par Alain Weill à Bernard Arnault (devenu propriétaire des « Echos ») pourrait ne plus être distribué en kiosque « d’ici la fin de l’année ».

En clair. Internet aura-t-il raison des kiosques ? Les 30.000 vendeurs de journaux, indépendants pour la plupart, rémunérés à moins de 20 % du prix de vente, seront-ils les premiers à faire les frais de la destruction créatrice numérique qui touche aussi de plein fouet la presse écrite ? « Nos ventes en kiosque représentent environ 4.000 exemplaires et, compte-tenu des coûts liés à leur diffusion, ce n’est guère intéressant », a expliqué Valérie Descamps, directrice générale de La Tribune, tout en faisant état d’une disparition possible du quotidien des kiosques « d’ici la fin de l’année » pour privilégier l’abonnement papier et la version numérique.
Bien que la direction ait ensuite « exclu de disparaître des kiosques d’ici à la fin de
l’année », cette hypothèse a marqué les esprits. Ironie de l’histoire, France-Soir a lancé
le 17 mars sa nouvelle formule de la dernière chance avec… 500.000 exemplaires mis
en kiosques. Qu’à cela ne tienne: tous les grands quotidiens nationaux, dont la diffusion payée en France a chuté en moyenne de près de 4 % en 2009 selon l’OJD, sont ou seront amenés à se poser la question de leurs ventes en kiosque au regard de la montée en puissance de leur site web à de coûts de diffusion numérique inférieurs
d’au moins 35 % par rapport au support papier. La chute des recettes publicitaires
sur l’édition imprimée (d’environ 20 % pour les quotidiens nationaux), condamne les éditeurs à plus d’économies. Le kiosque des NMPP – rebaptisées en décembre dernier Presstalis (1) – est le symbole du malaise de la presse française. De plus, à l’heure du profiling en ligne et de la publicité ciblée, voire personnalisée sur le Web, le kiosque ayant pignon sur rue ne permet pas de connaître le client-lecteur. Or les annonceurs sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des éditeurs de journaux, notamment en matière de segmentation de clientèle et de retour sur investissement publicitaire.
Au moment où Bruno Mettling (inspecteur des Finances) rend (le 30 mars) son rapport au Premier ministre sur la réforme des NMPP, la décision d’Alain Weill, propriétaire de La Tribune et PDG du groupe NextRadioTV, est un signal négatif pour les kiosquiers. Le concurrent des Echos a déjà supprimé son édition papier du samedi pour la vendre uniquement sur le Web. Depuis le début de l’année, Alain Weill table sur le potentiel offert par l’iPhone . En attendant, l’arrivée de l’iPad en avril… @

Contenus en ligne : à chacun sa plateforme unique

En fait. Le 27 janvier, dans son courrier adressé au ministre de la Culture et de
la Communication, l’Association des producteurs de cinéma (APC) évoque l’idée d’une « plateforme technique commune » à l’ensemble des producteurs de films.
Le livre, la musique et la presse y travaillent aussi.

En clair. Les projets de plateformes numérique communes se multiplient. Chaque industrie culturelles veut offrir un guichet unique, que cela soit vis-à-vis des professionnels de sa filière (maisons de livres et librairies, par exemple) ou des consommateurs. Après le livre, la musique et la presse, c’est au tour du cinéma d’y songer. « Envisagé pour le secteur du livre, le financement d’une plateforme technique commune à l’ensemble des producteurs cinématographiques pour le stockage et de livraison des films aux plateformes de vidéo à la demande, ainsi que pour l’information sur les œuvres et les usages, serait également très utile pour le secteur du cinéma », écrit le président de l’Association des producteurs de cinéma (APC), Eric Altmayer, au ministre Frédéric Mitterrand. A noter que le CNC (1) a annoncé, le 13 janvier, soutenir trois projets de sites de référencement des offres légales de films présentés par Allociné, VodKaster et Voirunfilm. Pour le livre, le rapport de la mission Zelnik estime
« indispensable que les éditeurs s’organisent pour constituer une plateforme unique, sur laquelle chaque éditeur puisse déposer son offre à l’attention des libraires ». Il s’agirait d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Le livre numérique est en effet le plus avancé dans la réflexion de plateforme B to B, depuis que le 30 septembre dernier, au Centre national du livre (lire EM@1 p. 4), le ministre de la Culture et de la Communication a demandé aux maisons d’édition françaises de se mettre ensemble sur une plateforme unique. Pour l’heure, les maisons d’édition partent en ordre
dispersé : Hachette gère sa plateforme Numilog, Editis a son E-Plateforme avec Média Participations, l’Harmattan a lancé L’Harmathèque, et le trio Flammarion-Gallimard-La Martinière ont leur Eden Livres (2). De son côté, la musique est invitée par le rapport Zelnik à créer un portail de référencement des œuvres musicales disponibles en ligne que les pouvoirs publics subventionneraient. Les éditeurs de services en lignes
– notamment la presse – ne sont pas en reste : au sein du Groupement des éditeurs
de services en ligne (Geste), ils mènent une réflexion pour créer leur propre plateforme commune (lire EM@3 p. 4) afin de « distribuer » leurs contenus « directement » à leurs clients « sur divers terminaux, via le CFC, via des opérateurs mobiles ou Internet ». @

Le Geste se met en ordre de bataille pour 2010

En fait. Le 24 novembre s’est tenue la 24e assemblée générale du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), qui regroupe 111 membres issus des médias (presse, radio et télévision), ainsi que de l’Internet (sites web) et des mobiles. Le conseil d’administration a été renouvelé.

En clair. Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif (filiale du « Monde » à 67 % et
du groupe Lagardère à 34 % éditant Lemonde.fr) a été reconduit à la présidence du nouveau conseil d’administration qui a été partiellement renouvelé. Cela fera donc
10 ans l’an prochain qu’il préside – depuis septembre 2000 précisément – le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), association professionnelle créée en 1987 en pleine heure de gloire du Minitel et bien avant l’arrivée de l’Internet. Deux nouveaux membres font leur entrée comme administrateurs, sur les huit postes qui étaient à pourvoir sur les quinze au total : Bertrand Gié, directeur délégué des nouveaux médias au sein du groupe Figaro (Lefigaro.fr, Sport24.com, Evene.fr, Lejournaldesfinances.com, Leparticulier.fr, …), et Eric Scherer, directeur du département stratégie et relations extérieures à l’AFP (aussi fondateur de l’Observatoire mondial des médias). Six autres administrateurs, sur les huit sortants, ont été réélus : Christophe Agnus (Elteg), Franck Cheneau (Telefun/Skyrock), Julien Jacob (groupe 01/NextradioTV), Julien Kouchner (Capa), Marie-Christine Méry (SFR) et Xavier Spender (L’Equipe 24/24). Le nouveau conseil d’administration du Geste a ensuite désigné son bureau et reconduit Philippe Jannet comme président. Emmanuel Parody devient secrétaire général. « 2009 restera bien sûr comme l’année de l’éditeur de presse en ligne, en tout cas de son statut et de reconnaissance en tant que tel »,
a notamment déclaré le président du Geste lors de l’assemblée générale qui s’est
tenu le 24 novembre dans les locaux du groupe « Le Monde ». Et d’ajouter :
« Regrettons toutefois le maintien d’un taux de TVA discriminatoire entre nos contenus [en ligne] et les contenus du papier… D’autant plus que désormais, toujours grâce à la partie positive de la loi Hadopi, le statut des journalistes est devenu multimédia, réglant au passage l’épineux dossier des droits d’auteur ». Parmi les dossiers de l’an prochain, le Geste prépare le lancement du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne (dont le projet de loi devrait passer au Sénat fin janvier).
Autre projet : « Créer une plateforme commune » aux éditeurs pour « distribuer [leurs] contenus directement [à leurs] clients, sur divers terminaux, via le CFC (1), via des opérateurs mobiles ou Internet, et surtout via [leurs] propres sites… ». L’année 2010 sera aussi marquée par la tenue de la 25e assemblée générale. @

L’odyssée de la presse

Ah bon, on lit encore la presse ? Mais oui, même s’il est vrai que cela ne fait que quelque temps que j’ai retrouvé le goût de la lecture des nouvelles du matin. J’ai lu mon dernier exemplaire papier il y trois ans : j’avais succombé aux ultimes efforts des groupes de presse pour nous satisfaire en prenant un abonnement à mon quotidien préféré, livré chaque matin avant que le soleil ne se lève. Mais la dernière réorganisation industrielle conjuguée à la pression des nouvelles directives européennes en matière de développement durable (le cocktail « matière première-impression-transport- livraison » était devenu vraiment insoutenable) a encore réduit la part du support papier. Je lis maintenant l’actualité du matin sur mon écran ePaper, un lecteur dédié qui me permet de disposer de ma sélection d’articles (local, économique, politique) chargés automatiquement dès leur parution, bien avant mon réveil. J’apprécie cet écran qui se fait oublier et qui me suit partout, même sur ma table du petit déjeuner, éclairée par le soleil matinal.

« Les groupes de presse se sont réorganisés
autour de rédactions quiont les moyens de
produire des émissions diffusées et déclinées à la
radio, à la télé, sur Internet et dans des magazines. »