Aides d’Etat à la presse en ligne : transparence ?

En fait. Le 15 juillet était la date limite d’envoi des dossiers de demande d’aide auprès du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), lequel est doté d’un budget annuel de 20 millions d’euros. Il s’agit de la seconde session de l’année, après la première achevée le 9 juillet.

En clair. Le Comité d’orientation du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne, qui a été créé en novembre 2009 après les Etats généraux de la presse menés par Nicolas Sarkozy en 2008, s’est déjà réuni cinq fois depuis le début de l’année (dont le 9 juillet dernier). Alors que la seconde cession de l’année débute, force est de constater que l’on sait toujours pas comment sont répartis les 20 millions d’euros d’aides d’Etat annuelles allouées à certains journaux online sous forme de subventions et d’avances remboursables. Tout juste sait-on que Rue89 a déjà touché l’an dernier une enveloppe de 249.000 euros, Mediapart 200.000 euros ou encore Slate 199.000 euros.
La Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), qui gère ce fonds pour le compte du ministère de la Culture et de la Communication, tarde à rendre publique la liste des bénéficiaires. Contacté par Edition Multimédi@, Olivier Blanchard – au Bureau du régime économique de la presse et des aides publiques – n’a pas dévoilé les noms des heureux élus. Il nous indique seulement que « la liste des bénéficiaires pour la session 2009 sera mise en ligne sur le site de la DGMIC d’ici le 23 juillet » et que « pour la première session de 2010, 69 dossiers ont été examinés ». Un certain secret entoure les délibérations de ce comité SPEL et les montants attribués.
« Le comité SPEL ne fait que délivrer des avis au ministre de la culture et de la communication, qui demeure seul compétent pour décider de l’octroi des aides ainsi que de leurs montants. De plus, une communication des avis délivrés par le comité serait susceptible de porter atteinte à la confidentialité des délibérations et au secret des affaires », avait expliqué Frédéric Gaston, adjoint au chef du Bureau. Des voix comme celle d’Agoravox se sont déjà faites entendre contre ces subventions publiques attribuées sans transparence et au « mépris de l’indépendance » de leurs bénéficiaires. Mediapart, qui avait pourtant claqué la porte des Etats généraux de la presse écrite et qui a été récemment la cible d’attaques nourries du gouvernement dans l’affaire d’Etat Woerth-Bettencourt, est-il schyzophrène ? Pour le SPIIL (1), les éditeurs de presse en ligne – qui ont en outre leur statut officiel depuis l’automne dernier (2) – bénéficient enfin de ces aides comme leurs aînés de la presse papier. @

Vers la disparition de la filiale Le Monde Interactif ?

En fait. Le 28 juin, Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel publient un communiqué à l’issue du vote du conseil de surveillance du Monde SA (LMSA)
qui leur est favorable, au détriment de l’offre concurrente Perdriel-Prisa-Orange. L’investissement numérique est au coeur de leur stratégie.

En clair. Toute la question est de savoir ce qu’il adviendra de la filiale Le Monde Interactif, détenue à 34 % par Lagardère. Ce dernier aurait été prêt à céder sa participation stratégique pour 33 millions d’euros au trio Perdriel-Prisa-Orange (lire EM@16 p. 3), mais pas apparemment au trio vainqueur, Pigasse- Bergé-Niel. Pour ces derniers, qui prônent l’intégration web-papier des rédaction, Le Monde Interactif pourrait disparaître.
En effet, dans le document détaillé de leur offre daté du 21 juin, ils sont pour que « le site Internet et l’activité numérique du Monde [soient] réintégrés dans le périmètre du
quotidien ». Autrement dit : « Les rédactions papier et numérique seront décloisonnées afin de réellement travailler ensemble. La combinaison des forces des rédactions papier
et numérique fera du Monde le premier éditeur d’information numérique en France, loin devant ses concurrents ». Pour y parvenir, les trois protagonistes envisagent ni plus ni moins qu’un rapprochement des structures juridiques – Le Monde SA et Le Monde Interactif – et des équipes éditoriales. A leurs yeux, il s’agit de « la seule option sérieuse ». Ils s’inscrivent ainsi en faux par rapport à toutes la stratégie menée jusque-là par les dirigeants successifs du Monde Interactive. Le précédent PDG de la filiale Internet du Monde, Bruno Patino, avait instauré et maintenu – jusque dans son livre
« Une presse sans Gutenberg » (Grasset) – cette séparation des deux médias (papier et web). Son successeur, Philippe Jannet, ancien directeur des éditions électroniques du groupe Les Echos, n’avait pas remis en cause cette approche dichotomique. Avec
« Le Monde Libre », société des futurs propriétaires, « cette activité [numérique] doit revenir au journal et se placer au cœur de sa nouvelle stratégie éditoriale ». Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel critiquent au passage la stratégie de l’actuelle direction du Monde : « La déclinaison numérique des différents magazines du groupe [Le Monde Magazine, Télérama, La Vie, Courrier International, ndlr] paraît avoir été handicapée par un sous-investissement chronique. Ce retard est aujourd’hui dommageable à l’ensemble du groupe ». Le trio de l’offre dite « BNP » (leurs initiales, pas la banque !) prévoient donc « des moyens supplémentaires (…) pour que chacune des publications puisse sans délai mettre en oeuvre l’accélération de sa mutation numérique ». @

Comment « Le Monde Libre » veut sauver Le Monde

En fait. Le 28 juin, le conseil de surveillance du Monde SA (LMSA) et le conseil
du Monde et Partenaires associés (LMPA) ont voté (respectivement 13 pour/5 abstentions et 11 pour/9 abstentions) en faveur de l’offre Pigasse-Bergé-Niel, assortie d’un investissement dans le groupe Le Monde de 110 millions d’euros.

En clair. Le Monde ne déposera pas son bilan cet été, le trio formé par Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel ayant débloqué, début juillet, 10 millions d’euros pour éviter au quotidien d’être en cessation de paiement. D’ici fin septembre, leur nouvelle société « Le Monde Libre » (1) devrait détenir 64,6 % du Monde SA pour un investissement « initial » d’investissement de 110 millions d’euros (2). Et ce,
« hors valorisation de la participation de Lagardère dans Le Monde Interactive »,
filiale Internet du groupe. Alors que les négociations exclusives vont se poursuivent jusqu’à fin septembre, la grande question est de savoir comment sortir Le Monde de l’ornière du déficit où il est tombé depuis dix ans. En 2009, le groupe de presse a perdu
25 millions d’euros en 2009, pour un chiffre d’affaires de 390 millions et une diffusion en baisse à 318.805 exemplaires en moyenne sur l’année, sans parler de son endettement total de 94 millions d’euros.
Si la concurrence de l’Internet est une des causes de cette érosion du papier, l’ironie de l’histoire est que l’avenir du journal passe par le numérique. Or Lagardère possède 34% de la filiale Le Monde Interactive. Arnaud Lagardère ne serait plus vendeur de sa participation. Du côté du trio repreneur, Xavier Niel – milliardaire fondateur du fournisseur d’accès à Internet Free – reste discret sur ses intentions vis à vis des 37 % de Lagardère dans Le Monde Interactive, que l’extrio concurrent Perdriel-Orange-Prisa étaient prêt à racheter 33 millions d’euros. Dans leur courrier du 2 juin adressé au président du directoire du Monde, Louis Schweitzer, le trio avait effleuré le sujet en se contentant de parler de « conquête de nouveaux territoires, physiques ou virtuels »,
« d’information en ligne » et de « nouveaux supports ». Le document « strictement confidentiel » du 21 juin détaillant le « Projet World » est plus disert sur la question.
« Le développement accéléré du Net et des supports numériques offre une immense opportunité aux médias qui savent produire des contenus de qualité. Le groupe Le Monde doit se repenser dans cet univers où ces nouveaux médias deviennent progressivement la première source d’information de ses lecteurs », expliquent Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel. Quant au papier, à leurs yeux, il « restera un élément central du paysage de l’information ». @

Le CFC fédère la presse autour d’une e-plateforme

En fait. Le 17 juin, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC)
a présenté aux éditeurs de presse son bilan 2009 dans la perception des
droits numérique d’articles (7,6 millions d’euros, soit + 38 %) et son projet de
plateforme en ligne adossée à celle de son homologue britannique, la NLA.

En clair. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) en a rêvé ; le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) va le faire ! Une plateforme numérique pour les éditeurs de la presse va être testée en France à partir de septembre prochain. Objectif pour le CFC, unique société de gestion collective de la presse et du livre agréée par le ministère de la Culture et de la Communication : standardiser et distribuer les contenus numérisés des journaux (1) aux différents prestataires de services de panorama de presse, de coupures et de reproductions d’articles de presse dites press clippings (Argus de la presse, Kantar Média/TNS, Press Index, Médiacompil, …).
D’ici le début de l’année prochaine, le CFC proposera en ligne à ces intermédiaires professionnels, qui eux-mêmes diffuseront auprès de leurs entreprises ou administrations clientes, les articles numériques autorisés par les 260 éditeurs (pour 1.500 publications françaises). A condition que ces derniers aient signé – avant le 1er octobre 2010 – un avant à leur contrat mandatant le CFC. Cet avenant, qui leur sera envoyés fin juin, prévoit aussi une nouvelle grille tarifaire. « Nous avons finalement décidé de nous adosser à la technologie au britannique NLA Newspaper Licensing Agency) qui a déjà développé sa plateforme numérique [eClips, ndlr]. Ce qui nous permettra de mutualiser nos coûts et de faire des économies d’échelle. Un pilote sera testé à l’automne prochain et, si nous sommes satisfait du test, la plateforme sera ouverte à partir du 1er janvier 2011 », a expliqué Philippe Masseron, directeur général adjoint du CFC, lors d’une rencontre avec les éditeurs. En marge de son intervention,
il a indiqué à Edition Multimédi@ que le CFC était par ailleurs « en discussion avec
le Geste » qui souhaite également fédérer ses membres de la presse en ligne
(Le Figaro, Le Monde Interactive, Libération, etc) autour d’une plateforme commune.
Le Geste souhaite leur permettrait de distribuer non seulement leurs articles directement aux clients mais aussi « via le CFC (2), via des opérateurs mobiles ou Internet, et surtout via leurs propres sites [web] » (3) (*) (**). Pour Philippe Masseron,
« rien n’est arrêté avec le Geste, dont le président Philippe Jannet est aussi membre
du comité du CFC et nous en discutons ». Il n’exclut rien comme « adossement ou partenariat », la plateforme du CFC pouvant instaurer une relation de « back office »
vis à vis du projet de plateforme du Geste. @

Le Monde convoité par Orange et Free : qui l’aura ?

En fait. Le 25 juin, la Société des rédacteurs du Monde (SRM) s’est dite favorable
au trio Pigasse- Bergé-Niel. Le 21 juin, quatre candidats s’étaient déclarés pour recapitaliser « Le Monde » : Perdriel- Orange-Prisa, Pigasse-Bergé-Niel, Groupe Revenu Multimédia et le Russe Gleb Fetisov.

En clair. L’avenir du quotidien Le Monde, menacé de cessation de paiement dès juillet, se fera dans la convergence web-papier-mobile ou ne se fera pas. Deux des quatre dossiers qui ont été déposés à l’échéance du 21 juin, d’ailleurs seules retenues (1), impliquent deux opérateurs télécoms : Free allié à l’homme d’affaire Pierre Bergé et le banquier Matthieu Pigasse (2) d’une part, Orange associé au patron du « Nouvel Obs » Claude Perdriel et à l’espagnol Prisa d’autre part. Dimanche 20 juin, le conseil d’administration de France Télécom a approuvé l’offre conjointe avec le patron du Nouvel Observateur et l’éditeur du quotidien espagnol El Pais.
L’opérateur télécoms historique s’engage à investir 53 millions d’euros sur les 140 millions du trio, dont 20 millions dans le tour de table du nouveau groupe Le Monde et 33 millions pour racheter les 34 % que détient le groupe Lagardère dans la filiale Le Monde Interactif (Lemonde.fr, LePost, …). Selon l’OJD pour le mois de mai, lemonde.fr arrive en cinquième position des sites web certifiés avec 44,6 millions de visites et en seconde position des applications mobiles mesurées avec près de 5,3 millions de visites. « Apporter nos connaissances des réseaux pour aider Le Monde à prendre
le virage numérique m’est apparu comme une évidence », a déclaré le jour même au JDD le patron de France Télécom, Stéphane Richard (3). Devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 16 juin (lire ci-dessus), Xavier Couture, patron des contenus d’Orange, a estimé que « cela faisait sens de rapprocher le portail orange.fr
et lemonde.fr ».
La publicité en ligne est centrale dans la candidature de France Télécom, avec une mise en commun des régies publicitaires. Face à cette candidature de poids, le milliardaire Xavier Niel, patron-fondateur de Free (groupe Iliad) – en trio avec Matthieu Pigasse et Pierre Bergé pour une offre de 110 millions d’euros répartis à parts égales – a désormais les faveurs de la SRM. Pierre Bergé s’est étonné que « Claude Perdriel puisse s’allier à un envoyé du président de la République en service commandé (Denis Olivennes, proche de Nicolas Sarkozy, ndlr) ». Xavier Niel y va en son nom propre, non pas avec Free. Le trio compte mettre en place une intégration web-papier. La décision du conseil de surveillance du groupe Le Monde est attendue lundi 28 juin. @