Les applis des médias sont quasi absentes du Top 20

En fait. Le 14 octobre s’est tenue la 1ère édition du Trophée des apps, organisée par NPA Conseil, avec Apps TV, le Club des Annonceurs, le Geste, Médiamétrie, MMA France ou encore Orange. Parmi les lauréats : Madame Figaro (smartphone) et France TV Info (tablette), dans la catégorie « Information ».

En clair. En France, selon nos calculs d’après Médiamétrie, YouTube et sa maison mère Google s’arrogent plus d’un quart de l’audience du Top 20 des applications mobile. Soit précisément 25,5 % : c’est énorme ! YouTube est la seule appli à franchir la barre des
10 millions de visiteurs uniques dans le mois (1), à 10,299 millions précisément, suivi
de Google avec 8,867 millions. Après les scores d’iTunes d’Apple et de Yahoo, respectivement 8,778 et 7,072 millions, force est de constater que l’audience des applis en France se fragmente entre les suivants. Pire : les médias français sont quasiment aux abonnés absents de ce Top 20 des applis mobiles.
Quasi, car seule l’appli de L’Equipe (groupe Amaury) y figure, en dernière position avec 1,449 million de visiteurs uniques dans le mois. Malgré leurs investissements soutenus dans des applis destinées aux smartphones (2), dans lesquels ils voient le moyen de faire payer leurs contenus (jusqu’alors gratuits), les médias font moins bonne figure.

Entre visibilité et financement, la presse française joue un double jeu avec Google

Google et l’Association de la presse d’information politique et générale (AIPG) ont lancé le 19 septembre le Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP), doté pour trois ans de 60 millions d’euros. Le double jeu de la presse française
avec le géant du Net est à son comble.

Par Charles de Laubier

Après avoir accusé toutes ces dernières années Google de piller ses articles au mépris des droits d’auteurs et de capter la valeur au détriment de ses rédactions et journalistes, voilà que la presse française – ou du moins une partie des journaux dits d’information politique et générale – en est réduite à demander l’aide financière du numéro un des moteurs de recherche.

La dévalorisation de la presse papier s’accélère face à un numérique tardant à prendre le relais

Valorisé plus de 1 milliard de dollars il y a quelques années, le Washington Post
est cédé à Jeff Bezos – patron d’Amazon – 250 millions de dollars. Ce rachat, annoncé le 5 août, illustre une nouvelle fois la chute interminable de la presse
que le numérique ne réussit pas à revaloriser.

Dans la torpeur de l’été, ce fut une annonce choc : la vente de l’emblématique Washington Post à Jeffrey P. Bezos, le milliardaire fondateur et patron d’Amazon, pour seulement quelques dizaines de millions de dollars. Deux jours auparavant, ce fut à un autre quotidien, le Boston Globe, né lui aussi il y a environ 150 ans aux Etats-Unis,
de passer dans les mains d’un autre milliardaire, John Henry, pour une bouchée de pain (70 millions de dollars).

Le papier continue de chuter
Comme les Américains ont souvent un coup d’avance sur les Européens, il y a fort à parier que cette grande braderie de la presse écrite ne s’exporte outre-Atlantique. La baisse du lectorat papier assortie de l’érosion de la diffusion et la chute continue des recettes publicitaires font plus que jamais de la presse écrite un secteur sinistré que
peine à redresser le numérique. Selon l’Audit Bureau of Circulation (ABC), au 31 mars 2013, la diffusion des 593 quotidiens américains a chuté de 0,7 % par rapport à la même date de l’année précédente et celle des 519 journaux du dimanche de 1,4 %.
En Europe, la situation n’est guère plus reluisante. D’après l’OJD, la diffusion de sept quotidiens nationaux français – Le Monde, Le Figaro, Libération, Aujourd’hui en France, La Croix,
Les Echos et L’Equipe – était en baisse de 6,14 % au premier trimestre 2013. Plus globalement, le 23e Observatoire de la presse (1) de l’OJD montre une baisse de la presse française, tous titres confondus, de 3,76 % en 2012.
Cette lente descente aux enfers explique pourquoi de plus en plus de quotidiens – historiquement dévoreurs de capitaux et aujourd’hui de plus en plus déficitaires – sont bradés à des investisseurs, parfois milliardaires, aux allures de philanthropes. Vendre
à tout prix tant qu’il en est encore temps : tel semble être le mot d’ordre des éditeurs
de journaux.
Car il y a en fait urgence si l’on croit les Cassandre : la fameuse prédiction du futuriste Ross Dawson qui, il y a trois ans, a tablé sur la disparition des journaux papier d’ici 2017 aux Etats-Unis et 2029 en France, se vérifiera-t-elle ? Il y a aussi celle du professeur Vin Crosbie, qui affirme que plus de 50 % des 1.400 quotidiens américains auront disparu dans les dix prochaines années. Ou encore Bernard Poulet qui est l’auteur en 2009 de
« La fin des journaux et l’avenir de l’information » aux éditions Le Débat chez Gallimard. Le rachat du Washington Post par Jeff Bezos, est aussi révélateur du rapprochement entre la presse écrite et le e-commerce. Au risque de sacrifier leur indépendance et leur déontologie, les éditeurs de journaux n’hésitent plus à vendre en plus d’informer. Comme la publicité en ligne reste encore un relais de croissance incertain et la monétisation accrue des articles en ligne une manne encore insuffisante, la diversification de la presse vers le e-commerce s’accélère. Un mois avant de tomber dans l’escarcelle du patron d’Amazon, le Washington Post – dont les ventes avaient chuté de 7,2 % en 2012, à 457.100 exemplaires par jour – avait annoncé qu’il rendait payant son édition numérique au-delà de vingt articles consultés gratuitement en ligne par mois (2). Jeff Bezos, lui, incarne deux planches de salut pour la presse : la tablette synonyme de retour au payant et le e-commerce comme nouvelle source de revenu. En France, le spécialiste du ecommerce Cards Off n’a-t-il pas racheté France Soir en 2012 pour marier contenu éditorial et e-commerce ? La mission de Reworld Media, qui a racheté Marie Claire
pour 1 euro symbolique n’a-t-il pas comme mission de « donner aux consommateurs [comprenez leurs lecteurs, ndlr] la meilleure information pour mieux acheter » ?
D’autres éditeurs vont par eux-mêmes vers le e-commerce comme Le Figaro ou Lagardère. « Nous allons continuer à nous diversifier dans le e-commerce », a expliqué Denis Olivennes, président du directoire de Lagardère Active, devant l’Association des journalistes médias (AJM) en décembre dernier (3). Après les sites web féminins Elle.fr, Ellepassions.fr ou Be.com, cette stratégie – que d’aucuns pourraient considérer comme mercantile et antinomique avec le journalisme – va être généralisée à d’autres titres de Lagardère Active afin de «monétiser l’audience Internet ».

Diversification dans le e-commerce
Avant de diriger Les Echos, Francis Morel avait, lui, diversifié Le Figaro (groupe Dassault) dans des sites web commerciaux : petites annonces, billetterie, assurance, santé-bien être, immobilier, locations de vacances, construction de maisons, golf, … Décidément,
« la presse s’acoquine avec le e-commerce » (4). @

Charles de Laubier

Pourquoi Rupert Murdoch a cassé en deux son groupe News Corp, sur fond d’échecs numériques

Depuis le 1er juillet, est cotée en Bourse chacune des deux nouvelles sociétés issues de la scission intervenue le 28 juin de l’empire News Corp de Rupert Murdoch : d’un côté les activités de presse et d’édition (nouveau News Corp),
de l’autre celles de télévision et de cinéma (21st Century Fox).

Par Charles de Laubier

RMLe magnat américano-australien des médias Rupert Murdoch (photo), 82 ans, divise pour… mieux régner encore un peu. Alors que son conglomérat News Corp, constitué au cours
des 60 dernières années, vient de terminer pour la dernière
fois une année fiscale « intégrée » au 30 juin 2013, le divorce
est désormais consommé entre les deux branches.
Fini le géant des médias aux actifs valorisés 68 milliards de dollars et au méga chiffre d’affaires annuel de 35 milliards de dollars. Désormais, il faudra compter avec deux entités présidées par le patriarche milliardaire : le nouveau News Corp réunissant les activités presse et édition (Dow Jones/The Wall Street Journal, The New York Post, The Times, The Sunday Times, The Sun, The Australian, The Daily Telegraph, HarperCollins Publishers, Amplify, …), et 21st Century Fox regroupant les activités télévision et cinéma (Fox, FX cable networks. Fox broadcasting, 20th Century Fox, BSkyB, Sky Italia, Sky Deutschland, …).

Deux nouveaux exercices commencés depuis le 1er juillet
Signe que Rupert Murdoch est contraint de tourner plus vite la page de la presse qui l’a le plus passionné : il devient président et directeur général de 21st Century Fox, mais il est seulement président du nouveau News Corp, Robert Thomson en étant le directeur général.
Le magnat de la presse a dû céder et opérer ce méga spin off sous la pression des investisseurs.  Pour chacune des deux nouvelles sociétés cotées séparément, le nouvel exercice fiscal a débuté le 1er juillet. La nouvelle société de presse et d’édition pourrait voir son chiffre d’affaires reculer de 4 % à 7,7 milliards de dollars.
Tandis que la nouvelle société de télévision et de cinéma verrait le sien gagner près de
10 % à 30,2 milliards (1). Le cours de Bourse de chacune des deux entités – symbolisées respectivement par NWSA et FOXA – pourrait être volatil durant juillet (2), le temps que les investisseurs et les actionnaires arbitrent sur les deux titres : vont-ils se débarrasser du nouveau News Corp pour ne garder que 21st Century Fox ? Garderont-ils les deux ? Abandonneront-ils tout ce qui se réfère à Murdoch ? Avant la séparation, les sociétés 21st Century Fox et nouveau News Corp étaient valorisées respectivement à environ 65 milliards et 9 milliards de dollars.

Télé-ciné plus rentable que presse-édition
Le nouveau News Corp, qui gagnerait à être rebaptisé, va tenter de redorer une image quelque peu écornée. La chute des recettes publicitaires « papier » au profit du digital, les difficultés à s’adapter au numérique, les pertes enregistrées par cette activité déclinante (3) et le scandale en 2011 des écoutes illégales au News of the World (fermé il y a deux ans) ont eu raison du « papivore » et devraient se solder par une réduction drastique des coûts. Si aujourd’hui encore ce groupe de presse – qui détient en outre depuis octobre 2012 la moitié du capital de l’opérateur de télévision payante australien Foxtel, l’opérateur télécoms Telstra détenant l’autre moitié) – est crédité de la première capitalisation boursière aux Etats-Unis (4), qu’en sera-t-il vraiment demain ?
Le groupe a déjà annoncé que l’activité presse-édition sera dépréciée de 1,4 milliard
de dollars en raison d’un flux de trésorerie en baisse dans ses journaux américains
et australiens. Mais une partie des 2,6 milliards de dollars de trésorerie mis à la disposition du nouveau News Corp – dépourvu de dette – laissent présager des acquisitions : le Los Angeles Times du groupe américain Tribune serait une cible tout comme le développement dans la presse sur Internet, l’éducation numérique ou encore l’immobilier en ligne. En Europe, News Corp pourrait entrer dans le capital du groupe de presse italien RCS Mediagroup (Corriera della Sera) à côté de Fiat, dont le président, John Elkann, est depuis mai membre du conseil d’administration de News Corp.
Quant à la nouvelle société 21st Century Fox, elle hérite des actifs audiovisuels plus rentables. La télévision à péage Sky Deutschland contrôlé à 54,5 % depuis le début
de l’année, l’est désormais par 21st Century Fox et consolidé dans les comptes. Selon
le journal allemand Manager Magazin du 21 juin, le fils, James Murdoch, deviendrait président du conseil de surveillance de Sky Deutschland d’ici la fin de l’année. A noter, par ailleurs, que Delphine Arnault, fille aînée du PDG de LVMH, entre au conseil d’administration de 21st Century Fox.
La saga médiatique de Rupert Murdoch n’a pas été non plus couronnée de succès sur
le front numérique : il n’a pas eu de chance avec Internet qu’il a eu du mal à adopter. Il a fallu que son plus jeune fils, James Murdoch, entré dans le groupe en 1997, insiste pour l’intéresser enfin au Web… juste avant l’éclatement de la bulle Internet. Mais plus de dix ans après, l’octogénaire a essuyé les plâtres : MySpace, le réseau social qu’il a acquis près de 600 millions de dollars en 2005 (c’était alors très cher pour deux ans d’existence), a été laminé par Facebook. Face à la baisse de la publicité sur le pionnier des réseaux sociaux, dont la fréquentation a diminué faute d’avoir su convaincre les fans de musique, il a fallu déprécier, supprimer la moitié des effectifs et restructurer. Même la femme du PDG, Wendi Murdoch, fut appelée à la rescousse en mai 2010
pour développer MySpace en Chine. Cela n’a pas suffit. Malgré ses 100 millions d’utilisateurs à l’époque, MySpace a finalement été vendu en juin 2011 pour environ… 30 millions de dollars, soit vingt fois moins que le prix d’achat ! Rupert Murdoch reconnaîtra plus tard que MySpace avait été « très mal géré ».
Entre temps en février 2011, il s’engage dans une autre aventure numérique avec le lancement de « The Daily », un quotidien payant créé dans un premier temps pour l’iPad. Investissement de départ : 30 millions de dollars et une centaine de personnes recrutées. Mais, devenu un militant de la presse on line payante après avoir racheté en 2007 le Wall Street Journal, Murdoch mise ainsi sur le payant en ligne. Mais le monde fermé d’Apple ne lui portera pas chance (5). Il y a sept mois, le 15 décembre dernier, News Corp, arrête la publication de The Daily qui n’a pas dépassé les 100.000 abonnés. Résultat, le directeur en charge des activités numériques, Jonathan Miller, est remplacé par Paul Cheesbrough. Il faut dire que la publication des résultats annuels de l’ancien groupe News Corp, arrêtés au 30 juin 2012 et publiés durant l’été, font l’effet d’une douche froide : chute de 57 % du bénéfice net à 1,18 milliard de dollars pour un chiffre d’affaires de 33,71 milliards en presque stagnation (+ 1 %).
A ces déboires numériques, s’ajoutent les démêlés de la filiale édition du groupe, HarperCollins, la Commission européenne la soupçonnant d’entente illicite avec Apple et d’autres éditeurs (dont Hachette Livre/Lagardère) sur le prix des e-books. Cette affaire a été soldée à l’amiable par les cinq éditeurs incriminés, qui ont dû verser 170 millions de dollars d’amendes et de dédommagements, alors que la procédure judiciaire contre Apple se poursuit.

De l’échec MySpace à la vente de Hulu
Par ailleurs, News Corp cherche à se désengager de Hulu, la plate-forme pionnière du streaming VOD cocréée en 2007 avec Walt Disney, NBC Universal et General Electric. Malgré ses 4 millions d’utilisateurs et un chiffre d’affaires de 700 millions de dollars réalisé en 2012, Hulu s’est fait largement distancé par son redoutable concurrent Netflix (lequel pèse 3,6 milliards de dollars de revenus en 2012 et 36 millions d’abonnés). Les actionnaires de Hulu cherchent à vendre (6) – soit à l’un d’entre eux, soit à un tiers (7). Yahoo est sur les rangs, après avoir échoué à s’emparer de Dailymotion, tout comme… l’ancien président de News Corp, Peter Chernin (8), à l’origine de la création de Hulu.
A suivre. @

Charles de Laubier

La presse et la radio se lancent à l’assaut de la télé

En fait. « Le 14 mai à 18h00, vous trouverez à cette adresse [Lopinion.fr] un nouveau média : L’Opinion », a annoncé Nicolas Beytout sur son site web avant
le lancement… vers 20 heures. A l’instar de la presse et de la radio, l’ancien patron des Echos mise sur la vidéo pour être plus visible et attirer la publicité.

En clair. La presse et la radio misent de plus en plus sur la vidéo, laquelle ne relève pourtant pas de leur savoir-faire historique. C’est une tendance de fond qui devrait brouiller à terme les frontières qui préexistaient avant l’ère numérique. L’écrit et l’audio
se mettent ainsi à marcher sur les platesbandes de la télévision. Nicolas Beytout parle
de « chaîne vidéo » et de « journal télévisé » (JT) sur L’Opinion, ce qui lui permet de s’immiscer à nouveau dans le PAF (1).
Il faut dire que l’ex-PDG du groupe Les Echos a toujours été attiré par la télévision, non seulement lorsqu’il était directeur de la rédaction du quotidien économique et financier Les Echos (doté de son propre studio télé) mais aussi lorsqu’il avait des vues sur la direction de l’information de TF1 (en 2007), en passant par ses différentes collaborations télévisées (LCI, iTélé, …).
Avec L’Opinion, présenté initialement comme un « bimédia » (web-papier), Nicolas Beytout renoue avec l’audiovisuel. Quelque 40 minutes de vidéo seront proposées chaque jour sur le site web du quotidien pluri-média, dont deux flashes d’information vidéo diffusés à 12 heures et à 21 heures, ainsi qu’un JT à 18 heures. « L’information vidéo aura la même ligne que le journal, c’est à dire libérale, européenne et probusiness », a tenu à préciser le directeur de la rédaction lors d’une conférence de presse le 13 mai dernier. Et contrairement à la majeure partie de L’Opinion qui est payante, la vidéo sera proposée gratuitement.
Cela se comprend aisément : la publicité sur vidéo en ligne (dite in-stream, c’est-à-dire intégrée dans le flux vidéo en streaming) affiche le plus fort dynamisme (+ 50 % à 90 millions d’euros en 2012) du marché français des recettes de la e-pub (2). Les autres médias traditionnels, comme Le Figaro côté presse et RTL côté radio, ne s’y sont pas trompés. Fin mars, le quotidien de Serge Dassault lançait un portail Figaro TV d’actualités vidéo (video.lefigaro.fr). De plus, le quotidien papier propose la fonction Figaro Play pour les détenteurs de smartphone qui souhaitent prolonger en vidéo un article imprimé. Fin avril, RTL commençait à diffuser sur Internet et en direct vidéo de ses studios la tranche 7h-12h30. Mi-mai, Europe 1 faisait de même sur la tranche 6h30-13h. Le journal vidéo et la radio filmée vont bousculer un peu plus la manière de regarder la télé. @