L’odyssée de la presse

Ah bon, on lit encore la presse ? Mais oui, même s’il est vrai que cela ne fait que quelque temps que j’ai retrouvé le goût de la lecture des nouvelles du matin. J’ai lu mon dernier exemplaire papier il y trois ans : j’avais succombé aux ultimes efforts des groupes de presse pour nous satisfaire en prenant un abonnement à mon quotidien préféré, livré chaque matin avant que le soleil ne se lève. Mais la dernière réorganisation industrielle conjuguée à la pression des nouvelles directives européennes en matière de développement durable (le cocktail « matière première-impression-transport- livraison » était devenu vraiment insoutenable) a encore réduit la part du support papier. Je lis maintenant l’actualité du matin sur mon écran ePaper, un lecteur dédié qui me permet de disposer de ma sélection d’articles (local, économique, politique) chargés automatiquement dès leur parution, bien avant mon réveil. J’apprécie cet écran qui se fait oublier et qui me suit partout, même sur ma table du petit déjeuner, éclairée par le soleil matinal.

« Les groupes de presse se sont réorganisés
autour de rédactions quiont les moyens de
produire des émissions diffusées et déclinées à la
radio, à la télé, sur Internet et dans des magazines. »

Après les âpres batailles de 2009 – où l’on a vu tour à tour fondre les effectifs des rédactions aux Etats-Unis, le vote de l’étrange loi Hadopi en France et la mise en place du statut d’éditeur de presse en ligne – s’en est donc presque fini de notre presse d’autrefois, même si le papier garde ses lettres de noblesse et un lectorat. Il est vrai cependant que, même avant 2010, les étudiants ne lisaient déjà presque plus de quotidiens papier, hormis un gratuit attrapé hâtivement avant de prendre leur métro. En fait, mon accès à l’info s’est bien simplifié depuis que j’ai tout regroupé dans mon abonnement Internet : les deux magazines auxquels je tiens et les journaux au format électronique pour des articles de fond et l’analyse de certains éditorialistes. Il y aura toujours une place de choix pour l’investigation et l’analyse. J’avoue cependant que mon accès le plus fréquent à l’info reste mon moteur de recherche préféré, qui est mon lien le plus régulier tout au long de la journée : ma revue de presse personnalisée et actualisée en permanence. J’ai ainsi appris à dompter et maîtriser les sources qui me conviennent. J’utilise une dizaine de sites qui sont pour moi autant de titres de référence et que je consulte plus ou moins régulièrement : politiques locale et internationale, cinéma, voyage, vie citoyenne, …

La loi Hadopi consacre le statut d’éditeur de presse

En fait. Le 30 octobre 2009 est paru au « Journal Officiel » le décret qui réforme le régime juridique de la presse, que prévoit la loi Hadopi 1. Il est créé un « statut de la presse en ligne », reconnu par l’Etat, qui peut accorder à ces nouveaux médias des avantages jusque-là réservés à la presse papier.

En clair. Les éditeurs de services de presse en ligne (sites web, newsletters, blogs…) peuvent désormais déposer une demande de reconnaissance à la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Pour peu que le directeur de publication démontre que son titre répond à certains critères énumérés dans ce décret, comme la maîtrise éditoriale, la périodicité des informations liées à l’actualité et « ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion […] industrielle ou commercial ». Et pour la presse en ligne de la catégorie « politique et générale », elle doit employer « à titre régulier au moins un journaliste professionnel ». Ces critères sont prévus dans la loi « Diffusion et protection de la création sur Internet » (loi dite Hadopi 1) du 12 juin 2009. Ce statut reconnu par l’Etat intervient plus de 15 ans après les débuts de la presse sur Internet (1) et moins d’un an après des Etats-généraux de le presse écrite voulus par le président de la République en début d’année (2). Leur sésame « CPPAP » obtenu, les titres diffusés sur Internet et/ou mobiles multimédias pourront bénéficier de l’exonération de la taxe professionnelle. Dans la catégorie « politique ou générale », il est également prévu – au Code général des impôts – un droit aux « provisions pour investissement ». La presse en ligne pourra en outre, après publication d’un autre décret, bénéficier – sous forme de subvention ou d’avance pour les projets de développement – du Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL) qui a fait l’objet d’un nouveau décret daté du 11 novembre 2009. Un Comité d’orientation de l’Etat s’est réuni ce mois-ci pour répartir 20 millions d’euros dans la presse numérique. Quant à la TVA de la presse en ligne, elle est encore à 19,6 %. Alors que la presse papier bénéficie d’un taux réduit à 2,10 %. « Distorsion de concurrence incompréhensible » s’est insurgé le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste). Mais l’initiative du député Patrice Martin Lalande (dans le cadre du projet de loi finances) devrait remédier à cette anomalie fiscale. Voilà de quoi satisfaire Mediapart, Rue89, Slate ou encore Bakchich, fondateurs le 23 octobre dernier du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL). @