Maurice Botbol, président du Spiil : « Ce sont les sites de presse innovants qui méritent d’être aidés en premier lieu »

Président du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) depuis 2009 et directeur fondateur de Indigo Publications, Maurice Botbol nous explique les propositions que lui et Edwy Plenel – reçus à l’Elysée le 28 février – ont faites en faveur de la presse numérique.

Propos recueillis par Charles de Laubier

MB

Edition Multimédi@ : Le Spiil s’est insurgé une nouvelle fois contre le taux de TVA à 19,6 % imposé à la presse en ligne, alors que la presse imprimée, elle, bénéficie du super taux réduit de 2,10 %. François Hollande a-t-il répondu à votre lettre ouverte du 26 février ?
Maurice Botbol : Non, le président de la République n’a pas encore répondu à notre courrier. Mais, avec Edwy Plenel, secrétaire général du Spiil, nous avons été longuement reçus le 28 février à l’Elysée par David Kessler, conseiller pour la culture et la communication. Nous lui avons notamment remis un mémoire juridique expliquant pourquoi la presse numérique estime être dans son droit en lui appliquant le même taux
de TVA que la presse papier (1). Il s’est montré très attentif à notre argumentation et nous a assuré de son soutien. Nous lui avons expliqué, et il en a convenu, qu’il était difficile de défendre le principe de neutralité fiscale pour le livre numérique, et pas pour la presse. Cette situation est d’autant plus paradoxale que les ministres Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti (2) ont annoncé le 22 février qu’elles s’appuieraient sur le principe de neutralité fiscale pour défendre le taux réduit de TVA pour le livre numérique devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Nous avons annoncé, pour notre part que si les redressements fiscaux que subissent nos adhérents qui appliquent la TVA à 2,10 %
(Arrêt sur images et Dijonscope) étaient maintenus, nous poursuivrions l’Etat français devant la CJUE. Et nous utiliserions alors contre lui les mêmes arguments qui lui servent à défendre sa position sur le livre numérique !

Google France : le patron change, les dossiers restent

En fait. Le 5 mars, Carlo d’Asaro Biondo, président de Google Europe du Sud, de l’Est, Moyen-Orient et Afrique, a annoncé la nomination d’un nouveau directeur général pour la filiale française : Nick Leeder, dont la femme est Française, quitte l’Australie pour remplacer le 1er avril Jean-Marc Tassetto.
CAB GoogleEn clair. Le président de Google Europe, Carlo d’Asaro Biondo (photo), reprendrait-il en main la filiale française qu’il ne s’y prendrait pas autrement, en y nommant un nouveau directeur général pour remplacer Jean-Marc Tassetto sur le départ.
Ce dernier, à ce poste depuis moins de trois ans (octobre 2010 (1)), aurait été dépassé par les négociations avec l’Association de la presse IPG (information politique et générale) sous la houlette du médiateur Marc Schwartz nommé fin novembre par le gouvernement.
C’est Carlo d’Asaro Biondo, et non plus Jean- Marc Tassetto, qui avait alors mené la fin du bras de fer jusqu’au bout. Une loi a été évitée par Google.
L’ultimatum du chef de l’Etat n’a pas été respecté
Mais Eric Schmidt lui-même, le patron du groupe Google, a dû signer le 1er février à l’Elysée – en présence de François Hollande – un protocole d’accord « historique », lequel doit encore être finalisé d’ici fin mars avec son fonds de 60 millions d’euros (2) (*) (**).
Avec Jean-Marc Tassetto, les négociations se sont enlisées au-delà de l’échéance du
31 décembre 2012 que le chef de l’Etat avait fixée comme ultimatum en vue d’aboutir à un accord. A défaut de quoi, il menaçait de légiférer en faveur d’une « Lex Google » et de droits voisins que demandait l’association IPG.
Aux yeux de Google, vallait mieux un accord qu’une loi
« Je suis dubitatif sur la signature d’un accord avant la fin de l’année [2012] », avait avoué dès mi-décembre Jean-Marc Tassetto lors d’une intervention à HEC (3).
A-t-il sous-estimé la détermination des trois syndicats de l’AIPG (SPQN, SEPM et SPQR) en parlant de « manque d’unité sur le front des éditeurs » ?
Auparavant, dans une lettre adressée au gouvernement et révélée mi-octobre par l’AFP, Google France avait menacé de ne plus référencer les médias français sur Google Actualités si un droit d’auteur pour la presse était imposé par la loi. Bref, les négociations tournaient au conflit.
Vers un redressement fiscal de 1 milliard d’euros ?
Autre dossier épineux : celui de la fiscalité. Le fisc français réclamerait à Google France 1 milliard d’euros ! « Maintenant, ça n’exonère pas Google de ses autres devoirs, je pense notamment à des devoirs fiscaux (…) Tout le travail ne s’arrête peut-être pas là », avait déclaré Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, le 10 février sur Canal+, après s’être félicitée de l’accord Google-AIPG…
L’Australien Nick Leeder, parlant couramment notre langue et diplômé en France de l’Insead (4), a déjà son comité d’accueil à la française… @
 

Le Monde : les défis de Natalie Nougayrède pour fin mars

En fait. Le 21 février, Natalie Nougayrède – proposée par le trio actionnaire Bergé-Niel-Pigasse pour succéder à Erik Izraelewicz à la tête du Monde – a présenté son projet devant la rédaction du quotidien. Journaliste internationale, il lui est reproché de méconnaître la mutation numérique du journal.
(Depuis la publication de cet article dans Edition Multimédi@ n°74, Natalie Nougayrède a été élue à 79,4 % des suffrages exprimés le 1er mars 2013 )
NNEn clair. La future patronne du Monde, Natalie Nougayrède (photo), n’aura qu’un mois pour se mettre au diapason, entre le vote du 1er mars où elle doit recueillir au moins 60 % des suffrages de la rédaction pour valider sa nomination et le 31 mars où le journal doit étoffer son contenu imprimé et numérique.
Le président du directoire du groupe Le Monde, Louis Dreyfus, avait en effet esquissé mi-décembre deux grandes évolutions éditoriales prévues d’ici « fin mars » : sur le papier, un cahier quotidien sur l’économie sur le modèle des pages saumon du Figaro ; sur le web, des espaces premium à l’attention des abonnés.
Orchestrer papier et digital, articuler gratuit et payant
Ces enrichissements rédactionnels du quotidien du soir interviendra trois mois après être devenu généraliste le plus cher (1) avec 1,80 euro l’exemplaire papier (3,50 le weekend) et à 15 euros par mois pour la version numérique (24,90 par mois pour l’intégral papier-web-mobile-tablette).
Mais le grand défi de Natalie Nougayrède sera d’orchestrer une vraie rédaction bimédia (digital-papier) et d’accroître l’articulation freemium (gratuit-payant). Lors d’un débat sur la presse le 8 février dernier, Louis Dreyfus a indiqué que « 15 % des lecteurs achètent le journal en version digitale, on va arriver rapidement à 20 %, mais il faut quand même avoir des sites gratuits forts ». Continuer la lecture

Denis Olivennes, Lagardère Active : « Nous allons continuer à nous diversifier dans le e-commerce »

Président du directoire de Lagardère Active (Elle, Europe 1, Paris Match, JDD, MCM, …) depuis un an, Denis Olivennes (notre photo) veut accélérer dans le numérique qui représente moins de 85 millions d’euros sur 1 milliard de chiffre d’affaires. Ainsi, Elle va passer de la boutique à une « place de marché ».

Par Charles de Laubier

Lagardère Active a beau être le premier éditeur de presse magazine en France, numéro un de la presse féminine avec Elle, premier groupe de média sur Internet et premier groupe français en production audiovisuel, il n’en reste pas moins encore lilliputien dans le numérique.
Sur le milliard de chiffre d’affaires généré par Lagardère Active, le digital pèse en effet tout juste 8,5 %. Le problème est que ce taux n’a pas vraiment progressé depuis les 7 % constatés en 2010 puis en 2011, malgré l’objectif fixé à l’époque par Didier Quillot d’atteindre les 10 % des revenus avec le numérique (1).

Services de presse en ligne : soutien de l’Etat mais moins de liberté

Quatre mois après la parution des décrets sur le nouveau régime des services de presse en ligne et quelques jours après la troisième réunion – le 16 février – afin de répartir les 20,2 millions d’euros pour leur venir en aide, Edition Multimédi@ revient sur ce « label » et ses conséquences.

Par Hervé Castelnau, avocat associé (photo), et Thibaut Kazémi, avocat à la Cour, Norton Rose LLP

En octobre 2008 le Président de la République avait lancé les Etats généraux de la presse écrite pour réfléchir au devenir de ce secteur en pleine tourmente économique, notamment face au développement de l’Internet et des journaux gratuits.
Les travaux de ces états généraux ont abouti à la remise au gouvernement, le 23 janvier 2009, d’un Livre vert de plus de 90 recommandations. Parmi celles retenues par Nicolas Sarkozy et introduites dans la loi Hadopi I du 12 juin 2009 figurait la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne et une augmentation de l’aide de l’Etat au développement des journaux sur Internet.