Google : Amit Mehta, le juge du « procès du siècle »

En fait. Le 12 septembre s’est ouvert à Washington « le procès du siècle », selon l’expression utilisée par The American Prospect pour désigner l’affaire « United States versus Google ». Choisi au hasard pour présider ce procès : le juge Amit P. Mehta. Cet Indo-américain pourrait démanteler la filiale d’Alphabet.

En clair. Avec ses 90 % de parts de marché, Google est ainsi accusé – depuis trois ans (1) par le département américain de la Justice (DoJ) – d’abus de position dominante et de constitution de monopole. Ironie de l’histoire, c’est ce juge Indo-américain – Amit Mehta, né en 1971 à Patan en Inde – qui fait face à cet autre Indo-américain, patron d’Alphabet et de sa filiale Google – Sundar Pichai, né en 1972 à Madurai, en Inde également.
Amit Mehta préside ce « procès du siècle », comme l’appelle le magazine The American Prospect (2). Cet avocat a été nommé en décembre 2014 juge du district de Columbia (3) par Barack Obama et en juin 2021 membre de la Cour de surveillance du renseignement étranger des Etats-Unis (FISA Court).

La banque centrale américaine, la Fed, met des bâtons dans les cryptos pour préserver le dollar

A peine le géant du e-paiement PayPal avait-il annoncé le 7 août sa cryptomonnaie indexée sur le dollar, baptisée « PayPal USD », que la banque centrale des Etats-Unis – la Federal Reserve (Fed) – publiait le lendemain un avertissement à l’attention du secteur bancaire américain.

Il ne s’agit pas, du point de vue des Etats- Unis, de déstabiliser le sacro-saint dollar américain, qui est devenu depuis la Seconde-Guerre mondiale (1) la plus importante monnaie de réserve internationale, après avoir détrôné la livre sterling britannique. Le dollar est la monnaie la plus utilisée dans le monde. Or dès qu’une monnaie ou une devise – et à plus forte raison une cryptomonnaie – menace la suprématie du billet vert, la Fed (Federal Reserve) voit rouge.

La Fed freine les cryptos et lance FedNow
D’où ses mises en garde aux émetteurs de monnaies numériques, y compris celles adossées au dollar. C’est ainsi que la banque centrale américaine (2) a publié le 8 août – soit le lendemain de l’annonce par PayPal de sa propre cryptomonnaie indexée sur le dollar et baptisée « PayPal USD » – un avertissement aux banques des 50 Etats membres, du moins à celles « qui cherchent à s’engager dans certaines activités impliquant des jetons en dollars ». La Fed, présidée par Jerome Powell (photo), a rappelé que le Federal Reserve Act (3) permet au conseil des gouverneurs de la Fed d’exercer son « pouvoir discrétionnaire » pour « limiter les banques d’Etat membres et leurs filiales à n’exercer, en tant que mandant, que les activités qui sont autorisées pour les banques nationales ».
Pour les transactions avec des jetons en dollars (dollar tokens) rendues possibles – comme pour toutes les cryptomonnaies – par la blockchain, ce que la Fed appelle « la technologie du grand livre distribué [distributed ledger] ou des technologies similaires », elles sont possibles mais à une condition : que la banque ait obtenu l’autorisation après avoir démontré au Bureau du contrôleur de la monnaie (OCC) et aux superviseurs qu’elle a mis en place « des contrôles pour mener l’activité de manière sûre et saine ». Autrement dit, pour peu qu’elles aient le feu vert de la Fed, les banques américaines peuvent « effectuer des activités de paiement à titre principal, notamment en émettant, détenant ou effectuant des transactions de jetons en dollars », ce que l’OCC appelle des « stablecoin » (cryptos adossées à une monnaie plus stable comme le dollar ou l’euro).

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas, seule est pratiquée la pseudonymisation

A part pour certains geeks utilisant Tor, l’anonymat sur Internet n’existe quasiment pas – contrairement à une idée répandue. L’identification d’un internaute utilisant un pseudonyme se fait par son adresse IP et peut être ordonnée par un juge sur « réquisition judiciaire ». « L’anonymat sur les réseaux sociaux n’est plus une protection face à la justice », a lancé le procureur de la République de Créteil, Stéphane Hardouin, le 6 juillet dernier sur son compte professionnel LinkedIn, en montrant son communiqué expédié le même jour (1). Il annonce qu’un jeune homme âgé de 19 ans, ayant relayé de façon anonyme sur Twitter – après la mort de Nahel tué à bout portant par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre et ayant suscité une forte émotion – un appel à attaquer le centre commercial « Créteil Soleil » et le tribunal judiciaire de Créteil, a été identifié avec l’aide de Twitter. Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, … Présumé innocent, il encourt en cas de culpabilité jusqu’à cinq ans de prison d’emprisonnement et 45.000 euros d’amendes. Son anonymat a été levé par Twitter sur réquisition judiciaire adressée le 1er juillet au réseau social à l’oiseau bleu. Accusé de « provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit et complicité de dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui », le garçon majeur – domicilié dans le Val-de-Marne – a été interpellé le 6 juillet et placé en garde à vue au commissariat de Créteil. Après son tweet, il se trouve que le centre commercial « Créteil Soleil » était pris d’assaut le 30 juin (21 individus interpelés), puis dans la nuit du 2 au 3 juillet des barricades faites de poubelles était incendiées et des mortiers était tirés aux abords du tribunal judiciaire de Créteil. Son message a été repéré par Pharos, la « plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements » de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), au sein de la Police judiciaire. Pour la réquisition judiciaire adressée à Twitter, le procureur de Créteil, Stéphane Hardouin, fait référence dans son communiqué à la circulaire du garde des sceaux datée du 30 juin et signée par Eric Dupond-Moretti (photo), qui appelle notamment à « une réponse pénale ferme ». Le ministre de la Justice pointe notamment l’anonymat sur les réseaux sociaux qui peut être levé par un juge : « Il apparaît que de nombreuses exactions sont commises après avoir été coordonnées via les systèmes de diffusion de messages sur certains réseaux sociaux dits OTT pour “opérateurs de contournement” (Snapchat notamment). Il doit être rappelé que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-650 du 25 mai 2021, les OTT sont considérés comme des opérateurs de communication électronique (…), au sens de l’article L.32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Dès lors, ils sont tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, car relevant des mêmes obligations que les opérateurs téléphoniques. Ils peuvent ainsi être requis au visa de l’urgence pour assurer une réponse rapide sur les éléments de nature à permettre d’identifier les auteurs de ces messages ». Dans la circulaire « Traitement judiciaire des violences urbaines » de quatre pages (2), émise par la Direction des affaires criminelles et des grâces à l’attention des procureurs et des présidents des tribunaux, le garde des sceaux leur demande de « veiller à retenir la qualification pénale adaptée aux faits perpétrés dans ce contexte et à procéder à une évaluation rapide et globale de la situation de manière à pouvoir apporter une réponse pénale ferme, systématique et rapide aux faits le justifiant ». Et d’ajouter : « Pour les mis en cause majeurs, la voie du défèrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sera privilégiée pour répondre aux faits les plus graves ». Eric Dupond- Moretti a rappelé en outre que « les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents ». Que cela soit dans la vraie vie ou sur les réseaux sociaux, nul n’est censé échapper aux sanctions pénales si la justice juge coupable l’individu ou l’internaute interpellé. Pseudonymisation et démocratie vont de pair Dans son rapport annuel 2022 – publié le 27 septembre – sur « les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » (3), le Conseil d’Etat a estimé que « les réseaux sociaux engendrent une désinhibition, souvent aggravée par l’anonymat, qui ouvre la voie à de nombreux actes malveillants ». Faut-il pour autant interdire l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux ? Les sages du Palais-Royal se sont dits très réservés sur la suppression de l’anonymat qui n’est autre que de la pseudonymisation : « La possibilité de s’exprimer sous un autre nom que le sien, qui a toujours été admise dans la vie réelle, est, comme l’a d’ailleurs rappelé par exemple la Cnil (4), “une condition essentielle du fonctionnement des sociétés démocratiques” qui permet “l’exercice de plusieurs libertés fondamentales essentielles, en particulier la liberté d’information et le droit à la vie privée”. Elle peut faciliter la prise de parole de personnes qui craignent la discrimination ou souhaitent contester les positions acquises ». L’anonymat du Net est toute relative Le Conseil d’Etat estime en outre que « la suppression de l’anonymat, qui n’a été adoptée par aucune démocratie occidentale et n’est pas envisagée au sein de l’Union européenne, ne paraît pas constituer une solution raisonnable conforme à notre cadre juridique le plus fondamental ». Et contrairement aux détracteurs d’Internet et des réseaux sociaux, l’anonymat sur Internet n’existe pas en général. « Cette forme d’anonymat n’est que relative. Il est en effet relativement facile, en cas de nécessité, d’identifier une personne compte tenu des nombreuses traces numériques qu’elle laisse (adresse IP, données de géolocalisation, etc.). La LCEN [loi de 2004 pour la confiance dans l’écono-mie numérique, ndlr] prévoit l’obligation de fournir à la justice les adresses IP authentifiantes des auteurs de message haineux et plusieurs dispositifs normatifs, dont la directive dite “Police-Justice”, obligent les opérateurs à conserver de telles données : en pra-tique, les opérateurs répondent généralement sans difficulté aux réquisitions judiciaires pour communiquer l’adresse IP. Les obstacles rencontrés existent mais apparaissent finalement assez limités : la possibilité de s’exprimer sur Internet sans laisser aucune trace paraît donc à ce jour réservée aux “geeks” les plus aguerris [utilisant notamment le navigateur Tor garantissant l’anonymat de ses utilisateurs, ndlr] ». La pseudonymisation, comme le définit d’ailleurs l’article 4 paragraphe 5 du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), est un traitement de données personnelles réalisé de manière à ce que l’on ne puisse plus attribuer les données à une personne physique identifiée sans information supplémentaire. « En pratique, rappellent les sages du Palais-Royal, la pseudonymisation consiste à remplacer les données directement identifiantes (nom, prénoms, etc.) d’un jeu de données par des données indirectement identifiantes (alias, numéro séquentiel, etc.). La pseudonymisation permet ainsi de traiter les données d’individus sans pouvoir identifier ceux-ci de façon directe. Contrairement à l’anonymisation, la pseudonymisation est une opération réversible : il est possible de retrouver l’identité d’une personne si l’on dispose d’informations supplémentaires ». Sans remettre en cause l’anonymat de l’expression, le Conseil d’Etat propose notamment la généralisation du recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance. Et ce, notamment pour mieux protéger les mineurs, vérifier la majorité numérique – laquelle vient d’être fixée en France à 15 ans (5) – et de garantir la fiabilité des échanges sur les réseaux sociaux. La Cnil, présidée par Marie-Laure Denis (photo ci-contre), veut préserver l’anonymat. Y compris lorsque les sites pornographiques vérifient l’âge de leurs utilisateurs, sous le contrôle de l’Arcom. Pour cela, la Cnil préconise depuis juin 2021 le mécanisme de « double anonymat » (6) préféré à la carte d’identité. Ce mécanisme empêche, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application de contenus pornographiques à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, l’éditeur du site ou de l’application en question d’avoir accès aux données susceptibles d’identifier l’utilisateur (7). Quant au contrôle parental, il sera activé par défaut en France sur tous les terminaux à partir du 13 juillet 2024, selon le décret « Renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » du 11 juillet paru 13 juillet (8). « Couper les réseaux sociaux » (Macron) « Quand les choses s’emballent pour un moment, [on peut] se dire : on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper », a lancé Emmanuel Macron de l’Elysée, le 4 juillet dernier, devant un parterre de 300 maires de communes touchées par les émeutes déclenchées par le meurtre du jeune Nahel. Face au tollé provoqué par ce propos digne d’un régime autoritaire à la Corée du Nord, à l’Iran ou à la Chine, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a dû rétropédaler en ne parlant plus que de « suspensions de fonctionnalités » comme la géolocalisation. Si couper les réseaux sociaux est faisable techniquement, avec l’aide des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la décision de le faire risque d’être illégale au regard des libertés fondamentales qui fondent une démocratie. @

Charles de Laubier

Le gouvernement se prépare à réguler NFT et tokens

En fait. Le 18 juillet, l’Inspection générale des finances (IGF) – service interministériel de Bercy – a publié son rapport sur les cryptoactifs à vocation commerciale, dont les NFT utilisés dans l’art, les collections, les jeux vidéo ou encore les métavers. Elle conseille au gouvernement d’« adapter le cadre juridique ». En clair. « Si les pouvoirs publics souhaitent encourager le développement des jetons à vocation commerciale dans l’économie française, plusieurs problématiques doivent être traitées afin d’apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs et de maîtriser les risques afférents », conseille l’Inspection générale des finances (IGF). Service interministériel rattaché à Bercy, l’IGF prépare les esprits à une régulation juridique et fiscale en France des jetons numériques (token, NFT, cryptoactifs). « Tout d’abord, la nature des droits associés aux jetons (qui font souvent office de bons donnant droit à un sous-jacent, comme l’accès à un service) doit être clairement établie et rendue publique lors de leur émission, dans un souci de protection des consommateurs », estiment les auteurs du rapport, lequel, avec ses annexes, ne fait pas moins de 336 pages (1). Alors que le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit MiCA (2), est entré en vigueur le 29 juin dernier et applicable entre le 30 juin 2024 et le 30 décembre 2024, tous les jetons ne sont pas concernés. Si les « security token » (jetons équivalents à des titres financiers) doivent faire l’objet d’un prospectus, et les cryptoactif « autres » (que les jetons se référant à un ou des actifs et les jetons de monnaie électronique), comme les jetons utilitaires, d’un libre blanc, certains jetons ne sont pas concernés par le MiCA. C’est le cas des utility tokens présentant certaines caractéristiques, des NFT, ainsi que des jetons qui ne sont pas admis à la négociation sur une place de marché centralisée et dont le volume d’émission est inférieur à 1 million d’euros par an. « La mission considère qu’un document contractuel explicitant les droits associés doit accompagner l’émission de ces jetons », préconise l’IGF. Ce document contractuel devra définir les droits et obligations incorporés comme sous-jacent dont bénéficie le porteur du jeton. Le rapport propose en outre de créer un statut spécifique pour les plateformes d’échange pair-à-pair comme OpenSea ou Rarible. D’un point de vue fiscal cette fois, le rapport relève que les jetons à vocation commerciale ne sont pas adaptés au régime conçu pour les actifs numériques par la loi Pacte (3). « Ils devraient être soumis au régime fiscal de leur sous-jacent, c’est-à-dire, la plupart du temps, le régime des biens meubles », suggère-t-il. Rapport à lire à tête reposée. @

Commission européenne : Margrethe Vestager part

En fait. Le 20 juillet, cela a fait un mois que Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la concurrence depuis 2014 ainsi que du numérique depuis 2019, a annoncé sa candidature à la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI), laquelle dévoilera les candidats en août. En clair. Pour la Commission « von der Leyen », c’est le début de la fin. Son mandat a débuté en décembre 2019, succédant à la Commission « Juncker » (1), et se terminera en novembre 2024. Margrethe Vestager, troisième vice-présidente de la Commission européenne « pour une Europe préparée à l’ère numérique » et en charge de la concurrence depuis novembre 2014, a lancé le compte à rebours. Cela fait un mois qu’un mercato se prépare à Bruxelles, depuis que la Danoise (55 ans) a annoncé le 20 juin qu’elle se portait candidate à la présidence de la BEI. « Je suis heureuse que le gouvernement danois ait proposé mon nom comme candidate possible au poste de président de la Banque européenne d’investissement », a-t-elle déclaré. Le conseil d’administration de la BEI fera connaître en août la liste des candidats à sa présidence, et Margrethe Vestager devra officiellement quitter ses fonctions et se mettre en congé sans solde, d’après Euractiv. La dame « antitrust » de Bruxelles aura marqué pendant près de dix ans l’exécutif européen en tenant tête aux GAFAM, en infligeant notamment des amendes records. Google a ainsi écopé de trois sanctions financières de la part de la Commission européenne, entre 2017 et 2019 pour un total de plus de 8 milliards d’euros (2). Dernier grief en date envers de la filiale d’Alphabet : le 14 juin dernier, la Commission européenne l’accuse d’abuser, depuis au moins 2014, de ses positions dominantes dans la publicité en ligne (3). Margrethe Vestager a même brandi la menace du démantèlement (4). Apple est aussi dans le collimateur. Amazon et Facebook, eux, ont été épinglés pour violation du RGPD. Margrethe Vestager va passer le flambeau de la puissante direction générale de la concurrence (DG COMP) que dirige Olivier Guersent. D’après des spéculations, le Français Thierry Breton ne serait pas candidat à la succession de Margrethe Vestager mais se verrait bien à la concurrence lors du prochain mandat 2024-2029 de la Commission européenne. Ce jeu de chaises musicales s’annonce au moment où Bruxelles est au coeur d’une polémique autour de la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton comme économiste en chef de la DG COMP justement. Ce devait être à partir du 1er septembre (5). Margrethe Vestager a été auditionnée au Parlement européen le 18 juillet, annonçant « avec regret » le désistement de la professeure d’économie qui officie à la Yale SOM. @