Plateformes collaboratives : à la recherche d’un développement équilibré et durable

Le modèle disruptif des plateformes collaboratives recherche son modèle de régulation. Plusieurs Etats européens, dont la France, ont pris des mesures encadrant le développement de ces plateformes collaboratives. Les préoccupations sont fortes sur les droits et les obligations de ces acteurs.

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a publié en juin dernier une communication présentant « un agenda européen pour l’économie collaborative » (1). Sous ce vocable d’économie collaborative (ou d’économie de partage), elle appréhende
« des modèles économiques où des plateformes collaboratives qui créent un marché ouvert pour l’utilisation temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes privées ».

Spotify : 10 ans cette année, et une dent contre Apple

En fait. Le 1er juillet, Apple a rejeté les accusations de Spotify d’entrave à la concurrence sur l’App Store. Le service de musique en ligne suédois – qui fête ses 10 ans d’existence – se plaint de la commission de 30 % que prélève sur ses abonnements la marque à la pomme… éditrice d’Apple Music.

En clair. Spotify a 10 ans ; Apple Music a 1 an. La plateforme musicale d’origine suédoise a une longueur d’avance avec à ce jour 33 millions d’abonnés payant (sur
100 millions d’utilisateurs déclarés). Tandis que la plateforme de la marque à la pomme revendique actuellement 15 millions d’abonnés payant. Mais Spotify est tributaire en partie d’Apple pour être disponible sur les smartphones, tablettes et baladeurs fonctionnant sous iOS (iPhone, iPad et iPod Touch), via la plateforme de téléchargement App Store.
Et comme Apple y a récemment refusé une mise à jour de Spotify qui proposait un système d’abonnement alternatif à celui du système de paiement iTunes, le directeur juridique de l’entreprise suédois (Horacio Gutierrez) a envoyé le 26 juin une lettre (1) au directeur juridique de la firme de Cupertino (Bruce Sewell) pour s’en plaindre. « Cela soulève de sérieuses questions au regard des règles concurrentielles américaines et européennes », a prévenu le premier. Le second a répliqué : « Spotify doit utiliser le système de paiement d’Apple [iTunes] s’il veut utiliser son application mobile pour recruter de nouveaux utilisateurs et vendre des abonnements ». Ce dialogue de sourds – pour des mélomanes, c’est un comble ! – a le mérite d’étaler au grand jour la rivalité exacerbée entre les deux groupes, depuis qu’Apple Music a été lancé en juin 2015. Non seulement, la marque à la pomme ne permet pas à un service d’utiliser un modèle de paiement alternatif au sien (à la différence de Google), mais elle prélève aussi au passage ses 30 % de commission auprès de ceux qui finalement utiliseraient le billing system iTunes. De plus, Spotify ne peut distribuer son application iOS en dehors de l’App Store d’Apple.
Pour répercuter la commission d’Apple lorsque son appli est achetée chez ce dernier, Spotify a décidé de facturer aux clients 13 dollars par mois au lieu de 10 dollars par mois si elle est acquise à l’extérieur. Le suédois a même proposé à l’automne dernier trois mois d’abonnement à seulement 0,99 dollar pour ceux qui le contractaient directement sur Spotify.com. En juin, Spotify a relancé cette promotion « anti-iTunes », mais a dû l’interrompre sous la menace d’Apple de lui retirer son appli de l’App Store. Ambiance…
Pendant ce temps, Apple veut renforcer Apple Music en voulant acquérir Tidal (2), la plateforme musicale de Jay-Z… @

Amazon, Spotify, Netflix, Steam, … : leurs algorithmes sont-ils les nouveaux prédateurs de la culture ?

Les nouveaux champions de l’industrie culturelle – les « ASNS » – ont fait des algorithmes prédictifs leur fond de commerce, de la production à la consommation en ligne. Mais le risque est de ghettoïser et de communautariser les individus, avec la conséquence pour chacun d’exclure le monde de l’Autre.

Par Fabrice Lorvo*, avocat associé, cabinet FTPA

La révolution numérique n’a pas fini de nous surprendre et nous n’en sommes probablement qu’aux préliminaires. Aux côtés des GAFA, géants du Net, voilà les ASNS (Amazon pour la librairie, Spotify pour la musique, Netflix pour la vidéo et Steam pour les jeux vidéo) qui sont les nouveaux champions de l’industrie culturelle. Ces champions ont recours aux algorithmes prédictifs tant au niveau de la production que de la consommation de contenus culturels.

Olivier Huart, PDG de TDF, craint un « tsunami pour la télévision » et appelle les chaînes à jouer collectif

A la tête de TDF depuis maintenant plus de six ans, Olivier Huart a lancé le 14 juin dernier un appel à l’union aux éditeurs de chaînes de télévision afin de lancer en France une plateforme numérique commune – sur le modèle de Freeview en Grande-Bretagne, où toutes les chaînes sont accessibles.

« Pour la télévision de demain, il faut penser collectif – esprit collectif. Mon appel, je l’adresse à tous les acteurs de la télévision (…) : unissez-vous, unissons-nous. C’est comme ça que la vague du numérique ne se transformera pas en tsunami pour la télévision », a lancé le 14 juin Olivier Huard, le PDG de TDF (1). « La télévision de demain nécessite de basculer vers
un monde multipolaire, beaucoup plus hybride pour intégrer la TNT au cœur de l’écosystème digital. (…) Ce monde multipolaire impose également de travailler de manière beaucoup plus collaborative. Les chaînes seront encore puissantes dans vingt ans. Mais à une condition : qu’elles joignent leurs forces pour faire le saut numérique », a-t-il prévenu.

A quoi va servir le futur médiateur de la musique ?

En fait. Le 15 juin dernier, s’est réunie la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi « Création », lequel a ensuite été approuvé par les députés le 21 juin. Parmi les mesures-phares : l’instauration d’un « Médiateur de la musique », à l’instar du Médiateur du cinéma ou de celui du livre.

En clair. Le texte de loi sera définitivement adopté le 29 juin prochain au Sénat. Fleur Pellerin en a rêvé ; Audrey Azoulay va le faire. Le Médiateur de la musique, qui sera désigné par la ministre de la Culture et de la Communication, va être nommé une fois que la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » sera promulguée et suivie d’un décret « Médiateur de la musique » à publier au Journal Officiel. Ce médiateur sera chargé d’« une mission de conciliation pour tout litige » entre les artistes-interprètes, les producteurs de musique et les plateformes numériques telles que Spotify, Deezer, Apple Music ou encore YouTube. En cas de désaccord ou de conflit,
le Médiateur de la musique pourra être saisi par tout artiste-interprète, producteur, organisation professionnelle ou syndicale, ainsi que par le ministère de la Culture et
de la Communication. Après un premier principe de « liberté de création » que consacre cette loi, le seconde principe est de « créer un écosystème favorable aux artistes et à la création ». C’est dans ce cadre qu’est institué un Médiateur de la musique. « Il contribuera à la résolution des conflits au sein de la filière : ces conflits sont inévitables, même structurels, mais je crois à la possibilité de les résoudre par les vertus de la conciliation », a assuré la ministre de la Culture et de la Communication lors de son intervention à Cannes le 4 juin dernier au 50e Midem (1). Mais pour déminer le terrain avant la nomination de ce Médiateur de la musique, elle a confié à deux inspecteurs généraux des Affaires culturelles – Serge Kancel et Isabelle Maréchal – le soin d’aboutir avec la filière musicale à « la signature d’un code des usages, susceptible d’améliorer leurs relations contractuelles » et leur transparence « comme cela a été le cas dans le domaine du livre ».
Autrement dit : une mission de médiation pour faciliter le travail du Médiateur de la musique. Celui-ci aura un pouvoir d’investigation « sans que puisse lui être opposé le secret des affaires » et d’audition. Il pourra en outre saisir – en « procédure d’urgence » si besoin était – l’Autorité de la concurrence, laquelle peut également saisir le Médiateur de la musique. A l’instar du Médiateur du livre par exemple (2), il devrait faire des propositions législatives ou réglementaires au ministère de la rue de Valois, même si le Sénat a supprimé du texte cette dimension-là… @