Malgré ses pertes financières chroniques, Spotify vise une entrée en Bourse d’ici le début 2018

La société suédoise Spotify, devenue numéro un mondial de la musique en ligne, veut réussir d’ici un an à lever suffisamment d’argent en Bourse pour assurer son avenir. Car, pour l’heure, les pertes financières se creusent malgré un chiffre d’affaires qui franchira cette année les 3 milliards d’euros.

Le numéro un mondial du streaming musical a revendiqué mi-juin 140 millions d’utilisateurs actifs chaque mois, dont près de 50 millions d’abonnés payants, mais continue de perdre de l’argent : 349 millions d’euros en 2016, en hausse de 47 % sur un an, d’après les données financières publiées par sa holding Spotify Technology SA basée au Luxembourg. Quant au chiffre d’affaires, il a progressé de plus de 50 % à 2,93 milliards d’euros.

Avec Internet et le streaming, des musiciens sont tentés de se passer des maisons de disques

Le self-releasing musical émerge. Les plateformes d’auto-distribution – TuneCore de Believe Digital et SpinnUp d’Universal Music, mais aussi CD Baby, EMU Bands, Record Union ou encore Awal – séduisent de plus en plus d’artistes tentés de s’affranchir des producteurs de musique.

« Vous n’avez pas besoin d’un label pour partager votre musique dans le monde entier. Avec TuneCore, mettez facilement en ligne votre musique sur iTunes, Deezer, Spotify et plus de 150 autres plateformes digitales. Vous conservez 100 % de vos droits et 100 % de vos royalties ». Telle est l’accroche de la société newyorkaise qui a créé en 2005 une plateforme numérique de distribution mondiale de musiques. C’est la promesse, pour les artistes qui le souhaitent, de s’affranchir des maisons de disques – lesquelles risquent ainsi d’être « ubérisées » comme les maisons d’édition avec l’auto-édition (1).

Ecrasé entre Spotify et Apple Music, Deezer se retrouve sous perfusion avec Orange et la Fnac

Sans l’accord noué en 2010 – et prolongé jusqu’en 2018 – avec Orange, Deezer n’existerait sans doute plus aujourd’hui. La plateforme française de musique en ligne, qui fêtera ses dix ans au mois d’août (1), a dû s’en remettre aussi à la Fnac pour tenter de résister à la pression de Spotify et d’Apple Music.

Deezer a bénéficié d’une exclusivité avec l’opérateur télécoms historique qui a proposé jusqu’en 2014 des bundles « forfait-musique » avant de faire du streaming musical une option payante. Ce qui a permis à Deezer de survivre et de se maintenir en France avec une part de marché évaluée entre 40 % et 50 %. D’après l’Autorité de la concurrence, qui avait donné discrètement le 24 juin 2016 son feu vert (2) à la prise de contrôle de la plateforme musicale française par Access Industries (3), Deezer était encore l’an dernier la première sur l’Hexagone.

Wild Bunch et Filmo TV sont mis en vente par Lazard

En fait. Le 30 novembre, un porte-parole du groupe Wild Bunch à confirmé notre information selon laquelle le groupe franco-allemand de distribution et de production de films, et éditeur de la plateforme Filmo TV de VOD/SVOD, a
confié un mandat à la banque Lazard « pour renforcer [ses] fonds propres ».

En clair. Selon les informations de Edition Multimédi@, le groupe de distribution et de production de films Wild Bunch – également éditeur depuis 2008 de la plateforme de VOD/SVOD Filmo TV – cherche un repreneur. Un mandat de vente a été confié à la banque Lazard, que Pierre Tattevin représente au conseil de surveillance du groupe coté à la Bourse de Francfort. Les comptes 2015 font apparaître un endettement proche de 90 millions d’euros. En début d’année, la société Wild Bunch – fondée en 2002 par d’anciens de StudioCanal que sont Vincent Maraval, Vincent Grimond et Brahim Chioua (1) – a levé 11 millions d’euros pour se restructurer. Contactée, la direction a seulement confirmé le mandat confié à la banque Lazard « pour renforcer nos fonds propres » – mais sans démentir le mandat de vente.
Basée à Berlin, le nouveau groupe Wild Bunch AG est née en 2014 du rapprochement entre la société française Wild Bunch et son homologue allemand Senator Entertainment (ex-filiale de Bertelsmann). Mais les ambitions de sa nouvelle filiale de production-distribution de séries Wild Bunch TV de devenir « un acteur international présent sur tous les canaux de distribution, de la salle jusqu’au numérique » sont dévoreuses de capitaux. Avec un catalogue de plus de 2.200 films, le groupe est aussi présent en Italie, en Espagne et en Autriche. Vincent Maraval, qui a lancé l’an dernier Insiders (2), a dû réfuter toute intention de partir de Wild Bunch.
Quant à la plateforme Filmo TV (filiale Filmoline), elle est à la peine. Pionnière de la SVOD dédiée au cinéma (1.005 films en 2015), elle se heurte aux géants tels que Netflix ou Amazon. « Filmo TV est parti trop tôt et il faut investir 100 millions d’euros pour lancer un service pan-européen de VOD/SVOD », nous a confié une personnalité du 7e Art, rappelant que Vincent Bolloré a reporté son projet de « Netflix européen ». Pour l’heure, selon le CNC (3), Harris Interactive et Vertigo, Filmo TV arrive en 15e position de la VOD en France en 2016 avec 5,6 % des consommateurs de ce type de plateformes – contre 32,2 % pour MyTF1VOD, 27,7 % Orange, et 25,8 % Netflix (voir
p. 11). Wild Bunch critique d’ailleurs la chronologie des médias jugée « anachronique ». Le groupe, qui veut « désacraliser la salle », teste en Europe la simultanéité salles-VOD et pratique le e-cinéma consistant à diffuser un film en VOD sans aller dans les salles. @

Audiovisuel : YouTube n’est pas « éditeur », quoique…

En fait. Le 27 septembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a organisé ses premières Rencontres sur le thème de « L’audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données ». En première ligne, Google a défendu son statut d’hébergeur : « Nous ne sommes pas éditeur de contenus ». Vraiment ?

En clair. Alors que le statut d’hébergeur de certaines plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion est remis en question par les industries culturelles, en particulier en France, les premières Rencontres du CSA ont permis d’entendre Google à ce sujet. « Nous ne sommes pas éditeur de contenus, mais nous travaillons en partenariat avec les éditeurs de contenus », a affirmé Laurent Samama, directeur
des relations stratégiques Média et Divertissement de la firme de Mountain View pour
la région EMEA (1). Et le Français d’insister : « Nous ne nous considérons pas comme
un acteur à part entière car nous ne sommes pas éditeur de contenus ; nous ne faisons pas de contenus ». Le statut d’hébergeur permet aux plateformes vidéo de non seulement bénéficier d’une responsabilité limitée dans la lutte contre le piratage mais aussi de ne pas être soumises à des obligations de financement de la création (lire aussi p. 6 et 7).
Le CSA, lui, s’interroge sur le statut de YouTube. Dans un rapport publié peu avant
ces Rencontres, le régulateur écrit :« Certaines plateformes, (…), opèrent désormais simultanément à plusieurs niveaux et exercent à la fois les fonctions de production, d’édition et de distribution de contenus (exemple de YouTube) » (2). Ce qu’a aussitôt nuancé Nicolas Curien, membre du CSA : « Le CSA dit effectivement que YouTube n’est pas seulement un hébergeur. Le CSA ne dit pas qu’il est éditeur ou distributeur, mais il invite à repenser les catégories traditionnelles des fonctions des métiers de l’audiovisuel ». Laurent Samama est alors remonté au créneau : « Sur YouTube, on
a vraiment pas de fonction d’édition. (…) La seule chose est [que] nous avons des algorithmes et parfois de la vérification manuelle pour éviter ces contenus interdits ».
Francine Mariani-Ducray, membre du CSA, a saisi la balle au bond : «Mais est-ce
que les algorithmes de recommandation ne sont pas une manière d’éditorialiser ? … J’ai ma réponse personnelle ! (…) C’est “oui’” ». Le dirigeant de Google lui a répondu :
« C’est une bonne question. Nous, nous considérons que “non”. Ensuite, il y a une
vraie réflexion sur la part de la personnalisation des algorithmes, tout en gardant une part d’accès à la diversité. Donc, effectivement, il y a des formules à mettre en place mais qui, pour nous, ne s’apparentent pas à un choix éditorial de contenus à mettre
en avant ». @