Responsabilité des hébergeurs : renforcer la modération en ligne, mais éviter les censures

Les patrons de Facebook, Google et Twitter ont été auditionnés le 25 mars au Congrès des Etats-Unis sur « le rôle des médias sociaux dans la promotion de l’extrémisme et de la désinformation » (1). Aucun ne s’oppose à une réforme de la responsabilité des plateformes. L’Europe, elle, a pris de l’avance.

Par Olivia Roche, avocate, et Prudence Cadio, avocate associée, cabinet LPA-CGR avocats

L’Europe veut encadrer les algorithmes pour retirer les contenus illicites et éviter les « faux positifs »

Le futur règlement européen Digital Services Act (DSA) veut encadrer l’utilisation d’algorithmes dans la gestion des contenus sur les réseaux sociaux et d’en retirer ceux « jugés » illicites. Mais le risque de « faux positifs » (bloqués à tort) va poser des problèmes aux régulateurs et aux juges.

Par Winston Maxwell*, Telecom Paris, Institut polytechnique de Paris

Le Club de l’audiovisuel numérise ses «Lauriers»

En fait. Le 4 février, le Club de l’audiovisuel – anciennement Club de l’audiovisuel de Paris (CAVP) et association de défense « l’exception culturelle française » dans l’audiovisuel depuis les années 1990 – a révélé les nommés à ses 26es Lauriers de l’audiovisuel, dont ceux pour le Laurier numérique.

En clair. C’est une révolution de velours pour le Club de l’audiovisuel (ex-CAVP), association née sous les ors du Palais du Luxembourg en 1993. Parangon de « l’exception culturelle française », l’ex-Comité français de l’audiovisuel (CFA) n’aurait jamais imaginé devoir composer, près de trente ans plus tard, avec de « nouveaux entrants qui bouleversent le PAF (1) tels que Molotov, Netflix, Salto ou encore Disney et Amazon ». Présidé depuis 12 ans par Patrick Bézier, le Club de l’audiovisuel entend – avec ces plateformes vidéo sans frontières dont aucune n’est partenaire, au contraire d’Orange qui l’est depuis dix ans – « dialoguer et fédérer pour défendre l’exception culturelle française ». Les plus conservateurs du PAF pourraient craindre l’entrée du loup dans la bergerie. D’autres se féliciteront que ce cénacle « marrainé » par la sénatrice Catherine Morin-Desailly emboîte le pas – d’un train de sénateur, diront les impatients – de cette « révolution numérique ». Avec ces 26es Lauriers de l’audiovisuel 2020, dont la cérémonie de remise des trophées aux lauréats se tiendra le 8 mars 2021 en « phygical », c’est la deuxième année qu’un Laurier numérique sera décerné. « Les Lauriers de l’audiovisuel accordent une place croissante aux programmes numériques. L’offre de biens culturels de qualité s’étant démultipliée via les réseaux sociaux, il était naturel que les Lauriers s’en fassent l’écho », nous confie Jacques-Marie Ponthiaux, secrétaire général du Club, en charge de la communication, des partenariats et du jury. Ainsi, sont nommés pour le Laurier numérique cette année : « La Face Katché », un format consacré à la diversité et produit par Yahoo France (2), filiale du groupe américain Verizon Media ; « La trilogie de l’Opéra National de Paris » diffusé sur sa chaîne YouTube (3) en hommage à la lutte contre le covid ; « Parlement », websérie sur France.tv (4) coproduite par Cinétévé, Artemis Productions et Cinecentrum. En outre, le Laurier jeunesse se numérique avec deux webséries nommées, « Amours solitaires » sur France.tv Slash (5) et « Askip, le collège se la raconte » sur France.tv Okoo (6). Pour l’année 2019, où apparaît pour la première fois le Laurier numérique, ce trophée est revenu au podcast « Dalida et moi » diffusé sur Arte Radio (7), tandis que le Laurier Jeunesse a été décerné à un autre podcast, « Oli » diffusé sur Franceinter.fr (8). Le Club du numérique est en marche. @

Le CSA est prêt à être le régulateur du Net français

En fait. Le 17 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a annoncé une nouvelle direction, la 9e de son organisation : direction des plateformes en ligne, « chargée de la régulation “systémique” des plateformes ayant une activité d’intermédiation en ligne ». Un pas de plus vers la régulation d’Internet en France.

En clair. YouTube ou Dailymotion côté plateformes de partage vidéo, Facebook ou Twitter côté réseaux sociaux, Google ou Bing (Microsoft) côté moteurs de recherche, Google Play et App Store (Apple) côté agrégateurs et magasins d’applications, tous sont parmi les « plateformes d’intermédiation » visées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). « Ces services ont en effet l’obligation de mettre en œuvre des outils et des moyens afin de répondre aux grands objectifs de politique publique en matière de lutte contre les contenus illicites et préjudiciables et de protection du public », justifie le régulateur français de l’audiovisuel. La neuvième direction nouvellement créée par le CSA – direction des plateformes en ligne – est un pas de plus vers un rôle de gendarme de l’Internet en France. Sans attendre l’aboutissement de la procédure législative en cours du Digital Services Act (DSA) au niveau du Parlement européen, le CSA s’organise pour répondre à deux nouveaux champs d’intervention sur le Web et les applications mobiles : la lutte contre les fake news (les infox), conformément à la loi 22 décembre 2018 « contre la manipulation de l’information » (1) ; la lutte contre la cyberhaine, conformément à la loi du 24 juin 2020 « contre les contenus haineux sur Internet » (2). Quoique cette dernière – la loi « Avia » – avait été réduite à portion congrue par le Conseil constitutionnel, et le pouvoir de contrôle et de sanction pécuniaire du CSA, en la matière, jugé inconstitutionnel (article 7 annulé) comme la quasi-totalité des dispositions alors envisagées. Le régulateur de l’audiovisuel est finalement cantonné à assurer le secrétariat d’un « Observatoire de la haine en ligne » (article 16 rescapé) prenant en compte « la diversité des publics, notamment les mineurs ». Cet observatoire a été mis en place en juillet dernier, tandis qu’un nouveau service d’alerte est accessible au grand public pour se plaindre d’un « programme » (3). Par ailleurs, un « Comité d’experts sur la désinformation en ligne » a été par mis en place en décembre. Mais le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » (ex-« contre les séparatismes »), qui sera examiné au Sénat à partir du 30 mars, pourrait accroître les pouvoirs du CSA. Quant au futur DSA européen, il devrait lui aussi renforcer l’arsenal des gendarmes de l’audiovisuel… et du numérique des Vingt-sept, réunis au sein de l’Erga (4) à Bruxelles. @

Comment la Cnil a contourné le RGPD pour pouvoir elle-même mettre à l’amende Amazon et Google

La Cnil a invoqué la directive « ePrivacy » et non le RGPD. Et si Amazon et Google n’avaient pas modifié en septembre 2020 leur site web (amazon.fr et google.fr) pour être en conformité – mais partiellement – avec les règles françaises sur les cookies, leurs amendes auraient été plus salées.

Par Mélanie Erber, avocate associée, et Sacha Bettach, avocate, cabinet Coblence