Rakuten veut devancer Netflix et Amazon en France

En fait. Le 17 février, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a remis
la Légion d’honneur au milliardaire Hiroshi Mikitani, fondateur et PDG du groupe japonais Rakuten, lequel avait racheté en juin 2010, le français PriceMinister.
Après le e-commerce, Rakuten mise sur la VOD et les ebooks.

PKM

Pierre Kosciusko-Morizet,
PDG de PriceMinister et directeur de Rakuten Europe

Jean-Yves Charlier, SFR : « A quoi servent les réseaux très haut débit s’il n’y pas de nouveaux contenus et applications ? »

PDG de SFR depuis août dernier, Jean-Yves Charlier estime que la filiale télécoms de Vivendi, bientôt séparée du groupe, ne doit plus se contenter de déployer de la 4G et de la fibre. L’opérateur doit aussi faire le pari de proposer des contenus et services en « extra » : VOD avec Canal+, musique avec Napster ou encore TV avec Google.

Par Charles de Laubier

Jean-Yves Charlier siteA la question de savoir si SFR pourrait prendre des participations, notamment minoritaires, dans des fournisseurs de contenus, comme l’a fait par exemple Orange dans Deezer, le PDG de la filiale de Vivendi, Jean-Yves Charlier (photo), a clairement répondu à Edition Multimédi@ : « Cela ne fait pas partie de notre stratégie qui consiste à nouer des partenariats forts et innovants comme nous venons de le faire avec Google et le décodeur TV que nous avons lancé le 19 novembre. Il s’agit d’innover et de le faire en partenariat ».
La filiale de Vivendi a en effet annoncé qu’il est le premier opérateur en Europe à proposer un décodeur TV basé sur Android, donnant accès aux services de Google – dont YouTube – sur la télévision. Proposé en option de la box, moyennant 3 euros par mois,
ce décodeur TV est aussi le premier pas de SFR vers un acteur dit Over-The-Top (OTT).

Avec Google, premier grand pas de SFR vers les OTT
« C’est un signe que les opérateurs télécoms sont désormais prêts à signer des partenariats avec de grands OTT, comme a pu aussi l’exprimer Belgacom – mono-pays comme SFR – qui veut se développer à l’international avec des services OTT », nous a confié Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’Idate(1).
Cela montre aussi que l’état d’esprit des opérateurs de réseaux vis à vis des géants du Net commence à changer : ils ne sont plus seulement ceux que l’on doit faire payer pour l’utilisation des infrastructures réseaux, mais ils deviennent désormais des partenaires possibles dans les contenus.

« Nous ne pensons pas chez SFR que notre rôle est de créer des contenus mais de créer les plates-formes qui vont pouvoir accueillir ces contenus. Je crois qu’il faut des partenariats beaucoup plus forts entre les opérateurs mobile et ces acteurs de contenus et de services Over-The-Top. C’est pour cela que les offres 4G que nous déployons avec Canal+ dans la VOD, Naptser dans la musique ou Coyote dans l’aide à la conduite, par exemple, sont des exclusivités. C’est aussi pour cela que nous avons travaillé dix-huit mois avec Google pour amener en France le premier décodeur TV », a expliqué Jean-Yves Charlier, également membre du directoire de Vivendi, lors de son intervention au DigiWorld Summit de l’Idate à Montpellier le 20 novembre dernier. « Car nous pensons qu’il est absolument essentiel d’intégrer dans notre réseau à la fois YouTube de manière ‘’simless’’ et aussi Google Play. Pour un opérateur télécoms comme SFR, ce n’est pas tant de promouvoir ses propres offres que d’intégrer de manière intelligente et sans couture, avec un service impeccable en mobilité comme à la maison, ces nouveaux usages », a-t-il ajouté.

Les « extras » Google, Canal+, Naptser, …
SFR revendique le fait d’avoir été le premier opérateur télécoms en France à lancer la 4G (à Montpellier en 2012 lors du précédent DigiWorld Summit). Il revendique aussi être le premier opérateur à lancer la fibre à 1 Gbit/s. Mais « à quoi servent d’ailleurs ces nouveaux réseaux [très haut débit] si nous n’avons pas de nouvelles applications et de nouveaux contenus à proposer à nos abonnés ? », s’est demandé le nouveau patron de SFR, nommé en août dernier. Pour lui, il ne s’agit plus de déployer déployer des réseaux pour simplement déployer des réseaux. « Nous avons fait le pari de favoriser les usages. C’est pour cela qu’au sein de nos offres 4G, on a inclus des nouvelles applications pour favoriser justement ces usages. On le voit bien avec cette stratégie des ‘’extras’’ : il y a énormément d’intérêt de nos clients pour ces nouvelles applications, comme la VOD avec Canal Play, la musique avec Napster ou encore l’aide à conduite avec Coyote. Résultat, SFR revendique plus de 600.000 abonnés 4G », s’est félicité Jean-Yves Charlier. Participant de la volonté de SFR de se repositionner sur le marché, ces « extras » ont ainsi convaincu le marché. Dans le fixe, l’annonce d’un nouveau décodeur TV avec Google participe également de cette stratégie des « extras ». L’offre d’accès ne se conçoit plus comme une fin en soit ; l’offre de contenus et de services tend à s’imposer si l’on veut séduire les internautes et les mobinautes avec le très haut débit. Au-delà, SFR s’est déjà positionné comme un acteur sur de nouveaux services tels que le cloud avec son investissement dans Numergy – coentreprise avec Bull – ou la domotique avec son offre Home. « Le premier challenge pour l’industrie va être de réussir le pari, sur la 4G notamment, de pouvoir monétiser l’explosion des usages, lesquels sont chez SFR en croissance d’environ 50 % par an. Mais le débat sur la 4G est en fait un débat sur le très haut débit à la fois fixe et mobile, sur la convergence. Car les consommateurs de demain vont vouloir avoir un service sans couture en mobilité ou dans leur foyer. C’est pourquoi nous investissement à la fois sur la 4G et sur la fibre », a-t-il déclaré.

Plus largement, SFR estime que les pouvoirs publics doivent aussi s’engager avec plus de vision dans le développement des usages et promouvoir les nouvelles applications
des technologies à très haut débit. « Il faut dès maintenant développer les services qui donneront à ces réseaux un vrai pouvoir démultiplicateur auprès des citoyens, des entreprises et des collectivités en France, à l’instar de ce que font d’autre pays dans
l’e-learning, l’e-santé ou l’e-administration par exemple. Après avoir passé la dernière décennie à connecter toutes les personnes et tous les lieux, l’opportunité qui s’offre à nous est maintenant de connecter des milliards d’objets, de deuxième ou troisième écrans à ces réseaux, et d’inventer des nouveaux services ».

Et pour favoriser les nouveaux usages et le déploiement de réseaux à très haut débit, SFR renforce les partenariats en France avec les pouvoirs publics comme c’est le cas avec la signature en octobre dernier d’une convention très haut débit avec Lille Métropole. Dans le cadre de cet accord, les collectivités territoriales se sont engagées à faciliter le déploiement de la fibre optique et surtout à contribuer directement aux développements des nouveaux usages numériques. « Les pouvoirs publics doivent jouer un rôle beaucoup plus visionnaires que de simplement dire : ‘’Il faut fibrer’’ ou ‘’Il faut déployer la 4G’’.
Les pouvoirs publics doivent investir eux-mêmes pour favoriser ces nouveaux usages
et ces nouvelles applications », a-t-il insisté. @

Charles de Laubier

Giuseppe de Martino, Asic : « Les services de vidéos en ligne ne sont pas concernés par le conventionnement »

Le président de l’Association des services Internet communautaires (Asic), dont sont membres Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, Yahoo, AOL, Spotify ou encore Deezer, tient à mettre les points sur les “i” pour dire que la régulation de l’audiovisuel n’est pas transposable à Internet.

Après Webedia, Terrafemina et Allociné, Fimalac pourrait s’emparer de Dailymotion dans sa conquête digitale

Jusqu’où ira Marc Ladreit de Lacharrière dans sa diversification numérique ?
Pris d’une frénésie d’acquisitions de sites web (Webedia, Terrafeminina, Allociné), le milliardaire fondateur de Fimalac accélère la consolidation dans
le secteur. Exclusif : ce qu’en pense le PDG de Dailymotion, Cédric Tournay.

Avec les affaires « Stéphane Richard » et « Dailymotion », l’Etat a repris le contrôle de France Télécom

Le 16 juin, François Hollande annonce le maintien de Stéphane Richard. Le 17 juin, le conseil d’administration a entériné sa décision. Le 1er juillet, France Télécom deviendra Orange. L’Etat, qui détient seulement 27 % du capital, en reprend le contrôle depuis l’affaire Dailymotion.

SRC’est un fait. L’Etat français reprend le contrôle sur France Télécom, dont il ne détient pourtant que 26,9 % du capital.
Et encore, il n’en possède directement que 13,4 %. Les 13,5 % autres actions sont détenues indirectement via le Fonds stratégique d’investissement (FSI).
Les droits de vote, eux, sont à peu près du même niveau (respectivement 13,5 % et 13,6 %). Bien que cela fasse dix ans
à la fin de l’année (depuis une loi du 31 décembre 2003), que l’ancien monopole public de télécommunications est devenu
une entreprise privée (1), l’Etat a bien repris la main en tant que premier actionnaire,
n’en déplaise à Stéphane Richard (photo) qui s’était insurgé contre l’intervention du gouvernement en avril dernier dans la négociation, avortée depuis, entre son groupe
et Yahoo.

L’Etat a fait l’effet d’épouvantail vis à vis de Yahoo!
Les trois représentants de l’Etat au conseil d’administration (sur un total de 15 membres) ont bien appliqué la consigne du président de la République, les autres administrateurs indépendants ayant presque suivi comme un seul homme (hors un vote contre et une abstention).
Au risque de faire passer l’ancien haut fonctionnaire pour une marionnette de Bercy,
qui plus est mis en examen pour « escroquerie en bande organisée » dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais, accusé d’avoir été un acteur-clé en tant qu’ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde, alors ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (2).
L’Etat redevient le patron, certes virtuel, du groupe. Il l’a démontré avec force à propos de Dailymotion, filiale à 100 % de France Télécom depuis le début de l’année (3), lors d’une réunion organisée le 12 avril à Bercy entre Arnaud Montebourg et le directeur des opérations de Yahoo, Henrique de Castro. C’est à cette réunion que le géant américain
du Web a renoncé à s’emparer de 75 % du capital du français Dailymotion, là où l’Etat
ne voulait en céder que 50 %. « Yahoo et France Télécom n’ont pas trouvé d’accord
de partenariat équilibré », a regretté le 30 avril Arnaud Montebourg, après l’échec des négociations. Ce à quoi Stéphane Richard lui a rétorqué : « Dailymotion est une filiale d’Orange, et non de l’Etat. C’est le groupe, sa direction et son conseil d’administration
qui gèrent ce dossier. (…) Ce n’est pas à la demande de l’Etat que nous avons investi.
Et Dailymotion s’est révélé une bonne affaire, dont la valeur a doublé ou triplé » (4).

Orange fera-t-il oublier France Télécom ?
Le PDG de Dailymotion, Cédric Tournay, a lui aussi dit « regretter le blocage gouvernemental, parce que nous vivons dans un environnement mondialisé » (5). Aujourd’hui, il a tourné la page Yahoo et, à défaut d’être racheté pour l’instant, parle plutôt d’acquisitions. « Nous progressons surtout sur notre plan d’investissement et sur nos projets d’acquisition. Nous ne sommes pas pressés de reprendre notre recherche de partenaires mais sommes évidemment à l’écoute des propositions qui peuvent être formulées », nous a expliqué Cédric Tournay. Pour tenter de reprendre la main et montrer qu’il continuait à rechercher un investisseur outre-Atlantique pour conquérir le marché américain, vital pour Dailymotion, Stéphane Richard s’était rendu début mai dans la Silicon Valley pour essayer de rassurer les entreprises américaines sur l’intervention de l’Etat français dans ses affaires. « Je souhaite (…) que l’Etat reste discret dans ces négociations, tout en faisant valoir les intérêts de sa politique et des entreprises françaises », avait déclaré le 8 mai Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique.
A son tour dans la Silicon Valley début juin, elle a tenté à son tour de rassurer les investisseurs américains : « Il y a eu beaucoup de malentendus autour de cette question car je me rends compte que certains pensaient qu’Orange était une entreprise 100 % publique. (…) Orange ne souhaitait pas vendre totalement Dailymotion, mais rester un actionnaire de référence », a-t-elle déclaré à cette occasion le 5 juin. Les efforts de Fleur Pellerin et de Stéphane Richard pour essayer de réparer les pots cassés pourraient être anéantis après l’annonce de François Hollande sur M6 qu’il donnera des instructions pour que ce dernier soit maintenu à la tête de France Télécom. C’est la deuxième fois en moins de deux mois que l’Etat actionnaire fait comme s’il était seul maître à bord. De quoi rendre sceptique toute entreprise privée américaine, ou étrangère, si tant est qu’il y en ait encore d’intéressée. Reste à savoir
si les déboires étatiques de Dailymotion n’auront pas des répercutions indirectes sur Deezer, la plate-forme de musique en ligne française dans laquelle France Télécom détient une participation – minoritaire cette fois (10,5 % via la société Odyssey Music Group). Et ce n’est pas faute pour la direction d’avoir essayé de minimiser le poids décisionnel de l’Etat français dans la conduite stratégique de la multinationale France Télécom (170.531 salariés dans le monde, dont 104.000 en France, au 31 décembre 2012). « Le secteur public pourrait, en pratique, compte tenu de l’absence d’autres blocs d’actionnaires significatifs, déterminer l’issue du vote des actionnaires dans les questions requérant une majorité simple dans leurs assemblées. Toutefois, l’Etat ne bénéficie ni d’action de préférence (golden share) ni d’aucun autre avantage particulier, hormis le droit de disposer de représentants au conseil d’administration au prorata de sa participation dans le capital », a, par exemple, rappelé la société cotée depuis octobre 1997 (à Paris et à New York) dans son document de référence déposé à l’AMF le 27 mars dernier.
Avec les deux affaires “Stéphane Richard” et “Dailymotion”, le groupe France Télécom aura beau se rebaptiser juridiquement Orange à partir du 1er juillet prochain, il lui sera difficile de faire oublier la présence de l’Etat dans son capital et dans ses prises de décision. Cette nouvelle dénomination sociale, héritée de la société britannique Orange créée en 1994 et rachetée à prix d’or en 2000 à Vodafone (pour 39,7 milliards d’euros
de l’époque !) est censée permettre à France Télécom de tourner le dos à son image persistante d’entreprise publique au passé social dramatique depuis sa privatisation.
Le PDG maintenu reste cependant à la merci de l’Etat. «Si la procédure judiciaire venait
à être d’une nature telle qu’il ne puisse pas être dirigeant de l’entreprise, à ce momentlà une autre décision serait prise », a prévenu François Hollande, en précisant en outre que l’Etat ne compte pas céder sa participation en raison du cours de Bourse insuffisamment élevé. Autant dire que Stéphane Richard, qui se retrouve avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ne pourra plus dire « le patron, c’est moi ».
Et cela tombe très mal pour le groupe France Télécom qui non seulement passe à l’Orange, mais se trouve seulement à mi-parcours de son programme « Conquête
2015 » qui doit notamment passer par l’accélération du développement international
et l’investissement dans les réseaux fixes et mobiles très haut débit et très coûteux.

François Hollande et ses 100 % de THD en 2022
En France, le chef de l’Etat lui-même n’a-t-il pas fixé l’objectif très ambitieux et dévoreur de capitaux de « couvrir 100 % de la France en très haut débit [THD] d’ici à 2022 et très majoritairement en [FTTH] » ? Quitte à pousser le gouvernement de Jean-Marc Heyrault à organiser d’ici 2025 « l’extinction du cuivre » (6) de l’opérateur historique de la boucle locale. Le tandem Orange-Etat a encore de beaux jours devant lui. @

Charles de Laubier