Comment Endemol France veut fédérer les talents jusque sur YouTube et Dailymotion

Pendant que sa maison mère devient Endemol Shine Group après son alliance avec la société 21st Century Fox (Rupert Murdoch), Endemol France ne change pas de nom et poursuit sa diversification dans le numérique qui génère aujourd’hui 6 % de ses revenus. Son président, Nicolas Coppermann, se constitue un réseau multi-chaînes.

Par Charles de Laubier

Nicolas Coppermann« Nous faisons actuellement 6 % de notre chiffre d’affaires dans le numérique », nous a indiqué Nicolas Coppermann (photo), président d’Endemol France (1), en marge d’un dîner du Club audiovisuel de Paris (CAVP) le 20 avril dernier, tout en confirmant vouloir atteindre 10 % à 15 % dans les cinq ans à venir. La filiale du groupe Endemol, lequel fut cofondé en 1994 par le Néerlandais John de Mol, ne divulgue pas de résultats par pays mais son chiffre d’affaires en France serait inférieur à 150 millions d’euros.
L’inventeur de la téléréalité – avec des émissions comme « Big Brother » (alias « Loft Story » en France), « Star Academy » et « Secret Story » – s’est diversifié dans les programmes de télévision dits de « flux » que sont les magazines audiovisuels, les émissions de divertissement, ou encore les jeux tels que « Money Drop » (2).

6 chaînes en ligne et d’autres à venir
Quant à la production de fictions, elle représente environ 25 % du chiffre d’affaires du groupe Endemol, mais constitue une nouvelle activité pour la filiale française qui a démarré avec succès dans ce domaine avec « L’Emprise » (vue par près de 10 millions de téléspectateurs sur TF1). D’autres séries, téléfilms ou mini-séries sont en cours de développement.
Cette diversification s’accentue aussi dans le numérique. Cela passe non seulement par des programmes de télévision en mode « 360 », c’est-à-dire multi-écrans comme a pu l’être la pionnière « Love Story », mais aussi dans la production de contenus numériques originaux. « Après avoir lancé en France six chaînes sur YouTube [FrenchBall, Kick On, Le Woop, It’s Big, La Débande, et Inernet, ndlr], nous allons en lancer d’autres dans les domaines du gaming, du lifestyle, de la comédie, de la mode ou encore du divertissement », a-t-il poursuivi, en se félicitant que ces six premières chaînes en ligne totalisent environ 20 millions de vues par mois. « Ce qui nous place dans les dix premiers. Nous sommes une sorte d’alternative, non liée à une chaîne de télévision,
à des initiatives comme Studio Bagel de Canal+ et Golden Moustache de M6. Nous fédérons les talents, dont nous voulons être un agrégateur et un catalyseur, que ce soit pour des talents reconnus ou ceux émergents du Web. Nous leur apportons tous les outils et les leviers, face à des diffuseurs ou des plateformes, pour créer de nouvelles choses », a expliqué devant le CAVP celui qui fut jusqu’en 2006 directeur adjoint des programmes chez M6. Avec la progression des six premières chaînes numériques et
la création de nouvelles, Endemol France s’est donné comme objectif d’atteindre 300 millions de vues (cumulées depuis les dates de création des chaînes) d’ici la fin de l’année. Nicolas Coppermann a mis haute la barre d’audience, voire inatteignable pour les sept mois restants… Tandis qu’il vise la rentabilité dans les deux ou trois ans. Selon les constatations de Edition Multimédi@ au 5 mai dernier la chaîne la plus fréquentée était « Le Woop » qui totalise alors près de 1,5 million d’abonnés (gratuit) pour plus de 131 millions de vue depuis sa création en février 2014 (voir encadré ci-dessous). Et si l’on cumule les six chaînes : plus de 2,1 millions d’abonnés pour 68 millions de vues. C’est le 16 mars dernier, lors d’une soirée à Paris réunissant annonceurs et diffuseurs, qu’Endemol France a officialisé le lancement de ces six premières chaînes YouTube originale. Elles s’inscrivent dans le label de réseau multi-chaînes – ou MCN (Multi-Channel Networks) – baptisé « Endemol Beyond », que le producteur néerlandais a lancé au niveau mondial dès novembre 2013. On y compte déjà plus d’une centaine
de chaînes originales accessibles sur différentes plateformes (YouTube, Yahoo, Dailymotion, MSN, AOL, …). La société de John de Mol y investit plus de 30 millions d’euros et la France constitue un des « hubs de vidéos digitales » avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et des marchés émergents.

Les six premières chaînes YouTube d’Endemol France
• Le Woop • https://www.youtube.com/user/woopgang

• 1 457 209 abonnés • 131 690 942 vues (Membre depuis le 4 févr. 2014)
• FrenchBall • https://www.youtube.com/user/FrenchBallchannel
• 303 814 abonnés • 21 912 075 vues (Membre depuis le 2 sept. 2014)
• It’s Bighttps://www.youtube.com/user/channelitsbig
• 214 261 abonnés • 26 621 926 vues (Membre depuis le 14 sept. 2012)
• Kick On • https://www.youtube.com/user/Kickonchannel
• 153 959 abonnés • 4 910 856 vues (Membre depuis le 6 mai 2014)
• Inernet • https://www.youtube.com/user/INERNETvideo
• 29 220 abonnés • 1 249 974 vues (Membre depuis le 26 sept. 2013)
• La Débande • https://www.youtube.com/channel/UCzSW7WYj_F2G6htPaA2hXJA
• 4 302 abonnés • 211 594 vues (Membre depuis le 29 janv. 2015)
Source : Edition Multimédi@ (au 5 mai 2015)

En France, Endemol a recruté il y a un an et demi Julien Brault au poste de directeur digital et diversification. « L’ensemble de notre secteur fait face à une concurrence d’acteurs de type GAFA ou Netflix. (…) Je suis très conscient sur le fait qu’il y a très peu d’auteurs dont le réflexe de base sera venir voir Endemol à Aubervilliers pour savoir si nous sommes le meilleur cadre pour faire s’épanouir leur talent », a expliqué Nicolas Coppermann, qui est par ailleurs président de la commission numérique de la Confédération des producteurs audiovisuels (CPA). @

Charles de Laubier

Deux ans après son recentrage sur les médias et les contenus, la stratégie de Vivendi reste floue

Devenir « un groupe mondial, champion français des médias et des contenus ».
Tel est le leitmotiv de Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi. Après avoir cédé en 2014 ses actifs télécoms, le groupe désendetté dispose d’une trésorerie de 15 milliards d’euros. Après Dailymotion, quelles autres acquisitions ?

(Depuis la parution de cet article dans EM@ le lundi 20 avril, des rumeurs circulent sur l’intérêt supposé de Vivendi pour EuropaCorp en France et Mediaset en Italie)

Vincent Bolloré

Au moment où nous bouclons ces pages, Vivendi tient son assemblée générale qui devait être moins houleuse que prévue. Des actionnaires minoritaires, emmenés par le fonds américain Psam (1), exigeaient « une meilleure rémunération ». Un accord
a finalement été conclu le 8 avril avec ce dernier pour que les versements aux actionnaires de dividendes supplémentaires
liés aux cessions d’actifs soient « accélér[és] en dépit des complications susceptibles d’en résulter pour le redéploiement
de Vivendi dans les médias et les contenus ». Vivendi espère ainsi mettre un terme
au conflit avec ce fonds spéculatif détenant à peine 1% de son capital et avant cette assemblée générale annuelle du 17 avril. Psam estime que le « trésor de guerre » accumulé par le groupe français, après avoir cédé en 2014 ses actifs télécoms (Maroc Telecom, SFR et GVT) et en 2013 l’essentiel de ses parts dans Activision Blizzard (jeux vidéo), doit revenir plus largement aux actionnaires. Il serait question d’une trésorerie de quelque 15 milliards d’euros ! Après plusieurs mois de querelles, Psam a finalement eu gain de cause. Vivendi s’est engagé à distribuer de façon exceptionnelle 2 euros
par action, « dont 1 euro au quatrième trimestre 2015 et 1 euro au premier trimestre 2016 », soit une fois que les ventes de respectivement l’opérateur télécoms brésilien
et des 20 % restant dans le capital de SFR-Numericable seront terminées. Et ce, en plus du dividende ordinaire de 1 euro par action prévu au cours des exercices de 2016 et de 2017.

La cagnotte de Vivendi, entre actionnaires et acquisitions
Au total, Vivendi s’engage formellement à distribuer ainsi à ses actionnaires 6,75 milliards d’euros (5 euros par action). C’est moins que les 9 milliards d’euros de dividendes que réclamait le fonds américain pour les actionnaires. Mais Vincent
Bolloré (photo), président du conseil de surveillance, et Arnaud de Puyfontaine, président du directoire du groupe, ont promis qu’« à l’issue d’un délai de deux ans, Vivendi étudiera la possibilité de proposer des distributions complémentaires si sa stratégie d’acquisition devait nécessiter moins de trésorerie qu’anticipé ». Ils sont convenus avec Psam de dresser le bilan de ces engagements à l’horizon de 2017.du groupe, ont promis qu’« à l’issue d’un délai de deux ans, Vivendi étudiera la possibilité de proposer des distributions complémentaires si sa stratégie d’acquisition devait nécessiter moins de trésorerie qu’anticipé ». Ils sont convenus avec Psam de dresser
le bilan de ces engagements à l’horizon de 2017.

Dailymotion ne fait pas une stratégie
Pourquoi relater cet épisode financier ? Parce qu’il est révélateur de l’incertitude et la fébrilité qui entoure la nouvelle stratégie de Vivendi. Les actionnaires s’impatientent de voir les retombées sonnantes et trébuchantes du repositionnement de leur groupe dans les médias et les contenus entamé il y a plus de deux ans maintenant sous l’impulsion de Vincent Bolloré (2) (*) (**). Ce dernier a même jugé nécessaire de monter au capital de Vivendi, dont il est déjà l’actionnaire de référence, en passant en quelques mois de 5 % (qu’il détenait depuis 2012 suite à la vente ses chaînes D8 et D17 à Canal+) à 14,5 % (depuis le 9 avril dernier), afin de faire barrage à une éventuelle offensive de fonds d’actionnaires mécontents de la politique menée par le groupe. Il exige même des droits de vote doubles. Le bras de fer avec le fonds Psam, représentatif des petits actionnaires de Vivendi, a eu le mérite de donner à ces derniers une once de visibilité sur cette stratégie dont le succès dépend maintenant des acquisitions à venir.
« Vivendi doit avoir une situation de trésorerie nette de 11 à 12 milliards d’euros, qui devrait offrir l’espoir de nouveaux retours de liquidés significatifs », a estimé la banque d’investissement paneuropéenne Liberum, en relevant sa recommandation sur les actions de Vivendi à « acheter ». Pour de nombreux actionnaires, beaucoup d’incertitudes ont été levées. Mais ce n’est pas suffisant. Bien qu’Arnaud de Puyfontaine craigne une réduction de la flexibilité à faire de grosses et coûteuses acquisitions, Vivendi doit coûte que coûte parvenir à devenir rapidement une major
des médias et des contenus en Europe et dans le monde. Dans une interview au Financial Times, publiée le 9 avril, le président du directoire de Vivendi a démenti vouloir acquérir la télévision à péage Sky ou le groupe audiovisuel ITV, mettant un terme à ces deux rumeurs. Trop cher pour Vivendi, malgré l’intérêt européen évident que ces deux actifs auraient pu représenter pour sa filiale Canal+ (déjà présente en Pologne, en Afrique et au Viêtnam). Vivendi a aussi dû démentir le 11 avril dernier une information de L’Express affirmant qu’il aurait fait une offre de 3,3 milliards d’euros sur le groupe Lagardère (3).

Comme Vivendi l’a expliqué le 8 avril au fonds Psam, il s’agit cependant de « créer,
à partir d’Universal Music et de Canal+, un grand groupe de médias et de contenus ». Convaincu d’y trouver de la croissance et ainsi de « créer de la valeur » pour les actionnaires, le groupe aux 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014 procède cette année à une accélération de son développement par les acquisitions. Pour l’instant, il est constitué de seulement trois grandes entités : le groupe Canal+ dans
la télévision payante et la production-distribution de films et séries (Studio Canal), Universal Music dans la musique, et Vivendi Village rassemblant différentes sociétés (Vivendi Ticketing, Wengo, Watchever, L’Olympia).
L’acquisition de 80 % du capital de Dailymotion pour 217 millions d’euros, si les négociations exclusives engagées avec Orange aboutissent, donnerait un avant-goût de l’esprit de conquête numérique qui semble animer désormais le nouveau Vivendi. Mais le dilemme – pour le groupe issu historiquement de la Compagnie Générale des Eaux et devenu l’une des plus anciennes valeurs cotées du CAC 40 (entrée dans l’indice en 1987) – est de savoir s’il faut s’emparer d’anciens médias d’envergures déjà bien implantés (comme Sky ou ITV) ou bien miser sur de pure players du numérique
en plein développement tel que Dailymotion). D’après l’agence Reuters, la question ferait encore débat entre dirigeants au sein de Vivendi. Cela participe du brouillard
qui entoure sa stratégie que l’assemblée générale était censée dissiper.

Pour l’heure, Dailymotion et ses 64 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014 – dont plus de 80 % réalisés à l’international – constitue une « petite » cible au regard du cash disponible de Vivendi. Mais la plateforme française concurrente de YouTube, filiale Google, est un bon parti pour celui qui veut être « un groupe industriel mondial, champion français des médias et des contenus ». Bien que Canal+ ait échoué en juin 2014 dans ses négociations avec Orange pour acquérir Dailymotion, voici que sa maison mère est décidée cette fois à l’emporter. L’histoire ne dit pas si le gouvernement français, intervenu dans la vente de Dailymotion pour exprimer sa préférence pour une solution européenne plutôt qu’à un rachat par le chinois PCCW (4), a fait un appel du pied à Vincent Bolloré pour aller dans ce sens…

Autour d’Universal Music et de Canal+
« L’acquisition de 80 % du capital de Dailymotion est une formidable opportunité pour
le groupe [Vivendi] de faire rayonner ses contenus musicaux et audiovisuels d’exception dans le monde entier. (…) C’est une première étape dans notre ambition
de créer un grand groupe mondial de médias et contenus », s’est en tout cas félicité l’industriel breton, dans le communiqué du 7 avril annonçant l’entrée en négociations exclusives avec Orange (5). Mais avec environ 120 millions de visiteurs uniques par mois, Dailymotion se situe loin derrière YouTube et son 1milliard de visiteurs uniques mensuel. des synergies seront mises en oeuvre avec Universal Music (6) et Canal+ (7). @

Charles de Laubier

Takis Candilis, président de Lagardère Entertainment : il faut taxer Google et travailler avec YouTube

A la tête depuis sept ans de Lagardère Entertainment, première société de production audiovisuelle française, Takis Candilis est aussi cofondateur de l’Association de l’industrie audiovisuelle indépendante (A2I). Pour lui, il est urgent que les producteurs et les chaînes s’emparent du numérique, et que Google soit taxé.

Par Charles de Laubier

Takis Candilis

Takis Candilis

Nonce Paolini, PDG du groupe TF1, va lancer des chaînes sur YouTube mais sous leur propre marque

Alors que TF1 fête ses 40 ans cette année, son PDG Nonce Paolini prend très au sérieux la concurrence que peut faire le Web à la télévision. Au point de se lancer enfin sur le marché des réseaux multi-chaînes (ou MCN) avec plusieurs projets sur YouTube, mais « pas sous la marque TF1 ».

Nonce PaoliniTF1 entre enfin dans la danse des MCN (Multi- Channel Networks), ces réseaux multichaînes diffusés sur les plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion, et capables de fédérer de larges audiences en ligne recherchées par les annonceurs publicitaires.
Après Canal+, M6 et même France Télévisions, la filiale du groupe Bouygues se lance à son tour dans la télévision sur Internet. « Puisque l’on sait faire de la télévision, on devrait être capable aussi de faire des MCN dont on parle beaucoup. TF1 y travaille, même si cela est encore un travail de laboratoire. Nous avons devant nous tout un espace de création absolument formidable », a dévoilé son PDG, Nonce Paolini, lors d’un dîner-débat sur « le bel avenir de la télévision », organisé au Sénat le 8 janvier dernier par le Club audiovisuel de Paris.

Des chaînes sur YouTube et un atelier d’écriture
« Aujourd’hui, nous travaillons sur un certains nombre de chaînes de ce type. Ce sont des projets, parfois très avancés », a-t-il poursuivi. TF1 a donc changé d’avis, n’éprouvant pas jusque-là la nécessité de diffuser des contenus sur les plateformes vidéo et estimant sa propre plateforme Wat.tv suffisante (1).
Contrairement à M6, Canal+ voire Fimalac qui ont procédé par acquisitions ou prises de participations, la démarche de TF1 dans les MCN se veut « moins institutionnelle » et plus orientée vers les capacités internes du groupe et des talents extérieurs. « Dans le cadre de la Fondation TF1, on a créé un atelier d’écriture pour de jeunes auteurs issus de la diversité. C’est aussi dans le domaine de l’expérimentation. On est très ouverts à des idées, avec en même une économie générale très tendue. (…) Il faut quand même dire qu’il n’y a pas d’économie sur YouTube, en tout cas pas celle conventionnelle que l’on connaît. Les coûts sont très bas. Mais cela n’empêche pas la qualité. Un certain nombre de stars du Web l’ont fait avec des moyens de fortune. C’est un champ d’exploration assez fort », a expliqué Nonce Paolini.
L’atelier d’écriture de la Fondation d’entreprise TF1, laquelle fut constituée en 2007 pour oeuvrer en faveur de la diversité et l’insertion professionnelle des jeunes « des quartiers sensibles » (2), est placé sous la houlette de Samira Djouadi (coordinatrice) et de Nathalie Laurent (directrice artistique de la fiction française chez TF1), en partenariat avec notamment Alain Pancrazi (PM production).

Hache de guerre enterrée avec YouTube
L’intérêt pour une chaîne de télévision de lancer son propre réseau multi-chaîne et de pouvoir ainsi monétiser des chaînes sur Internet avec la publicité vidéo en plein boom. Les annonceurs en quête d’audiences en ligne sont au rendez-vous. Il s’agit aussi de se situer entre les vidéos amateurs que l’on trouve sur YouTube ou Dailymotion et les programmes professionnels diffusés à l’antenne. « Nous ne nous lancerons certainement pas sur le MCN sous la marque TF1 qui reste une marque avec des programmes premium et qui s’adresse au plus grand nombre en faisant ce que j’appelle le “populaire chic”. Ce seront des chaînes avec leur propre personnalité, qui toucheront leur propre public, avec leur propre identité. Mais pas sous la marque TF1 », a-t-il tenu à préciser.
Ironie de l’histoire : le réseau des réseaux a quarante ans, la première chaîne française aussi (3)… TF1 voyait jusqu’à maintenant Internet comme un repère de pirates, ferraillant notamment en justice contre YouTube et Dailymotion – les accusant de contrefaçon. « N’oublions pas que YouTube et Dailymotion ont fondé leur modèle économique au départ sur le piratage. En fin d’année dernière, nous avons mis un terme aux procédures (judiciaires) qui se sont engagées en 2008 contre eux. Nous avons gagné : nous avons passé une transaction avec Google [maison mère de YouTube, ndlr] qui ne voulait pas un jugement défavorable et nous avons fait condamner Dailymotion [à payer 1,38 million d’euros à TFI pour piratage, ndlr] »,
s’est félicité celui qui fut nommé DG du groupe TF1 en mai 2007, puis PDG en août 2008. Le 14 novembre 2014, le groupe TF1 annonçait en effet que lui et YouTube
non seulement mettaient « fin au contentieux judiciaire qui les oppose depuis plusieurs années » mais aussi annonçaient « un partenariat relatif à la création par TF1 de chaînes et contenus originaux sur la plateforme ». Et le recours à la technologie Content ID de YouTube permettra à TF1 de protéger ses contenus vidéo contre le piratage. Selon nos informations, et contrairement à ce que laisse en entendre Nonce Paolini, c’est le groupe TF1 qui devait perdre son procès contre YouTube – à qui il réclamait 150 millions d’euros de dommages et intérêts.
Si la procédure en appel – initiée par TF1 – était allée jusqu’à son terme, il y a de grande chance que l’arrêt aurait confirmé le jugement prononcé le 29 mai 2012 par
le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, lequel a confirmé le statut d’hébergeur de la plateforme de partage vidéo de Google (4). La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (loi dite LCEN) prévoit en effet – depuis plus de dix ans maintenant – une responsabilité limitée des hébergeurs techniques, lesquels ne sont tenus responsables de piratage en ligne que si les contenus contrefaits leurs sont signalés par notification. Dans ce cas, ils sont obligés les retirer promptement. Or, le juge du TGI avait constaté que YouTube avait « systématiquement et avec diligence traité les notifications » qui lui ont été adressées par TF1. De plus, dès le 25 avril 2008, le géant du Web avait tendu la main à la chaîne du groupe Bouygues en lui proposant de recourir à sa technologie de reconnaissance de contenus, Content ID, afin d’empêcher la mise en ligne de copies non autorisées. Mais c’est seulement le
16 décembre 2011, soit plus de trois ans et demi après, que TF1 avait souscrit à Content ID de YouTube. C’est pour ne pas avoir suffisamment « promptement » retiré des contenus de la chaîne (des extraits d’un spectacle de Gad Elmaleh par exemple) que la plateforme Dailymotion a, elle, été condamnée par un arrêt de la Cour d’appel
de Paris du 2 décembre 2014 à payer 1,38 million d’euros à TFI pour piratage.

TF1 pour les vieux, le Web pour les jeunes !
Maintenant que TF1 a enterré la hache de guerre avec YouTube, l’année 2015 sera celle de sa conquête du Web et de la reconquête de jeunes téléspectateurs qui se détournent de plus en plus de la télévision linéaire. Mais Nonce Paolini, en observant ses trois filles (voir Zoom), s’inscrit en faux contre cette fatalité : « On nous explique que les jeunes ne regardent plus la télévision. C’est évidemment faux ! Les
15-24 ans la regardent. Mais depuis 2008, c’est une télévision qui petit à petit se consomme non seulement sur le grand écran avec des programmes linéaires mais aussi de façon délinéarisée ».
S’il admet que des jeunes ne regardent plus le petit écran et se rendent sur Internet,
il ne perçoit pas cela comme une concurrence à TF1 : « Bien sûr que les jeunes vont sur YouTube. Mais ils n’y vont pas pour regarder le premium de TF1, qu’ils peuvent cependant visionner soit en piratant en streaming, soit en regardant en direct, soit en délinéarisé… Sur YouTube, la consommation n’est pas celle de programmes de chaînes premium. C’est une consommation qui est de courte durée par rapport à
des programmes comme les nôtres. C’est un mode de consommation qui est aussi complémentaires ». TF1 entend continuer à séduire la jeune génération, laquelle est majoritaire sur des émissions telles The Voice, Danse avec les Stars ou encore Kolanta. Quant à Wat.tv, plateforme vidéo du groupe TF1, elle continuera d’exister
mais avec les contenus premium des chaînes. Selon Médiamétrie, la mesure d’audience de la vidéo sur Internet en France sur le mois de novembre 2014 (derniers relevé disponible en date), Google/YouTube est toujours largement en tête avec plus
de 29,2 millions de visiteurs uniques dans le mois pour 1,2 milliard de vidéos vues. TF1/Wat arrive en cinquième position (derrière Dailymotion, Facebook et Digiteka) avec plus de 9,2 millions de visiteurs uniques dans le mois pour 54,3 millions de vidéos vues. Où l’on constate que YouTube constitue une source d’audiences nouvelles pour TF1.

L’échec de M6 (Rising Star) : leçon pour TF1
Mais Nonce Paolini veut rester prudent avec le Web : « Lorsque l’on veut faire des réseaux sociaux l’objet principal d’une émission, c’est un désastre… Rising Star
[sur M6] n’était pas une émission mais des votes par réseaux sociaux et promesse
de “trombine” à la télé ! Cela n’a pas marché. C’était une expérience. Rising Star fut
un échec. Il y a bien eu beaucoup de votes sur le Web, mais ce n’est pas cela une émission. Donc le défi qui nous est lancé est celui de notre propre créativité, notre propre capacité à faire des événements, à imaginer des séries et des soirées ». TF1
est restée en 2014 la chaîne de télévision la plus regardée de France, réalisant 95
des 100 meilleurs résultats d’audiences et une part d’audience qui se maintient tant bien que mal sur l’année : 22,9, contre 14,1 pour France 2, 10,1 pour M6 et 9,4 pour France 3. @

Charles de Laubier

Facebook devient « une très grande plateforme vidéo »

En fait. Le 24 novembre 2014, Coca-Cola a annoncé un accord publicitaire et marketing avec Facebook, qui devient le premier partenaire digital de la marque aux sodas en France. Le 20 novembre, au DigiWorld Summit, Laurent Solly, DG de Facebook France a présenté « la vidéo automatique » sur mobile comme la solution publicitaire.