SVOD : la fin de l’hégémonie de Netflix et d’Amazon

En fait. Le 17 avril, Netflix, le numéro un mondial de la SVOD, a fait état de 148,86 millions d’abonnés payants dans le monde – soit une hausse de 25 % sur un an. Amazon Prime Video, son premier concurrent, aurait plus de 100 millions d’abonnés. Mais les nouveaux entrants veulent mettre fin à ce duopole.

En clair. Le marché de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) est à
un tournant. Le duopole d’acteurs globaux constitué par Netflix et Amazon est probablement arrivé au faîte de sa gloire. Leur hégémonie est plus que jamais contestée par la montée en puissance de plateformes de SVOD existantes telles que Hulu, mais surtout par le lancement cette année, voire l’an prochain, de nombreux nouveaux entrants : Apple TV+ sera « disponible cet automne », annonce la marque
à la pomme (1) ; Disney+ sera lancé en novembre prochain ; WarnerMedia (nouvelle filiale d’AT&T) prévoit un lancement de sa plateforme « dans le courant de l’année » ; NBCUniversal (groupe Comcast) fourbit ses armes pour se lancer à son tour en 2020 ; Mediaset (filiale de l’italien Fininvest) cherche à nouer des alliances en Europe pour donner la réplique ; BBC et ITV sont en train de s’allier pour lancer d’ici à la fin de l’année leur plateforme BritBox ; France Télévisions, TF1 et M6 espèrent avoir le feu
de l’Autorité de la concurrence pour lancer Salto. Les géants d’Hollywood – Disney, WarnerMedia et NBCUniversal – ne veulent pas dépendre dans la distribution d’un Netflix ni d’un Amazon qui sont, de plus, devenus leurs concurrents directs dans la production de films et séries à coup de milliards de dollars. La marque à la pomme,
elle, ne veut pas passer à côté du marché dynamique du streaming vidéo qui pourrait être le relais de croissance qu’elle cherche désespérément. Les groupes européens, eux, cherchent à constituer des offres de SVOD censées résister aux plateformes américaines décidément envahissantes.
Face à cet éclatement de l’offre, il y a pour les consommateurs une bonne nouvelle et une mauvaise. La bonne est que la pression sur les prix des abonnements mensuels
va s’accentuer sur les offres SVOD, alors que Netflix a osé en janvier augmenter aux Etats-Unis son abonnement de base de 7,99 à 8,99 dollars (2) – mais sans changement (pour l’instant) dans le reste du monde. Disney+ est déjà annoncé « moins cher que Netflix », à 6,99 dollars. Hulu, qui vient d’annoncer le 15 avril dernier le rachat à AT&T des 9,5 % que l’opérateur télécoms (maison mère de WarnerMedia) détenait dans son capital (3), est déjà à 5,99 dollars. La mauvaise nouvelle pour les consommateurs est qu’ils devront multiplier les abonnements s’ils veulent accéder à plusieurs catalogues de plus en plus « propriétaires ». @

Entre Série Mania de mars et CanneSéries d’avril, les webséries peinent à sortir de l’ombre

Malgré la bulle des séries qui agite le paysage audiovisuel, les webséries ont
du mal à se frayer un chemin dans le nouveau monde de la production et de la diffusion. Les festivals des séries ne leur donnent pas assez de visibilité, sauf
si la websérie a inspiré une série – à l’image d’« Osmosis ».

Avant de devenir une série que diffuse Netflix depuis le 29 mars, « Osmosis » était à l’origine une websérie créée par Audrey Fouché (photo) et produite par Arte Creative en 2015. L’histoire racontée par cette série part d’une application algorithmique qui garantit avec certitude de trouver l’âme soeur, grâce à un… implant avalé puis logé dans le cerveau. La marque Osmosis n’a pas été cédée à Netflix par la société de production Newen (filiale du groupe TF1) qui en est propriétaire, mais elle est louée en licence
de marque au géant mondiale de la SVOD pour lequel Newen a produit la série
« Osmosis » (1).

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells

Olivier Nusse, président d’Universal Music France : « Il faut démocratiser le streaming par abonnement »

Président d’Universal Music France, filiale du premier producteur mondial
de musique, et depuis neuf mois président du syndicat français représentant notamment les majors (Snep), Olivier Nusse déplore que Spotify, Apple Music ou Deezer ne fassent pas mieux connaître le streaming par abonnement en France.

Le streaming musical a beau représenter en 2018 – et pour la première – plus de la moitié (50,1 %) du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en France, soit 300,9 millions d’euros sur
un marché total de 581,3 millions d’euros, et compter 5,5 millions d’abonnés à ce type d’écoute audio, cela ne satisfait pas Olivier Nusse (photo). Président d’Universal Music France depuis plus
de trois ans et, depuis neuf mois, président du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), il estime que les plateformes de streaming – au premier rang desquelles Spotify, Apple Music et Deezer – ne font pas assez en France la pédagogie du streaming par abonnement. « Atteindre 5,5 millions d’abonnés en France en 2018, c’est encourageant : il y en a 1 million de plus en un an. Mais c’est un vrai challenge car c’est à peine 10 % de taux de pénétration [par rapport à la population française et ses 67 millions d’habitants, ndlr]. Certains autres territoires atteignent 20 % à 25 %. Je pose la question : est-ce que l’on a réussi à suffisamment démocratiser cet usage (du streaming musical par abonnement), le faire comprendre, pour qu’il ait une vraie croissance du nombre d’abonnés en France ? », s’est-il demandé lors de la conférence annuelle du Snep, le 14 mars dernier.

Audiovisuel : courroux après l’avis des « sages »

En fait. Le 4 mars, Pascal Rogard (SACD) a critiqué l’avis que l’Autorité
de la concurrence a rendu le 21 février sur « une nouvelle régulation de
la communication audiovisuelle à l’ère numérique ». Selon lui, et d’autres organisations, les sages ont fait l’impasse sur la « politique de soutien à
la création ».

En clair. L’Autorité de la concurrence a jeté un pavé dans la marre de l’audiovisuel
et du cinéma en préconisant de « desserrer les contraintes (1) pesant sur les [chaînes de télévision] pour leur permettre de rivaliser, à armes égales, avec les plateformes de vidéo en ligne (Amazon, Netflix) » (2). Les réactions d’organisations d’auteurs et de producteurs ne se sont pas faites attendre. « Si le dialogue avec les chaînes, les FAI (3), les plateformes numériques et quelques[-unes] des plus importantes maisons de production (…) semble avoir été très fourni et approfondi, les représentants des auteurs et aussi des producteurs indépendants n’ont, eux, pas eu la chance de pouvoir être auditionnés », déplore Pascal Rogard, directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Selon lui, cela aboutit à « d’un côté, un nivellement par le bas qui tend à ratiociner la régulation, de l’autre, une volonté de faire du numérique un espace de régulation et de concurrence loyale entre les acteurs du numériques et les groupes audiovisuels ». Et ce, au détriment d’une « politique de soutien à la création et à la diversité culturelle ». Le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) a de son côté exprimé le 27 février « son profond désaccord avec l’avis » qui, selon lui, « recommande d’affaiblir la création française et européenne ».
Et de regretter : « A l’heure où la France et ses partenaires européens agissent pour faire contribuer les opérateurs internationaux [Netflix, Amazon Video et autres GAFAN, ndlr] au financement de la création française et européenne (4), cet avis propose de résorber les différences par un “moins-disant” culturel ». Membre du Bloc, l’Union
des producteurs de cinéma (UPC) s’est aussi « alarm[é]» de cet avis le 22 février :
« L’injonction à la dérégulation formulée par l’Autorité de la concurrence est dévastatrice » et « [s]es préconisations signent un abandon total du tissu d’entreprises et de créateurs », dénonce son délégué général, Frédéric Goldsmith. Le Syndicat
des producteurs indépendants (SPI), membre aussi du Bloc, fait part de sa
« consternation » et parle même d’« attaque sans précédent contre la diversité culturelle », voire de « réquisitoire à charge ». Quant à l’ARP (Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), elle a exprimé le 25 février sa « stupéfaction » et estime que « l’Autorité de la concurrence se trompe gravement ». @