GAFA : la France milite pour un régulateur européen

En fait. Le 19 mai, Sébastien Soriano – président depuis mi-janvier de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) – était l’invité de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). Il est favorable à une régulation européenne des plateformes numériques.

La société Xandrie lance Allbrary, plateforme numérique culturelle aux ambitions internationales

En gestation depuis cinq ans, la bibliothèque digitale culturelle Allbrary – ebooks, jeux vidéo, logiciels, créations et bientôt films, musiques et presse – devient accessible (site web et application Android). Edition Multimédi@ a rencontré son PDG, Denis Thébaud.

Denis ThébaudC’est sans précédent en France, voire en Europe : pour la première fois, une plateforme numérique unique propose une offre culturelle diversifiée. Son nom : Allbrary. La société française Xandrie qui l’a conçue a l’ambition de proposer une bibliothèque digitale « tout en un » que chacun peu personnaliser à sa guise en fonction de ses goûts et loisirs culturels, plutôt que d’aller courir différents sites Internet d’offres de livres numériques, de jeux vidéo, de logiciels, de films ou encore de musique.

Bibliothèque digitale personnalisable
« C’est un projet de long terme que nous mettons au point depuis 2010 et qui a nécessité plus de 8 millions d’euros d’investissement initial, auxquels s’ajoutent 3 à
4 millions d’euros sur le prochain exercice pour son fonctionnement et son évolution », nous explique Denis Thébaud (photo), PDG de la société Xandrie (1).
Ce projet de bibliothèque numérique multiculturelle, que Edition Multimédi@ avait révélé fin 2012, entre enfin dans sa phase opérationnelle et mobilise aujourd’hui une vingtaine de salariés et divers équipes de développement externes. Pour le lancement de sa version bêta publique, Allbrary était présent au Salon du livre de Paris avec un catalogue en ligne atteignant à ce jour 80.000 références d’oeuvres culturelles. Les accès se font soit par le site web Allbrary.fr, soit par l’application pour smartphones
et tablettes sous Android, en attendant d’autres environnements.

A l’avenir, Allbrary sera une application proposée directement sur des terminaux (Lenovo, Asus, …), voire des Smart TV. « Allbrary est là pour apporter de la simplicité
à ceux qui ne sont pas encore rompus avec le numérique et qui sont perdus face à la complexité des offres existantes. Nous proposons actuellement des livres numériques, des jeux vidéo, des logiciels et des créations digitales. Et à partir de l’été prochain, le catalogue s’enrichira de vidéos et de partitions musicales. Viendra par la suite la musique elle-même, puis, à l’avenir, la presse », poursuit Denis Thébaud. Selon une logique cross-media, l’utilisateur aura la possibilité de passer d’un écran à un autre
en reprenant le cours de son oeuvre à partir de là où il l’avait laissée avant de s’interrompre. Chaque catégorie de loisirs numériques est en outre enrichie par
une équipe dédiée afin que les métadonnées servent à faire des recommandations personnalisées sur la base des préférences de chaque utilisateur. Pour l’offre de VOD, Xandrie vient de signer avec un partenaire qu’il ne dévoilera que l’été prochain. La vidéo sera d’abord proposée en streaming et sous forme de location en ligne (sur 48 heures), puis dans un deuxième temps l’offre sera élargie au téléchargement. « Afin
de faire face au minimum garanti [MG désignant l’avance ferme et définitive sur les recettes à venir, ndlr], il fallait trouver une solution de mutualisation pour la VOD », indique Denis Thébaud. Pour la musique en ligne, plus difficile à mettre en oeuvre
car « moins rémunérateur », Allbrary proposera d’abord le téléchargement, puis le streaming.

Xandrie fait en sorte de signer des accords de licences de portée mondiale, afin de faire d’Allbrary une plateforme internationale qui sera déclinée en anglais dans les prochains mois (1). Pour le livre, les partenaires sont Gallimard, Nathan, Albin Michel, ainsi que Penguin ou encore Random House. Pour les jeux vidéo, le catalogue compte Ubisoft, Focus Home Interactive, Nordic Games, Bethesda Softworks et d’autres. Côtés logiciels, on trouve Adobe, Microsoft, Symantec, Génération 5 ou encore Bitwig et Magix. Sans oublier les créations issues de Cyclone, Biwig Studio, ViaCad, etc. Il faut dire que la société Xandrie est rompue aux accords de distribution, dans la mesure
où elle a été à l’origine une émanation du groupe Innelec Multimédia – distributeur physique de produits tels que jeux vidéo, DVD, logiciels, CD audio, consoles, objets connectés, etc – que Denis Thébaud a créé il y a 32 ans maintenant. Si Innelec Multimédia est une société cotée, il n’en va pas de même pour l’ex-filiale Xandrie (2)
qui est devenue indépendant fin 2012. Formule d’abonnement en 2016 Ce guichet unique des loisirs numériques, inédit en France, propose des contenus qui seront gratuits ou payants. Les achats se font à l’acte, en attendant qu’une offre d’abonnement multiculturelle soit lancée en 2016. Les partages des revenus avec les fournisseurs se font selon la clé de répartition 70/30 (70 % pour l’éditeur et 30 % pour le distributeur), lorsque ce n’est pas 60/40. L’architecture technique et les développements sont progressivement rapatriés en interne (3), après avoir été en partie sous-traités, afin d’accélérer le déploiement. @

Charles de Laubier

Gestion collective des droits d’auteur : la Cisac s’impatiente sur les remontées d’Internet

La Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), présidée par le musicien Jean-Michel Jarre, s’impatiente sur les recettes du numérique qui « ne représentent que 5 % du montant total ». Membre, la Sacem prône toujours une taxe sur les hébergeurs.

« Nous sommes souvent à la merci des entreprises qui contrôlent les canaux de distribution de nos œuvres. L’environnement numérique actuel, dont les créateurs sont les acteurs les plus fragiles, nous le fait cruellement sentir », déplore le pionnier de la musique électronique Jean-Michel Jarre (photo), président depuis juin 2013 de la Cisac, laquelle représente au total dans le monde plus de 3 millions d’ayants droits, créateurs de musiques et de chansons pour l’essentiel (87,2 % des recettes), mais aussi de films, de livres, de peintures, de poèmes ou encore d’illustrations.
Jean-Michel Jarre peste contre Internet
Au global, les 230 sociétés de gestion collective membres de la Cisac – laquelle fut créée en 1926 et est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem qui
en est membre – ont collecté toutes ensemble plus de 7,7 milliards d’euros sur l’année 2013 (le bilan global avec un an de décalage).
Mais cette année, l’impatience de la Cisac est perceptible quant aux montants perçus du monde digital. « Les droits liés au numérique ont augmenté de 25 % mais ne représentent toujours que 5 % du montant total des perceptions mondiales », souligne
le directeur général de la confédération, Gadi Oron. Le « numérique & multimédia » (dixit la terminologie de la Cisac) a rapporté sur l’année 380 millions d’euros – soit 4,9 % en réalité. Et ce montant émane à 99 % du secteur de la musique. « Le solde provient
des autres répertoires (arts visuels en fait). Ce qui ne signifie pas que le digital ne représente rien dans les autres répertoires (audiovisuel, littéraire, dramatique) où
les droits issus du numérique ne sont pas distinctement identifiés dans les données
de ces répertoires que nous remontent les sociétés membres de la Cisac. La part des perceptions issues du numérique peut dès lors à ce titre être considérée comme sous-estimée dans notre rapport », nous indique Frédéric Patissier, consultant pour la confédération. Bien que sous-estimé, le digital a augmenté de près de 25% sur un an (voir graphique ci-dessous). Il y a même une accélération significative car, l’année précédente, la croissance du digital n’était que de 7 %. Plus de la moitié de ces recettes numériques proviennent de l’Europe, où la croissance sur un an atteint même 40,8 %,
à 207 millions d’euros.
Parmi les autres régions du monde qui contribuent aussi aux recettes digitales musicales, il y a notamment l’Amérique du Nord (44 millions d’euros) et l’Amérique
du Sud-Caraïbes (6 millions). Reste que les retombées du numérique en monnaies sonnantes et trébuchantes restent faibles aux yeux de la Cisac, alors que le marché
de la musique enregistrée est proche du « point de basculement » où les droits perçus proviendront davantage du numérique que des ventes physiques. « Nous ne bénéficions absolument pas d’une juste rémunération pour les utilisations numériques. Certaines entreprises gagnent des milliards grâce à nos œuvres et nous méritons d’en retirer notre juste part », s’était insurgé Jean-Michel Jarre il y a un an, lors du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem).

Une « compensation équitable » ?
Membre de la Cisac, la Sacem prône – dans le cadre de la révision de la directive européenne «DADVSI » sur le droit d’auteur – une « compensation équitable » au profit des titulaires de droit, « laquelle serait supportée par certains intermédiaires techniques de l’Internet » (1). Pour les sociétés de gestion collective, qui en assureraient la gestion, cette taxe prélevée sur les plateformes du Web (YouTube, Dailymotion, Facebook, Yahoo, …), serait justifiée pour compenser « le préjudice subi par les ayants droit » en raison du statut d’hébergeur à responsabilité limité (2) de ces dernières par rapport au piratage sur Internet. @

Charles de Laubier

« The Interview qui tue » la chronologie des médias !

En fait. Le 31 décembre, Sony Pictures Entertainment a annoncé la disponibilité de son film contesté par la Corée du Nord, « The Interview qui tue ! », sur des plateformes de vidéo à la demande (VOD) ou directement sur Internet, et ce simultanément à sa projection dans des salles de cinéma depuis Noël.

Le standard HTML5 prépare la revanche du Web sur les applications et les écosystèmes fermés

Lors de son intervention à la conférence LeWeb, le 10 décembre dernier, Tim Berners-Lee – l’inventeur du World Wide Web il y a 25 ans – a dénoncé les environnements fermés et verrouillés des « applis » mobiles, tout en se posant en garant de l’ouverture et de l’interopérabilité du Net. 2015 sera l’année du HTML5.

Tim Berners-Lee« Il nous paraît aujourd’hui naturel de regarder une vidéo directement dans son navigateur web, ou encore d’accéder au Web sur son téléphone. Nous nous attendons à pouvoir partager des photos, faire du shopping, lire le journal, et accéder à des informations partout, et sur tout type de terminal. Bien qu’invisibles pour la plupart des utilisateurs, HTML5 et la plateforme Web sont à l’origine de leurs attentes croissantes », avait déclaré Tim Berners-Lee (photo), président du consortium W3C, lors de la publication du nouveau standard HTML5 le 28 octobre dernier.

HTML5 et le principe de l’interopérabilité
Créé il y a vingt-cinq ans par le Britannique Tim Berners-Lee lorsqu’il était travaillait au Cern (ex-Conseil européen pour la recherche nucléaire) à Genève, le langage universel de création de sites et d’applications web Hypertext Markup Language (HTML) est plus que jamais – avec cette cinquième révision majeure – la clef de voûte du Web.
HTML5, c’est la garantie de pouvoir développer en une seule fois des sites et des applications en ligne qui seront interopérables sur les différentes plateformes et terminaux, tout en intégrant audio, vidéo, graphismes, animations ou encore dessins vectoriels (sans plugins). C’est la réponse du Web aux environnement plus ou moins verrouillés que sont les écosystèmes iOS d’Apple, Windows Phone de Microsoft, Android de Google ou encore le Fire OS d’Amazon, lesquels imposent autant de développements aux éditeurs d’applications. Avec l’HTML5, un seul développement cross-platform suffit selon le principe du « Développer une fois ; déployer partout ». Grâce à lui, les navigateurs web reprennent l’avantage sur les « applis » ou les
« apps » fermées.
Le cabinet d’études américain Gartner considère le HTML5 comme étant l’une des dix technologies mobiles les plus importantes pour 2015 et 2016. Et selon un sondage mené cette année par Vision Mobile auprès de 10.000 développeurs dans le monde,
42 % d’entre eux utilisent une combinaison d’HTML, CSS (1) et JavaScript (2) pour tout ou partie de leurs applications Web mobiles. HTML5 va leur faciliter la tâche, les développeurs de logiciels bénéficiant de la licence libre de droits et sans versement de redevances. Pour les industriels d’environnements propriétaires, soucieux de préserver leur walled garden, Apple en tête, ce standard ouvert présente des risques en matière de sécurité et de vie privée. Ce à quoi le W3C rétorque que la cryptographie, l’authentification et la gestion des identités feront parties intégrantes du nouveau standard. Le W3C, qui fête cette année ses vingt ans d’existence (3) et les vingt-cinq ans du Web, se diversifie de plus en plus pour répondre aux nouveaux usages tels
que les paiements web, l’automobile connectée, l’édition numérique, les télécommunications et les industries de divertissement (télévision, cinéma, etc.). Le HTML5 apparaît comme LA réponse à la fragmentation de l’économique numérique, confronté à la multiplication des plateformes – et terminaux associés – incomptatibles entre elles. Le problème de cette noninteropérabilité préoccupe la Commission européenne, qui y voit un morcellement du marché unique numérique :
« A peu près 35 % des développeurs ont été gênés par le manque d’interopérabilité entre plateformes comme Android, iOS et Facebook », avait-t-elle relevé en février dernier. En plus de ce frein technique, « une majorité de développeurs se sont
plaints de dépendre entièrement, de fait, des plateformes mises au point par les
géants américains, ainsi que des conséquences d’une telle dépendance en termes
de recettes » (4).
Après la neutralité du Net, l’interopérabilité deviendrait le nouveau sujet de débat en Europe. La fondation Mozilla, à l’origine du navigateur Firefox, est l’une des pionnières du HTML5. « Nous voulons que le Web soit la place de marché universel, la plateforme universelle, que l’on ait besoin d’iPhone, d’Android, de Windows ou autres. Les développeurs doivent pouvoir développer une seule application – en HTML5 – pour qu’elle soit utilisable sur tous les terminaux et plateformes », expliquait il y a un le Français Tristan Nitot, président fondateur de Mozilla Europe et porte-parole mondial
de la fondation (5).

Neutralité de l’Internet
Président depuis dix ans du W3C qu’il a fondé il y a vingt ans, Tim Berners-Lee est
un ardent défenseur de la neutralité de l’Internet. Britannique, il a été fait le 16 juillet
« chevalier commandeur » par la reine d’Angleterre Elizabeth II. « Le Web doit rester universel, ouvert à tous et n’altérant pas l’information véhiculée. La technologie devenant plus puissante et disponible sur davantage de types de terminaux d’accès », a-t-il déclaré à cette occasion. En 2015, il recevra le Prix Gottlieb Duttweiler. @

Charles de Laubier