Le 38e Mipcom, marché international des contenus audiovisuels, fait la part belle aux streamers

Du 17 au 20 octobre se tient le 38e Mipcom, le grand raout du marché mondial des contenus audiovisuels qui a lieu chaque année à Cannes, organisé par le groupe RX (ex-Reed Exhibitions) et sa filiale française (ex-Reed Midem). Les plateformes de streaming vidéo n’ont jamais été aussi présentes.

La capitale du tapis rouge reçoit sur sa Croisette les grands noms du streaming vidéo. Sont à Cannes pour le 38e Mipcom précédé du 30e MipJunior, tous les deux sous la direction de Lucy Smith (photo) : Netflix avec une quinzaine d’« acheteurs », Amazon avec une bonne cinquantaine, Disney+ avec trois buyers sur plus d’une quarantaine de dirigeants envoyés par la Walt Disney Company, mais aussi YouTube (Google) avec quatre dirigeants, Apple avec deux acheteurs, Paramount+ avec également deux sur près de vingt-cinq dirigeants du groupe Paramount Global (ex-ViacomCBS), dont deux buyers de sa plateforme Pluto TV. Notons aussi la présence de trois dirigeants du belge Streamz, une dizaine du français Orange ou encore un de son concurrent Altice Média.

Les streamers contribuent à la diversité
Ces buyers (1), qui font la pluie et le beau temps pour la saison 2022-2023 de l’industrie mondiale de la production audiovisuelle, sont venus en nombre à cette 38e édition du Mipcom. Après deux années perturbées par la pandémie de covid, RX (ex-Reed Exhibitions) – filiale expositions du groupe anglo-néerlandais-américain RELX (ex-Reed Elsevier) – table sur la présence de 3.000 acheteurs et agents, 2.000 producteurs et plus de 300 stands d’exposition pour un total de 10.000 participants de près d’une centaine de pays.
Au cours de ce Marché international des contenus audiovisuels et de la coproduction (son libellé officiel), jamais les chaînes de télévision n’ont eu à se frotter aux plateformes de streaming pour la « haute saison d’achat » automnale de nouvelles séries ou de productions existantes.
Netflix, le numéro un mondial des plateformes de SVOD (2), qui n’a pas toujours pas eu au printemps dernier les honneurs du tapis rouge du Festival de Cannes pour cause d’incompatibilité avec la chronologie des médias française, prend sa revanche cet automne. La firme de Los Gatos (Californie) a dépêché au Mipcom l’une des plus importantes délégations pour un streamer. La plateforme au « N » rouge – … comme le tapis cannois – est même un des partenaires du 6e Prix de la Diversité qui sera décerné le mercredi 19 octobre 2022 au Palais des Festivals. Et ce, aux côtés de A+E Networks (groupe NBCUniversal), de Téléfilm Canada, de Canada Media Fund (CMF) ou encore du producteur britannique All3Media. Sur les 190 dossiers de candidature reçus pour concourir à ce 6e « Diversify TV Awards » (diversité et inclusion), 10 gagnants seront récompensés. Netflix fait d’ailleurs parti des nominés, dans la catégorie « Représentation des LGBTQIA+ » (scénario) pour sa série originale « Heartstopper » coproduite avec See- Saw Films (3). Parmi les autres nominés, la plateforme vidéo YouTube est sélectionnée trois fois : dans la catégorie « Représentation de la race et de l’ethnicité » (non-écrit) avec le show « Race Around Britain », une production YouTube Originals et Expectation & Munz Made It ; dans la catégorie « Représentation de la diversité dans les programmes pour enfants » (enfants plus âgés) avec la série « Onyx Family Dinner », coproduite par YouTube Originals et Pocket.watch ; dans la catégorie « Premio MIP Cancun » (nouveau pour 2022 en partenariat avec MIP Cancún, ville mexicaine) avec « Grandes Mujeres Latinoamericanas » (Grandes femmes latino-américaines) coproduit par YouTube et Billiken. La plateforme Amazon Prime Video n’est pas en reste, elle qui se retrouve elle aussi nominée dans cette même dernière catégorie avec « Because Victoria », une coproduction avec Vis et Oficina Burman.
Le Mipcom de l’automne étant aux « pilotes » (nouveautés) ce que le MipTV au printemps est aux « formats » (déclinables dans différents pays), il reflète les prises de risque des différents diffuseurs de contenus audiovisuels venus du monde entier. Les streamers tels que Netflix ou Amazon ont une approche plutôt globale de leurs publics, alors que les chaînes de télévision ont encore tendance à raisonner localement. Résultat : les plateformes mondiales sont plus enclines à refléter la diversité et à prendre plus de risque, tandis que les chaînes nationales font des efforts en faveur de la diversité mais ne peuvent se permettre de prendre trop de risque.

Plateformes SVOD, AVOD et FAST
Le 38e Mipcom illustre par ses contenus audiovisuels « le monde d’après », potentiellement plus inclusif et plus varié. Il en ira de même pour la multiplicité des accès aux productions (4). Les chaînes ne sont plus les passages obligés pour les téléspectateurs depuis que la SVOD les a détrônées du salon. La vidéo à la demande par abonnement va encore bondir dans les cinq ans qui viennent, à 1,68 milliard d’abonnés dans le monde en 2027 – contre 475 millions d’abonnés en 2021, selon Digital TV Research. La SVOD devrait alors ainsi atteindre 132 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont 30 milliards pour Netflix et 15 milliards pour Disney+, malgré la montée en charge des services de vidéo AVOD (5) ou de télé FAST (6) avec publicités. @

Charles de Laubier

Streaming musical : ce que prévoit l’accord du 12 mai sur la rémunération minimale des artistes

Signé le 12 mai 2022 par les organisations syndicales des producteurs de musique enregistrée, d’une part, et celles des artistes-interprètes, d’autre part, l’« accord historique » garantit une rémunération minimale pour ces derniers lors de la diffusion de leurs musiques en streaming.

La signature de l’accord pour la rémunération des artistes-interprètes dont la musique est diffusée en streaming, qui s’est déroulée le jeudi 12 mai au ministère de la Culture et sous l’égide du médiateur de la musique Jean-Philippe Mochon (photo), est à marquer d’une pierre blanche. Il fixe une garantie de rémunération minimale pour les artistes-interprètes dont les œuvres musicales sont diffusées « en flux » (comprenez en streaming). Mais, selon nos informations auprès du médiateur de la musique, il reste encore à se mettre d’accord sur la rémunération spécifique des musiciens d’orchestre, notamment dans la musique classique.

Deux arrêtés ministériels en vue
Quoi qu’il en soit, l’accord est considéré comme « historique ». Les signataires « à l’unanimité » de ce document d’une quinzaine de pages – que Edition Multimédi@ s’est procuré (1) – sont : les syndicats d’employeurs et producteurs de musiques – Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) et Syndicat des musiques actuelles (SMA) ; les organismes de gestion collective des droits d’auteur des artistes-interprètes – Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) et Société de gestion des droits des artistes interprètes (Spedidam) ; les syndicats de salariés – Snam-CGT, SFACGT, F3C-CFDT, SNM-FO, Snacopva CFE CGC, FCCS CFECGC, FNSAC-CGT et Snapsa CFE-CGC.
Tous sont convenus que les artistes-interprètes toucheront une rémunération minimale dans le cadre du streaming musical. Cet accord fait le distinguo entre les artistes interprètes qui touchent des redevances proportionnelles (« artistes principaux » dans le jargon des producteurs) et les musiciens rémunérés essentiellement au cachet (« artistes musiciens »). Les premiers bénéficieront des taux de royalties supérieurs à 10 %, calculés sur une assiette tenant compte des différents modèles économiques de production existants, ainsi qu’un droit à percevoir systématiquement une avance minimale du producteur et une bonification de taux en cas de succès important. Les seconds percevront tous une somme forfaitaire spécifique au titre du streaming, ainsi que des rémunérations nouvelles supplémentaires et automatiques chaque fois que sont atteints les niveaux de succès définis par l’accord, à partir d’un demi-single d’or (7,5 millions d’écoutes). L’accord valable pour cinq ans (2), trouvé au bout de nombreux mois de négociations et faisant figure de « compromis » (dixit la SCPP et la SPPF), prévoit aussi le soutien de tous les producteurs de musique, notamment les plus fragiles (« les labels TPE (3) »), dans le cadre d’un dispositif cofinancé par l’Etat : le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), qui a été créé en 2016 pour soutenir l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré, dans le secteur public comme dans le secteur privé (4). « Le présent accord revêt une force obligatoire à compter du premier jour du mois suivant la date de publication de l’arrêté du ministère chargé de la Culture qui le rend obligatoire. Il entre en vigueur, le cas échéant avec effet rétroactif, à compter du 1er juillet 2022 » prévoit l’accord paraphé, signé et daté du 12 mai, même si les discussions se sont poursuivies tard dans la nuit.
Il était temps, avec six ans de retard ! En effet, ce compromis met enfin en œuvre la garantie de rémunération minimale (GRM) introduit dans le code de propriété intellectuelle (CPI) par la loi dite « Création » de juillet 2016 (5). Pourtant la loi était claire : il accordait aux organisations professionnelles de la musique enregistrée un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi « Création », à savoir jusqu’au 8 juillet 2017, pour signer un accord collectif. A défaut, la garantie de rémunération minimale devait être fixée par une commission présidée par un représentant de l’Etat. Rien de tout cela n’avait finalement eu lieu, jusqu’à ce compromis qui a au moins le mérite d’exister. A noter qu’outre l’arrêté attendu du ministère de la Culture, cet accord peut aussi être rendu obligatoire par un arrêté du ministre chargé du Travail.

Partage de la valeur du streaming
« Les acteurs de la musique enregistrée en France sont capables de trouver ensemble des solutions innovantes et ambitieuses pour apporter des réponses au débat essentiel du partage de la valeur sur la musique en ligne », s’est félicitée le ministère de Roselyne Bachelot-Narquin le 16 mai, soit le dernier jour de son mandat rue de Valois. Cet accord s’applique aux exploitations en streaming des musiques enregistrées des artistes-interprètes « en France et à l’étranger » (articles 2 et 4 de l’accord), mais les exploitations relevant de la gestion collective obligatoire n’entrent pas dans son champ. Il s’applique aux artistes-interprètes engagés par un employeur dans le cadre de son activité de producteur de musique enregistrée lorsqu’elle constitue son activité principale, dans un contrat de travail relevant de la convention collective nationale de l’édition phonographique (CCNEP).

En phase avec la directive « Copyright »
Prévue dès juillet 2016 dans la loi « Création », cette disposition « GRM » concernant une rémunération équitable dans le streaming fut une première en Europe, bien avant la directive européenne sur « le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » adoptée en 2019 et applicable depuis un an par les Vingtsept (6). « Au regard des autres pays européens, je crois vraiment que ce que nous faisons est inédit et converge avec les principes posés par la directive, mais n’en est pas en soi la transposition », nous précise Jean-Philippe Mochon. La directive « Copyright » de 2019 prévoit bien que « les Etats membres devraient être libres de mettre en œuvre le principe de rémunération appropriée et proportionnelle en recourant à divers mécanismes existants ou nouvellement introduits, qui pourraient inclure la négociation collective » (considérant 73). La directive « Copyright » a gravé dans le marbre le principe de « rémunération appropriée et proportionnelle » (article 18). L’accord collectif français du 12 mai 2022 concrétise enfin cet objectif.
Dans le détail, selon qu’il s’agit d’un « artiste principal » irremplaçable (un groupe, un soliste, un, …) ou d’un « artiste musicien » remplaçable (un accompagnateur, un choriste, …), la rémunération diffère. « Le caractère proportionnel de la rémunération de artistes-interprètes, et a fortioride la garantie de rémunération minimale, peut inclure par conséquent le recours à des modalités de rémunération différenciées de la cession de droits, sous forme de redevance [les royalties, ndlr] ou d’un ou plusieurs forfaits [au cachet, ndlr] », est-il expliqué dans l’accord.
• Rémunération des artistes principaux. Si le producteur de musique enregistrée est son propre distributeur auprès des plateformes de streaming, il garanti un taux minimum de 11 % (en période d’abattements) ou de 10 % (hors période d’abattement) sur les sommes qui lui sont reversées par ces dernières. Si le producteur de musique enregistrée n’est pas son propre distributeur auprès des plateformes de streaming, il garantit un taux minimum de 13 % (en période d’éventuels abattements) ou de 11 % (hors période d’abattement), sans pour autant que cette rémunération minimale dépasse respectivement les 11% et les 10 % des sommes encaissées par le distributeur. Quant à ces abattements éventuels, négociés de gré à gré entre l’artiste-interprète et le producteur, ils ne peuvent réduire de plus de la moitié le taux prévu au contrat. Pour les producteurs de musique bénéficiant d’un contrat de licence exclusive, ils garantissent un taux minimum de 28 % des sommes qu’ils encaissent en streaming (sans abattements possibles). Concernant cette fois les avances minimales garanties, l’accord collectif prévoit que le producteur verse 1.000 euros bruts par album inédit, somme ramenée à 500 euros lorsqu’il s’agit d’une TPE. Les organismes de gestion collective de producteur (SCPP, SPPF, …) doivent soutenir ces dernières (7).
• Rémunération des artistes musicaux. Le producteur garantit à l’artiste-interprète une rémunération forfaitaire minimale correspondant à 2% ou 1,5 % (selon les cas), et par minute de l’enregistrement, du cachet de base défini par la convention collective (CCNEP). A cela s’ajoutent des rémunérations minimales complémentaires « qui sont fonction du seuil de streams atteint » par la musique sur les plateformes de streaming. Si le seuil atteint en France soit les 7,5 millions de streams, soit les 30 millions de streams, soit les 50 millions de streams dans les 50 ans suivant la première commercialisation de la musique, l’artiste-interprète perçoit l’équivalent de respectivement 20 %, 30 % ou 35 % « d’une valeur monétaire égale au montant du cachet de base » (plafonné à dix fois cette valeur). Et au-delà d’un multiple de 50 millions de streams, cela donne droit à une nouvelle rémunération complémentaire. L’accord collectif précise en outre que « la méthodologie de décompte de volumes de streams est annexée au présent accord ». Pour l’heure, les plateformes de streaming Amazon, Apple, Deezer, Qobuz, Soundcloud, Spotify et Tidal participent au panel qui contribue aux classements et aux certifications. Lorsqu’il s’agit de téléchargement (pas de flux), Amazon, Apple, Juno, Prestoclassical et Qobuz sont pris en référence.

Napster et YouTube négocient encore
« Le panel est amené à s’enrichir des acteurs suivants dont les négociations sont en cours : Napster (un accord de principe existe mais la mise en place des flux se heurte encore à des délais de réponse importants de la plateforme) ; YouTube Music (pas d’accord de principe à ce stade, YouTube souhaitant la prise en compte des streams et visualisations gratuites) », est-il indiqué dans cette annexe. Autres précisions : « Seuls les streams payants d’une durée supérieure à 30 secondes sont pris en compte. Les téléchargements d’un enregistrement et les singles physiques (8) sont convertis en équivalentstreams en application des paramètres publiés sur le site Internet du Snep, et sont ensuite rajoutés aux volumes des streams de cet enregistrement ». Cet accord historique intervient alors que la musique enregistrée fêtera ses 100 ans le 28 juin prochain. @

Charles de Laubier

Vers un statut proche de « radiodiffuseur » pour les sites de streaming… légal

Les sites de streaming de musique comme Deezer, gratuits et financés par la publicité, tentent maintenant de proposer des abonnements payants. Alors que l’Hadopi va scruter le peer-to-peer mais aussi le streaming, la question d’un statut pour ces sites de flux est posée.