Dans un monde de plateformes de streaming et de podcasts, la radio voit son avenir s’éclater

Les 6 et 7 juin a eu lieu la quatrième édition de la Fête de la radio. Mais le cœur y est-il vraiment ? L’Arcom dévoilera son livre blanc sur l’avenir de la radio, lors des Assises qui lui sont consacrées le 18 juin. Le média plus que centenaire est en pleine réflexion existentielle face aux GAFAM.

Quatre mois après la Journée mondiale de la radio initiée par l’Unesco (ce fut le 13 février cette année), la quatrième édition de la Fête de la radio a eu lieu en France les 6 et 7 juin, événement lancé en 2021 à l’initiative de l’Arcom – via une association conventionnée (1) – avec le parrainage du ministère de la Culture. Ces deux journées permettent de mieux faire connaître le média radio et ses mutations, de la FM au DAB+, en passant par le streaming et les podcasts. Plus de 100 ans après sa naissance et près de 40 ans après la libéralisation de la communication audiovisuelle, la radio est toujours aussi populaire auprès d’un très large public.

La radio devenu un contenu comme un autre
Si son audience cumulée peut encore battre des records, le média radio n’en est pas moins en pleine fragmentation de cet auditoire qui se disperse en fonction des modes de diffusion : en analogique (FM), en numérique (DAB+) ou sur Internet (live streaming, replay, podcast, …). Cet éclatement radiophonique induit une multitude d’appareils de réception utilisés et des situations d’écoute désormais très différentes : chaque jour en France, au premier trimestre, la radio a totalisé 38,7 millions auditeurs en moyenne chaque jour, à raison de 2h26 quotidiennes par auditeur (toujours en moyenne), dont 77,3 % sur des supports dédiés à la radio tels que l’autoradio d’un véhicule, la chaîne hi-fi ou le poste de radio, et 22,7 % sur des supports numériques tels que les smartphones (5,9 millions d’auditeurs quotidiens), les enceintes connectées (1,5 million), les ordinateurs (1,4 million), téléviseurs (959.000) et les tablettes (539.000). D’après Médiamétrie sur la période de janvier à mars 2024, ce basculement de l’écoute de la radio sur ces supports numériques a engendré sur la même période un nouveau record, à 9,7 millions de personnes écoutant chaque jour la radio sur de ces appareils non dédiés à la radio (voir graphiques). Les Français sont davantage équipés en supports multimédias (97 %) qu’en supports dédiés à la radio (90 %), sachant que 99 % des foyers disposent d’au moins un support pour écouter la radio (qu’il soit dédié ou pas). Cette décorrélation progressive de ses récepteurs dédiés historiques (postes de radio, autoradios, radio-réveil, tuner de chaîne hi-fi) fait entrer le média radio dans le flux numérique des contenus en ligne. En se délinéarisant (en live, en différé ou en podcast), la radio perd un peu de sa spécificité. La radio devient un contenu comme un autre à l’ère de la plateformisation numérique. Les éditeurs de stations radio doivent investir dans plusieurs support (FM, DAB+, applications, sites web, podcasts) pour aller cherche l’auditeur là où se trouve. Si les grandes radios ont les reins solides pour faire face à ces coûts de multidiffusion, il n’en va pas de même pour les radios indépendantes et plus encore pour les radios associatives. Ces dernières sont pour 75 % d’entre elles présentes en DAB+ et ont été les premières à soutenir depuis 2014 cette technologie numérique, lancée d’abord à Paris, Marseille et Nice et couvrant à ce jour plus de 60 % de la population métropolitaine.

TV5Monde, la chaîne publique de la francophonie, est aussi une plateforme à succès grâce à Yves Bigot

Chaîne internationale reconnue de la francophonie, détenue et financée par six Etats que sont la France, la Suisse, le Canada, le Québec, la Belgique et Monaco, TV5Monde comptait ouvrir son capital et sa gouvernance à des pays africains. Mais son PDG Yves Bigot a été lâché par le gouvernement.

La décennie « Yves Bigot » aura été profitable à la chaîne francophone internationale TV5Monde. Ce journaliste avait pris ses fonctions de président-directeur général à 58 ans le 7 janvier 2013 en succédant à Marie-Christine Saragosse (1). Il quittera TV5Monde à 69 ans le 30 juin prochain (soit cinq mois avant la fin de son mandat), sa démission – surprise – ayant été annoncée en interne le 28 mai par le secrétaire général de la chaîne Thomas Derobe (2), alors que Yves Bigot était lui-même en mission à Washington (3) pour l’entreprise après avoir remis la veille sa lettre de démission au conseil d’administration présidée depuis août 2015 par Delphine Ernotte (4). Trois femmes sont candidates à sa succession, dont l’ex-ministre Elisabeth Moreno, selon La Lettre (5). Cette démission intervient après que la ministre de la Culture Rachida Dati lui ait signifié le 19 avril dernier : « On n’a rien à vous reprocher, votre bilan est impeccable, mais on ne vous renouvellera pas ». A Télérama le 28 mai, Yves Bigot a justifié son départ précipité : « Je ne suis pas fonctionnaire et il faut que je trouve un job. […] Si on m’avait proposé de continuer, je l’aurais fait volontiers » (6) En 40 ans d’existence, et surtout durant ces onze dernières années sous sa direction générale, TV5Monde (ex-TV5) est devenu l’un des plus grands groupes audiovisuels d’envergure mondiale et le premier éditeur international de chaînes francophones, diffusées à la fois par voies hertziennes et numériques.

A quand TV5Monde sur la TNT en France ?
Le bouquet TV5Monde (dix chaînes) est ainsi présent sur les TNT nationales de pays africains, par satellite, par câble, sur les box d’opérateurs télécoms ainsi qu’en streaming par Internet ou sur application mobile. A propos de la TNT, une porte-parole du groupe a apporté à Edition Multimédi@ la précision suivante : « TV5Monde est disponible sur la TNT au Bénin, au Sénégal, aux Seychelles, à l’Ile Maurice et au Rwanda. Concernant notre présence sur la TNT en France, elle n’est pas au programme. Nous sommes évidemment pour y être disponible un jour mais c’est une décision qui revient à l’Arcom ». Et ce n’est pas faute de lui avoir demandé : en 2009, l’ancienne directrice générale Marie-Christine Saragosse avait déjà sollicité le CSA pour « réfléchir à une fréquence de TV5Monde sur la TNT ». Mais cela n’avait pas abouti. Contactée sur ce point, l’Arcom ne nous a pas répondu. « Cette éventuelle présence sur la TNT en France aurait également un coût très important qui n’est pas à la portée de TV5Monde », nous a en outre indiqué la porte-parole du groupe télévisé francophone.

Europe : Nextory diversifie la lecture en streaming

En fait. Le 25 avril, la plateforme suédoise de lecture en streaming Nextory (ex-Youboox en France) a annoncé un nouvel accord avec la filiale française du groupe d’édition américain HarperCollins. Le catalogues de titres francophones s’étoffe, que ce soit en ebooks ou en audiobooks.

En clair. Après la Suède, la Finlande, l’Allemagne, les PaysBas et l’Espagne, voici que le groupe américain d’édition HarperCollins Publishers (filiale du groupe News Corp) – revendiquant la deuxième place mondiale des éditeurs de livres grand public – vient de mettre encore plus de livres numériques et de livres audio francophones sur la plateforme suédoise Nextory (ex-Youboox en France).
Il n’est pas le premier. De grands groupes français de l’édition, tels que Hachette, Editis, Média-Participations ou encore Madrigall (Gallimard, Flammarion et Casterman), se sont déjà lancés dans la lecture en streaming avec Nextory. Au total, la plateforme suédoise créée en 2015 à Stockholm compte à ce jour quelque 1.500 éditeurs francophones (400.000 titres), auxquels se joint maintenant HarperCollins France. Le catalogue européen proposé ainsi en streaming – à partir de 9,99 euros par mois – est riche de 1 million de titres disponibles « en illimité » (1), où l’on trouve aussi bien des livres numériques que des livres audio, mais aussi des BD et des journaux en ligne. Nextory, qui entend « remettre en question ce que signifie “lire un livre” » (2), a absorbé en octobre 2021 la start-up française Youboox fondée dix ans plus tôt par Hélène Mérillon (3), aujourd’hui PDG de Nextory France et chargée des contenus au niveau du groupe suédois. Elle fut aux avant-postes lorsque la question de la conformité de la lecture en streaming en accès illimité par abonnement a été posée en France au regard de la loi du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique.

Sorti en 2020 de la galaxie News Corp, en désaccord avec son père, James Murdoch n’a pas dit son dernier mot

Le 15 novembre 2023, lors de la prochain AG du groupe de médias News Corp, l’aîné des deux fils Murdoch, Lachlan (52 ans), en deviendra président – succédant à son père Rupert Murdoch. Le cadet, James (50 ans), n’est plus dans l’organigramme de la galaxie News Corp depuis juillet 2020. Qu’est-il devenu ?

James Murdoch (photo) avait démissionné le 31 juillet 2020 du conseil d’administration de News Corp, le groupe fondé quarante plus tôt par son père Rupert Murdoch, magnat des médias, à la tête du plus grand empire de presse et de télévision. « Ma démission est due à des désaccords sur certains contenus éditoriaux publiés par les organes de presse de la société et certaines autres décisions stratégiques », avait justifié le fils cadet du milliardaire australo américain dans sa letter of resignation. Réputé bien moins conservateur que son père et que son frère ennemi Lachlan, James Murdoch avait déjà exprimé son opposition à la ligne éditoriale très à droite des médias du groupe. Pourtant pressenti un temps comme l’héritier naturel de la firme, il avait ainsi quitté la galaxie médiatique de son père qui comprend des journaux renommés tel qu’en Grande-Bretagne The Times, The Sunday Times ou The Sun ainsi qu’aux Etats-Unis The Wall Street Journal, et des tabloïdes en Australie The Daily Telegraph, Herald Sun ou encore The Courier-Mail. La compagnie « Murdoch » englobe aussi le groupe de télévision Fox Corporation, qui est issue de la séparation de 21st Century Fox d’avec News Corp en mars 2019. Et ce, lorsque Rupert Murdoch a cédé à Disney les studios de cinéma et certaines télévisions de la 21st Century Fox, dont James Murdoch avait été le directeur général de juillet 2015 à mars 2019.

James, frère ennemi de Lachlan
Parallèlement, James Murdoch avait aussi été président de la filiale britannique Sky, de janvier 2016 jusqu’à la vente de ce bouquet de télévisions payantes à Comcast en octobre 2018. Lors de la séparation en 2019 des activités audiovisuelles – délestées des studios 20th Century Studios et d’une partie des chaînes de l’ex21st Century Fox vendus à Disney, y compris ses parts dans la plateforme de streaming Hulu – a été créé le groupe de télévision Fox Corporation (éditeur des chaînes Fox News (pro-Trump), Fox Sports ou encore Fox Business restées dans le giron « Murdoch ». L’aîné Lachlan Murdoch continuera à diriger Fox Corporation, qui s’est emparé en 2020 de la plateforme de streaming Tubi, tout en devenant président de News Corp à partir de mi-novembre à l’occasion des deux assemblées générales des actionnaires des deux groupes. Celle de Fox Corporation sera le 17 novembre.

Les majors de la musique déplorent la « trop lente » croissance du streaming par abonnement

Est-ce une « anomalie » du marché français de la musique en ligne, comme le dit le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) qui représente entre autres les majors ? Le streaming financé par la publicité, porté par TikTok, est moins rémunérateur pour les producteurs.

« La croissance du streaming par abonnement en France reste trop lente, comparée à l’adoption massive du modèle payant dans les autres grands marchés historiques de la musique enregistrée », regrette le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont sont notamment membres les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music. « Avec 11 millions d’abonnements payants, soit 1 million de plus que l’an passé, l’usage réunit désormais 16 millions d’utilisateurs premium, grâce aux offres famille et duo », indique à Edition Multimédi@ son directeur général, Alexandre Lasch (photo).

TikTok participerait à l’« anomalie »
Rien que sur le premier semestre 2023, le streaming musical par abonnement génère près de 232 millions d’euros, plus que jamais première source de revenu des producteurs (58,3 % du total, numérique et physique confondus). Pour autant, d’après le Snep, le compte n’y est pas. La croissance des abonnements reste bien en deçà de celle du streaming gratuit financé par la publicité, même si celui-ci est loin derrière en termes de chiffre d’affaires. Ainsi, pour les six premiers mois de 2023, la hausse des revenus des abonnements est de 10 % sur un an (35,8 millions d’euros), alors que celle du streaming financé par la publicité est de 28,1 % (35,4 millions d’euros). « L’anomalie vient du fait que le streaming audio freemium et vidéo, qui réalise désormais près de 20 % du marché, contribue davantage à la progression des revenus du streaming que les offres payantes », explique Alexandre Lasch.