Hadopi : plus de 300 M€ d’indemnisation pour les FAI ?

En fait. Le 15 mars, est paru au J.O. l’avis de l’Arcep sur le décret – publié le 11 – actant l’indemnisation des FAI pour les compenser des surcoûts engendrés par les identifications (demandées par l’Hadopi) de certains de leurs abonnés repérés comme piratant de la musique ou des films sur Internet.

En clair. Cela va coûter cher à l’Etat et dans une moindre mesure à l’Hadopi. Selon nos calculs, le surcoût potentiel total que l’Hadopi aurait dû payer aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) depuis le début de la réponse graduée en septembre 2010 s’élèverait au 31 janvier 2017 (derniers chiffres publiés de la CPD) à au moins… 304,7 millions d’euros !
Cette somme a simplement été obtenue en multipliant les plus de 8,1 millions de premiers e-mails d’avertissements (8.126.738 exactement), que l’Hadopi a envoyés de façon cumulée depuis 2010, avec les 37,5 centimes d’euros que Bouygues Telecom avait obtenus du Conseil d’Etat en avril 2016 pour compenser ses surcoûts engendrés par l’identification de 2,4 millions d’adresses IP de ses abonnés ayant piraté en cinq ans. Ayant également saisi la haute juridiction administrative, Free devrait aussi bénéficier du même traitement compensatoire, en attendant que les autres FAI (Orange, SFR, …) demandent à leur tour leur dû à l’Etat. Bouygues Telecom a obtenu près de 1 million d’euros de dommages et intérêts (1). La dette « Hadopi » de l’Etat envers les FAI concurrents, plus gros, augmentera d’autant plus la facture. L’Arcep
a d’ailleurs précisé dans son avis du 13 décembre 2016 que « plusieurs centaines d’opérateurs [FAI] sont donc susceptibles de recevoir des demandes d’identification
de l’Hadopi ». L’Hadopi, elle, n’aura pas à régler cette note salée théorique de plus de 300 millions d’euros car le décret du 9 mars – de compensation des surcoûts des opérateurs Internet dus à la réponse graduée – n’est pas rétroactif et ne s’applique que pour les identifications des adresse IP depuis le 12 mars dernier.
Surtout, le décret décide que cette compensation ne sera pas calculée à l’adresse IP identifiée mais selon une indemnisation forfaitaire. Cela va dans le sens souhaité par l’Hadopi, laquelle dispose d’un budget annuel de 9 millions d’euros. Un arrêté – qui reste encore à publier au J.O. (2) – fixe cette tarification applicable aux prestations assurées par les FAI. Pour les surcoûts fixes liés aux systèmes d’information, le projet d’arrêté prévoit une compensation forfaitaire annuelle de 80.000 euros (hors taxe) par opérateur Internet. Pour les surcoûts de personnel, il fixe à 160 euros pour chaque traitement de volume, et 18 euros pour les demandes individuelles. @

Après l’ordinateur, le smartphone est de plus en plus utilisé pour pirater des contenus audiovisuels

S’il y a bien un sujet qui n’était pas d’actualité au dernier Mobile World Congress, grand-messe de la mobilité qui s’est tenue à Barcelone, c’est bien celui de l’émergence du piratage de contenus à partir des smartphones. En France, ils seraient déjà près de 2 millions de mobinautes à pirater.

« Si auparavant le piratage nécessitait de télécharger un logiciel de peer-to-peer sur ordinateur, désormais le piratage est facilité par la possibilité d’accéder à des contenus en streaming sur des smartphones ou tablettes. La consommation illégale de contenus audiovisuels se développe sur les supports mobiles ». C’est ce que constate le cabinet EY dans son étude sur le piratage en France publiée fin février (1).

L’Hadopi réagit à la suite de l’étude « Big Fish »

En fait. Le 3 mars, l’Hadopi a tenu à réagir suite à notre article du 13 février intitulé « Efficace au début, la réponse graduée de l’Hadopi – doublement aveugle – ne le serait presque plus », où sont repris les chiffres et conclusions d’une étude publiée en janvier par le ministère de la Culture et de la Communication.

En clair. L’Hadopi nous a apporté des précisions sur un article paru dans le n°161
de Edition Multimédi@ (1), qui reprenait une étude éditée par le DEPS (2) du ministère de la Culture et de la Communication. Réalisée par Jean Berbinau, ancien membre
de l’Hadopi, et Patrick Waelbroeck, professeur à Télécom ParisTech, cette étude préconise que la CPD (3) concentre la réponse graduée sur les plus gros pirates –
les« Big Fish » (4). « S’en tenir à ces derniers serait renoncer à l’action pédagogique large voulue par le législateur à l’égard des internautes pratiquant des échanges non autorisés, nous explique l’Hadopi. Par ailleurs, la gravité des faits ne peut être appréciée au regard de la seule quantité d’œuvres mises à disposition. La CPD prend également en compte d’autres critères (infractions constatées antérieurement, logiciels utilisés pour télécharger, …). Elle transmet les dossiers qu’elle juge les plus graves au parquet, le cas échéant au titre de la contrefaçon ». Selon l’Hadopi, notre article « met en avant des données inexactes ou obsolètes et ignore des informations publiées en janvier dans [son] dernier rapport annuel d’activité ». De plus, « il serait hasardeux de retenir les résultats de travaux reposant essentiellement sur des données de 2012 et ne concernant que l’audiovisuel ».

Piraterie audiovisuelle : il faut réinventer un arsenal juridique préventif

Si le législateur a su donner au juge des outils pour lutter contre les pirates, ces outils ne sont cependant pas toujours adaptés, notamment lors de diffusions en direct – comme dans le sport – ou pour les nouveautés. A quoi bon condamner un pirate si la sanction ne peut être exécutée.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Un des aspects de la révolution numérique, qui a bouleversé notre société, est la dématérialisation. Du fait de la facilité de la transmission du support, la piraterie audiovisuelle « professionnelle » s’est largement répandue. Il s’agit d’un poison mortel pour la création culturelle et pour le monde du divertissement. Le pirate professionnel est celui qui met à la disposition du public, sans autorisation, une oeuvre ou un événement protégé et qui tire un revenu ou un avantage direct de son activité par exemple, par abonnement ou par la publicité.

* Auteur du livre « Numérique : de la révolution
au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions

Après Zone-Téléchargement, légalisation du partage ?

En fait. Depuis le 6 décembre, soit une semaine après la fermeture du site Zone Téléchargement (ZT) accusé de pirater des œuvres, la rumeur s’est intensifiée sur l’arrêt imminent du non moins connu site de téléchargement « torrent » français, Cpasbien. Certains en appellent à la légalisation du partage.

En clair. C’est pas bien. Après le site web Zone- Téléchargement (ZT) fermé par la gendarmerie nationale le 28 novembre dernier, le prochain sur la liste – car lui aussi accusé par les ayants droit (Sacem (1), Alpa (2), …) de pirater des œuvres musicales ou cinématographiques – serait cette fois Cpasbien. Comme bien d’autres, ces sites de partage de warez – comprenez : des contenus numériques piratés que l’on désigne par ce surnom issu de where is (où est) et ware (marchandise) – échappent aux radars de l’Hadopi.
La réponse graduée est en effet circonscrite par la loi aux réseaux peer-to-peer (P2P). Comme ZT, après ses prédécesseurs The Pirate Bay, eMule, T411, Wawa-Mania, OMG Torrent ou encore What.cd, Cpasbien a préféré se déployer en proposant du direct download (DDL) pour accéder aux « .torrent » – ces fichiers de métadonnées contenant toutes les informations pour que les fichiers de musiques, de films, de jeux, voire de logiciels, soient téléchargeables (nom, taille, composition, adresse IP d’un serveur, …). Cpasbien, alias Torrent9, est prêt comme les autres à jouer au chat et à la souris avec des « sites miroirs ». Les deux jeunes administrateurs de ZT risquent gros.
« Ce ne sont pas Thibault et Wilfrid qui ont créé le préjudice, mais les utilisateurs », a déclaré leur avocat toulousain Simon Cohen qui en appelle à « une réponse judiciaire graduée » (3). C’est dans ce contexte de répression judiciaire contre le piratage que la question du partage sur Internet est revenue dans le débat, soit plus de deux ans après le rapport « intermédiaire » (non finalisé) de l’ex-secrétaire général de l’Hadopi, Eric Walter, sur la controversée « rémunération proportionnelle du partage » (4) (*) (**).
La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés numériques, monte au créneau pour plaider en faveur de la « légalisation du partage non-marchand [déjà préconisée par le rapport Lescure de 2013, ndlr], couplée à une redevance levée sur l’abonnement Internet des foyers, de l’ordre de 4 ou 5 euros par mois » (5). Pour l’un de ses représentants, le juriste et bibliothécaire Lionel Maurel, « les industries culturelles se battent depuis des années contre des monstres qu’elles ont elles-mêmes créés ». Licence globale, contribution compensatoire, contribution créative, redevance de partage, … Et si la campagne présidentielle pour 2017 s’emparait du débat ? @