Piratage : l’Hadopi a demandé au Conseil d’Etat une « étude juridique » sur l’évolution de la réponse graduée

Au moment où la réponse graduée franchit le seuil des 2.000 dossiers transmis à la justice depuis ses débuts, elle suscite de plus en plus d’interrogations sur son avenir face aux nouvelles pratiques de piratage. L’Hadopi, cantonnée au peer-to-peer, doit-elle être amenée à infliger des amendes ?

Selon nos informations, la Haute autorité pour la diffusion
des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi)
a demandé à deux maîtres de requêtes au Conseil d’Etat
– Bethânia Gaschet et Louis Dutheillet de Lamothe (1) – de
lui remettre d’ici fin novembre une « évaluation juridique des diverses propositions externes de modification du mode de sanction de la réponse graduée ». Cette étude leur est confiée
à titre individuel et ne constitue donc pas une saisine pour avis du Conseil d’Etat.

DRM en cause : près de 500 signalements à l’Hadopi

En fait. Le 12 juillet, l’Hadopi a indiqué à Edition Multimédi@ que le seuil des 500 signalements d’utilisateurs ayant rencontré des problèmes provoqués par les DRM (Digital Rights Management) devrait être dépassé avant la fin de cet été.
Le formulaire de dépôt de plaintes a été mis en ligne courant juin.

En clair. Selon nos informations, l’Hadopi reçoit en moyenne 5 à 12 signalements par jour provenant de son formulaire « DRM » (1) qu’elle a mis en ligne avant l’été afin de faire remonter les problèmes de lecture, de copie ou de transfert d’œuvres numériques : musique, film, série, livre, photo, jeu vidéo, logiciel, … Ces obstacles peuvent être dus à des mesures techniques de protection (MTP) ou DRM (Digital Rights Management), lesquelles permettent aux industries culturelles de protéger les œuvres et d’en empêcher le piratage.
L’Hadopi nous indique avoir enregistré près de 250 signalements en moins d’un mois depuis le lancement du questionnaire : «A ce rythme, le seuil des 500 signalements sera dépassé d’ici la fin de l’été. Ce nombre est propre à fournir un échantillon suffisamment représentatif ». A partir de ces premiers signalements, l’Hadopi va
« analyser la typologie des difficultés les plus fsouvent évoquées par les internautes,
et favoriser des solutions adaptées aux requêtes les plus fréquentes et les mieux justifiées ». La première cartographie de ces MTP porte actuellement sur le livre numérique, en coopération avec le Syndicat national de l’édition (SNE). Premières décisions au troisième trimestre. De par la loi (2), l’Hadopi – héritière en 2009 des pouvoirs de régulation des MTP, auparavant confiés à l’ex- ARMT créée en 2006
– doit faire en sorte que ces verrous numériques ne limitent pas les usages « au-delà de ceux correspondant aux besoins exprimés par les titulaires de droits ». Autrement dit, l’autorité de la rue du Texel est tenue de veiller et d’empêcher que les œuvres ne soient pas verrouillées au détriment du droit des consommateurs à la copie privée (exception au droit d’auteur). De plus, bien que la directive européenne DADVSI de 2001 ne le prévoit pas (3), elle veille aussi à ce que les MTP n’empêchent pas l’interopérabilité. Depuis sa création, l’Hadopi n’a été saisie que quatre fois (trois avis
et un règlement de différend) sur des questions d’interopérabilité (VideoLan), de MTP
(à la BnF), de copie privée (programmes TV) et d’exception pour les handicapés. Désormais, les utilisateurs (4) peuvent saisir en ligne l’Hadopi sur ces problèmes de DRM. Le site Offrelégale.fr a d’ailleurs recueilli 1.500 commentaires à ce propos depuis son ouverture en 2013. Mais, comme l’a montré en 2016 une étude GfK pour l’Hadopi, la majorité des consommateurs ignore ce dont il s’agit (lire aussi p. 5). @

Contrefaçon : comment la Sacem et l’Alpa sont venues à bout du site web de piratage T411

Considéré comme le premier site web de BitTorrent en France, T411 aurait causé un préjudice total de plus de 1 milliard d’euro si l’on en croit les ayants droit de
la musique et de l’audiovisuel. Après avoir contourné à l’étranger les blocages ordonnés en 2015 en France, T411 semble cette fois KO.

Piratage sur Internet : le filtrage obligatoire des contenus devant les eurodéputés

Le Parlement européen va bientôt se prononcer sur le projet de directive « Droit d’auteur dans le marché unique numérique », actuellement examiné par ses différentes commissions. C’est l’occasion de se pencher sur l’article 13 qui fait polémique en matière de lutte contre le piratage. Il pourrait être supprimé.

« L’article 13 prévoit l’obligation, pour les prestataires de services de la société de l’information qui stockent et donnent accès à un grand nombre d’œuvres et autres objets protégés, chargés par leurs utilisateurs, de prendre des mesures appropriées et proportionnées pour assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits et pour empêcher la mise à disposition, par leurs services, de contenus identifiés par les titulaires de droits en coopération avec ces prestataires », avait expliqué la Commission européenne dans ses motifs lors de la présentation il y a six mois de son projet de réforme du droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Hadopi : plus de 300 M€ d’indemnisation pour les FAI ?

En fait. Le 15 mars, est paru au J.O. l’avis de l’Arcep sur le décret – publié le 11 – actant l’indemnisation des FAI pour les compenser des surcoûts engendrés par les identifications (demandées par l’Hadopi) de certains de leurs abonnés repérés comme piratant de la musique ou des films sur Internet.

En clair. Cela va coûter cher à l’Etat et dans une moindre mesure à l’Hadopi. Selon nos calculs, le surcoût potentiel total que l’Hadopi aurait dû payer aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) depuis le début de la réponse graduée en septembre 2010 s’élèverait au 31 janvier 2017 (derniers chiffres publiés de la CPD) à au moins… 304,7 millions d’euros !
Cette somme a simplement été obtenue en multipliant les plus de 8,1 millions de premiers e-mails d’avertissements (8.126.738 exactement), que l’Hadopi a envoyés de façon cumulée depuis 2010, avec les 37,5 centimes d’euros que Bouygues Telecom avait obtenus du Conseil d’Etat en avril 2016 pour compenser ses surcoûts engendrés par l’identification de 2,4 millions d’adresses IP de ses abonnés ayant piraté en cinq ans. Ayant également saisi la haute juridiction administrative, Free devrait aussi bénéficier du même traitement compensatoire, en attendant que les autres FAI (Orange, SFR, …) demandent à leur tour leur dû à l’Etat. Bouygues Telecom a obtenu près de 1 million d’euros de dommages et intérêts (1). La dette « Hadopi » de l’Etat envers les FAI concurrents, plus gros, augmentera d’autant plus la facture. L’Arcep
a d’ailleurs précisé dans son avis du 13 décembre 2016 que « plusieurs centaines d’opérateurs [FAI] sont donc susceptibles de recevoir des demandes d’identification
de l’Hadopi ». L’Hadopi, elle, n’aura pas à régler cette note salée théorique de plus de 300 millions d’euros car le décret du 9 mars – de compensation des surcoûts des opérateurs Internet dus à la réponse graduée – n’est pas rétroactif et ne s’applique que pour les identifications des adresse IP depuis le 12 mars dernier.
Surtout, le décret décide que cette compensation ne sera pas calculée à l’adresse IP identifiée mais selon une indemnisation forfaitaire. Cela va dans le sens souhaité par l’Hadopi, laquelle dispose d’un budget annuel de 9 millions d’euros. Un arrêté – qui reste encore à publier au J.O. (2) – fixe cette tarification applicable aux prestations assurées par les FAI. Pour les surcoûts fixes liés aux systèmes d’information, le projet d’arrêté prévoit une compensation forfaitaire annuelle de 80.000 euros (hors taxe) par opérateur Internet. Pour les surcoûts de personnel, il fixe à 160 euros pour chaque traitement de volume, et 18 euros pour les demandes individuelles. @