Des téléchargements aux réseaux sociaux : la liberté du salarié sous contrôle

Avec l’accès à Internet, les sites de téléchargement et les réseaux sociaux, le
lieu de travail est plus que jamais ouvert sur l’extérieur. Face aux risques liés
aux contenus illicites, comment le contrôle de l’employeur peut-il s’exercer
sans empiéter sur les libertés du salarié ?

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, Bâtonnier désigné, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

Des Labs à l’Hadopi 3 : y aller par cinq chemins ?

En fait. Le 2 février, l’Hadopi a inauguré ses cinq « Labs » qui sont des « ateliers
de recherche » collaboratifs, pilotés chacun par des « experts indépendants ». Premières copies rendues fin juin. Edition Multimédi@ était présent, notamment
à la première table-ronde « Economie numérique de la création ».

En clair. « L’inscription des Labs dans une institution de la République est une première en France ; d’autant que l’Hadopi est la seule institution dans le monde à
être dédiée aux droits d’auteur », a déclaré Eric Walter, secrétaire général de l’Hadopi, qui est à l’origine de cette démarche collaborative originale qui va durer un an. Selon Nathalie Sonnac (1), qui pilote le Lab sur l’économie numérique de la création, c’est en février 2012 que les travaux de réflexions des cinq Labs (2) doivent être finalisés. Entre temps, chaque Lab devra « restituer un point d’étape d’ici fin juin ». Et après ? En marge de l’événement, nous avons demandé à Marie-Françoise Marais, présidente de l’Hadopi, si elle n’allait pas ensuite transmettre le tout à l’Elysée qui réfléchit à une loi
« Hadopi 3 » pour ne pas en rester au sentiment de répression. « Nous sommes une autorité administrative indépendante ; nous verrons si nos travaux intéresseront l’Elysée ; mais nous nous parlerons sûrement », a-t-elle assuré. Lors d’un déjeuner
à l’Elysée avec des acteurs de l’Internet le 16 décembre dernier, Nicolas Sarkozy se serait dit disposé à rendre « plus présentable » (3) les lois Hadopi 1 et son volet pénal Hadopi 2 publiés en 2009. Depuis, le spectre d’une « Hadopi 3 » plane sur l’Internet et l’autorité. « C’est un peu négatif de penser cela », a estimé Nathalie Sonnac à la même évocation d’une éventuelle Hadopi 3. Quoi qu’il en soit, l’une des taches de la table ronde sur l’économie numérique de la création est – selon son animatrice – de
« réfléchir [avec les producteurs] à des incitations pour conduire un internaute vers de la diversité et de la qualité, plus facilement que d’aller pirater ». Pour David El Sayegh, DG du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), participant, cela peut être « baisser la TVA [sur les biens culturels en ligne, ndlr] car dans la chaîne de valeur, c’est l’Etat qui marge le mieux ; personne ne fait 20 % de marge »… Pour Jérôme Roger, DG de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), également présent, « on ne peut pas construire un modèle économique sur la gratuité, qui doit rester complémentaire ». Quant à Jean Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il a préciser que « la piraterie était à prendre en compte lorsque l’on monte des modèles économiques ».
La réflexion « transversale » ne fait que commencer. Reste à savoir si la montagne ne
va pas accoucher d’une souris… @

Pourquoi le Midem 2011 n’était toujours pas à la fête

En fait. Le 26 janvier s’est achevé à Cannes le 45e Marché international de la musique et de l’édition musicale (Midem) pour plus de 7.000 professionnels de
la filière. Celle-ci continue de s’inquiéter pour son avenir. La musique s’écoute désormais partout mais le piratage perdure.

En clair. Jean qui rit et Jean qui pleure. Le numérique musical explose puisqu’il représente, selon le rapport annuel de l’IFPI (1), près de 30 % du chiffre d’affaires du marché mondial de la musique, soit une hausse de 6 % sur un an à 4,6 milliards de dollars. La musique est la seconde industrie culturelle à avoir une telle proportion
– 29 % précisément – de ses revenus provenant des ventes numériques, derrière les jeux (39 %) et loin devant la presse (4 %), les livres (2 %) et le cinéma (1 %). Au cours de cette année 2011, la musique digitale pèsera pour la première fois un tiers du marché global (contre un petit 2 % en 2004). La croissance cumulée de la musique numérique entre 2004 et 2010 atteint… 1.000 % ! Le nombre de plateformes légale dépasse les 400 services (contre moins de 60 en 2004) et le nombre de titres disponibles dans les catalogues numériques atteint les 13 millions (contre tout juste
1 million en 2004). La mobilité domine les modes de consommation : si 79 % des mélomanes l’écoute dans leur salon (télé, hifi, console, lecteur de DVD, …) et 46 % sur leur ordinateur, 76% l’écoute dans leur voiture, 39 % sur leur tablette et 20 % sur leur mobile. La tendance – appelée «Cloud Music » (2) – est de ne plus être dépendant d’un appareil mais de pouvoir passer d’un terminal à un autre comme le propose Music Unlimited de Sony, Catch Media de Carphone Warehouse, l’américain mSport, Deezer avec Orange, et bientôt Google Music. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Hélas, le marché mondial de la musique – physique et numérique cumulée –
a décliné en valeur de 31 % depuis que le début de la montée en charge du numérique il y a huit ans. Rien qu’entre 2009 et 2010, la chute est 8,5 % à environ 15,8 milliards de dollars. France Moore, DG de l’IFPI, n’hésite pas à rejeter la quasi-totalité de la faute sur le piratage. L’IFPI cite une étude menée sur Limewire qui affirme que 98,8 % des musiques téléchargées sont illicites ! En France, malgré l’Hadopi, le bilan n’est pas meilleur : le marché de gros total a reculé de 5,9 % en 2010 à 554,4 millions d’euros, selon le Snep (3). La musique numérique, qui a progressé de 16 % à
88,1 millions (y compris 600.000 abonnements), ne compense pas la baisse de 8,9 %
des ventes physiques. Avec seulement 50.000 unités vendues, la carte musique déçoit. La faute au piratage ? Selon une étude de l’Hadopi rendue publique le 23 janvier au Midem, près de la moitié des internautes déclarent télécharger illégalement… @

Puce antipiratage d’Intel : plus qu’une empreinte

En fait. Le 5 janvier, le numéro un mondial des fabricants de microprocesseurs pour PC, l’américain Intel, a présenté Sandy Bridge. Il s’agit d’une puce graphique haute définition dans laquelle est imprimé dans le silicium un système anti-piratage de films qui séduit déjà les producteurs de cinéma.

En clair. La puce anti-piratage, qui va se retrouver sur les ordinateurs – mais aussi à terme sur des « boxes » multimédias –va-t-elle résoudre pour autant le téléchargement illégal de films sur Internet ? Sera-t-elle plus efficace que les empreintes numériques telles que Content ID de YouTube ou Signature de l’INA (1) ? « Cette solution ne concernera, par définition, qu’une petite partie du parc des internautes, en fonction du renouvellement progressif – et lent – du parc d’ordinateurs. Inversement, nos solutions de “fingerprinting“ sont par définition universelles puisqu’elles opèrent au niveau du serveur luimême. Elles permettent donc de ‘filtrer’ absolument tous les téléchargements, indépendamment de l’équipement des contributeurs… », indique Cédric Tournay, PDG de Dailymotion, à Edition Multimédi@. Intel, dont les puces sont présentes dans huit PC sur dix dans le monde, a misé sur « Sandy Bridge » pour réaliser avec plus d’un tiers de ses ventes dès cette année auprès des fabricants de PC, de consoles de jeux, de « boîtiers » de salon ou encore de smartphones. Mais il faudra du temps pour que son utilisation soit significative, en raison du rythme lent de renouvellement du parc des terminaux.
Les tatouages digitaux comme Signature ou Content ID – qui existent depuis 2007 –
ont l’avantage d’être compatibles avec tous les terminaux. TF1, EuropaCorp, Canal+
ou encore TDF utilisent déjà Signature. Tandis qu’ils sont plusieurs centaines de clients
à avoir adopté Content ID, dont M6, EuropaCorp ou Pathé en France (2). Reste à savoir si la puce antipiratage dans le cinéma subira-t-elle le même sort que les systèmes de gestion des droits numérique DRM (Digital Right Management) qui ont été finalement abandonnés par la musique car « contre-productifs » ? Boudés par les internautes et considérés finalement par la filière musicale comme un « frein » au développement des plateformes légales de téléchargement, les DRM avaient en effet été abandonnés. Cette fois, ce DRM est posé par Intel au coeur d’un microprocesseur avec la complicité des studios d’Hollywood (20th Century Fox, Warner Brothers, DreamWorks, …). Objectif : lutter à la source contre le piratage en ligne. L’ordinateur
de l’internaute deviendrait ainsi son meilleur ange gardien ! – si tant est que cette sentinelle des droits d’auteur – verrou « propriétaire » greffé au cœur du terminal censé être ouvert et neutre – puisse être pleinement acceptée par les internautes eux-mêmes. @

Nicolas Sarkozy et l’Hadopi, une déjà longue histoire

En fait. Le 5 octobre, le président de la République en visite dans l’Essonne a déclaré à des lycéens – en présence de la direction de l’Hadopi : « Je ne laisserai pas détruire le livre, je ne laisserai pas détruire le disque, je ne laisserai pas détruire le cinéma, c’est trop important pour notre pays ».

En clair. Pour la présentation de la plateforme de films en ligne « Ciné-lycée » (1), créée à son initiative, Nicolas Sarkozy était non seulement accompagné de plusieurs ministres (Culture, Education, Economie numérique, …) mais aussi par la présidente
et le secrétaire général de l’Hadopi (2), respectivement Marie-Françoise Marais et Eric Walter. Quatre jours après l’envoi des premiers e-mails d’avertissement par Bouygues Telecom et Numericable, aux internautes suspectés de piratage d’œuvres protégées,
le président de la République s’est exprimé pour la première sur le sujet face à des lycéens. « Quand un créateur crée une chanson, une musique, un film, un livre, il est protégé, ça lui appartient, il doit être respecté et on ne lui vole pas. (…) Mon rôle, comme celui du ministre de la Culture, c’est de défendre la création, sa liberté, bien
sûr, mais aussi son équilibre économique, sinon il n’y a plus un film qui se montera, sinon il n’y a plus une maison d’édition qui publiera un livre. (…) Si on laisse le pillage que représente le piratage prospérer (…) il n’y aura plus de cinéma, il n’y aura plus de disques, il n’y aura plus de livres, il n’y aura plus de créations. (…) Si on autorise le vol, on détruit le processus de la création (…) Je ne laisserai pas détruire le livre, je ne laisserai pas détruire le disque, je ne laisserai pas détruire le cinéma, c’est trop important pour notre pays », a-t-il pris le temps d’expliquer.
Nicolas Sarkozy est l’artisan de la loi Hadopi, laquelle est l’aboutissement de la signature des accords de l’Elysée en novembre 2007 préparés par la mission Olivennes (3). A noter que la vidéothèque Cinelycee.fr affiche en haut de la page d’accueil le logo de l’Hadopi avec la mention « Tout savoir sur la loi Hadopi » renvoyant sur le site de la haute autorité. Il n’en a pas fallu plus pour que Marie-Françoise Marais et Eric Walter citent les propos du chef de l’Etat en introduction de leur conférence de presse organisée l’après-midi même rue de Texel. Il y a été surtout question du lancement d’ici six à huit mois d’un « portail de référencement des offres légales » (gratuite ou payante, musique ou cinéma) et pour les internautes « d’outils de sécurisation ». En outre, un appel à candidatures pour recruter des « experts indépendants » pour constituer cinq
« Labs » où il sera question notamment de filtrage, d’économie numérique ou encore de propriété intellectuelle. @