Musique en ligne : Spotify et Deezer donne le « la »

En fait. Le 30 janvier, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)
a publié – lors du Marché international du disque et de l’édition musical (Midem) – le bilan 2011 pour la France : le marché de la musique enregistrée chute de 3,9 % sur un an, mais les ventes numériques font un bond de 25,7 %.

En clair. Pour la première fois, le marché français de la musique en ligne a franchi allègrement la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier (pour atteindre 110,6 millions précisément). Soit le double par rapport à 2007. Ces chiffres
de ventes en gros que publie le Snep – lequel fête cette année ses 90 ans avec ses
48 membres, dont les majors (Universal Music/EMI, Sony et Warner) – sont plus ou moins cohérents avec les chiffres de détail que publiait jusqu’à maintenant l’Observatoire de la musique avec GfK. Le Centre national de la musique (CNM),
qui a été lancé au Midem par Frédéric Mitterrand et les représentants de la filière, devrait être en effet le seul à publier par la suite les chiffres de la musique en France (1). Mais globalement, la filière musicale n’accuse pas un recul des ventes de 3,9 % mais de bien plus. Selon nos calculs, qui mettent à part les « droits voisins » (2) ayant généré 94 millions d’euros l’an dernier (+ 6,8 %), plus dure a été la chute : – 5,6 % sur un an. Toujours hors droits voisins, la part de marché du numérique a dépassé l’an dernier le seuil des 20 % (à 21,1 % précisément) du total des ventes physiques et numériques (hors droits voisins, soit 523,2 millions d’euros). Si l’industrie musicale a passé ce cap numérique, c’est grâce en premier lieu aux formules d’abonnements qui affichent la plus fortes des hausses établies sur l’an dernier : 89,4 % de croissance sur un an, à 25,9 millions d’euros. Il s’agit pour l’essentiel des abonnements Internet (hors téléphonie mobile), qui explosent de… 198 % en un an à 22,4 millions d’euros. Les abonnements mobiles, eux, restent encore modestes à 3,4 millions d’euros. Autrement dit, Deezer (partenaire d’Orange) et Spotify (partenaire de SFR) mènent la danse dans la progression des ventes numériques. Il faut dire que les majors du disque (Universal Music en tête) ont réussi à imposer à ces plateformes – dont elles sont pour certaines actionnaires minoritaires – d’instaurer des abonnements payants et de limiter le nombre d’écoutes gratuites. Et ce, sous peine de perdre tout le catalogue en question. Selon le Snep, « le modèle économique basé sur la gratuité/publicité doit se renforcer et se pérenniser grâce aux formules d’abonnement payantes ». Cela n’empêche pas le streaming gratuit financé par la publicité en ligne de progresser de plus de 50 % à
13,9 millions d’euros. @

Taxe pour la copie privée : sans le piratage en ligne ?

En fait. Le 29 novembre, les députés ont voté en faveur du projet de loi sur la rémunération de la copie privée. Il établir un nouveau cadre législatif en excluant notamment des calculs de la commission « Hadas-Lebel » la copie privée des œuvres piratées. Cela lui impose de réaliser des études d’usages.

En clair. Il était temps ! Surtout que les sénateurs vont adopter à leur tour in extremis ce texte le 19 décembre… C’est en effet à partir du 22 décembre prochain que la commission « copie privée » et la plupart de ses barèmes de rémunération allaient devenir hors-la-loi. La taxe pour copie privée, qui rapporte environ 180 millions d’euros par an aux ayants droits (1), était ainsi remis en cause par le Conseil d’Etat le 17 juin dernier, à la suite
d’un arrêt du 21 octobre 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne exemptant
les supports acquis pour un usage professionnel de la « taxe » copie privée (2). Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat porte un coup fatal à la commission baptisée
« Albis » (du nom de son ancien président jusqu’en octobre 2009), puis « Hadas-Lebel » (son successeur). En effet, la Haute juridiction administrative – saisie par le Simavelec
(3) – avait annulé le 11 juillet 2008 toutes les décisions de la commission qui dépend
de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation). Car elle n’aurait pas dû établir ses barèmes sans exclure de ses calculs les musiques ou les films téléchargés illégalement sur Internet et les réseaux peer-to-peer. Résultat : le premier article du
projet de loi stipule que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies
« réalisées à partir d’une source licite ». Encore faut-il des « enquêtes » sur les usages
de chaque type de support. Le texte prévoit donc que non seulement « le montant de la rémunération [taxe mentionnée sur l’étiquette lors de l’achat, ndlr] est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement qu’il permet », mais aussi – est-il rajouté à l’article 3 – que « ce montant est également fonction de l’usage de chaque type de support ».
« Cet usage est apprécié sur le fondement d’enquêtes ». Chaque support à taxer doit donc faire l’objet d’une étude d’usages soit préalable, soit dans certains cas « objectifs » dans un délai d’« un an à compter de cet assujettissement ». Par exemple, selon nos informations, la commission « Hadas-Lebel » a reçu en novembre une étude sur les disques durs multimédias, l’une des douze enquêtes confiées à l’institut de sondages CSA. Les smartphones, les tablettes, les enregistreurs vidéo de salon ou encore les
box des FAI auront chacun une étude d’usages. @

Europe : non au filtrage généralisé, oui à Hadopi

En fait. Le 24 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) publie
un arrêt dans laquelle elle répond que « le droit de l’Union s’oppose à une injonction faite à un [FAI] de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services ».

En clair. Il a suffit à la Cour de justice européenne de se référer à la fameuse directive « Commerce électronique » de juin 2000 pour interdire tout fournisseur d’accès à Internet (FAI) de généraliser le filtrage sur « son réseau » – via l’analyse systématique de tous les contenus et l’identification des adresses IP. Dans son article 15 intitulé « Absence d’obligation générale en matière de surveillance », cette directive promulguée il y a plus
de dix ans (1) stipule que « les États membres ne doivent pas imposer aux [FAI] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Chaque pays des Vingt-Sept peut tout juste obliger les FAI « à informer promptement les autorités publiques compétentes d’activités illicites alléguées (…) ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations (…) ». C’est ce que pratique l’Hadopi en France, par exemple, avec les données collectées par la société TMG… De plus, la CJUE a estimé qu’ »une telle obligation de surveillance générale serait incompatible » avec une autre directive et non des moindres dans cette affaire Sabam contre Scarlet : à savoir la directive « Propriété intellectuelle » du 29 avril 2004 (2), selon laquelle « les mesures [pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle] ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ». Ce qui n’est pas le cas du filtrage généralisé. Et comme si cela ne suffisait pas, les juges européens en appellent à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne signée le 7 décembre 2000 et devenue « force juridique obligatoire » depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009.
« La protection du droit de propriété intellectuelle est certes consacrée [par] la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3). Cela étant, il ne ressort nullement (…) qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue », estime la CJUE. Les Etats membre sont ainsi appeler à « assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit [d’auteur] et celle des droits fondamentaux de personnes » et sans porter atteinte à la « liberté d’entreprendre » (prévue dans la Charte) des FAI. @

Le cinéma veut une « plateforme de suivi de la VOD » et un forum « TV connectée »

Selon nos informations, l’APC – qui par ailleurs passe à l’offensive contre les sites de streaming pirates – espère pouvoir lancer en 2012 une plateforme de suivi en temps réel de la VOD, pour les films, et demande aux pouvoirs publics de créer un forum consacré à la télévision connectée.

Par Charles de Laubier

Dans deux contributions – l’une du 7 octobre pour le « Plan France numérique 2020 » mis en ligne lors de 4e Assises du numérique, l’autre du 28 septembre pour la « mission sur la télévision connectée » que Edition Multimédi@ s’est procurée –, l’Association des producteurs de cinéma (APC) fait des propositions pour que les films soient valorisés et protégés sur les réseaux. Deux d’entre elles concernent respectivement la vidéo à la demande (VOD) et la TV connectée.

L’échec de la carte musique devrait inquiéter la filière

En fait. Le 25 novembre, la « carte musique » – lancée il y a un an par le gouvernement pour favoriser les plateformes légales au détriment du piratage –
est rendue disponible au format d’une carte physique, faute d’avoir séduit en ligne les 12 à 25 ans : « plus de 50.000 cartes » ont été vendues.

En clair. Le gouvernement est très loin de son potentiel initial d’atteindre le million d’utilisateurs par an, comme l’avait fixé le décret du 25 octobre 2010, après l’obtention
du feu vert de la Commission européenne quelques jours plus tôt. Le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a indiqué fin novembre que les ventes s’établissaient à « à peine plus de 50.000 cartes musiques » sur Lacartemusique.fr depuis son lancement, pour quelque 50 millions d’euros de recettes (1). « Son ergonomie était trop compliquée », avait reconnu Frédéric Mitterrand le 20 mai dernier dans
Le Figaro, avant d’en simplifier le dispositif « en trois clics ». Après l’échec du début d’année, c’est aujourd’hui la déception. L’absence de budget de promotion y a grandement contribué.
Paradoxe : le gouvernement tente aujourd’hui de relancer cette carte musique de vente
de musique dématérialisée, en la commercialisant dans un format physique dans des points de vente (2). A 10 ou 25 euros, le jeune internaute pourra acheter 20 ou 50 euros de musique en ligne. Sans préjuger du résultat de la prochaine campagne de publicité confiée à Euro RSCG, la « carte musique jeune » gouvernementale fera-t-elle le poids face aux cartes iTunes – matérialisée elles aussi ? La plateforme de musique en ligne d’Apple est en position dominante sur le marché français et dispose du catalogue le plus étoffé de la place avec 20 millions de titres ! Et en proposant de gérer aux internautes de gérer leur discothèque personnelle avec iTunes Match dans le « cloud », Apple devrait s’imposer encore plus face à ses rivaux internationaux que sont Amazon (17 millions de titres), Spotify (15 millions) ou Deezer/Orange (7 millions).
La carte musique part en plus avec un handicap budgétaire : le 15 novembre, les député ont adopté un amendement dans le projet de loi de finance 2012. Il empêche le gouvernement de reporter sur 2012 les crédits de paiement disponibles en 2011. Pour la carte musique, 10,9 millions d’euros sont ainsi supprimés sur 20 millions – soit la moitié du budget. « [La carte musique] n’a pas produit les effets escomptés puisque, sur 25 millions d’euros de dépenses prévues pour 2011, les deux tiers n’ont pas été consommés faute d’attirer suffisamment les jeunes internautes », justifient les députés, lesquels reprochent en outre à la carte musique de ne pas soutenir la création. @