Le traité ACTA en Europe : entre vote et justice

En fait. Le 26 janvier, l’Union européenne et 22 de ses Etats membres – France comprise – ont officiellement signé au Japon l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). Et ce, malgré l’opposition à ce traité international controversé qui devra maintenant être ratifié – ou rejeté – par les eurodéputés.
A moins que…

En clair. C’est enfin la dernière ligne droite pour le traité international ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), dont les négociations laborieuses s’étaient achevées le 15 novembre 2010 (1). Maintenant que les ministres européens de… l’Agriculture et de la Pêche (sic) l’ont adopté le 16 décembre dernier lors d’une réunion du Conseil de l’Union, les eurodéputés sont « autorisés » à signer ce texte avec l’Australie, le Canada, le Japon, la République de Corée, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et les Etats-Unis (2). L’ACTA vise à établir un cadre international pour renforcer les droits de propriété intellectuelle et notamment protéger les œuvres (musiques, films, …) contre le piratage sur Internet.
Il s’agit donc de « promouvoir la coopération entre fournisseurs de services [réseau Internet et contenus Web, ndlr] et détenteurs de droits [culturels et audiovisuels, ndlr]
afin de s’attaquer aux atteintes relatives aux droits dans l’environnement numérique », précise le texte, qui prévoit « des procédures pénales et des peines », ainsi qu’une
« responsabilité pénale au titre de la complicité » des intermédiaires. Et ce, pour « les actes délibérés de contrefaçon (…) commis à une échelle commerciale ».
Non seulement les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) mais aussi tous « fournisseur
de services en ligne » (des Google aux Dailymotion, en passant par les BitTorrent ou les Megaupload) pourront être obligés – par « une autorité compétente chargée du respect des droits de propriété intellectuelle » (sur le modèle de la Hadopi ?) – de
« divulguer rapidement au détenteur du droit des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné » pris en flagrant délit de piratage. Ce sont ces mesures pénales dans un accord commercial que fustigent les opposants à ce texte comme la Quadrature du Net (3) ou les eurodéputés du parti politique Europe Ecologie Les Verts. Ces derniers ont déclaré le 21 décembre dernier qu’ils avaient déposé un recours devant la Cour européenne de Justice pour lui demander d’évaluer la légalité du traité ACTA. Et de, « avant que le Parlement européen ne soit amené à ratifier cet accord ». La justice devra donc dire si l’ACTA contesté est ou non contraire aux dispositions de la Charte européenne des droits fondamentaux et de la Convention européenne des Droits de l’Homme. @

Comment Apple profite de l’action de la Hadopi

En fait. Le 23 janvier, La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) s’est félicitée de l’étude annuelle publiée par la Fédération internationale de l’industrie cinématographique (IFPI) qui « démontre
les effets positifs (…) de la réponse graduée ». Et sur iTunes ?

En clair. S’il y a une plate-forme de musique en ligne qui profite pleinement de la réponse graduée, c’est bien Apple. « La France est le pays (parmi les six autres pays européens étudiés) dans lequel la progression des ventes de titres et d’albums sur iTunes a été la plus forte, avec respectivement de 22,5 % et 25 % », interprète d’ailleurs la Hadopi en reprenant des pourcentages cités dans le rapport Digital Music Report 2012 rendu public par l’IFPI (1). Ce que dit précisément l’étude universitaire mentionnée par l’IFPI, c’est que « les ventes d’iTunes en France ont été 22,5 % plus élevées pour les singles et 25 % plus élevées pour les albums que ce qu’elles auraient été en moyenne en l’absence de la Hadopi ». Ainsi, se félicite l’organisation internationale des producteurs de musique, « la Hadopi a eu un impact positive sur les ventes d’iTunes en France ». Les universités de Wellesley et Carnegie Mellon (Etats-Unis) ont en effet réalisé en 2011 une étude intitulée « Les effets de la réponse graduée sur les ventes de musique » où elles démontrent que « les ventes d’iTunes en France ont augmenté significativement au moment même où la prise de conscience de la Hadopi était à son plus haut, au printemps 2009, lorsque la loi était débattue à l’Assemblée nationale ». En France, le Syndicat nationale de l’édition phonographique (Snep) – membre de l’IFPI – constate lui aussi le poids grandissant d’iTunes. « Les ventes de titres et d’albums en téléchargement sont réalisées à 82 % par trois acteurs. Le premier d’entre eux est iTunes avec 61.9 % de part de marché en 2010 (contre 53.8 % en 2009 et 35.7 % en 2008) », précise-t-il dans son guide de l’économie de la production musicale publié en juin dernier. Résultat : iTunes a presque doublé sa part
de marché du téléchargement en deux ans ! En valeur, Apple et Amazon s’arrogent même à eux deux 72 % des 90,2 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2010 sur le marché français du téléchargement légal (2). L’IFPI constate – sans s’en inquiéter – que « la demande des consommateurs pour iTunes, le leader du marché, grandit sainement ». La position dominante d’Apple devrait s’intensifier avec son offre de « cloud computing » iTunes Match. Depuis le printemps 2010, Apple fait l’objet d’enquête antitrust aux Etats-Unis et en Europe, y compris en France de la part du l’Autorité de la concurrence…
A suivre. @

Bernard Miyet, Sacem : « Les perceptions de droits sur Internet ont plus que doublé en 2011 »

Alors que se tient à Cannes le Midem, marché international du disque et de l’édition musicale, le président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Bernard Miyet, dresse un premier bilan-perspective après plus de dix ans de mandat.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Après plus de dix ans à la tête de la Sacem, votre mandat s’achève d’ici l’assemblée générale du 19 juin au plus tard : quel bilan faites-vous de toute votre action, notamment face au numérique ? Que vous reste-t-il à accomplir, notamment via à vis de l’Europe : procès « Cisac », licences multiterritoriales, marché unique en ligne, … ?
Bernard Miyet :
La Sacem a rapidement pris la mesure de l’impact de la diffusion numérique pour la filière musicale, qu’il s’agisse des conséquences potentielles du piratage, de la nécessité de favoriser le développement des sites légaux ou
de l’exigence de modernisation de ses propres outils informatiques. Elle a dès le début négocié des accords avec les services de musique sur Internet, dont le nombre est aujourd’hui supérieur à 1.600, dont un contrat de licence paneuropéenne avec iTunes renouvelé jusqu’à présent depuis juin 2004. Cela ne signifie pas que le choc des cultures n’a pas été parfois frontal, dans la mesure où les acteurs du numérique connaissaient souvent très mal le droit d’auteur. Notre première tâche est toujours pédagogique pour leur faire comprendre et accepter la légitimité du droit d’auteur aussi bien que son respect. Il n’est pas surprenant que cela prenne du temps dans cet univers de diffusion bouleversé et instable. Sur le plan européen, nous attendons toujours la définition d’une politique claire et cohérente. Une directive sur la gestion collective est en gestation (1). Il faut espérer qu’elle permette de régler les difficultés résultant de la complexité induite – pour les utilisateurs comme pour les sociétés de gestion – par la fragmentation des répertoires, laquelle rend par exemple impossible pour une plateforme de musique en ligne l’obtention, auprès d’une seule société de gestion, de l’ensemble des droits mondiaux.

Arrêt de Megaupload versus dé-référencement d’Allostreaming : Etats-Unis et Europe s’opposent

Entre les actions judiciaires des ayants droits en Europe pour faire dé-référencer Allostreaming par les acteurs du Web et l’opération policière des Etats-Unis pour arrêter Megaupload et son fondateur, deux visions mondiales de la lutte contre le piratage sur Internet s’opposent.

Par Charles de Laubier

De l’autre côté de l’Atlantique : FBI, hélicoptère, menottes, saisie d’ordinateur et fermeture manu militari du site web Megauplead, mandats d’arrêt internationaux, sur fonds de deux projets législatifs américains controversés. De ce côté-ci de l’océan : ayants droits, assignation en justice et dé-référencement d’Allostreaming demandé via le juge, aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), aux moteurs de recherche et à d’autres acteurs du Web (1).

Steve Crossan, Google : « Etant basé à Paris, l’Institut culturel aura une touche un peu plus européenne »

L’Institut culturel que dirige Steve Crossan sera complètement opérationnel l’été prochain. Conforme à l’ambition mondiale de Google, il met en ligne photos, films, sons, documents ou encore manuscrits. Il en assure aussi la protection et laisse le contrôle total à ses partenaires culturels.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quelle est la mission et quelles sont les dernières créations de l’Institut culturel de Google ?
Steve Crossan :
L’Institut culturel a pour mission de développer des solutions d’hébergement, de visualisation et de numérisation, pour aider nos partenaires à promouvoir et préserver la culture en ligne. Son objectif est de développer – en partenariat avec les institutions culturelles de différents pays – une plateforme d’ingénierie et de produits afin de favoriser la conservation et l’accès aux contenus culturels à travers le monde. Ainsi,
en France par exemple, nous avons conçu décembre dernier – en partenariat avec le Pavillon de l’Arsenal – la plus grande maquette numérique au monde représentant le Grand Paris en 2020 grâce à Google Earth et à des modélisations des bâtiments en 3D. Le tout est visible sur 48 écrans de l’outil de visualisation Liquid Galaxy.
Nous sommes également partenaires de l’exposition « la France en relief » qui se tiendra le 18 janvier prochain au Grand Palais. Nous avons ainsi relevé le défi – avec des entreprises françaises expertes en numérisation, notamment Aloest et Westimages –
de numériser et mettre en ligne certains plans reliefs (datant du XVII au XIXe siècle)
des principales villes fortifiées françaises.?